« C’est l’histoire d’un gars qui aimait jouer et lire des BD… »
Bon j’ai pas commencé par « il était une fois », tout va bien.
On peut pas dire que je navigue dans le conte de fée, alors c’eût été hors sujet.
Non, je suis plutôt univers glauques et un peu sordides, humides voire moisis…
Je n’aime rien tant qu’un bon Jean-Pierre Jeunet par exemple, bien noir mais poétique – un Tim Burton aussi.
Les fées, quand je les croise, sont celles de Brian Froud (Dark Crystal, Labyrinth). Certaines sont sympas, mais pas toutes. En général leurs considérations sont au dessus de nos petits problèmes moraux et il ne faut pas leur demander compassion ou compréhension.
le château de Dark crystal – Brian Froud
Quand je joue à des jeux de rôle, c’est Midnight, Shadowrun, In Nomine Satanis… du noir du lourd !
Mais faut pas croire ! Je suis quelqu’un de joyeux, pas spécialement gothique et encore moins dépressif…
J’ai juste des affinités avec ce qui est sombre, voire caché (belle expression tiens).
Ceux qui m’ont croisé sur des salons peuvent en attester.
Je suis auteur de jeux après tout et mes premières créations sont des party-games pour les enfants ou ados… Du rigolo, pas forcément gentil, mais rigolo.
Mais ça, c’est de nos jours : je saute des étapes. Revenons au départ !
J’ai toujours joué !
Ça ne nous rajeunit pas, mais j’ai découvert le jeu de société avec des titres comme Heroquest (25 ans l’an dernier) ou Space-Crusade et le jeu de rôle dans la foulée.
Oldies
En parallèle, étant d’Angoulême, je suis aussi tombé dans la BD quand j’étais tout petit.
Si l’achat de jeux pour toute la fratrie se justifiait auprès de nos parents (d’une pierre plein de coups), les BD restaient un plaisir trop personnel et dont le rythme des acquisitions était toujours trop lent.
Aux anniversaires et fêtes par exemple.
J’investissais donc mon argent de poche en albums de mes auteurs préférés que je cachais ensuite dans un (grand) tiroir qui fermait à clef.
Je poussais le vice en offrant parfois à mes frères des BD que je souhaitais lire moi même.
Séries que j’ai récupérées depuis (malin).
Ce fut d’ailleurs le cas de la première série dans laquelle je découvrais le talent d’Olivier Ledroit : « les Chroniques de la Lune Noire » (1989).
Adaptation d’un jeu de rôle d’aventure med-fan, on y suit (oui la série continue) les tribulations de Wismerhill, qui passera de simili-pnj à maître du monde (pas civilisé).
Si les couvertures de ces albums rendent justice au talent de l’artiste, les planches sont loin de ses travaux ultérieurs.
Tritique de couvertures réalisé par Olivier Ledroit
J’ai donc suivi la carrière d’Olivier Ledroit en bon fan que j’étais.
Il a d’ailleurs aussi fréquenté les fées, je conseille d’aller voir ce travail qui est époustouflant.
la fée Morganne par Olivier Ledroit
Celui pour Ubisoft sur le jeu Heroes of Might and Magic.
En bande dessinée on trouve : Xoco (1994), Sha (1996), La porte écarlate (1998), puis Requiem chevalier vampire (2000) et Wyka (2014).
Un Ange par Olivier Ledroit pour le jeu Heroes of Might and Magic
Quand j’en ai lu les premières planches de Requiem, j’ai pris une grosse claque visuelle.
Des doubles-planches à couper le souffle, des illustrations fouillées et riches, gothiques et monstrueusement originales… Du jamais vu !
Sauf peut être chez Hans Ruedi Giger, le papa de Alien.
Un monde tout aussi original créé par Pat Mills.
Imaginez la terre mais en négatif.
Là où nous avons des mers, ce sont des continents, et les continents : des mers de sang.
Le sang favorisant le passage entre les mondes, Résurrection – c’est son nom – flotte dans les Limbes et les âmes perdues, voire parfois des pans entiers de notre histoire, viennent s’y réincarner.
Résurrection
Comme tout est question de Karma, les pires criminels sur Terre y deviendront des monstres.
Plus ils étaient mauvais, plus ils seront puissants.
Les vampires en sont l’élite, du moins le pensent-ils.
Fiers de leurs actes passés, ils revendiquent le statut de créatures infernales.
Mais on y trouve aussi des goules, des zombies, des loups-garous, des dragons…
Cela ne pouvait que me plaire.
Trombinoscope
Onze tomes ont parus depuis, le dernier en 2012 - une véritable histoire commune car j’ai acquis le premier tome dès la 1ère édition - au rythme d’un tous les ans ou presque, ce qui est un exploit quand on connaît la qualité de l’œuvre.
Olivier Ledroit a décidé de développer d’autres projets récemment. Il ne reviendra vers Requiem que plus tard pour finaliser cette histoire.
On peut le comprendre, une telle ambiance pendant 12 ans ça doit peser un peu sur les nerfs…
Pour en revenir à moi, m’intéressant à l’illustration depuis toujours, j’ai (après quelques zig-zags universitaires) intégré une école d’arts appliqués.
Pendant ce cursus et à peu prêt à l’époque des premières sorties de Requiem, un ami m’a proposé de travailler sur la réalisation de son jeu de cartes, Heros Deï.
Je passais donc de longues soirées (voire des nuits blanches) à mettre en page ou illustrer certaines cartes (pas mes meilleures œuvres) dont les illustrateurs préposés était en retard ou absents.
Je travaillais le jour dans une agence de design, mais quand j’en ai eu ma dose, je me suis installé en indépendant et j’ai créé KiniGame, une association d’édition de jeux de société.
Youri Faja, membre KiniGame, m’avait apporté une mécanique de jeu que nous développions ensemble : Antik War.
Une mécanique presque abstraite, une ambiance sombre et des factions qui se battaient sans fin.
Nous étions d’ailleurs partis sur un univers med-fan assez classique façon Warcraft…
Rien de très original dans le thème, mais bon le projet était de travailler la mécanique puis d’aviser sur son développement.
Puis j’ai eu un déclic : « Mais bon sang ça collerait parfaitement avec l’univers de Requiem… »
Après discussions, nous avons convenu qu’il ne coûtait rien de voir avec l’éditeur ce qu’il en disait.
Contact pris il s’est avéré que celui-ci était plutôt d’accord.
Bon il ne souhaitait pas s’impliquer outre mesure : il était d’accord pour que nous développions sa licence (moyennant avance sur droits) et ensuite il nous laissait toute latitude.
Et bien, vendu !
Et nous avons commencé à développer le jeu dans ce sens.
Au fil du temps, les imbrications entre la mécanique et le thème sont devenues plus sensibles. Les personnages et factions du jeu gagnant une personnalité qu’il nous fallait retranscrire dans les effets etc… Jusqu’à être inséparables.
Ce n’est pas un jeu ameritrash, ni non plus un jeu abstrait… c’est un peu de tout cela !
début de partie
Cela prit un certain temps mais une fois que nous avons eu un jeu de base bien développé, nous avons envisagé sa production… et donc son financement (non parce que chez KiniGame on n’est pas riche).
L’époque était au début du crowdfunding et l’idée nous plû, nous avions une licence qui, bien qu’un peu confidentielle (énorme succès en France mais pas tant à l’international) nous permettait d’espérer une certaine visibilité.
Mais nous avons bien raté notre projet… des choix personnels hasardeux, une plate-forme pas forcément pertinente, des illustrations reçues tardivement et pas de visuel de figurine…
Bref fiasco, transformé via une pirouette en tirage préliminaire 100ex collector signés (partis en 2 salons).
Reculer, donc, pour mieux sauter, oui, mais reculer beaucoup…
Il nous aura fallu 2 ans (et plus) pour pouvoir être prêts ou presque.
Nous avons fait travailler un infographiste 3D, nous avons obtenu plus d’illustrations, nous avons testé et retesté.
figurines preview 3D
Et puis il nous fallait pouvoir atteindre Kickstarter.
La date de lancement était au 12 Avril dernier.
Si vous êtes curieux de voir comment cela s’est produit vous pouvez lire le sujet du forum qui lui est dédié (merci en passant à ceux qui y participent pour leurs précieux conseils).
Après 15 jours nous annulions… pour relancer 2 jours plus tard !
Le budget fut alors validé et depuis nous avons atteint un palier.
Mais on n’envisage pas comme tout cela est épuisant et demande de compétences variées…
Je comprend et respecte d’autant plus le travail colossal qu’a dût réaliser l’équipe Monolith pour réussir une campagne d’une ampleur telle que celle du jeu Conan.
Nous sommes deux pour gérer et sur beaucoup de points je suis tout seul et cela fait quelques jours que mon taux de vitamine D (lié à l’exposition à la lumière du jour) baisse dangereusement.
Enfin, la campagne se terminera le 29 Mai prochain, c’est donc encore une aventure à suivre !
Requiem chevalier vampire - le jeu sur Kickstarter !
Antoine Riot
KiniGame
PS : Pour en savoir plus sur : Olivier Ledroit; le sujet sur le forum; le site de KiniGame.