Au commencement, Reflets d’acide est une « saga mp3 » rôliste médiévale-fantasy (pour les noobs, comprendre un programme audio que l’on téléchargeait sur nos baladeurs mp3 au début des années 2000, sortes de grosses clés USB inélégantes avec une capacité de 128 à 256 Mo, c’est vous dire à quel point on ne mettait pas grand-chose dessus) créée par JBX au début du XXIème siècle. Si le thème se rapproche du très connu Donjon de Naheulbeuk, Reflets d’acide est plus sombre et a la particularité d’être rédigé en vers, avec un niveau de langue et de références plutôt élevé. Fin 2018, l’univers de la saga décliné en jeu de plateau fait l’objet d’un financement participatif réussi, et le jeu est finalement livré début 2021. C’est Atalia qui le distribue.
Dans Reflets d’acide, le jeu de plateau, vous incarnez des narrateurs faisant vivre une aventure épique (ou épiquement ridicule) à votre groupe d’aventuriers cherchant à accomplir une quête sous l’égide du dieu des aléas et du hasard. Le jeu propose un mode coopératif et un mode compétitif ce qui permet d’y jouer seul et jusqu’à 12, chose plutôt rare pour un jeu que l’on peut qualifier de complexe tant par la durée de partie affichée (90 minutes étant par expérience un minimum) que la densité des règles. La mécanique des deux modes est globalement similaire avec quelques petits ajustements.
Les plateaux de joueurs et le plateau de réussite des épreuves
Je n’entrerai pas dans le détail des règles mais je vais vous expliquer les grandes lignes de la mécanique du jeu afin que vous puissiez vous en faire une idée. Quel que soit le mode de jeu, chaque joueur dispose d’un plateau personnel sur lequel il va poser les cartes de héros qu’il recrute en début de partie et ses gemmes. Elles sont de cinq couleurs différentes, et les joueurs en ont une de chaque couleur pour commencer ; elles sont un peu la monnaie du jeu et ont de nombreux usages. Les joueurs ont une quête personnelle en mode compétitif, et une quête partagée en mode coopératif, concurrente de celle des vils, l’IA adverse. Pour l’accomplir, les joueurs devront déplacer leur équipe à travers le monde de Reflets d’acide jusqu’à atteindre le lieu indiqué tout en surmontant des défis et réalisant des objectifs variés.
À votre tour, vous faites avancer le pion des vils (en coopératif) ou de la dragonne (en compétitif), puis vous pouvez activer une bénédiction (une capacité à fond bleu sur l’une de vos cartes). Vous avancez ensuite votre pion en fonction du résultat du dé doré de la destinée et gagnez une gemme ; vous pouvez décider de courir et de lancer un second dé pour ajouter son résultat au dé doré, mais dans ce cas vous payez une gemme au lieu de la gagner. Puis, si votre chemin vous mène sur un jeton mystère, vous le retournez et appliquez son effet (gain ou perte), si vous passez par une carte aléa, vous êtes obligé de vous y arrêter et de la résoudre, et vous pouvez toujours décider de vous arrêter sur une case chance pour gagner un ou plusieurs bonus, ou de prendre un raccourci à vos risques et périls (vous devrez alors faire un test de vitalité pour l’un de vos héros qui pourrait se solder par une blessure ou sa mort).
Les cartes aléas
Si vous révélez une carte aléa, vous devez la plupart du temps passer une épreuve. Vous payez tout d’abord le nombre de gemmes indiqué en haut à gauche de la carte, puis vous devez faire face à des imprévus (2 piochés en coopératif, ceux envoyés par les autres joueurs en compétitif) qui peuvent vous aider ou rendre votre tâche plus difficile en augmentant la complexité de l’épreuve ou en diminuant les compétences d’un héros. Chaque héros dispose en effet d’une valeur dans les cinq compétences.
Lors d’une épreuve collective, il faut lancer un dé par personnage puis les leur attribuer en regardant la compétence demandée. Si la valeur du dé est inférieure à celle du héros dans cette compétence, le test est une réussite ; si elle est égale, c’est une réussite critique ; si elle est supérieure, c’est un échec ; enfin, si c’est un 6, c’est un échec critique. On additionne alors la valeur de tous les dés de réussite en ajoutant un point pour chaque réussite critique et en enlevant un point pour chaque échec critique. Si la valeur obtenue est supérieure ou égale à la difficulté de l’épreuve, le test est réussi, sinon c’est un échec. Parfois vous devrez alors faire une autre épreuve, parfois vous appliquerez alors la conséquence de votre réussite ou de votre échec. Certaines compétences de vos héros vous permettront, contre le paiement de gemmes, de diminuer la difficulté d’une épreuve. S’il s’agit d’une épreuve individuelle, c’est le héros désigné par le résultat du dé doré qui doit seul réaliser le test, chaque réussite valant alors un point, les réussites critiques deux points et les échecs critiques retranchant un point. Les épreuves réussies vous donneront des loots pour améliorer vos héros tandis que les épreuves échouées vous contraindront à effectuer des tests de vitalité.
Sur le plateau : à gauche, le voyage ; à droite, le gouffre
Une fois arrivés au bout du parcours, vous aurez affaire à de nouveaux types d’épreuves : celle de la porte du gouffre et celles des salles qui le composent. Trois de ces salles vous seront utiles pour accomplir votre quête mais encore vous faudra-t-il les trouver parmi les 10 du gouffre et réussir leurs épreuves ! Le système est différent car pour chaque échec des épreuves d’une de ces cartes, sa difficulté diminue pour le prochain essai, jusqu’à trois fois. Il devient alors plus facile de réussir l’épreuve, mais vous fait perdre un temps précieux permettant à vos adversaires de vous doubler et à la dragonne ou aux vils de vous rattraper !
Il existe plusieurs façons de perdre mais une seule de gagner dans Reflets d’acide. Vous perdez la partie si vous êtes rattrapé par le pion des vils ou de la dragonne, si la dragonne pose les cinq gemmes sur la tombe blanche dans le gouffre et que votre équipe s’y trouve encore (en compétitif) ou que les vils terminent leur quête avant vous (en coopératif). Vous gagnez si vous faites partie des équipes chanceuses ayant réussi à rejoindre Maender-Alkoor via le portail se trouvant dans le gouffre, et si vous êtes l’équipe avec le plus de points de victoire (ou que l’équipe des vils en coopératif). Ceux-ci dépendent des réussites réalisées sur votre carte quête et des autres cartes récupérées sur votre route (aléas réussis, héros remportés, …).
L'aventure ne fait que commencer !
Je vais tout d’abord vous donner mon avis, celui de quelqu’un qui connaît l’univers et l’apprécie depuis son adolescence, et plus bas vous trouverez celui de mon principal partenaire de jeu, Johan Muzo, qui lui découvrait l’univers.
Pour ce qui est du matériel, le jeu est extrêmement qualitatif : intérieur de boîte illustré, gros pions en bois, plateaux de joueurs en carton double-couche et recto-verso, gemmes colorées avec le petit sac qui va bien, escarcelles cartonnées pour placer les cartes gagnées lors du voyage et cacher en même temps notre quête à nos adversaires en mode compétitif, le tout a été très bien pensé ! Les illustrations sont très sympathiques et participent bien à l’immersion dans l’univers du jeu.
La lecture des règles m’a semblé quelque peu ardue pour les deux modes, elle manque selon moi d’aération, de titres pour mieux se repérer et d’illustrations. Elle est organisée pour être utilisée au fur et à mesure des premières parties, appuyée par les aides de jeu. Néanmoins, s’il vous reste des questions après en avoir achevé la lecture, le manuel de références qui détaille une partie des cartes et la FAQ disponible sur le site internet devraient dissiper vos derniers doutes. Et une fois la première partie passée, tout s’éclaire !
Concernant les mécaniques, on alterne entre un système de « jeu de l’oie » où votre équipe doit progresser au long d’une piste et résoudre les effets des éléments de jeu sur lesquels elle tombe pour la première partie du périple, puis de recherche des salles nécessaires à la réalisation de votre quête une fois entrés dans le gouffre. Par ailleurs, il y a une dynamique de course puisque l’équipe ne doit pas se faire rattraper par les vils ou la dragonne. Enfin, la mécanique de résolution des épreuves est très similaire à ce que l’on trouve dans la plupart des jeux de rôle : difficulté à atteindre ou dépasser entraînant la récupération de loot en cas de réussite et une blessure en cas d’échec.
Des héros prêts pour l'aventure !
En soi, le jeu n’est pas réellement compliqué. Les tours de jeu s’enchaînent toujours de la même manière et les aides de jeu sont là pour assurer leur bon déroulement. Néanmoins, la multitude des points de règles, le besoin d’avoir l’œil sur tous les types de cartes que l’on possède, les nombreuses capacités combinées des héros, de leurs loots, des cartes imprévus et des jetons mystère ramassés peut apporter une certaine lourdeur. Cela me fait m’interroger sur le public visé par le jeu. S’il s’agit des fans de la première heure de la saga MP3 et qu’ils ne sont pas coutumiers des jeux de société modernes, le saut risque d’être rude. À l’inverse, s’ils sont habitués à jouer ou qu’un public plus « joueur » désire découvrir l’univers tout en profitant des mécaniques du jeu, cela me semble pouvoir mieux fonctionner.
Si vous n’aimez pas les jeux très chaotiques, dans lesquels vous pouvez perdre un héros important ou tout votre loot sur un jet de dés, Reflets d’acide n’est pas fait pour vous. En effet, un peu comme pour un jeu de rôle, quand les dés ne sont pas avec vous, difficile de réussir vos épreuves, même en épuisant vos potentialités de relances (capacités de héros ou de loot, cartes imprévus, jetons mystère ou gemmes). De plus, il vous faudra composer avec les créatures et bestioles balancées par vos adversaires (ou tirées au hasard en coopératif) qui handicaperont vos héros ou augmenteront la difficulté de votre challenge. Sans compter la perte de votre héros le plus boosté en équipements à cause d’un lancer de dé malheureux, compromettant ainsi vos chances de mener votre stratégie à bien… Du coup, il nous a semblé beaucoup plus agréable de jouer en compétitif qu’en coopératif, et d’observer la semi-coopération entre les équipes pour freiner la dragonne qui se retourne en coups bas une fois passée la porte du gouffre pour accomplir le plus rapidement sa quête et rentrer fissa à Maender-Alkoor ! Mais quel que soit le mode de jeu, le challenge sera dur à relever !
Les différents autres types de cartes du jeu
L'avis de Johan Muzo :
J’étais vaguement familier de l’univers de Reflets d’acide. À vrai dire, hormis quelques répliques entendues par-ci, par-là, je n’étais pas vraiment connaisseur de la saga mp3 de JBX.
Il est clair que dès l’ouverture de la boîte, il y a un effet « wahou ». Du beau matériel, du carton bien épais, un chouette boulot d’illustrations qui collent bien à cet univers « med-fan » délirant. Car c’est un des gros points forts du jeu à mon sens : une édition très réussie, il me paraît important de le souligner. Même s’il m’était inconnu avant de jouer, l’univers m’a semblé bien présent au cours des parties. Mention spéciale pour les petits textes sur les cartes dont l’écriture est plaisante et fait sourire.
Du côté des mécaniques, le jeu reste assez classique. Il y a une volonté de se rapprocher des mécaniques de jeux de rôle, avec notamment de nombreux lancers de dés. Très nombreux. Car il y a beaucoup d’aléatoire dans Reflets d’acide : on lance un dé pour avancer, on lance des dés pour combattre, on pioche des cartes, etc. Mais très peu de moyens de composer avec le hasard et s’adapter, d’où une certaine frustration tout au long de la partie. Il n’est pas rare de tout foirer en un lancer de dés. S’ajoute à cela le côté « take that » comme disent les Anglosaxons, que l’on pourrait traduire par « Prends ça ». On peut en effet jouer des cartes qui viennent perturber la (si maigre !) stratégie que l’adversaire avait montée pour par exemple remporter un combat. Je ne suis absolument pas contre l’interaction si elle ne se résume pas à gêner l’adversaire gratuitement.
M’est donc venue cette réflexion : quel type de jeu est Reflets d’acide ? Faut-il le considérer comme un jeu d’ambiance ? Il est clair que la complexité des règles et la longueur des parties ne vont pas dans ce sens. Et donc, à quel type de joueur s’adresse-t-il ?
Gêné ou pas par son adversaire (il y a d’ailleurs un mode coopératif), c’est un jeu qui demande vraiment à se préparer au combat, à s’équiper au mieux pour remporter les épreuves, notamment en vue des salles à explorer en fin de partie. Sinon, votre fin de partie se résumera à tenter l’épreuve, échouer, retenter l’épreuve à un niveau de moindre difficulté, etc. Ajoutant donc tout son lot de longueurs et de lenteur.
Pour conclure, et dans le style de l’auteur : « Vos héros choisissez, les épreuves relevez puis dans le gouffre descendez, pour trouver le trésor et rentrer couverts d’or à Meander-Alkoor ! ».
Fiche technique
Éditeur : Atalia
Auteur : JBX
Illustrateur : Le Fab et Frédéric Vigneau
Nombre de joueurs : 1 à 12 joueurs (1 à 3 en coopératif, 2 à 12 en compétitif)
Âge : 14+
Durée : 90 minutes
Et pour rester dans l’ambiance : on se refait toute la saison 1 de Reflets d’acide, en attendant la saison 2 !