La prochaine grosse boîte de jeu à paraître chez l’éditeur français Libellud sera « Lords of Xidit ». Vous le savez surement déjà (voir notre précédent article via le lien ci-dessous), ce LoX est la réédition du jeu « Himalaya » de Régis Bonnessée. Un des jeux les plus appréciés de Tric Trac qui c’était même payé le luxe d’être récompensé aux Tric Trac d’Or alors qu’il se nommait « Marchands d’Empire » et ne se trouvait que sur le Net en Print&Play. En 2005, les petits marchands du toit du monde étaient nominés au Spiel des Jahres. Sacré parcours !
Mais est-ce vraiment une réédition ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre aujourd’hui.
C’est une réédition votre honneur ! Et je le prouve !
Commençons d’abord par examiner les points communs entre « Himalaya » et « Lords of Xidit ».
Le but du jeu
D’abord tout commence par un beau voyage (heureux qui comme Régis…). Dans LoX nous allons chercher à étendre notre influence dans les différentes cités et régions. Tout comme dans « Himalaya » nous serons libre de choisir notre route. C’est notre destin !
La programmation
Pour ce faire, nous utilisions une mécanique d’actions programmées que nous révélions en simultané. Ce qui provoquait des surprises. C’est toujours le cas dans LoX et c’est tant mieux.
Le PU&D
Parlons un peu Pick Up & Delivery. Ce terme anglo-saxon désigne un type de jeu où l’on se voit attribuer une commande qui nécessite des ressources que l’on trouve ailleurs et qu’on doit ensuite livrer pour gagner des trucs… en général des points de victoire.
Ce système qui était le cœur d’ « Himalaya » reste toujours d’actualité dans LoX. Au Tibet, on ne pouvait pas choisir la ressource que l’on voulait mais celle dont la valeur était la plus faible. Ce genre de petite subtilité toute chafouine a été conservée dans la nouvelle version.
Le Guessing
Puisque nous sommes dans les gros mots, parlons aussi de Guessing. Le Guessing c’est tenter de deviner les actions des autres en fonction de ce que l’on sait de leurs objectifs et de leur personnalité. Forcément qui dit simultané dit aussi Guessing puisqu’il vaut mieux tenter de savoir les manœuvres de ses adversaires au risque de les voir nous piquer tout sous le nez ou pire encore ; délaisser une opportunité qu’on croyait impossible d’accès. Là encore, même sensation pour l’aïeul et le petit nouveau.
Les éliminations
Un des aspects étonnants de « Himalaya » était son système de décompte final par élimination. Contrairement à la méthode Knizienne qui consiste à ne compter que le plus petit score, ce vicelard de Bonnessée va éliminer un joueur à chaque comptage. Il existe trois critères de victoire. Vous échouez à un ? Vous êtes le maillon faible ! Zou ! Viré ! Il faut être bon partout et ne rien négliger. Et surtout avoir une bonne estimation du score des autres pour ne pas s’épuiser à les battre plus que nécessaire car cela pénaliserait nos autres scores. C’était très méchant… Et bien ça l’est toujours ! En vieillissant certains ne s’adoucissent pas…
Les petits bonhommes
Un des autres critères du jeu était qu’on y jouait avec des petits bonhommes en plastique et des yacks pareil. Là encore, cette nouvelle version offrira des figurines variées mais pas les même forcément. Donc encore un point commun.
Ce qui prouve que « Lords of Xidit » est bien la réédition d’ « Himalaya ».
Objection votre honneur ! C’est un tout nouveau jeu et je le prouve !
Non parce que voyez-vous il existe des différences assez fondamentales. Il suffit d’ouvrir les yeux ! Adieu sommets enneigés et bouses de yacks et bienvenu dans un univers médiéval fantastique que nous avions déjà apprécié avec le jeu « Seasons ». Sans compter le clin d’œil à « Dixit » qui a fait des éditions Libellud ce qu’elles sont aujourd’hui.
On change de royaume
Nous ne jouerons donc plus un caravanier livrant ses colis dans les villages montagnards isolés mais un fringant chevalier qui recrute des unités pour libérer les cités menacées par de terrifiantes créatures monstrueuses.
Voyons cela plus en détails :
HIMALAYA | LORDS OF XIDIT |
---|---|
Montagnes enneigées de l’Himalaya | Royaume de Xidit |
20 villages perdus dans les hauteurs | 21 cités prestigieuses |
placement de Moines Construction de Stupa Gagner des Yacks | Placement des Bardes Construction d’Écoles deMagie Colecte des Forains |
Chefs de tribus menant des caravanes | Chevaliers Idrakys sur montures |
Commandes à satisfaire | Menaces à éliminer |
Ressources (sel, orge, thé, jade, or) | Unités (paysans, archers, infanteries, prêtres, mages |
Stupas | Guildes de magie |
Délégations (moines thibétains) | Bardes |
On change de dessins
Tout cela est possible notamment avec la collaboration avec l’illustrateur Naïade qui avait déjà montré ses talents avec « Seasons ». D’ailleurs la majorité des créatures menaçant le royaume est les familiers du jeu « Seasons ».
Et les petits bonhommes ?
Et puis parlons aussi du matériel de jeu ! Fini les cubes en bois et les sacs ! Nous avions 84 figurines dans « Himalaya » et bien nous en trouvons 145 dans « Lords of Xidit » ! Ce n’est pas pareil 84 et 145 non ? Les Stupas devenues Écoles de magie sont autrement sculptées et colorées ! Les Cubes sont de vraies unités en figurines toutes différentes. Et même ! même ! Les figurines des Écoles de Magie sont empilables pour faire de vraies grandes écoles. Et je ne vous parle même pas des Bardes dont nous pourrons jeter les jetons dans un Bastion en trois dimensions au centre du plateau de jeu.
Et puis la fameuse programmation se fera désormais avec un programmateur personnel à roulettes. Pratique.
Ergonomie
Ok tout ceci est bien joli mais pas seulement. Le truc c’est d’être pratique en plus. L’ergonomie ! Le plateau d’ « Himalaya » était certes très bien mais question lisibilité celui de « Lords of Xidit » est quand même quelques crans au-dessus. Les découpages des régions sont plus clairs. Les chemins sont figurés en trois couleurs ce qui évite de se tromper pendant la phase de programmation.
De plus, à part les éléments individuels à chaque joueur, tout se positionne sur le plateau de jeu : Calendrier compte-tour avec le détail précis des phases de Recensements (majorités), Réserve de figurines d’Unités (Caserne), Monnaie du jeu (Banque Ducale), Tableau des Exploits, Piste de Score (discrète) qui permet de mesurer les niveaux de richesse, renommée et influence auprès des Mages, le Fil de la Destinée qui permet de gérer l’apparition des tuiles Cités et Colosses.
Donc avant (à la préhistoire himalayenne) nous programmions avec des petites tuiles que l’on retournait et qu’un vilain rhume pouvait envoyer dans les airs. Terminé ce temps difficile : aujourd’hui nous tournons des molettes avec des petites lucarnes indiquant l’action choisie.
Autre amélioration, les Tuiles Cités. Chaque tuile possède un recto et un verso. Une face avec les Unités à recruter et l’autre pour la menace à éliminer. Dans « Himalaya » les tuiles n’indiquaient que les commandes, les Ressources étaient définies par un jet de dé.
Haaaaa ! Les dés ! Le hasard ! A l’époque d’ « Himalaya », certains joueurs pouvaient regretter le hasard engendré lors du tirage du dé à 20 faces pour déterminer les prochains villages dans lesquels apparaissaient les contrats « ressources/commandes » sur le plateau. Cela pouvait en effet favoriser un joueur se trouvant déjà dans le village où elles apparaissaient, ou ne se trouvant pas loin. Dans LoX, il n’y a plus de dé à 20 faces, mais la zone du « fil de la Destinée » à droite du plateau, pour déterminer les 4 prochaines tuiles cités qui apparaitront sur le plateau de jeu. Bien en vue de tous les joueurs tout au long de la partie, les joueurs peuvent donc anticiper dans leurs programmations l’apparition de nouvelles unités ou menaces. Hop, tout le monde sur un pied d’égalité ! Dès qu’une cité n’a plus d’unité ou est délivrée, elle est immédiatement remplacée sur le plateau de jeu par celle qui attend en 1er dans la partie « Echelle des recrutements » ou « Echelle des menaces » dans la zone « fil de la Destinée ».
Le Fil de la Destinée permet également d’éviter qu’une cité apparaisse 2 fois de suite du même côté, à savoir soit côté « recrutement » ou côté « menace ». La prochaine fois qu’une cité qui proposait des unités à recruter apparaîtra sur le plateau, elle sera menacée. Inversement une cité qui était menacée réapparaîtra la fois suivante sur le plateau en proposant des unités à recruter.
Les critères d’élimination remaniés
Nous avons vu également que les critères d’éliminations de fin de jeu étaient conservés. Oui mais… Contrairement à Himalaya où les conditions de victoire suivaient un ordre préétabli, dans LoX l’ordre des critères d’élimination change et est fixé aléatoirement à chaque début de partie. Cela permet de renouveler les sensations de jeu, car en fonction de l’ordre d’apparition des critères, chaque joueur devra adapter sa stratégie pour la partie à venir. D’une partie à l’autre, c’est tout le déroulement du jeu et la façon de planifier ses actions qui pourront être différents.
Si on fait maintenant un focus sur les 3 critères d’élimination, appelées « tuiles Décompte », cela donne :
- Le niveau de renommée à travers le Royaume, lié au placement de bardes (jetons) dans les régions, là où dans “Himalaya” on plaçait des moines. Dans “LoX”, il faut envoyer des bardes chanter ses louanges dans les régions du royaume pour gagner des points de prestige. Pour gagner du prestige il faut envoyer des jetons bardes dans les régions adjacentes à notre personnage. L’attribution des « points de prestige » se fait toujours en calculant la majorité de jetons bardes sur une région donnée. On additionne ensuite ses points de prestige pour le décompte en fin de partie. Cependant la manière de marquer des points a été modifiée : pour chaque région, une 1ère et 2nde place seront attribuées aux joueurs y ayant disposé le plus de bardes. A noter que la région centrale rapporte beaucoup plus de points, mais les jetons sont déposés dans une urne fermée (le Bastion), dont le contenu ne sera révélé qu’en fin de partie, il faudra donc avoir de la mémoire !
- Le niveau d’influence auprès des mages, lié à la construction de guildes de magie (figurines), là où on érigeait des stupas dans “Himalaya”. Comme dans “Himalaya”, un seul joueur peut construire une guilde de magie par ville. Les guildes de magie sont composées d’étages empilables. Les villes n’ont pas de valeur différente et les joueurs pourront construire jusqu’à 4 étages d’une guilde de magie sur l’emplacement dédié près des cités, sous réserve qu’il délivre la cité menacée et qu’une guilde n’ait pas encore été construite par un autre joueur (espace libre).
- Le niveau de richesse, lié à l’accumulation de Forains d’Or (jetons), là où on collectait des yacks – monnaie locale dans “Himalaya”. Là c’est assez simple, on bascule simplement sur un nouveau type de monnaie locale d’un jeu à l’autre.
La « phase de majorité » devient « la phase de recensement »
Tous les 4 ans/tours (version longue), on effectuera la phase de recensement pour chaque type d’unité. Le joueur qui dévoile de sa main le plus d’unité, remporte un bonus permettant de progresser dans l’un des critères de victoire. Chaque type d’unité est associé à un bonus en particulier. Par exemple, les milices paysannes rapporteront un Forain d’or, alors que les Mages de bataille permettront d’ajouter un étage à une guilde de magie déjà construite sur le plateau. Les unités dévoilées ainsi ne sont pas perdues.
Nombre de joueurs
Le nombre de joueurs : oui, on peut jouer jusque 5 ! Himalaya proposait de jouer à 3 et 4 joueurs (hors extensions). On a donc pu entendre « jouable à 3 joueurs, mais plutôt idéal à 4. On aurait aimé avoir une couleur supplémentaire pour pouvoir jouer à 5. », c’est maintenant chose faite ! Lords of Xidit propose de jouer de 3 à 5 joueurs sans extension.
Les nouveautés en termes de règles et de gameplay
La possibilité de faire des vraies et palpitantes parties calibrées pour 3 joueurs grâce au Chevalier Noir. C’est vrai, on pouvait déjà jouer à 3 joueurs dans Himalaya, mais cette version ne donnait pas entière satisfaction à son auteur, qui avoue en toute modestie que « c’était pas terrible…». Dans LoX, dans une partie à 3 joueurs, un joueur neutre intervient: le Chevalier noir. On a donc 3 joueurs « physiques » et un jour « fictif » ! Ce dernier n’évolue pas sur le plateau de jeu, mais va gagner des points parmi les critères de victoire, à chaque fois qu’un joueur délivrera une ville. C’est le joueur ayant délivré la cité qui choisira dans quel critère de victoire le chevalier progressera sur son plateau de score dédié. Il est ainsi possible de se servir du chevalier noir pour éliminer des adversaires, puisque ce dernier participera aux décomptes des points. Attention donc à ne pas s’éliminer soi-même en faisant avancer le joueur neutre !
Cette version « 3 joueurs » s’accompagne aussi de tuiles « Cité » dédiées, spécialement équilibrées, reconnaissables par le symbole de couronne qui y figurent.
Choisir la durée de sa partie
Dans LoX, il existe 2 modes de jeu pour jouer en partie « courte » en 9 tours, ou « longue » en 12 tours. Cela permet de varier les plaisirs et d’adapter la durée de la partie au temps de jeu dont chacun dispose. Le plateau de base est en 12 tours, mais pour passer sur une partie à 9 tours, il suffira de superposer sur le plateau de jeu les tuiles Calendrier prévues à cet effet. On peut donc jouer aussi bien en 1h qu’en 2h en fonction du nombre de joueurs (à condition que ce ne soit pas leur 1ère partie). A titre informatif, cela donne à peu près :
Estimation du temps de jeu moyen par partie | |||
---|---|---|---|
3 joueurs + neutre | 4 joueurs | 5 joueurs | |
9 tours | 1:00 | 1:10 | 1:25 |
12 tours | 1:15 | 1:30 | 1:50 |
Les grosses bêtes en plus
Ne provoquez pas le réveil des Colosses ! Des menaces particulières sommeillent dans les profondeurs du royaume de Xidit. Elles sont représentées sur des tuiles spéciales, indépendantes des tuiles « cités classiques » du jeu. Pour l’instant, elles se reposent (face cachée) dans leur antre, soit la zone « Repos des Colosses » au niveau du Fil de la Destinée. Ces créatures ne s’éveillent que s’il est impossible de placer une nouvelle tuile « cité menacée » sur le plateau de jeu pour remplacer une cité préalablement délivrée (dont la tuile vient d’être défaussée).
Trois colosses s’éveilleront alors accompagnés de renfort, les tuiles « Colosses » seront retournées et apparaitront sur le plateau. Les Colosses peuvent être combattus sur n’importe quelle case « cité » du plateau, tant que celle-ci n’est pas déjà occupée par une tuile. Pour combattre un colosse, il suffit d’envoyer le nombre d’unités demandé. Attention, le type d’unité n’est pas pris en compte, seul le nombre importe. Les Colosses sont plus simples à éradiquer (bien que gourmands en unités) et donc rapportent moins de points. Ils ont été créés afin de permettre à un joueur s’étant fait doublé sur ces actions (ou un peu à la traine) de reprendre l’avantage et de revenir dans la course à la victoire, voire de renverser des situations a priori perdues !
Conclusion. La parole est la cour !
Nous avons donc vu ici les différences et les ressemblances entre ces deux entités ludiques. En examinant les similitudes nous voyons bien que LoX est une réédition d’ « Himalaya » ! En examinant les différences nous voyons bien que ce n’est pas le même jeu. Donc notre conclusion est que… c’est un jeu différent bien que similaire sachant qu’il est complètement nouveau en reprenant les bases de l’autre. Pfffff ! pas facile cet article ^^
De fait parler simplement de réédition serait à l’évidence tout aussi réaliste que réducteur. On retrouve les moteurs ludiques qui ont fait le succès du prédécesseur mais largement amélioré tant par son aspect physique que son gameplay. Pas la peine de connaître le premier pour apprécier le second. Par ailleurs, les amateurs d’ « Himalaya » retrouveront des sensations connues mais avec de nouveaux chalenges à la clé.
Lords of Xidit
Un jeu de Régis Bonnessée
Illustré par Stéphane Gantiez, Naïade
Publié par Libellud
3 à 5 joueurs
A partir de 14 ans
Langue des règles: Française, Allemande, Anglaise, Italienne
Durée: 90 minutes
Prix: 45,00 €
Merci à l’équipe de Libellud pour son aide très précieuse