Les illustrations

En ce début d’été 2019, notre équipe (formant le collectif GTFK) est prise de nostalgie… Mugen (Corentin Calvez) et Rasebelune (Florent Favard) prennent donc la plume pour revenir sur l’évolution du projet Krysalis et parler, non pas du jeu lui-même, mais du travail que nous avons mené, pour proposer une série de billets à quatre mains, en mode “méta”, retraçant près d’une décennie.

Le but est autant de revenir sur notre parcours pour celles et ceux qui connaissent un peu le projet, que d'exposer plus largement l'aventure que peut être la conception d'un jeu de plateau/de figurine lorsqu'on est une petite équipe de passionnés. Nous espérons ainsi que les obstacles que nous avons rencontrés, les astuces que nous avons trouvées, les idées que nous avons testées, pourront vous éclairer si vous souhaitez vous lancer dans un projet similaire, ou simplement si vous voulez en savoir plus sur l'univers du jeu de plateau/de figurines.

Relire : 3. Le scénario et les missions

Aujourd’hui, Mugen revient sur l’évolution de l’univers graphique du projet.

Au départ...

...Il y avait Matou et Trolkin, les rennais, qui bossaient sur le projet et avaient déjà en tête un univers plutôt contemporain et pulp avec quelques débuts de concepts d’humains et des monstres très insectoïdes.

Des premières pistes de monstres fourni par Maow Miniatures

On aimait bien l’idée du jeu contemporain voire légèrement futuriste, mais les monstres très insectes - malgré le côté amusant et série B - nous faisaient un peu penser à des méchants de Bioman : c’est une piste qu’on a mise de côté même si elle reste présente entre les lignes...

https://www.deviantart.com/trolkin/art/Old-military-158937243

La prise en main du projet par le GTFK et les premières années ont été très riches en character design, autant sur les monstres que sur les humains. Rasebelune avait en tête un casting façon série TV et donc une vision assez précise des personnages humains, proposant pour chaque une référence iconographique - on a souvent choisi des visages connus parmi les personnages secondaires de séries américaines.

Début des illustrations du Gtfkrou avec Cypop (Seeley Jones en haut à gauche,)
Mugen (Maubriant et sa chemise bleue) et Rasebelune pour le reste.

Côté monstres, on est partis sur un univers un peu plus glauque et dérangeant, un peu mutant, mais en restant dans un esprit insectoïde - plus précisément en nous inspirant des apocrites (on vous laisse googler, entomophobes s’abstenir). C’est là que l’équipe a eu des avis divergents.

Lich voulait orienter le design vers des concepts encore plus glauques, très zombie et Silent Hill dans l’esprit avec des anatomies déformées et des morceaux de chitines qui débordent. C’est une piste qu’on aime toujours mais qui n’était pas forcément celle qu’on a le plus suivi, surtout que le zombie et le difforme est très à la mode côté jeu de figurine : on voulait quelque chose de différent.

La vision cauchemardesque de Lich, des monstres malsains qu'on aime toujours beaucoup mais la piste n'a pas été suivie.

Le reste de l’équipe est donc parti vers un monstre insectoïde mutant avec différentes déclinaisons, notamment de Mugen et de Cypop. On sentait quelques détails revenir régulièrement dans nos concepts : les côtes qui ressortent et l’abdomen rétréci, des hanches assez large pour reprendre les silhouettes de certains type d’insectes, des plaques de chitine et des pics. Et ces jambes en trois parties avec des pieds allongés qui sont finalement très classiques sur ce genre de monstres en fantasy et en SF.

Le travail de Cypop sur les monstres.

De son côté, Bof, qui aime les volumes et la couleur, nous proposait des concepts de gros monstres ou des synthèses des différents éléments qu’on proposait, avec quelques créatures qu’on a mises de côté et qu’on imagine bien en extensions à notre modèle de base. Nos monstres ont pris forme gentiment et ce sont les concepts de Cypop qui sont devenus les références pendant un temps.

Des pistes de Bof

Une uniformisation à double tranchant

Même après plusieurs années, et malgré des illustrations très intéressantes de l’équipe, nous n’avions pas encore un niveau graphique que l’on trouvait satisfaisant pour que le jeu soit publié. De surcroît, les visuels avaient tous un style différent du fait de notre travail à plusieurs, et nous cherchions une cohérence graphique pour faire avancer le projet.

C’est alors qu’on a eu la chance, via le site Deviantart, de pouvoir commander 18 illustrations à Zeen Chin, un artiste malaisien. Cette opportunité a été saisie rapidement parce que l’artiste n’avait que quelques places dans son planning pour réaliser rapidement des concepts à un prix très intéressant.

La série complète de 18 illustrations de Zeen.

L’équipe avait enfin une base de travail “pro”, un style intéressant quoiqu’un peu trop typé. C’était alors ce qu’on avait de plus abouti pour présenter nos personnages.

Cette uniformisation a coïncidé avec le moment où une partie de l’équipe s’est un peu éloignée du projet pour diverses raisons et nous avons perdu des apports précieux sur le design et la direction artistique. Bof, Lich et Cypop n’étaient plus tout à fait en phase avec la forme que prenait le projet comparé à ce qu’ils souhaitaient/pouvaient apporter, puisqu’un choix avait dû être fait. Il ne s’agissait même pas de désaccords, mais plus de directions divergentes : Bof continuait à progresser dans un style nettement différent, toujours axé sur les volumes et le speed painting ; Lich avait peu de temps pour nous et une vision toujours très sombre et violente ; Cypop s’orientait vers un style évoquant plutôt la BD franco-belge.

Envies et directions nouvelles

Au fil des années, à mesure que le projet avançait plus doucement, un autre problème s’est posé. Malgré ces chouettes illustrations et les colorisations fournies par l’équipe, nous n’étions pas complètement satisfaits des humains et de leur design : trop similaires, trop fins, pas assez réalistes. Et le design du Tank notamment ne convenait pas au style qu’on imaginait.

Alors que le prototype du jeu avance encore et que les illustrations de Zeen restent à ce jour la base de travail, nous avons continué à réfléchir et avons notamment cherché à avoir des personnages moins caricaturaux et plus intéressants. Bof, notre illustrateur, a beaucoup travaillé pour nous sortir certains personnages sous une forme définitive qu’on appréciait, car plus “réaliste”, du point de vue du style comme de l’allure des personnages.

Les derniers concepts réalisés par Bof pour le projet

C’est aussi un long travail que nous avons entrepris pour changer l’image des personnages du projet. Nous avons pris conscience de pas mal de défauts sur les idées d’origine, des biais sexistes sur les fringues ou le physique de top model de nombreux personnages par exemple. Ce n’était plus satisfaisant et après tant de temps passé à travailler sur Krysalis, nous avions aussi envie que le projet reflète nos idées et nos intentions.

Nous avons continué et continuons aujourd’hui à travailler ce côté illustration, notamment avec le renfort de Neal Brock.

Neal Brock qui bosse sur un projet de BD a réalisé pour nous quelques concepts

Le personnage parfait n’existe pas, mais ce que nous cherchons avant tout, c’est d’avoir des personnages humains sympathiques et vivants, qui correspondent à une “normalité” moins standardisée, moins pétrie de biais et préconceptions, que celle des personnages de fictions en 2008, quand nous avons entrepris le travail.

Nous cherchons encore une ligne directrice claire, un budget et surtout un·e artiste pour finaliser ces personnages. Mais alors que nous bouillons de nouveau à petit feu, nous sommes cette fois-ci très prudent vis-à-vis d’une nouvelle phase d’uniformisation, conscients qu’elle doit vraiment intervenir à un moment-clé, après une riche réflexion et juste avant la possible sortie du projet.

Pour l’instant mis de côté, le volet figurine reste une part importante du projet, et tant que la direction artistique des personnages n’est pas complètement validée, nous attendons aussi pour reprendre le travail de sculpture. Mais l’univers de la figurine est aussi très ancré dans des choix de représentations plutôt normatifs et sexistes et l’envie ne manque pas avec Krysalis de proposer autre chose.

A suivre...

Lire la suite : 5. Les figurines