Ce questionnement est très intéressant, et pour y avoir pas mal réfléchi - plutôt en tant que créateur de scénario de jeu de rôle au début -, voilà ma petite pierre à l'édifice.
Dans mon système de valeurs, l'élaboration d'un jeu est - en plus d'un défi intellectuel - une activité artistique dans la veine du cinéma. Elle demande de l'imagination, de la créativité, une petite dose de génie, et bien sur un travail d'illustration et/ou de sculpture, de rédaction, de "scénarisation" (ergonomie, design...). Le résultat est une oeuvre, une oeuvre résolument moderne, qui s'inscrit dans la pensée contemporaine : "Aujourd'hui, l’art établit une relation qui permet d’englober dans une même interaction, dans un même échange, une œuvre, son créateur et le récepteur, le destinataire de cette œuvre (spectateur, auditeur, etc.)", GENETTE (Gérard), L’œuvre de l’art. Immanence et transcendance, 1994
A l'instar de toute oeuvre, l'objectif est de procurer des émotions à ceux qui la reçoive. La frustration est une de ces émotions, une forme de colère dans laquelle on peut puiser l'énergie pour se dépasser et reprendre le contrôle d'une situation difficile, ou au contraire se laisser submerger, perdre pied, et fuir la table de jeu.
Mais quid des autres émotions ?
Les party games sont l'essence même de la joie, une joie qui se veut communicative et partagée !
D'autres auteurs s'aventurent de plus en plus dans la quête difficile de la peur : la plupart des jeux coopératifs ont pour vocation de susciter l'émoi chez les joueurs, à travers l'ambiance (Horreur à Arkham, les demeures de l'épouvante), la dangerosité des fins de mission (zombicide) ou la lutte contre le temps (room 25, l'île interdite).
La tristesse reste encore la seule émotion pas vraiment explorée par les auteurs : il faut dire qu'elle demande une approche narrative présente dans les jeux vidéo, mais peu sur table (peut être un peu Mice & Mystic ?).
S'interroger sur l'émotion suscitée par un jeu est une très bonne question, et pour moi, un jeu réussi est un jeu dont je me souviens d'une partie des années après, tant la charge émotionnelle a été forte !!
Comme un bon film en fait :-)