Bonjour tout le monde !
La semaine dernière, je suis venu vous parler de l'envers du décor de la création de Memoria Bluff (dans cert article : https://www.trictrac.net/actus/memoria-bluff-carnet-dauteur ). Aujourd'hui, je m'en viens donc aborder l'évolution du matériel du jeu, les illustrations, le gameplay, le prix...pourquoi ces choses ont été ainsi faites et pour quelles raisons.
En bref, voici, le carnet d'éditeur de Memoria Bluff !
Commençons parle matériel :
* Les compteurs de points
Au départ, le comptage de points m'a semblé compliqué sur ce jeu. Il y a tout d'abord eu l'échange de cartes points mentionné dans le carnet d'auteur que je trouvais peu pratique et punitif (on volait des points aux autres, ce qui pouvait déboucher sur leur élimination), puis, sur le off 2020 du FIJ de Cannes, j'ai testé une piste de points sur laquelle chaque joueur avancait son pion.
Là encore, je n'étais pas satisfait du fait que cela représentait une contrainte de manipulation ainsi qu'un apport de matériel pas forcément nécessaire (écologiquement et économiquement).
La dernière évolution sur les compteurs de points m'est venue du jeu « Camel up cards » qui permet de compter les points en utilisant uniquement quelques cartes. Simple et pratique, j'ai trouvé ce système ingénieux, je l'ai fait tester en festival et celui-ci a eu de très bons retours, ce qui m'a conforté dans l'idée de le garder. Sur une carte figuraient les unités, sur une autres les dizaines, et sur la dernière la jonction « 9 -10 ». Il suffisait alors d'agencer les cartes les unes sur les autres pour indiquer notre nombre de points.
Seulement voilà, l'arrêt prématuré de la première campagne m'a poussé à repenser le projet. Et comme je me sens bien davantage passionné qu'éditeur, pas question de rogner sur les règles ou de réduire la jouabilité pour baisser les coûts. J'ai donc sans trop de remords choisi de supprimer ces compteurs qui, s'ils étaient jolis, n'étaient finalement pas vraiment plus pratique qu'un papier et un crayon pour remplir ce rôle.
* Les jetons
Car oui, j'ai également envisagé d'ajouter quelques règles du jeu nécessitant l'apport de jetons.
Là encore, lors du off de Cannes, j'ai fait tester les règles utilisant ces jetons.
Il s'agissait de jetons « Memoria » et « Bluff ». Chaque joueur, de mémoire, en avait deux de chaque.
Avant de voter pour savoir ce qu'on pense d'un souvenir raconté (est-il vrai ou non), on pouvait alors déposer un jeton « Memoria » ou « Bluff » face cachée sur une carte évoquée par l'orateur.
Un jeton « Memoria » signifiait qu'on croyait à cette partie de l'histoire, un jeton « Bluff » signifiait qu'on ne croyait pas en cette partie de l'histoire. Si on avait bien utilisé son jeton, on gagnait des points, tout en en faisant perdre à l'Orateur. Si on s'était trompé, on en perdait en en faisant gagner à l'Orateur.
J'ai finalement choisi de ne pas les garder pour plusieurs raisons.
La première d'entre elle est liée au conseil que Juan Rodriguez m'a donné la première fois que j'ai fait un test public du prototype de Singin' in the Game : « Les règles d'un jeu doivent être le plus épurées possible ». Or, avec ces jetons, on retombait dans le travers de manipulations diverses et variées, dans le vol de points et dans l'ajout de matériel.
J'ai donc faix le choix de garder le jeu simple et fluide. Mais qui sait, si le jeu a un bon accueuil, peut-être réfléchirai-je à une extension qui intégrerait ces jetons.
* Le format de la boîte
Comme je vous le disais dans mon précédent carnet d'auteur, j'ai choisi les concepts du jeu afin de permettre l'expérience la plus sympathico-nostalgique possible dans le monde des souvenirs. Et comme je vous le disais ci-dessus, en tant que passionné, je ne souhaite pas amputer le jeu de cartes Bribes (les illustrations) pour réduire le coût du jeu et le rendre ainsi plus abordable.
Malgré tout, il me fallait trouver un moyen de baisser son prix. J'ai donc tout d'abord pensé à un format 54 cartes recto verso. Ou plutôt à 2 paquets de 54 cartes. En effet, en utilisant 2 paquets de 54 cartes, cela permettait d'avoir toutes les illustrations prévues.
Quelques problèmes se sont tout de même posés suite à cette idée :
* Si je fais un financement pour ces deux jeux, il est évident que les deux ne seront pas précommandés par tous. Je prendrais alors le risque de lancer une double fabrication qui pourrait être économiquement périlleuse (ce qui l'est déjà avec un seul jeu).
* Si j'opte pour un seul jeu, mon âme de créateur et de passionné saignerait à l'idée de voir mon concept amputé de la moitié des cartes.
* Un des distributeurs avec lequel je suis en contact ne serait pas intéressé par le jeu sous ce format car celui-ci manquerait de visibilité en boutique et serait donc plus difficile à vendre (c'est dur à entendre, mais ça reste très compréhensible, j'ai d'ailleurs entendu la même chose de la part d'une boutique de jeux).
J'ai donc réfléchi à un format intermédiaire : celui de Coloretto ou de The Game. Cela permettrait d'avoir toutes les illustrations prévues en recto-verso tout en ayant un format sympa et peu encombrant.
Hélas, l'envoi aurait été plus coûteux qu'un paquet de 54 cartes, et là encore, la visibilité en boutique serait réduite. C'est pourquoi j'ai finalement opté pour un format assez proche du format initialement prévu, à savoir, un format "Smile life".
Les cartes :
J'avais initialement prévu énormément de cartes avant d'en réduire le nombre pour recentrer les concepts sur ce que je voulais vraiment que le jeu apporte. Malgré tout, cela représentait encore beaucoup de cartes Bribes (150-160), un nombre qu'il me fallait absolument réduire pour permettre au projet d'exister..
J'avais déjà envisagé un format recto verso pour les cartes (une illustration de chaque côté), lui préférant tout de même un format "classique" puisqu'un format recto-verso ne permettrait pas de lier toutes les illustrations, ce qui réduirait donc légèrement la jouabilité.
Cela dit, en faisant en sorte de mettre des concepts proches au dos des cartes (exemple : fête foraine et parc d'attraction), on en arrive à ce que ce ne soit finalement pas si gênant que ces cartes ne puissent pas se retrouver dans le même souvenir. Il a donc fallu choisir avec précaution les illustrations qui se retrouveraient sur la même carte, mais le passionné que je suis s'est senti soulagé que la jouabilité ne se retrouve pas amputée !
Les illustrations :
Le style :
Suite à la difficulté de ma première campagne, un éditeur/distributeur s'est proposé d'éditer le jeu à ma place afin de m'éviter la prise de risques de l'édition.
Sauf que, cela fait près de deux ans que je travaille à l'édition de Memoria Bluff, que j'y ai investi du temps, des tripes, de l'envie et que je tiens bien plus à aboutir le projet de A à Z que de vendre des millions de boites (c'est sans doute une bêtise, mais je trouve que c'est une jolie bêtise).
En bref, j'ai décliné cette offre car l'aventure professionnelle et humaine que représente l'édition d'un jeu me semble plus intéréssante que tout le reste.
Et si ce laïus se trouve dans la partie « illustrations », c'est parce que ce changement d'éditeur aurait entrainé un changement dans la charte graphique du jeu, et donc un changement d'illustrations. En effet, celles-ci étaient alors perçues comme pas assez représentatives du jeu (pas assez fun).
Ils ont peut-être (sans doute) raison, et c'est un point de vue entensable car ils trouvent que le jeu véhicule une ambiance de « je t'ai eu, tu as cru que c'était un vrai souvenir alors que je te roulais juste dans la farine».
Pour ma part, je trouve qu'ils ont raison, mais ce que j'aime à propos de Memoria Bluff est qu'il permet de faire ressurgir des souvenirs et qu'il véhicule une ambiance de partage et de nostalgie et je trouve original, poétique, cathartique...
De plus, Noémie Le Corre (qui sort de l'école d'art) et Cédric Gaillard, qui ont tous deux travaillé sur les visuels, ont fait un travail admirable dont je suis fan.
Il me semblait du coup impensable de renier tout le travail qu'ils avaient accompli pour moi et pour Memoria Bluff.
La représentation :
A propos de ces illustrations, une de mes fiertés est d'ailleurs que j'ai souhaité que le jeu soit le plus inclusif possible, afin que tout le monde puisse s'y sentir représenté, une envie largement partagée par Noémie. C'est pourquoi on retrouvera sur les cartes des personnages d'origines différentes mais aussi des personnages LGBT ou en situation de handicap. Ce n'est sans doute pas grand chose, mais en terme d'intégration sociale, de visibilité et d'acceptation si cela peut apporter une pierre à l'édifice, j'en serais plus que ravi.
La langue :
Enfin, j'ai tenu à ce que sous l'illustration des cartes soient également écrits les noms des concepts en français et en anglais. Cela a plusieurs utilités. Dans un premier temps, ça précise le concept (par exemple, sur l'illustration d'une « île », on ne pourra pas évoquer la mer dans notre souvenir, même si celle-ci est présente sur la carte).
Mais ça a également une fonction pédagogique car je me dis que les enfants de 6-7 ans pourront lire les cartes et s'aider des illustrations pour faciliter leur lecture. Bon, c'est sans doute mon côté prof qui s'exprime ici. Toujours est-il que des variantes pédagogiques sont dores-et-déjà prévues et seront téléchargeables sur le site www.feemumuz.com
L'illustration de la boîte :
Suite à l'arrêt de la première campagne, je me devais d'envisager toutes les causes potentiels de cet échec et donc envisager le fait que les visuels, le nom du jeu et le gameplay (les règles) puissent ne pas avoir séduit.
- L'illustration de la boîte pouvait en effet laisser songeur : les engrenages, une ampoule en forme de tête dans laquelle des illustrations (souvenirs) sont visibles. Peut-être que cela ne reflétait pas assez l'ambiance et que le ton n'était pas assez léger, c'est pourquoi mon graphiste et moi avons décidé de la retravailler.
Le prix du jeu, la production Européenne, le tirage:
Lors de la première campagne, le jeu était proposé à 21€ (pour un prix boutique à 22€) et il me semblait difficile de faire mieux, même si je dois avouer que j'aurais aimé le proposer sous les 20€. Ma volonté de ne pas produire Memoria Bluff en Chine + le fait que Fée Mumuz' soit une petite maison d'édition ne pouvant se permettre de tirer un jeu à plus de 3000 exemplaires (ce qui est déjà beaucoup pour moi) et l'augmentation incessante du prix des matières premières font qu'au prix proposé, en passant par un distributeur, je perdais quelques dizaines de centimes sur chaque boite (si on tient compte de la fabrication, de la communication, des festivals, du graphisme, du visuel, du comptable etc).
Cela dit, malgré ces raisons et même si certains jeux du type « Blanc manger coco » ou « Limite limite » se vendent à ces prix là, je pense que le prix est un frein à l'achat. La crise économique actuelle que nous traversons nous pousse à la prudence et à revoir nos posts de dépenses, notamment celui des loisirs. C'est donc pour cette raison que le format initial a été revu et que le prix a pu être baissé de 2€ (19€ actuellement sur Ulule, 20€ en boutique s'il parvient à s'y frayer un chemin).
Le reboot de la campagne de financement :
Pour résumer voici un petit comparatif entre les versions de Memoria Bluff proposées au cours des deux campagnes :
Ce qui n'a pas changé :
* Les règles
* La fabrication Européenne
* L'auteur, le graphiste, l'illustratrice
* La présence d'une mini extension pour Singin' in the Game incluse
Ce qui a changé :
* L'illustration de couverture de la boite
* La mise en page des cartes illustrées (recto-verso)
* La disparition des compteurs de points
* Les goodies à débloquer (Les cartes postales ne sont plus offertes mais sont à débloquer. En revanche, la plupart des cartes qui étaient à débloquer ont directement été incluses dans le jeu (l'avantage du recto-verso). En revanche, l'idée de proposer aux pledgeurs de choisir des visuels à intégrer sur de nouvelles cartes a été abandonné).
* Le gobelet Fée Mumuz' ne sera plus offert aux participants de la campagne
* Le jeu a été financé dès 1€ au lieu des 6000€ demandés initialement (ce qui ne m'empêche pas de compter sur votre soutien pour faire naitre ce projet ;) ).
*Le prix du jeu qui a été revu à la baisse.
CONCLUSION :
La semaine dernière, je concluais le carnet d'auteur avec mes ressentis. Je vais donc faire de même dans cet article.
J'ai globalement compris qu'il était vraiment difficile de toucher son public lorsqu'on est un petit éditeur et que l'on a pas une équipe de communiquants, de vendeurs ou des relations directes avec les boutiques. Et ce, même si le jeu est excellent et/ou original.
Je pense également (mais j'espère me tromper) qu'il me sera difficile d'éditer des milliers de boites en me basant uniquement sur les résultats de la campagne de financement.
En tant que passionné, je me fais une raison, car l'essentiel n'est pas que je gagne de l'argent, mais que le jeu existe. Cela dit, c'est le nerf de la guerre, et il en faut tout de même pour pouvoir éditer un jeu (et je ne serais pas contre non plus le fait de rentrer dans mes frais, je dois bien l'avouer :D)
Par contre, en tant qu'auteur, je me dis qu'il serait dommage de moins toucher les gens par défaut de communication et/ou qu'il arrive en rupture de stock sans pouvoir être réédité. Enfin, en tant qu'éditeur, j'avoue me poser quelques questions dont je reparlerai peut-être un autre jour.
Cela dit, je suis surtout ravi d'avoir su garder toutes les illustrations initialement prévues et ravi à l'idée que la campagne de financement aboutira cette fois à la fabrication des jeux, car l'envie de concrétiser le projet est grande et l'envie de vous retrouver en festivals pour vous y faire jouer est immense !
Alors je vous dis à tous un immense merci de m'avoir lu jusqu'ici et je vous dis à très bientôt sans doute, et peut-être à bord de la campagne pour Memoria Bluff qui sait;) !
Si vous souhaitez précommander Memoria Bluff, c'est encore possible jusqu'au 4 décembre en cliquant sur ce lien https://fr.ulule.com/memoria-bluff-1/ et si vous avez des questions ou remarques, n'hésitez pas, j'y répondrai avec grand plaisir !
Memoria Bluff :
Editeur : Fée Mumuz'
Auteur : Benjamin Lavie
Illustratrice : Noémie Le Corre
Graphiste : Cédric Gaillard