[À la bouffe][Bluff Party Orange][La Chasse aux Monstres]
Alors que nous discutions de la possibilité de son embauche, Manuel, qui briguait le poste de Directeur créatif, me disait déjà qu’il aimerait refaire le logo du Scorpion masqué. Si j’étais parfaitement conscient que mon vieux scorpion coincé dans son hexagone n’était pas le logo du siècle, j’en éprouvais quand même une certaine fierté.
Alors l’idée de « perdre du temps » à le refaire – voyez le réflexe de gestionnaire – ne m’a guère enchanté au premier abord. Je lui trouvais un sacré culot de me dire quoi faire lors de son entrevue pour embauche !
Une fois en poste au Scorpion Masqué, Manuel a profité de mes vacances pour entreprendre ce travail en cachette (je vous ai dit qu’il était culotté !). Devant mon regard accusateur à mon retour, il m’a fait comprendre, était-ce un truc de Jedi ?, que le premier logo avait des défauts « objectifs » et d’autres problèmes plus circonstanciels : il ne reflétait pas réellement l’essence du Scorpion Masqué, ses valeurs.
En fait, Manuel et moi avions pris du temps à son arrivée pour définir ce qu’était le Scorpion Masqué. Le nouveau directeur créatif se devait de comprendre l’esprit de l’entreprise pour bien diriger les artistes qui travaillent avec nous. Les mots suivants sortirent du lot : #sympathique, #amusant, #québécois, #simple, # original, #créatif, #piquant. Ils lui servirent de guide.
Notre premier logo était figé, il nous laissait très peu de liberté quand venait le temps de « jouer » avec, de varier sa forme. Ensuite, personne ne voyait le joli masque sur la tête du sympathique animal, pire, mon fils y voyait un homard ! De graves constatations, car le masque a toujours constitué l’élément comique, qui dédramatisait l’aspect menaçant et repoussant du scorpion.
Puis, l’ensemble donnait plutôt l’impression d’une entreprise qui publiait des jeux sérieux, de niche, réservé à des initiés, comme pouvait le faire croise la forme hexagonale, symbole des jeux de guerre et de stratégie. « La police était à la limite du groupe rock métal », disait Manuel (il exagère parfois). Cet écart s’explique par le fait qu’à sa création en 2006, j’ignorais totalement ce qu’allait devenir le Scorpion Masqué. À l’époque, j’avais devant moi une belle carrière de professeur de littérature, avec près de 4 mois de congés par année et une retraite dorée. L’industrie du jeu m’attirait fortement, mais je ne me faisais pas trop d’illusion : je ne pourrais jamais en vivre ! Je ne publiais un premier jeu que pour l’expérience.
Et justement, le premier logo laissait transparaître un certain amateurisme - ce qui n’était pas faux en 2006... Mais aujourd’hui, avec près de 10 ans d’expérience, 23 titres publiés, des centaines de milliers de jeux vendus, on peut dire que le Scorpion Masqué a fait sa place et atteint un niveau de professionnalisme respectable.
Même si j’ai commencé avec J’te gage que… (devenu Bluff party en France), j’imaginais qu’avec le temps, je publierais des jeux plus joueurs, plus « velus ». Comme vous le savez, j’ai finalement trouvé mon créneau dans les jeux d’ambiance (C’est pas faux, Le monde est fou, Qui paire gagne…), les jeux de party comme on dit ici, puis dans les jeux pour enfants, avec La chasse aux monstres et À la bouffe. Ce qui n’est pas plus mal, car je me passionne en tant que joueur autant pour les Jungle speed que les Through the Ages de ce monde…
Il nous fallait par conséquent un logo qui allait exprimer la simplicité de nos jeux, leur côté « fun », léger, universel. C’est pourquoi le style piquant et en pointes a laissé place à des courbes, à plus de rondeurs. Ça le rendait beaucoup plus sympathique !
Toutes les agences de design vous diront qu’un logo se doit d’adopter la forme la plus simple possible, afin qu’on le comprenne et qu’on le reconnaisse facilement. Très rapidement, Manuel a constaté le défi voire l’impossibilité d’illustrer simplement un scorpion. Nous l’avons donc laissé tomber tôt dans le processus, car nous croyons qu’il est « visible » autrement. Tout d’abord, par le mot « scorpion », bien visible, qui a la chance d’être écrit de la même façon en français et en anglais, et donc d’être compris par tous ceux qui parlent anglais. On pouvait également affirmer que le scorpion était masqué, au sens de « caché ». Oui, une blague langagière douteuse… Que voulez-vous, on ne se refait pas ! Le fait de ne pas représenter le scorpion laisse plus de place à l’imagination du spectateur, qui peut le voir comme un personnages de type cartoon ou encore de façon plus réaliste. En fait, le Scorpion Masqué a toujours été pour moi un personnage, un héros, et donc l’important était son trait distinctif, le masque, qui lui donne son identité de super héros. Ce masque présente aussi l’avantage de faire voir les yeux, la partie la plus importante du visage, car ce sont eux qui nous interpellent. Le logo nous regarde le regarder.
Je suis heureux d’avoir pu conserver le style du masque original, qui rappelle quelque peu celui des Tortues Ninja. Ce genre de personnage ridicule si emblématique de la culture populaire. Si vous observez bien, vous verrez que l’inclinaison des deux « yeux » lui donnent de la personnalité : il hausse à peine le sourcil gauche. Je suis convaincu qu’il sourit. Rit-il de nous ? À vous de me le dire…
Pour écrire notre nom, nous désirions un lettrage unique. Nous avons donc engagé un artiste montréalais, Marc Sirus, qui nous a fait de nombreuses propositions. Celle que nous avons choisie, en plus d’être jolie, me fait penser à cette ancienne façon qu’avaient les équipes américaines de baseball d’écrire leur nom. Je vous mets ici celui de la défunte équipe locale, les Expos. Elle évoque également le plaisir des sucreries : bonbons et chocolat à l’ancienne.
Ce long processus s’est étiré sur cinq mois. Oui, 5 mois pour « pondre » un truc aussi simple qu’un cercle rouge dans lequel on aura écrit en blanc les mots « Scorpion » et « Masqué » sous un petit masque noir. Voyez-vous, les possibilités sont si vastes, les variations si nombreuses, qu’on ne peut prendre de décisions hâtives. Tout ce temps nous permis de laisser fermenter le projet, au-delà même du choix que nous pensions final…
Oui ! En préparant ce que nous appelons le guide de normes, qui explique comment utiliser notre logo et respecter notre identité visuelle, nous avons constaté plusieurs cas particuliers qui complexifiaient la mise en page du logo, notamment sur des fonds qui n’étaient pas de couleur uniformes… Et comme notre logo se trouve d’abord et avant tout sur nos boîtes de jeux, des fonds de couleurs non uniformes et variés, il nous est apparu étrange et incohérent que notre logo ne soit pas vu dans sa forme officielle 95% du temps.
Nous avons revu au passage les 3 petits icônes qu’on retrouve sur toutes les boites et qui indiquent les informations « techniques » du jeu : la durée, le temps d’une partie et le nombre de joueurs. Ce fut encore un petit casse-tête, surtout pour le nombre de joueurs. Nous nous sommes d’ailleurs permis une légère audace graphique. Il s’avère ardu d’entasser plusieurs silhouettes (pour exprimer le nombre de joueurs) dans un si petit espace. Surtout si on veut que celles-ci portent un masque et que le tout reste compréhensible ! Manuel a eu la brillante idée de « sortir du cadre » et d’utiliser ce dernier pour en faire un visage qui porterait le masque. Ainsi, le dernier ovale ne contient plus l’icône mais le devient.
Bon, je sais, je suis verbeux, que voulez-vous, on ne se refait pas !
J’espère que cette petite histoire vous aura plus et qu’elle vous permettra d’apprécier notre nouveau logo autant que nous…
À bientôt, pour de nouvelles aventures !
*** Si vous êtes un pro du jeu (boutique, ludothèque, presse…), n’hésitez pas à contacter Manuel à manuel AT scorpionmasque.com pour avoir notre tout nouveau logo.
