Ok. Vous m'auriez demandé auparavant, jamais je n'aurais imaginé introduire un article de cette manière qui vient certainement de faire fuir 95% des lecteurs et frustrer les 5% restant qui continuent, incrédules, à le lire.
Nous sommes ici en plein retour vers le futur. Retour puisque l'inénarrable monsieur Harry Cover, nous a déjà présenté Ponzi Scheme dans l'espace bloggeur de Trictrac et futur parce la première édition multilingue est épuisée et qu'un éditeur américain dont le nom n'est pas encore révélé a acquis les droits d'édition de ce jeu taïwanais.
Je ne reviendrais donc pas sur le détail des règles puisque vous trouverez tout ce qu'il vous faut dans les articles de monsieur Harry.
Ponzi est donc un vilain monsieur du début du siècle dernier qui a contourné les règles de la finance pour s'enrichir tout en cassant la baraque. Bien sûr tout cela est terminé aujourd'hui... Ça ressemble à ce qui se passe aujourd'hui. Mais ça ressemble juste.
Mister Ponzi
Si je me permets de revenir sur ce jeu, c'est que la chose mérite qu'on s'y attarde. D'abord parce que depuis les années 80, les jeux de bourse n'ont plus tellement la côte. Même si, en réalité, nous ne sommes pas ici dans un jeu de bourse mais d'investissements. Trouvez donc ici un humble témoignage d'un joueur détestant l'économie et la finance avec autant d'ardeur que de méconnaissance. C'est quasi physique. Autant vous dire que les jeux aux thèmes financiers ne provoquent pas chez moi ni émoi ni attirance joyeuse.
Pourtant Ponzi Scheme s'adressant avant-tout au joueur qui est en nous, nous attrape dès le premier tour en procurant un sentiment d'urgence et de serrage de fesses qui ne nous quittera jamais de toute la partie.
Le principe de base est absolument limpide. Il faut acheter des industries en essayant d'être leader d'un ou de plusieurs secteurs en fin de partie. Rien ici de palpitant.
Seulement l'astuce c'est que nous arrivons tous comme capitaine d'industrie avec 0 brouzzoufs en poche. Juste un joli costard et un parler correct capable de rassurer un froussard de banquier.
Il va donc nous falloir emprunter pour investir puis emprunter pour rembourser nos emprunts et ainsi de suite, le tout avec forcément des montants de plus en plus élevés dus aux intérêts et à l'accroissement des investissements pour tenir le leadership
Ici les 4 types d'Industries avec un leadership de 3. Le nombre d'Industries possédées influent sur le choix des prochains emprunts.
Forcément, il n'y a qu'une issue, l'écroulement du système et la banqueroute pour défaut de paiement. La fin du jeu sera donc déclenchée par le premier joueur à ne plus pouvoir rembourser. Lui est d'ors et déjà éliminé. Parmi les survivants, le meilleur leader remportera la partie même s'il devait perdre lui aussi au tour suivant.
C'est là un outil de tension absolument génial qu'à initié Jesse Li. Pour remporter une partie avec des joueurs de même niveaux (une partie d'initiation sera nécessaire pour jauger la chose correctement), il va falloir être celui qui aurait du craquer en deuxième. Une gestion du timing aux petits oignons le plus souvent serrée qui donne forcément un goût de "reviens-y".
La matériel de la première édition est somptueux. Afin de ne pas trop verser dans le panégyrique, notons deux éventuelles petites faiblesses : l'absence de rangement dans la boîte et la manipulation des cartes du tableau des emprunts. Mais c'est vraiment pour chercher la vilaine petite bête. On ne sait pas ce que donnera la prochaine édition.
On retrouve dans le jeu plusieurs mécanismes, à la fois simples et astucieux. Jetons un coup d'oeil.
À chaque tour nous serons forcé de contracter un emprunt. C'est le moteur principal de la bête. Il se décompose en un tableau réunissant les emprunts offerts aux joueurs (qui évolue à chaque tour) et une "roue" qui va nous permettre de savoir quand et combien nous devons rembourser.
Pas nouveau le système de la roue me direz-vous... En effet mais cette fois, contrairement à certains jeux, il n'a rien de factice ou d'esthétique.
Chaque emprunt souscrit indique :
- 1 le montant que vous empruntez (30$)
- 2 le montant d'une échéance de remboursement (27$)
- 3 la fréquence de remboursement (3)
Et quand a-t-on terminé de rembourser un emprunt ? Rassurez-vous : jamais !
Ce tour ci tout va bien rien à rembourse. Le premier remboursement se fera dans 2 tours. Il faudra alors payer 10 à la banque. La carte ayant une fréquence de 5 sera donc placé devant la face 5 de la "roue". Le tour suivant il faudra payer 12+11 ... Et là nous ne sommes qu'au début d'une partie.
Un fois vos précieux billets déposés derrière votre paravent, à l'abri des regards calculateurs de vos adversaires, vous poserez la carte d'emprunt à coté du numéro de fréquence correspondant. La roue tourne d'un cran à chaque tour.
Vous savez donc dans combien de tours et combien vous aurez à rembourser.
Quand la roue arrive sur une carte Emprunt, on doit donc remettre le montant indiqué à la banque ou... tilter et terminer la partie.
Une fois le remboursement effectué, la carte d'emprunt est replacée à l'endroit de la roue indiqué par sa fréquence.
Cela nous permet donc de gérer des remboursements avec des fréquences et des montants différents sans calculs alambiqués ni aucune peine.
Les cartes vont donc entamer une ronde infernale. Sachant que vous devrez emprunter pour pouvoir rembourser les premiers emprunts, les cartes vont s'accumuler au fur et à mesure. Voilà un défi de taille pour le joueur : choisir un emprunt à la fois suffisant pour le laisser en vie (et acheter les entreprises des copains ou protéger les siennes des vilaines OPA) et une fréquence qui permet qu'il soit réparti au mieux des possibles parmi les remboursements existants.
Comme les étoiles dans le ciel, vous allez donc assister à de très belles conjonctions de cartes d'emprunts qui vont se retrouver parfois empilées au même tour entrainant une somme de remboursement à vous donner de jolis petits frissons.
Autre astuce délicieusement cruelle, Il existe un autre moyen de récupérer les précieux billets (qui ne vous permettront jamais de gagner à eux seuls. Il ne faut pas être le plus riche mais leader dans des secteurs et donc posséder des collections d'entreprises) : à la fin d'un tour de table, les joueurs vont pouvoir faire des propositions de rachat des entreprises des copains.
Pourquoi vendre une entreprise qui est notre moyen de victoire ? Pour pouvoir rembourser ses emprunts et ne pas tilter avant les autres. Seulement voilà, ce méchant Li a encore prévu une autre astuce vicieuse.
Vous voulez acheter une des entreprises de votre voisin ? Désignez le secteur désiré (dont vous devez posséder également au moins un exemplaire), glissez dedans les billets que vous voulez et faites lui votre proposition. Soit il accepte, garde les sous et vous avez une nouvelle entreprise, soit il rajoute la même somme vous la donne et c'est lui qui vous rachète.
C'est là que l'on comprend la nécessité des paravents. Morts au pauvres ! Un joueur en défaut de liquidités sera beaucoup plus conciliant pour qu'on lui rachète une entreprise. Un joueur bien nanti renversera la vapeur et vous rachètera. Mais n'est-ce pas ce que vous souhaitiez ? N'avez vous pas fait cette proposition pour récupérer des billets ? À partir de quel montant se fera la bascule entre une vente et un achat. C'est une question que vous allez vous poser à la fin de chaque tour et croyez moi c'est aussi bon que périlleux.
Tout ça pour vous dire que si vous aimez les jeux cruels, tendus, brise-neurones mais simple de règles, Ponzi Scheme risque de devenir un incontournable pour le public avisé.
J'espère que j'aurais fini de vous convaincre avec notre ami Harry pour un jeu que vous ne pourrez pas trouver à la vente et je sais, c'est cruel. Nous vous sonnons les cloches dès que la nouvelle éditions sera annoncée. Promis !
► Ponzi Scheme : LA partie, un autre du même