Qu'est-ce qu'un jeu abstrait ?

Il y a de ces personnes publiques dont on se dit, pour des raisons qui bien souvent nous échappent, qu’on aimerait les connaître ; que l’on aimerait découvrir, affranchie de leur masque de notoriété, dans l’intimité d’une discussion OFF caméra… je ne cache pas que le Dr Mops, dans la sphère ludique, serait cette personnalité sur laquelle je jetterai mon dévolu. Nulle question ici de tergiversations érotomaniaques, je vous rassure, mais une simple introduction tout en rondeur pour dire que…

... je ne suis absolument pas d'accord avec son affirmation :

tout les jeux sont abstraits. Y compris les jeux qu'on croirait que non

Lançons nous sans plus tarder dans une petite joute oratoire (en prose) de sémantique :

Qu'est-ce qu'un jeu dit "abstrait" ?

En toute simplicité, on peut considérer que l'adjonction du vocable "abstrait" au mot "jeu" renvoie à l'idée d'une catégorisation (oui, il est d'usage de commencer une joute verbale en enfoncant des portes ouvertes pour affirmer sa virilité tout en préservant l'usage futur de son épaule).

On pourrait débattre de l'utilité de catégoriser les jeux mais partons de l'hypothèse que cette catégorisation répond à un souhait de la communauté ludique de parler un langage commun.

Cette hypothèse nous amène tout naturellement à transformer la question initiale en celle-ci :

De quelle substantive moelle un jeu doit être fourni, pour répondre à la définition communément partagée du vocable "abstrait" ?

A ce niveau de l'article, tout lecteur-trice doit déjà avoir compris que la mauvaise foi et la subjectivité débridée vont y régner en maitre. En effet, transformer cette question comme telle revient de fait à annihiler l'affirmation de notre bon docteur puisque si tous les jeux étaient "abstraits", il n'y aurait pas eu d'usage de ce mot (si ce n'est pour répondre à de viles pulsions pléonasmiques).

Bien sur, on pourrait me rétorquer d'emblée que ce genre de raisonnement fallacieux pourrait laisser croire à l'existence des dragons.... d'où la nécessité de faire durer cette joute suffisamment en longueur pour que cet argument tombe dans les abîmes de l'oubli.

Reprenons un peu de sérieux et de rigueur, et habillons nous (en casaque stérile de préférence) pour procéder à l'autopsie du mot "abstrait" et en extraire le jus.

Armons nous d'un scalpel bien tranchant, celui du Larousse qui définit l'abstrait comme suit :

1. qui est le résultat de l'abstraction (elle-même définie comme l'opération ou le résultat de l'opération intellectuelle qui consiste à isoler par la pensée l'un des caractères de quelque chose et à le considérer indépendamment des autres caractères de l'objet) ....en ce sens, on peut considérer que si tout jeu n'est pas abstrait, tout jeu est par contre une abstraction et donc l'expérience ludique qu'il propose, abstraite (vous me suivez ?).

2. qui est difficile de comprendre par manque de référence à la réalité concrète ; on peut imaginer que c'est une mauvaise interprétation de cette définition qui a amené notre bon Arthélius à passer du coté obscure de la force, ce fameux 04 Février 2014, lorsqu'il a osé affirmer qu'il fallait thematiser-l-abstrait (j'en tremble encore)

3. ce dit de ce qui est conçu indépendamment de ses éléments constitutifs.

Avez-vous vu jaillir ce fluide inorganique dans lequel baignent les cellules de notre "abstrait" vivisecté ? non ? reprenons, pour mieux la comprendre cette définition n°2 :

Qui est difficile de comprendre par manque de référence à la réalité concrète

Voilà la véritable essence d'un jeu "abstrait". Soit un jeu qui ne fait en aucun cas référence, dans l'expérience ludique qu'il propose, à une réalité concrète. Il est le parfait négatif à la définition mopsienne du jeu comme objet vecteur d'une expérience de vie simplifiée, symbolisée, par procuration.

J'entend la rumeur grondée, et la thématisation guerrière des échecs brandie comme étendard....mais il n'en est rien ! tout comme le Go peut se figurer dans la tête du joueur comme une bataille, il en découlera inexorablement un biais stratégique : le joueur se figurant comme attaquant manquera l'opportunité d'une retraite et inversement ; le joueur se figurant en danger (de mort s'il se figure une bataille), subira intuitivement les affres de la peur qui paralyse et rigidifie ses choix stratégiques. Dans le go, d'autres figurations (par exemple celle d'un ami qui imagine le Goban comme une boite de Pétrie et ses pierres comme des bactéries à faire pousser) amèneraient à d'autres stratégies (tournée vers l'expansionnisme dans mon exemple) elles-mêmes rigidifiées par la figuration et les représentations qui y sont liées dans la tête du joueur.

En d'autres termes, un jeu peut se définir (selon moi) comme "abstrait" si la manière la plus efficiente/ludique d'y jouer consiste à ne pas se le figurer, y compris lorsqu'un thème y a été plaqué.

Cette définition (personnelle mais que je souhaite vous faire partager) est potentiellement transversale vis à vis s'autres catégorisations : ainsi un jeu abstrait n'est pas nécessairement un jeu de stratégie combinatoire ; je citerai à titre d'exemples :

. jeu abstrait d'ambiance : le kamoulox

. jeu abstrait d'optimisation : Troyes (à débattre)

. jeux de plis traditionnels : la belotte en est un parfait exemple

Sur ce, je m'en retourne à mon activité ludique préférée et parfaitement abstraite : dormir comme un bien heureux ;)

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belote = mieux !

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???
Que la définition d’un jeu abstrait est qu’un jeu abstrait est un jeu sans thème est, je pense, celle de la langue française et se traduit de la même façon dans bien d’autres.
Quand on dit d’un jeu que, malgré son thème, c’est un jeu abstrait, ou que son theme est plaqué et n’apporte rien à la mécanique me semble aussi assez clair et consensuel, au moins chez les amateurs de jeux de société.
Quand Mops écrit que tout les jeux sont abstraits, il fait référence à une idée proche de première définition du Larousse donnée plus haut et l’explique clairement avec son parallèle avec Magritte. La représentation n’est pas l’objet, c’est au mieux un moyen de transmettre l’idée de l’objet, mais aussi plein d’autre choses. Et en cela c’est une abstraction.
Il n’y a pas à être d’accord ou pas. C’est d’un côté l’usage et le sens de la langue, de l’autre l’expression d’une idée, d’une réflexion.

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peux t’on autoriser quelqu’un à être en désaccord avec soi si celui-ci nous refuse le droit d’être en désaccord avec lui ? … vous avez 3 heures :wink:

Mais je vous accorde que dans l’usage, abstrait se confond avec non figuré, non thématisé. Je m’interroge sur les conséquences de cet usage . Si l’on imagine qu’un jeu abstrait pourrait être thématisé sans en être dénaturé (ce que je pense faux), on peut légitimement se dire qu’il pourrait se bonifier d’une thématisation. De là, il n’y a qu’un pas avant de se dire qu’un jeu abstrait est le résultat d’une faiblesse éditoriale (souvent ce sens apparaît dans les interrogations des joueurs sur la qualité du jeu que l’on souhaite fait de matériaux nobles).
Quid de l’impact sur le nombre de sortie ?

Je ne trouve pas cette interrogation dans votre texte initial.

Qu’un jeu soit abstrait plaise ou ne plaise pas, c’est une question de goût. Qualifier cela de faiblesse éditoriale, un jugement qui n’engage que celui qui l’émet.
On peut tout critiquer et ne pas aimer le travail d’un auteur ou d’un éditeur. Personnellement, je préfère que Dvoon ne soit pas thématisé en partouze d’aliens. Je suis un fan de Burm. Et le fait qu’Euphrat and Tigris ne soit pas merveilleusement thématisé ne me gêne pas du tout et ne m’empêche pas de prendre du plaisir à y jouer.
Ensuite, en effet, il y aura toujours des gens pour ne jurer que sur le thème, d’autres pour qui un jeu sans figurines ne peut être qu’une daube, d’autres encore qu’un jeu à moins de trente pages de règles est infantilisant…
La variété des goûts et des couleurs…

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Un exemple vaut parfois mieux qu’un long discours. Quels jeux ne seraient donc pas abstraits ?

Allez je me lance : Un jeu de rôle ? Mieux, un GN ? Dans ce dernier, le thème est le moteur même du jeu, ce qui définit son essence. Un GN abstrait n’aurait aucun sens, si ?

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On pourrait imaginer une sorte de croisement entre un GN et un gala de danse contemporaine… mais c’est vrai qu’un GN abstrait c’est chaud :wink:

Hum, sujet très intéressant, à creuser… Pour le moment, je creuse, j’en suis déjà bien profond je trouve et j’entrevois un réseau de galeries, je prend celle indiquée : “Les Jeux et les Hommes”, Roger Caillois avec 4 petites créatures qui ont des post-its sur le front « agon », « alea », « mimicry » et « ilinx », vont-elles me perdre dans ce dédale ?
Pour le moment, je vous dirai qu’étant français, je mélange encore le jeu et le jeu, je veux dire le play et le game anglais.
Pour tout vous dire messieurs, au début, je n’ai rien compris à l’article de notre ami Jonathan. Sur la fin de son article, je pense que, même pour lui, tout jeu est abstrait, la faute allant à la définition du mot abstrait.
Alors que le Dr Mops, lui, je le comprends. Tout jeu est abstrait, la faute allant à la définition du mot jeu.
Les jeux de roles, pire les grandeurs natures, qui sont de la catégorie des jeux “role PLAYing games” ne feraient pas partie de la phrase du Dr Mops qui parle des jeux “games”.
Je pensais plutôt à (oui car j’essaye de répondre à mes questions, pour voir si j’ai raison de penser ce que je pense) DIXIT. Car DIXIT a une belle tête de game avec du play dedans.
A la prochaine, peut-être que d’ici la le docteur nous aura guéri.

Ta définition d’abstrait peut s’entendre. Une épure thématique pour se concentrer sur les mécanismes sans la possible manipulation induite par le thème. Dans ce cadre, les échecs seraient abstraits uniquement si à la place de la tour on avait un pion carré, un triangle pour la reine, etc… avec une définition de capacités pour chaque pièce. C’est simple et se tient.

un article avec peu de fond mais fort divertissant :slight_smile:

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Je vois que je peux etre compris. J’aime beaucoup cette idée d’un contre mouvement. “non a la thematisation a outrance !” :smiley:

Yep. Dans cette définition, un jeu non abstrait car avec thématique initiale peut devenir complètement abstrait à terme. Exemple : Magic the gathering. Très vite l’univers s’efface au profit de chiffres, de stats et de proba. On ne joue plus une “foudre” mais un effet qui retire 3 point aux 20 points du joueur (ce ne sont même plus des points de vie). Du coup, beaucoup de jeux peuvent devenir complètement abstraits dès lors que le thème est oublié et/ou n’influence aucun choix des joueurs. Par extension : un même jeu avec thématique sera abstrait pour les uns, et non-abstrait pour les autres, et ce dans une même partie réunissant ces mêmes joueurs ! Ca se corse :smiley:

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