[Codex Naturalis][Petits Peuples]
Ils étaient bien cachés, mais nous avons retrouvé leur trace…
Voici le carnet de Nathalie et Rémi Saunier, les auteurs du jeu Petits Peuples, qui arrive en cette fin d'année 2021.
Nous tenons à préciser tout de suite que nous n'avons pas changé une virgule ou un mot au texte qu'ils nous ont envoyé. On ne se le permettrait pas. Non, parce qu'après, vous allez nous dire : "Oui, alors, c'est pas vraiment les auteurs qui parlent, etc."
Si si, nous vous l'assurons, ce sont leurs mots. Pour de vrai.
Bonne lecture !
(Bombyx)
...
Rémi : tout a commencé en 2013 par le visionnage d'une vidéo qui parlait de mathématiques et de super morpion... Elle m'a inspiré une idée de jeu.
Mais c'est quoi le super morpion ?
Le super morpion consiste en neuf petites grilles dessinées dans les neuf cases d'une grande grille de morpion, chacune étant connectée aux cases de la grande.
Nathalie : on a fait un premier proto qu'on a apporté à une soirée ''Tas de beaux jeux'', le club de jeux proche de chez nous. C'est alors un jeu abstrait qui répond au nom de ''4 Couleurs''. Le but étant de faire des alignements de x pions à sa couleur tout en réussissant des objectifs secrets. Les testeurs accrochent bien, mais le jeu est trop abstrait, trop long et il reste du travail.
Rémi : le plateau avait 81 cases, 9 cases composées de 9 cases. J'ai réduit à sept plateaux en forme d’hexagones composés de 7 cases.
La thématique qui s'impose alors sur le proto est un thème urbain. Chaque plateau est composé de 2 cases commerce, 2 cases usine et 2 cases d'habitation, la septième est une déchetterie et chaque terrain a une valeur comprise entre 1 et 5 crédits.
Le thème permet aussi la superposition des pions qui permettent de créer des immeubles. Ils se transforment en étages. Apparaît aussi dans le jeu de l'argent sous la forme de billets qui servent à payer les étages construits, la possibilité de revendre à la banque ou aux autres joueurs des bâtiments déjà construits.
Nous imaginons une prise de majorité à la fin de chaque tour de jeu pour permettre aux joueurs de renflouer, plus ou moins, leur réserve de billets. Il n'y a plus que des objectifs communs et individuels pour marquer des points de victoire.
Les premiers tests de cette version nous donnent bon espoir, quant à la mécanique.
On part à Ludinord et on apporte ce nouveau proto. Le retour qui en est sorti est qu'il était trop chargé et difficile à lire...
De retour à la maison, je replonge dans le graphisme et refais le proto pour une meilleure lisibilité.
Nathalie : l'évolution suivante du jeu se fait suite au festival Alchimie de Toulouse. Après notamment une partie trop frustrante, l'idée de 2 actions par tour fait son apparition lors d'un debrief.
C'est aussi lors de ce festival et après une discussion avec un éditeur qui trouvait le jeu intéressant mais qui n'aimais pas le thème, que nous cherchons une nouvelle approche.
Rémi : un thème qui me plaisait, mais pas du tout à Nathalie, est étudié : le hacking.
Ce thème apporte des idées que je trouvais intéressantes dont le fait de devoir retourner les plateaux pour accéder au réseau et l’apparition d'une IA. Le jeu était devenu semi-coop et les joueurs devaient pirater un système et combattre l'IA qui protégeait le réseau, mais chacun avec une mission secrète...
Finalement nous n'avons pas gardé cette version et sommes repartis sur le thème de l'urbanisation.
Puis on a un peu compliqué le jeu en créant des zones inter-quartier avec des bâtiments spéciaux et des bonus de points de victoire. Arrivent aussi les actions bonus que les joueurs pouvaient utiliser au cours de la partie.
Nathalie : nouveau festival et nouveau rebondissement dans la vie du proto. Le Finist'aire de Jeu, un de nos festivals favoris. On parvient à faire jouer Erwan Hascoët, le boss de Bombyx et il semble bien aimer le jeu. Il le prend en test, puis quelque temps après, nous propose un contrat d’édition.
Chez Bombyx, les échanges avec l'auteur sont au cœur du développement : on apporte un projet mais c'est ensemble qu'il aboutit et ces années de travail commun ont été riches ! Ensemble nous décidons du niveau de difficulté du jeu. Avec eux, nous avons dû déconstruire et simplifier le jeu pour n'en garder que ce qui nous a paru à tous le meilleur.
Quelques modifications qui nous amènent à la version finale :
- les billets disparaissent pour laisser la place à un plateau individuel pour gérer le budget, les actions spéciales...
- apparaissent des toits liés aux objectifs ''marchés public''.
Rémi : mécaniquement, on sentait que nous étions proches de la version finale mais toujours à la recherche d'un thème et d'une esthétique.
Alors Nathalie et moi décidons d'explorer une thématique asiatique pour une nouvelle version. Une cité impériale doit être bâtie.
On change la nature des terrains par militaire, religieux et civil et le quatrième type de terrain est en friche. On imagine des objectifs communs liés au nouveau thème, tels que le temple, la caserne ou la poste. Chaque joueur représente une famille qui veut avoir le plus de prestige possible pour devenir un conseiller de l’Empereur. Je crée et j'imprime en 3D des pions pagode, un modèle par famille.
Nathalie : de fil en aiguille, de parties en parties, le jeu change. Jusqu'au jour béni où, après une partie mémorable, Erwan déclare : ''c'est ok, la méca est réglée, c'est à nous de jouer maintenant''.
Bombyx est connu pour ses univers graphiques très riches et il nous tardait de voir ce qu'ils allaient faire de notre mécanique. Loïg aux commandes, ils nous proposent différents univers...
Rémi : et un beau jour, nous avons fait la rencontre des 4 petits peuples et du travail de Maxime Morin qui venait de faire, juste avant, l’excellent Codex Naturalis.
En signant avec Bombyx on avait l'ambition d'avoir, au final, un jeu au graphisme fort, mais le résultat nous a bluffés et nous sommes aussi heureux de l'aventure humaine que professionnelle.
Et l'aventure ne fait que commencer ….
Rémi & Nathalie
(Crédit photo : '' Game Trotteur'' et Sylvain Trabut)