Le jeu éducatif

Nous en parlions encore il y a peu en présentant la nouvelle collection des jeux éducatifs de chez Ravensburger à destination des très jeunes enfants ( voir ici); voici un autre aspect tout aussi passionnant concernant l’aspect éducatif des jeux mais cette fois avec des jeux qui n’ont pas été créé dans cette intention.
Le fait n’est pas nouveau, les jeux sont utilisés depuis des années dans diverses formations et apprentissages. La plupart des jeux utilisés sont des procédures spécifiquement définis en vu de mettre en exergue les principes que l’on veut étudier ou travailler. C’est ainsi que le “Jeu de rôle” a existé avant le “Jeu de rôle”. Le premier simulant des situations réelles pour les psychologues, le second des narrations imaginaires pour les… geeks ^^.
Jouer aux Legos permet-il de gagner quelques briques ?
On retrouve par exemple des exercices de gestion de groupe où les participants sont répartis en équipe avec chacun une fonction spécifique dans un processus global. On demande ainsi à ces équipes d’étudiants de reproduire à l’identique une construction en briques de Lego (disposition, forme, couleur, taille).
Sauf qu’un seul peu voir la forme initiale, doit la décrire à un autre étudiant transmetteur, qui lui même dictera les instructions pour la construction à un autre qui est le seul à pouvoir toucher les pièces de Lego. Une sorte de téléphone arabe dont on peut retrouver le principe dans plusieurs jeux commerciaux à but uniquement récréatif.
Les gagnants sont des gens heureux
Le jeu est également utilisé dans des expériences scientifiques (souvent sur le comportement) sans qu’il fasse lui-même l’objet de ces études. Je me souviens d’une expérience en psychologie cognitive où les participants devaient tester le goût de différents biscuits secs afin de les comparer et les noter (je cite ici de mémoire, si vous retrouvez la source you’re welcome). De fait, c’était une tromperie car le but de l’expérience était d’évaluer l’efficacité d’activités cognitives (le choix) en fonction du confort ou de l’inconfort social.
Les participants faisaient parti d’un groupe avec d’autres (faux) participants qui étaient en fait des acteurs.
Sous prétexte d’un retard et d’un besoin de laisser du temps entre les tests, on proposait aux cobayes de faire une partie de jeu de société (Monopoly je crois).
Dans un cas, les faux testeurs faisaient en sorte de mettre une bonne ambiance et de faire gagner le témoin. Dans un second cas, le groupe accusait injustement le témoin de triche et pourrissaient l’ambiance de la partie.
Venait ensuite le moment de la dégustation. Il est ressorti de cette étude que le deuxième groupe (la mauvaise partie) mettait plus de temps pour évaluer et classer les biscuits.
La mini mise au ban social qu’ils venaient de subir affectait leur assurance personnelle les mettant en difficulté devant les choix à effectuer.
J’aurais pu vous en citer d’autres mais je trouve celle-ci particulièrement parlante sur les effets qu’une simple partie de jeu peut avoir (même si cela est temporaire) sur notre fonctionnement même intime. Cela pose aussi question sur les raisons mêmes qui font que nous jouons encore après l’enfance.
Le jeu comme terrain d’expérimentation
Cette très longue introduction pour vous dire, que le jeu entre à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université de Laval (Québec) sous l’égide d’Anne Roussell, chargée de cours et épaulée par SocioJeux (présidé par Francis Gagnon), une jeune entreprise d’animation de jeux.
Dans le cadre de son cours sur le consultanat, Anne Roussel a utilisé le jeu “Compatibility” afin de mettre en évidence “la facilité à se rabattre sur des préjugés, positifs ou négatifs, pour cataloguer des personnes que l’on ne connait pas très bien”.
J’espère que cette analyse aura été modérée en prenant en compte que ce jeu s’appuie justement sur ces a priori pour qu’une communication d’affinité fonctionne entre les participants. Il n’en reste pas moins qu’inconsciemment peut-être, Craig Browne (l’auteur du jeu) a utilisé cette caractéristique que nous avons à réduire le champs de nos jugements dans des interactions sociales d’affinités.
Le 15 mars prochain c’est au célèbre “Colons de Catane” que joueront les étudiants qui ont bien apprécié leur premier cours (tu m’étonnes !).
Dans ce cours avec du jeu, on travaillera aussi. Il s’agira de confronter les théories de la négociation avec… cette réalité si particulière qu’est la partie de jeu : Parenthèse avec la réalité mais bien réelle quand même.
Peut-être, si ce procédé éducatif se poursuit, pourrons nous profiter de cette rencontre entre loisir et travail pour rappeler que le but de tout cela est la recherche de la performance mais dans un cadre qui doit rester celui de l’humain et qu’il vaut mieux éviter d’oublier que le but de tous travaux humains est la recherche de l’oisiveté…
Un vrai souci pour ces futurs consultants qui seront mandatés par des entreprises en recherche de pure rentabilité.
Mais ceci est un autre débat …