[Auf Heller und Pfennig][Beowulf][Kingdoms]
Ceci n’est pas une pipe
Edge est un peu l’oeil de Moscou de Fantasy Flight Games (Mmmm. Je me demande si l’image est bien adaptée en fait…).
Et ne voilà t-il pas qu’ils viennent d’annoncer la sortie de “Kingdoms” de Reiner Knizia pour l’année prochaine, qu’elle est vraiment dans pas longtemps.
Enfin sortie… Réédition serait plus exact puisque le jeu fut déjà publié en 2002 chez le même éditeur et qu’en fait, c’est la version traduite et rethématisée de “Auf Heller und Pfennig” sorti pour la première fois en Allemagne chez Hans im Glück en 1994.
Et n’oublions pas la version “Beowulf” sortie en 2007.
Ce petit cours d’histoire rapide est surtout pour vous expliquer que ce jeu est droit sorti de la grande période allemande et que son habillage americantrash ne doit pas vous abuser. C’est du pur et bon Knizia que les americantrashers disent que le thème est plaqué et qu’en fait c’est un jeu abstrait.
Il faut savoir qu’un gobelin qui attaque avec un dé à six faces sur un plateau illustré comme un camion de la route 66 ce n’est pas de l’abstrait.
Poser une tuile dans un carré si !
Même si la tuile c’est un château et le carré une région. C’est comme ça !
Si le château possède des valeurs genre temps de construction - défense - points de victoire - hop! Ce n’est plus abstrait !
L’immersion !
Vous avez déjà essayé de vous immerger dans du Knizia ? C’est tout lisse tout dur ! Du Eric Lang par exemple c’est profond plein d’images et d’histoires. Un américain qui jette un dé c’est le Mordor qui attaque ! Knizia qui fait la même chose c’est un rouage huilé d’une usine Krupp de la Ruhr. C’est comme ça !
D’où vient donc cette distinction qui semble si fortement établie chez certains ?
Sans entrer dans un trop long débat, l’abstraction peut s’évaluer au deux extrémités de la perception (non ce n’est pas sale); soit dans l’intention soit dans le ressenti.
L’école dite allemande voit une conception du jeu qui met au centre les mécanismes (par essence abstraits) qui vont donner au jeu une dynamique particulière. Le thème ne vient souvent qu’habiller cette construction ce qui fait dire qu’il est plaqué tant il semble aisé d’en substituer un plutôt qu’un autre.
Inversement, dans l’école dite américaine, c’est le thème qui préexiste et les mécanismes vont venir servir celui-ci pour simuler des événements ou actions.
Dans le premier cas, le jeu est fait pour être un challenge proposé aux joueurs qui vont devoir résoudre au mieux les propositions de l’auteur. Dans l’école américaine, une autre composante entre en jeu directement inspirée par les principes de story telling; il faut raconter une histoire par immersion. Le joueur doit y être, il faut pouvoir faire semblant, simuler.
Regardez donc le traitement de “Kingdoms” et de “Auf Heller und Pfennig”. D’un côté une imagerie traitée de manière réaliste qui puise dans les standards de l’imagerie médfan la plus classique et de l’autre un traitement quasi enfantin pourtant orchestré par un Franz Vohwinkel qui n’est pas bridé par son talent dans le genre réaliste comme nous avons pu le voir avec d’autres de ses illustrations de jeux.
Même si plusieurs années séparent les deux versions du jeu, le thème lui-même est adapté aux us et coutumes : des marchands et des voleurs d’un côté puis des châteaux forts, des dragons et des trolls de l’autre.
Cette nouvelle version 2012 franchit d’ailleurs un nouveau cap puisque les pions en cartons deviennent des figurines de châteaux en plastique. HoOOOoo ! Bon en fait ils remplacent les petits bonhommes de “Beowulf” mais côté châteaux.
Malgré tout cela, le jeu restera imprégné de la logique implacable de maître Knizia et l’on dira toujours que le jeu est un jeu abstrait avec un thème plaqué. L’habillage n’y suffit pas, les mécanismes resteront très épurés et toujours au service d’un casse-tête plus que d’une narration pour héros de chambre universitaire.
Quand est-il d’ailleurs des parties ?
“Kingdoms” est un jeu de placement où vous allez devoir tenter de gagner le plus de sous en plaçant des châteaux qui tireront des bénéfices des constructions avoisinantes. Des bénéfices ou des pertes car le royaume n’est pas exempt de périls.
Le jeu se compose de châteaux dont la taille indiquera le multiplicateur des gains et pertes qui y sont associés. Des tuiles représentent les bâtiments, champs et autres possibilités de gains (de +1 à +6) tandis que les autres sont des soucis qui font perdre de -1 à -6.
Le plateau est vide de constructions en début de partie. Vous pourrez à votre tour placer un de vos châteaux ou piocher une tuile, la regarder et la placer en jeu.
Chaque château placé va, à la fin de la manche quand le plateau est rempli, marquer le total des tuiles sur toute la colonne où il est construit ainsi que sur toute la rangée. Ce total est modifié en fonction de la taille du château et il peut arriver que les gains soient négatifs.
Tout le sel du jeu réside dans les choix qui vous sont donnés. Piocher une tuile est toujours hasardeux mais au final c’est vous qui choisirez son lieu d’action.
Le choix de poser un château, surtout un gros, demande un bon timing. Posé trop tôt vos adversaires vont s’empresser d’y mettre des tas d’ennuis couteux. Posé trop tard vous risquez de ne pas gagner grand chose.
Pour affiner un peu la pose, chaque joueur tire au début une tuile qu’il garde secrètement pas devers lui. Il pourra la jouer n’importe quand à son tour au lieu des actions classiques.
Le jeu est conçu pour se dérouler en trois manches. On remplira donc trois fois le plateau. Et là encore, un autre challenge prend forme puisque seul les plus petits de vos châteaux resteront en jeu. Les plus gros disparaitront tout simplement.
“Kingdoms” est à l’évidence un très bon Knizia qui a déjà fait ses preuves et le retrouver est un vrai plaisir. Par quelque bout qu’on veuille le prendre, il conservera toujours cette impression de jeu abstrait qui pourra rebuter les joueurs non prévenus.
Pour les autres, c’est un jeu à la fois familial par sa grande accessibilité (avec juste une phase de calcul qui peut paraître un peu laborieuse) mais qui déborde de malignité dans sa pratique.
Simple et efficace ! C’est bien du Knizia. Une Mercedes carrossée Cadillac en quelque sorte.
La version vendue de par chez nous sera multilingue français et espagnol.
“Kingdoms”
Un jeu de Reiner Knizia
Illustré par Anders Finer (couverture) & Peter Tikos (pions)
Publié par Fantasy Flight Games et Edge pour la VF
Distribuée par Millennium
Pour 2 à 4 joueurs dès 9 ans
accessible tout public
Durée estimée de partie : 30 min
Disponible pas encore mais bientôt dans les 30€