Qu’il fut difficile de trouver un titre qui résume assez bien cet article, qui ne suit pas les sentiers habituels de notre sujet de prédilection : les jeux de société. Comment décrire en quelques mots les liens qui unissaient les jeux vidéo et les jeux de société, ce qui les unit encore, mais aussi ce qui les distingue et ce qui fait que sans s’en rendre compte leurs progressions restent assez voisines. L’un s’inspirant de l’autre au gré des technologies qui ne cessent de ne proposer toujours plus. Cet article c’est un peu tout ça et beaucoup de ma réflexion en tant que joueur depuis plusieurs décennies, et donc de mon regard sur ces deux loisirs qui partagent bien plus que l’on en pourrait croire au premier coup d’oeil.
Deux parents proches
Les jeux vidéo et les jeux de société sont depuis toujours de proches parents, et comme dans toute famille il y a des périodes de rapprochements, mais aussi des temps de discordes et de mésententes. Et cela n’a jamais été aussi vrai qu’avec ces deux médias qui n’ont de cesse de se tourner autour. J’avais déjà évoqué la chose dans plusieurs articles, présentant l’influence qu’avaient eue les jeux de rôle papier sur les premiers jeux vidéo et inversement. Et j’aurais l’occasion de revenir sur cette fraternité dans l’avenir c’est promis.
Mais si ces deux compères partagent un certain commun, que je résumerais assez grossièrement au ludique, c’est également de plus en plus le cas sur un autre aspect plus commercial. Dépassant le cadre de la consommation personnel, ils ont su au fil du temps s’immiscer dans des cercles de plus en plus grands que ce soit auprès des consommateurs comme des médias. Il n’est plus rare de voir un article consacré aux jeux de société ou vidéo dans de grands journaux quotidiens. Et leur pratique commerciale ne se cantonne plus au local ou au national, mais directement à l’international. Ce qui a bien modifié les méthodes de production, mais aussi de financement et de communication, et cela, en quelques années seulement.
Mais pour en revenir au sujet de base de cet article, la réflexion qui m’a poussé à coucher tout ceci sur papier, c’est une différence notable entre ces deux loisirs. Qui n’est surement pas la seule d’ailleurs. Il s’agit des studios de création. Si les plus gros éditeurs disposent souvent d’un panel d’employés, il est monnaie courante de ne trouver à la tête de plusieurs maisons d’édition un ou deux personnes au maximum. Dans les jeux vidéo, c’est plutôt rare, ce sont les studios qui créé la plupart des jeux auquel nous pouvons jouer. Et si quelques indépendants ont su créer de toutes pièces leurs jeux à la manière de Notch pour Minecraft ou de Phil Fish pour Fez, de nos jours les indépendants sont souvent des petites équipes et non plus des solitaires. D'ailleurs, certains éditeurs un peu « taquins » n’hésitent pas à estampiller leurs jeux de titres indépendants, car c’est hype, à la manière de Child of Light ou Life is strange, alors que ces derniers sont produits par de gros studios. C’est simplement qu’il ne s’agit pas de jeux AAA, et que ces derniers sortent des sentiers battus, assez pour ne pas forcément plaire au grand public.
Minecraft, lorsque les jeux vidéo s'inspirent des Legos.
Studios et créateurs
Cela passera par une meilleure mise en avant des auteurs, une reconnaissance de leur travail. D'ailleurs, il suffit de regarder les boites que l’on trouve dans nos magasins pour voir qu’aujourd’hui les auteurs figurent bien dessus contrairement a il y a 20 ans.
Peut-être allons-nous assister à la naissance de studio de création, regroupant plusieurs auteurs. C’est déjà plus ou moins le cas avec quelques regroupements épars, je pense notamment à la CAL, au CAJO ou au GRAAL, qui existent dans des régions différentes et regroupent plusieurs auteurs, pour une émulsion créative. Mais pour le moment les auteurs restent des loups assez solitaires, et le dernier mot de la création et surtout de l’édition revient encore aux éditeurs. Même s’il n’est pas rare de voir que certains éditeurs ont leurs auteurs préférés.
Certes nous ne sommes pas encore au point des jeux vidéo, qui demandent des moyens techniques qui expliquent l’embauche de plusieurs dizaines, voire centaines de personnes pour produire un titre. Cependant rares sont les auteurs, à représenter une chaine de production en série complète, allant de la création au produit fini en boutique. Cela passe irrémédiablement par de nombreux intermédiaires : éditeurs, graphistes, illustrateurs, fabricants, distributeurs et boutiques. Pourtant, il serait malhonnête de ne pas reconnaître que depuis quelques années le milieu s’est grandement professionnalisé. Que ce soit au niveau des auteurs, au vue de la qualité de leur proto, ou des éditeurs qui mettent de plus en plus de moyens pour créer un produit de qualité et une communication efficace. Tout ceci face à un système qui demande de plus en plus de moyens simplement pour être vu.
Autres chemins
Si les cas de sponsoring évidents ont pu être évoqués dans le monde du jeu vidéo, comme l’affaire Doritos, les jeux de société n’ont pas encore eu à essuyer ce genre de pratique. Pourtant, quelques auteurs ont su s’affilier avec des groupes, des organismes ou des évènements afin de proposer quelques jeux, je pense par exemple à 2 des jeux Opla : Il était une forêt et La glace et le ciel, ou encore à Act in Game pour leur jeu Aya. Ces 3 exemples étant reliés à des organismes ou des causes défendant la nature et l’environnement. Un moyen subtil de porter un message et surtout de le faire entendre, au-delà des jeux éducatifs peu intéressants qui existaient autrefois. Chez Cocktail Games nous retrouvons chaque année un jeu associé au Festival Paris est Ludique, disponible en avant-première lors de cet évènement.
Les chemins empruntés par les créateurs et les éditeurs deviennent donc de plus en plus épars, et petit à petit les jeux de société parviennent à intégrer d’autres domaines. D'ailleurs, il n’est plus rare de voir des jeux de société « moderne » dans les salles de classe.
Aya, un jeu sur la sauvegarde de la faune
Les loups solitaires
Si je vous ai parlé des studios dans le domaine des jeux vidéo, qui emploient des centaines de personnes, certaines têtes pensantes et créatives, décident souvent après divers conflits de quitter les gros organismes pour lesquels ils travaillent depuis des années, afin de prendre leurs envols. C’est notamment le cas de Keiji Inafune, co-créateur de Megaman, et producteur sur bon nombre de jeux de cette licence. Il a quitté Capcom pour monter sa propre société, et faire une copie de Megaman, nommé Mignhty N°9 financé par Kickstarter, le nouvel eldorado des créateurs fraichement devenus indépendants. Koji Igarashi, qui fut pendant de longues années à la tête de la licence Castlevania (mais n’est pas son créateur), a également quitté les rangs de Konami pour créer son jeu vidéo, financé par le biais de Kickstarter, et tout ceci pour faire une copie de ce qu’il faisait auparavant.
C’est aussi le cas de Hideo Kojima, créateur de la saga Metal Gear, qui fut remercié par Konami en 2015, et qui a donc formé son studio indépendant, mais fortement aidé par Sony cette fois-ci. Tout ceci nous démontre bien que les créateurs sont parfois étouffés dans des structures trop grosses. Et que pour créer librement ils ont besoin de plus de liberté. Pourtant, il est également aisé de voir qu’ils ont besoin de financement, ce qui est normal, mais surtout qu’ils ont du mal à se démarquer du style sur lequel ils ont officié pendant des décennies. Du coup le côté indépendant, mais surtout créatif en prend un coup. Et surtout la prise de risque reste très contrôlée. Le cas de Tim Schaffer est également très intéressant. Devenu une véritable star sur Kickstarter, grâce à des financements réussis sur The Cave et Broken Age, qui ont crevé le plafond, il n’a pas réellement réussi à se démarquer de ce qu’il faisait chez Lucasarts, c’est-à-dire du point’n click. Certes Psychonauts et Brütal Legend sont des jeux bien différents, mais semble plus être des incartades qu’autre chose.
Il est assez facile de dire, en étudiant ces différents cas, que sans l’émergence de Kickstarter toutes ces personnes ne seraient pas parties de leurs entreprises, et surtout qu’elles n’auraient pas pu pendre leurs indépendances aussi facilement. Cela me fait d’ailleurs grandement penser aux comics, où dans les années 90, après le succès rencontré par Image qui fut fondé par des anciens de chez Marvel, de nombreux auteurs se sont lancés dans le created owned, c’est-à-dire des séries originales créées de toutes pièces par leurs soins. Et bien sur la quantité assez astronomique créée, beaucoup n’ont jamais eu de fin, les auteurs les délaissant complètement, et les autres ont simplement dû s’arrêter. À cette époque les réseaux sociaux et les plates formes de financement n’existaient pas, preuve que ces nouveaux moyens ont totalement modifié notre manière de consommer, de communiquer et de participer à l’émergence d’une certaine liberté pour nos créateurs préférés. Et nous serions aveugles en disant que Kickstarter n’a pas une importance capitale de nos jours dans la création de jeux de société.
Megaman ? Non, Mighty n°9.
Étudier et analyser pour prévoir
Et bien que les jeux de société soient un loisir plus ancien que les jeux vidéo, il est aisé de voir que nos éditeurs de jeux de plateau feraient bien d’étudier de près le marché vidéoludique afin de dessiner les grosses lignes des prochaines années de production.
Le potentiel rapprochement entre Hasbro et Mattel, laisse présager que le milieu du jeu de société est grandissant et florissant. Il faut dire que les nombreux rachats effectués par Asmodéé l’année dernière envers Days of Wonders ou encore FFG ont de quoi leur donner les moyens de devenir n°1 du marché et donc d’inquiéter les autres distributeurs mondiaux. Car oui aujourd’hui la distribution de jeux de société est mondiale et non plus cantonné à un pays ou à une localité restreinte.
Mais parmi les autres rachats effectués par la firme, il y a aussi deux autres maisons d’édition qui ne permettent pas à Asmodée d’entendre sa distribution, qu’elle soit territoriale ou dématérialisée. Je veux parler du rachat (ou rapprochement, je ne connais pas les termes de leurs accords) d’Ystari et de Pearl Games. Annonce qui était intervenue en même que l’arrêt du studio Marabunta, jusqu’alors structure intégré à Asmodée pour sa gamme Hardgamer. Et le choix de ces deux maisons d’édition n’est pas anodin, car ils officient tous deux dans la même catégorie que Marabunta. En faisant cela, Asmodée choisit de se débarrasser d’une structure qui leur appartient, en laissant cette branche du marché à deux studios indépendants, pour qu’ils produisent des jeux plaisants au même public. En faisant ainsi ils permettent à ces deux studios d’avoir une meilleure distribution, tout en leur permettant de continuer à créer les jeux qu’ils aiment faire, et en ajoutant à leur catalogue des jeux plus costauds sans avoir à gérer leur création. Un pari malin qui laisse plus de chance et de confiance envers les studios et les éditeurs.
Un regroupement qui risque de devenir la norme au fil des ans ? Seul l’avenir nous le dira. Le risque étant pour les nouveaux arrivés d’avoir plus de mal à vivre et surtout à se faire connaitre, mais aussi de voir émerger des studios spécialisés dans un genre et non plus multi styles. Mais là encore, les jeux vidéo nous ont montré qu’une seconde voie existe : celle des indépendants. Mais aussi du crowdfunding qui en quelques années est devenu un moyen financier autonome et surtout omniprésent. La différence étant que dans ce domaine les jeux de société n’ont pas attendu des années avant de copier leurs homologues vidéoludiques.
Avènement d’un nouveau système économique
Le monde des jeux vidéo a bien changé en quelques années, enfin surtout son marché. Si dans les années 90 ou le début des années 2000, celui-ci était souvent montré comme un loisir de geeks solitaires et libidineux, mais aussi désigné du doigt par les autres médias comme un loisir presque dangereux, cela a bien changé de nos jours. Et pour cause les smartphones et autres tablettes font depuis partie de notre quotidien. Apportant avec eux ce que l’on appelle les casuals gamers (ce n’est pas un gros mot, et utiliser ce terme n’est nullement un manque de mépris de ma part), épaulés par toute une catégorie de la population jusque-là non-joueuses et qui découvraient la wii, et ses chiffres de ventes faramineux.
Mais ce que ces nouvelles machines ont apporté avec elle c’est également un autre modèle économique : le freemium ou free-to-play, sans oublier les stores ou acheter ses jeux. Si Apple à son Appstore, Google a Gooplae Play, et l’arrivée de Valve avec Steam sur le marché PC, il n’est pas difficile de comprendre que ces nouveaux numériques ont vu l’avènement de nouvelles places de marché pour les regrouper, mais surtout les vendre. Mais voilà le principal souci de ces plates-formes c’est le bazar qui y règne et la difficulté qu’éprouvent les créateurs pour se faire un nom (et vendre leur titre), rien n’étant réellement rangé, et surtout le bon grain côtoyant sans mal l’ivraie. C’est ainsi que nous avons vu apparaitre de plus en plus d’abonnements mensuels payants. Ce fut le cas avec Spotify, Netflix, Marvel, et d’autres distributeurs ont dans leurs cartons de nombreux projets similaires. En dépit d’un respect des auteurs et de leurs rémunérations qui se trouvent bien amoindris par cet effet de « masse », transformant les créations culturelles uniques en produits de consommation achetés au kilo. Dès lors, on ne paie plus une œuvre à part entière, mais un accès illimité bien plus généralisé.
Vous pensez que les jeux de société y ont échappé. Pour les jeux physiques c’est le cas, mais pour les adaptations numériques c’est autre chose. Il est par exemple possible d’acquérir Ticket to Ride et ses extensions dans un pack, ce qui est logique, mais aussi de trouver Smallworld 2 dans certains bundles (rares heureusement). Les regroupements de titres pour payer moins cher sont monnaie courante, plusieurs boutiques n’hésitent pas à proposer des packs thématiques sur un jeu ou plusieurs titres. Mais faut-il encore se leurrer lorsque l’on voit la montée du freemium qui permet aux joueurs de s’adonner à un jeu gratuitement, en déboursant s’ils le souhaitent pour avancer plus vite ou débloquer de nouveaux attributs. Certes certains jeux comme Dungeon Keeper, on complètement remixer ce genre, la licence et le jeu pour le transformer non plus en freemium mais en Pay-to-win, avec une quasi-obligation de passer à la caisse pour avancer dans le jeu. Mais certains ont fait plus fort, en rendant payant la véritable fin de leur jeu, c’est le cas d’Ubisoft pour Prince of Persia, et le jeu n’était pas gratuit au départ, mais bien vendu !
Alors peut-être allons-nous voir arrivé sur les étalages de nos boutiques ce type de freemium, ou ce fractionnage de contenu. Même si avec les coûts de production qu’implique la réalisation d’un support physique cela ne semble pas prêt d’arriver et ne se cantonner qu’aux jeux numériques. Mais si l’offre de jeux de plateaux adaptés continue de progresser, il est fort probable qu’à l’avenir de tels abonnements soient proposés. Mais si les jeux vidéo ne disposent que très rarement d’un support réel et physique, il en est tout autre pour le jeu de société, qui vit en premier lieu par la réalité de son matériel. On en vient du coup presque à se demander pourquoi on devrait payer pour du numérique lorsque l’on possède le jeu en vrai. Car si pour une personne qui ne connait pas le jeu le fait d’acheter l’application pourra lui faire découvrir le soft, et du coup lui donner l’envie d’acheter le jeu en vrai. Lorsque l’on possède déjà le jeu, qui est le plus cher des deux versions (pour de raisons louables certes), on a un peu l’impression de passer deux fois à la caisse pour la même chose. Je comprends parfaitement qu’il faille payer les développeurs, mais justement est-ce qu’il n’y aura pas quelque chose à retenir de ces abonnements, et d’un contenu parfois exclusif comme le propose Netlfix par exemple par rapport aux autres chaines ? Enfin, tout ceci ne pourra fonctionner que si les éditeurs ne prennent pas exemple sur le jeu vidéo. Car il n’est pas rare, par exemple, de voir certaines versions numériques vendues au même prix que le jeu physique, qui reste une galette dans un boitier plastique pour 70€. Et c’est ici que l’on peut apercevoir la fracture qu’il y a entre une œuvre, le travail qu’elle représente, le produit final et son prix de vente.
Farmville, pas le premier freemium, mais il a fortement contribué à son émergence.
Les DLC et les Early Access, l’autre pays du crowdfunding
Si Kickstarter a su se tailler une belle place au sein de la création de jeux de société en quelques années, du côté des jeux vidéo d’autres idées ont vu le jour en plus de ce système, il s’agit des Early Access. Ces Early sont des versions non finalisés d’un jeu, les joueurs payant donc une version bêta, moins chère que la version finale, afin d’aider les auteurs aussi bien financièrement que pour la partie technique en dégotant ainsi les potentiels bugs. Si certains éditeurs ne le font que lorsque leurs jeux sont quasi terminés, d’autres n’hésitent pas à prolonger abusivement cette version non définitive.
Fort heureusement, le fait d’être devant un produit physique empêche les éditeurs de nous proposer la même chose pour les jeux de société. Il faut dire que la moindre mise à jour couterait une fortune, qui en plus ne serait même pas vendue. C’est d’ailleurs ces mises à jour que le jeu Heartstone ne fut pas proposé en jeu de cartes réel.
Si les DLC sont monnaie courante, dans les jeux de société, ceux-ci sont remplacés par les extensions. Certes moins nombreuses, mais existantes tout de même. Une preuve de plus que les jeux vidéo et les jeux de société ne sont pas si éloignés, aussi bien dans leurs mécaniques que dans leurs gestions économiques.
PS + et Xbox Gold, où les cadeaux payants
Depuis maintenant de longues années, Sony et Microsoft proposent sur leurs consoles une sorte d’abonnement mensuel, trimestriel ou annuel pour recevoir chaque mois des jeux de leur sélection, gratuitement. Enfin pas si gratuitement puisque vous devez débourser environ 50€ par an pour bénéficier de cette offre. Le souci dans cette offre c’est le fait de ne pas pouvoir choisir les jeux reçus, que vous les possédiez déjà ou non. Ce qui refroidie pas mal, surtout qu’une fois l’abonnement non renouvelé les jeux ne sont plus jouables. Il s’agit plus d’une location que de jeux offerts au final.
Je sais que j’avais vu une telle proposition dans le domaine des jeux de société, à l’état d’étude, il y a quelque temps. Le souci de ce genre d’offre c’est de payer pour un contenu que l’on ne connait pas à l’avance. Même si le concept des Loot Crate, soit des boites à surprises pour geeks, avec des figurines, comics et autres produits dérivés fonctionne bien aux États-Unis, je ne pense pas que cela soit applicable aux jeux de société. Et pour cause recevoir un jeu de société inconnu, et surtout un seul produit fait prendre trop de risques à l’acheteur. Même si nous aimons l’idée de surprise, nous aimons malgré tout rester dans une certaine zone de confort, et mine de rien en avoir pour notre argent. De plus, le monde des jeux de société ne comporte pas assez de goodies et de produits dérivés, et surtout de héros charismatiques pour devenir une source d’inspiration pour des fans comme cela peut l’être pour des jeux vidéo ou des comics. Cet exemple nous montre également que ce qui fonctionne pour un système ne peut être universalisé. De plus de par sa nature physique, un abonnement devra obligatoirement tourner autour des 30€ pour un seul produit, ce qui semble beaucoup pour un concept dont on ne connait jamais le contenu précis à l’avance. Il faut dire que pour les jeux vidéo, le côté dématérialisé de la chose aide beaucoup.
Un exemple de Loot Crate
TellTale et Space Cowboy même combat ?
Un nouveau format de jeux est arrivé sur nos consoles depuis quelque temps, celui des épisodes. Comme pour les séries TV le jeu est découpé en plusieurs épisodes à suivre, et donc à acheter. Bien entendu le prix est bien moindre qu’un jeu complet. Le but : proposer des contenus plus régulièrement et à moindre prix, enfin sur un achat unique. Bien entendu ce système peut parfaitement se coupler aux DLC. La société TellTale Games est devenue le représentant le plus connu de ce type de jeux avec des licences comme Walking Dead, Le trône de fer ou encore Retour vers le futur.
En sortant T.I.M.E Stories, je trouve que les Space Cowboy se sont rapprochés de ce système. Un jeu de base, suivi de plusieurs scénarios supplémentaires. Ainsi, l’aventure peut être plus longue et surtout plus narrative. Bien entendu au final la note est plus élevé que pour un jeu classique, mais pas plus qu’un jeu auquel on ajoute ensuite des extensions. Mais là où cela à pu faire grincer des dents, c’est sur la durée de vie de tels jeux. Car le côté narratif apporte un aspect « aventure unique » ou presque au jeu. Comme c’est d’ailleurs le cas avec un livre, un film ou un jeu vidéo. En se rapprochant des autres médias plus narratifs, T.I.M.E Stories à tranché dans le vif dans sa durée de vie. Pourtant, l’idée de jeux épisodiques est intéressante et explore d’autres horizons, tout en créant un univers plus complexe et complet, propice à plus de produits dérivés et une plus grande sympathie pour la licence. Ce qui nous ramène ainsi au paragraphe précédent, où j’évoquais la relative manque de symboles forts ou de héros, si ce n’est par exemple le meeple ou les dés.
T.I.M.E Stories, le jeu à suivre des Space Cowboys
Divertissement contre œuvre unique
Nous avons pu facilement le voir dans les divers exemplaires que j’ai pu citer tout au long de cet article ou par le biais de nos expériences personnelles, les jeux vidéo sont devenus un divertissement, laissant alors de côté l’aspect d’œuvre unique qu’il avait réussi à obtenir avec l’avancée des technologies. Rares sont encore les jeux considérés et appréciés comme des œuvres charnières et uniques, et non comme un simple bon moment devant son écran, parfois vendus par paquet de dix. Si cette proportion au regroupement des jeux pour les vendre en package progresse de jour en jour, ce n’est pas encore le cas pour les jeux de société, même si ces derniers ont également pris des mauvaises habitudes comme les figurines comme clé de voute et passe-partout à porte-monnaie des jeux kickstartés. Pour autant il ne faudrait pas perdre de vue que chaque œuvre est quasiment unique, et cela quelque soit la manière dont on l’a produit ou invente, et qu’à ce titre même dans une masse importante de jeux, un mur lisse et compact, que chacun n’est au fond qu’une pierre qui permet de former ce tout, et qu’à ce titre il est juste de le considérer de la sorte.
En quelques décennies l’univers du jeu vidéo a bien changé, passant d’un jeu développé seul au fond de son garage à des productions nécessitant des centaines de personnes. Et même si les jeux de société n’ont pas suivi ce chemin gargantuesque, ils ont tout de même grandement évolué durant ces années. Il suffit de regarder ce qui était fait il y a 20 ou 30 ans et de le comparer aux productions actuelles pour se rendre compte que de nombreux points ont évolué. Que ce soit au niveau du matériel et des méthodes de production, du financement, de la manière de consommer et même d’illustrer les jeux. Tout s’est professionnalisé et en quelques années seulement, cette tendance s’est grandement accrue. Alors même si les jeux vidéo et les jeux de société se sont perdus de vue durant de nombreuses années, avec l’arrivée des nouvelles technologies, ils ont appris à se connaitre de nouveau et surtout à se faire confiance pour nous proposer des productions hybrides, ou chacun s’inspire de l’autre, et cela même si un monde (virtuel) les sépare.