Revue Caustique : Bohnanza Duel

Revue Caustique : Bohnanza Duel

Bonjour chers membres de la famille Tric Trac !

Aujourd'hui je vais vous évoquer l'un des meilleurs jeux de négociation, ou tout du moins notre favoris dans mon cercle de joueur : Bohnanza. Mais plus particulièrement sa version pour deux joueurs, qui semble-t-il passe un peu inaperçu dans notre belle francophonie. Mais c'est probablement parce qu'il faut aller le chercher outre-rhin pour se fournir en Bohnanza Das Duell.

Revue Caustique : Bohnanza Duel

Le Bizness des Haricots

Bohnanza, sous sa forme originelle, est sortie en Allemagne en 1997 de l'esprit de Monsieur Uwe Rosenberg. Le principe du jeu est tout simple : se faire de la thune ! Le thune correspondant à la pièce de monnaie imprimée sur le verso des cartes : la monnaie officielle du jeu.

Pour se faire, c'est à la fois simple et alambiqué : il va falloir planter des haricots dans ses champs. Il existe plusieurs familles de haricots, sachant qu'en fonction du nombre de joueurs autour de la table, certaines familles seront retirées. Ces familles sont plus ou moins rares (il n'y a par exemple que 12 exemplaires de Harry Copain dans tout le jeu), et la rareté de ces cartes est indiquée en haut de la carte (dans l'exemple ci-dessous, vous voyez une famille de 8 et une famille de 16). Ces nombres correspondent en réalité, et c'est très important dans la stratégie du jeu, au nombre de carte de cette famille en présence dans le deck de cartes.

Le but va être de planter ces haricots dans ses champs. Mais nous n'avons que 2 champs de disponible au début de la partie, et un champ ne peut recevoir qu'une seule famille d'haricots. Il faudra donc arriver à accumuler le plus de cartes d'une même famille dans un même champs pour recevoir un maximum de thunes lorsque viendra le temps de les déplanter pour faire de la place !

Et combien ça rapporte un champs déplanté ? Et bien cela dépend du type de haricot et du nombre de cartes dans votre champs ! Dans l'exemple ci-dessus, les Red Bean (Harry Comiques dans la VF) rapportent ici 3 thunes si on devait les déplanter, car comme vous pouvez le voir, il y a 4 cartes dans ce champs numéro 1 et qu'en dessous de l'illustration on voit que pour "4 (cartes)" la récompense est de 3 pièces. Je vous laisse deviner combien ce champs de Stink Bean (Harry Cochon) rapporte (réponse : 2 thunes, bravo !). Lorsque l'on déplante, on récupère autant de cartes que notre profit, que l'on retourne et place à côté de soi, et le surplus de cartes retourne dans la défausse.

Le hic, ou plutôt le sel du jeu, est que nous avons 5 cartes en début de partie, et que nous n'avons pas le droit de les mélanger. Car leur ordre est très important. Au cours de la partie vous devrez placer vos cartes dans un ordre précis : soit de droite à gauche soit de gauche à droite (vous choisissez en début de partie). Et donc, que faire si j'ai mes 2 champs de remplis et que ma prochaine carte à jouer est d'une autre famille ?

Deux possibilités s'offrent à vous :

- déplanter un champs pour pouvoir planter votre nouveau haricot.

- vous débarrasser de ce haricot nuisible !

Parce qu'à chaque tour, vous devez obligatoirement placer la première carte de votre main dans un de vos champs, et optionnellement la deuxième. Et puis vous allez révéler 3 cartes de la pioche sur la table, et c'est là que la partie commence ! Ces 3 cartes supplémentaires sont désormais vôtres. A vous de les planter... ou de les négocier avec vos adversaires pour vous en débarrasser et surtout, faire du profit si possible ! Aucune limitation dans la négociation, si ce n'est que les négociations doivent toujours être faites avec le joueur actif. Mais si vous voulez échanger 5 cartes contre 1, c'est tout à fait autorisé (si l'un des joueurs est prêt à se faire pigeonner publiquement...). Il est aussi fréquent de mettre la pression à un joueur actif qui ne veut pas d'une carte qui lui ferait déplanter des champs prometteurs... et ainsi recevoir gratuitement la dite carte qui, comme par hasard, se plait si bien dans votre champs !! :)

Une fois que les 3 haricots auront trouvés preneur(s), le joueur actif pioche 2 cartes (l'une après l'autre, pour bien les mettre dans l'ordre de sa main) et le tour passe au joueur suivant.

La partie se termine lorsque l'on aura épuisé à 3 occasions la pioche de cartes. Ensuite, chacun compte le nombre de thunes qu'il possède à côté de lui : le plus riche l'emporte !

Tric Trac

Bohnanza est donc un très bon jeu ! Avec une ambiance de party game, il ne faut surtout pas prendre ce jeu et la thématique cocasse développée par Gigamic pour argent comptant : c'est un jeu stratégique ! Alors oui, il y a du hasard dans la pioche et l'ordre des cartes dans notre main. Mais le but du jeu va être d'accumuler un maximum d'haricots, en se libérant la main des haricots nuisibles, quitte à faire des cadeaux aux autres. C'est aussi un jeu de pression et d'informations cachées !

Parce que oui, si j'ai le haricot #4 en main que tu viens de poser, je vais te le proposer... mais si en face tu m'offres une #16 en échange, je vais temporiser en fonction de sa position dans ma main. Si elle est en fin de main, elle me bloquera que dans un tour ou deux, autant embêter l'adversaire d'autant de tours où son champs à #4 va l'handicaper, et jusqu'à ce qu'il/elle pioche d'autres cartes d'intérêt pour moi ! Et quand on me demandera ce que j'en attends...

Tric Trac

Mais à l'opposé, si j'ai plusieurs cartes qui intéressent un joueur actif à la table dans ma main, il n'est pas obligé de le savoir. Si il/elle est prêt(e) à faire un échange 1 carte pour 1 carte, ça me permettra de négocier au prochain tour, et une fois encore, le/la ralentir.

Donc voilà. Bohnanza, j'adore. Mais le soucis avec les jeux de négociation comme celui-ci... c'est qu'il faut être au moins 3 joueurs autour de la table ! Et mieux encore à 4 ou 5. Mais donc les pauvres couples ne connaîtront donc jamais le plaisir ludique d'un Bohnanza ??!

Uwe a pensé à nous ! Je vous présente donc sa variante 2 joueurs :

Bohnanza Duel

Dans cette version uniquement pour 2 joueurs, vous retrouverez vos familles de haricots préférées ! Et le but du jeu ainsi que son fonctionnement est sensiblement identique à celui de son grand-frère : se faire de la thune, en plantant des haricots, puis les déplanter, le tout avec une main toujours aussi problématique.

Mais quelques petites variations se sont glissées dans les règles de ce jeu :

- On commence tout de suite avec 3 champs, et contrairement à l'original pas moyen de payer pour s'offrir un champs additionnel en cours de partie

- On commence avec 3 thunes chacun : il manque donc 6 cartes dès le début, de quoi embrouiller les joueurs avec un tableur Excel ouvert en permanence durant la partie !

- Il est autorisé de planter plusieurs familles de haricots dans un même champs, selon la règle suivante : vous ne pouvez planter dans un champs déjà occupé que la même famille que la dernière carte de la pile, ou la famille du N+1. Comprenez, si vous avez un champs de #10, vous ne pouvez que planter un 10 ou un 12. Et vous pourrez ensuite soit y ajouter un 12 ou un 14. Et ainsi de suite. Cependant, comme les familles rares rapportent bien plus vite de la thune, planter différentes familles va peu à peu rendre les profits plus complexes à obtenir !

- A chaque tour actif, je suis obligé de proposé au joueur inactif une carte. Que cela soit l'une des 3 cartes placées face visible durant mon tour, l'une des cartes de ma main... ou un bluff ! Parce qu'en face, mon adversaire aura 2 options : accepter mon deal, ou proposer une contre-offre. Et j'aurai ensuite les mêmes options. Sauf que l'on ne peut pas proposer 2 fois le même deal (si j'ai proposé un #12, plus personne ne pourra proposer cet échange s'il été refusé), et que si mon adversaire appelle mon bluff, je dois lui offrir l'une de mes thunes !

- Mais donc que faire si je me retrouve avec les 3 cartes révélées et qu'elles ne m'intéressent pas ? Et bien je vais pouvoir, si je n'ai pas réussi à la négocier à mon adversaire, en défausser une et une seule. Les 2 autres je dois m'en occuper de la manière classique : déplanter un champs ou deux pour leur faire de la place !

- Enfin, chaque joueur aura à tout moment dans sa main 3 cartes objectifs. Ces cartes sont des revenus bonus lorsque les conditions sont réunies. Dans un de mes champs, ou dans celui de mon adversaire !

Ainsi, cet objectif me rapportera un petit bonus dès que l'un de mes champs ou celui de mon concurrent présentera 5 cartes de la même famille à la suite (en partant de la dernière carte posée). Ca tombe bien, regardez mon champs de 5 Harry Cover ! Cette carte est donc validée, elle me rapporte 1 thune et 10 centimes. Les 10 centimes correspondant au numéro "10" présent au-dessus de la condition.

Ici un autre objectifs, toujours pour 1,10 thunes, me demande un champs avec une carte haricots N puis 3 cartes haricots N+1. Objectif validé ! Je le pose donc avec le reste de mes thunes, et j'en pioche un autre !

A la fin de chaque tour je peux donc valider mes objectifs, et/ou en défausser pour piocher un autre que j'espère plus facilement réalisable. Même à la fin du tour du joueur adverse.

Et c'est là tout le sel du jeu : parfois certaines cartes m'intéressent pour mon champs, mais je vais essayer de les proposer quand même à mon adversaire pour valider un objectif grâce à son champs ! Les objectifs rapportant entre 1,10 et 2 thunes, ça peut rapidement valoir le coup/cout ! Surtout pour brasser un maximum d'objectifs et essayer d'en valider rapidement et plus que l'adversaire... Ou au contraire, je vais être dur en affaire afin de ne pas récupérer 3 mais 4 haricots durant mon tour actif !

On retrouve donc totalement les sensations du Bohnanza originel : la négociation est là, et elle est encore plus féroce avec du bluff, de la stratégie de champs, de la stratégie de mains et de la stratégie d'objectifs ! Il va falloir faire des cadeaux pour s'offrir des opportunités, et c'est magique tellement cela fonctionne bien !

D'un point de vue production, on reste sur la même ambiance que l'originelle, mais ne nous mentons pas, Bohnanza ou Bohnanza Das Duel sont tout deux bien trop prenant pour que l'on s'attarde sur les illustrations du jeu. On n'a pas le temps de rêver, faut faire de la thune ici !

Pour ce qui est de la durée de jeu, la version originelle estime une partie moyenne autour de 30 à 60 minutes et dans la version 2 joueurs à 45 minutes. Soyons honnête : il s'agit de négocier ici ! Je cris donc au mensonge éhonté, une partie à 3-4 joueurs prenant en général dans mon groupe de joueur 1h30, tandis qu'à 2 joueurs on est aux alentours de l'heure de jeu.

Cependant, en plus des qualités de sa mécanique de jeu, je dois avouer apprécier particulièrement cette petite boite pour ce qu'elle est : juste assez grande pour contenir les énormes paquets de cartes. Compacte, sans plastique ni carton superflus pour faire un insert, elle est juste ce qu'il faut :

(ici sur une petite comparaison à l'envers avec 2 boîtes Oink Games particulièrement connues pour leurs petites tailles, alors que dans Bohnanza Duel il y a quand même 144 cartes dedans)

S'il ne devait y avoir qu'une critique négative...

Il s'agirait du décompte des points. Simplissime dans la version originale où il suffit de compter le nombre de cartes que l'on a dans sa pile pour en déduire ses thunes. Dans cette version 2 joueurs, les objectifs bien que très intéressants dans la mécanique de jeu... sont casse-bonbons au moment du décompte. Car en plus de ses cartes haricots transformées en thunes, il faudra ici compter ses objectifs, qui valent chacun 1 thune plus un petit bonus de 10, 40, 70 ou 100 centimes. Bonus qui représente facilement 30-40% du score final, mais qui est d'une pénibilité sans nom lors du calcul...

En terme de place, voici quelques photos :

Ici comme vous pouvez le voir, 3 cartes (en bas à gauche) viennent d'être révélées et la négociation commence. Entre les 2 joueurs est présent un outil de négociation : une carte représentant chaque famille en jeu. Lorsque les négociations commencent, on pousse la carte respective de notre proposition vers l'adversaire afin de montrer qu'il est impossible de reproposer cette carte au cours de cette négociation. Ici, le joueur actif propose à son opposant une carte 6 !

Et les négociations durent jusqu'à ce que l'un d'entre eux craque ou obtienne ce qu'il veut ! Mais attention au nombre de cartes dans la main adverse, parce qu'en général quand c'est aussi bordélique : quelqu'un bluffe !! (ici il ne restait plus que les #12 et #14 de négociable... pour être honnête je n'avais ni 8 ni 18 en main malgré mes précédentes propositions, mais j'ai fini par obtenir un 12 bien mérité !).

Les haricots c'est très bon pour la santé, à nombreux ou à deux, mangez-en ! :)

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interessant, je ne connaissais pas les rouages de la version duel.
on a passé de super moments en famille avec ce jeu d’enfoirés qu’est la version multi

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Super, c’était exactement le but de l’article ! Le jeu multi est super, surtout quand on apprécie les dits “jeux d’enfoirés”. Mais vu la durée du jeu, on n’arrive pas toujours à motiver d’autres joueurs à y jouer aussi souvent qu’on le voudrait. Au moins là on a l’opportunité de se faire des crasses en couple.
Merci de ton message Tomfuel ! :slight_smile: