[Fairy Tile][Les Montagnes hallucinées][Nessos]
À l’occasion de la sortie de Nessos, le petit dernier de la gamme Mini Games, nous avons posé quelques questions à Miguel Coimbra, l’illustrateur du jeu, afin d’en savoir plus sur le travail qu’il a mené pour ce projet.
Nessos, c’est la réédition du jeu japonais Bakudan Takarabako : peux-tu nous en dire plus sur le choix du nouveau thème ?
Ludovic Papaïs* m’avait parlé du jeu à Essen 2017 : un petit jeu de bluff avec une dizaine de cartes à illustrer. À l’époque, il n’y avait pas trop de thème ; il m’a recontacté un peu plus tard avec l’idée d’un thème de Grèce antique, dans un style graphique façon « amphores ». Au départ, il était question de patrons de zoo à l’époque de Platon et Ulysse : il fallait réaliser la plus belle collection d’animaux tout en évitant la méduse. Personnellement, je n’étais pas trop inspiré et emballé par l’idée. Nous en avons discuté et après moults brainstormings et échanges de mail on s’est arrêté sur un thème un peu plus épique et proche des mythologies grecques : des chasseurs de créatures qu’il fallait capturer avec des amphores magiques pour le compte de dieux. Il ne nous manquait plus qu’à trouver une idée pour la carte maudite. On a pensé à un vase piégé, un éventuel monstre plus mignon que les autres, un cerbère, etc. Nous avons finalement opté pour Charon, le passeur d’âmes : si vous le suivez trois fois, vous mourrez : ça collait bien au thème mythologique et il dénotait pas mal des autres créatures avec son côté plus humanoïde.
*Chef de projet chez IELLO
En quoi travailler sur une réédition est différent d’une édition ?
Ce qui est magique avec ce jeu, c’est que je ne savais pas du tout que c’était une réédition ! J’ai travaillé dessus comme sur un projet classique et ce n’était pas plus mal, car je n’ai pas été influencé par l’ancien graphisme (que je n’ai toujours pas vu d’ailleurs). De manière générale, pour une réédition, le principal défi est de faire mieux que la version précédente, bien sûr, et plus différent et original tant qu’à faire. Si le jeu est juste une refonte graphique sans modification du thème, c’est là que ça se complique car il faut bien sûr respecter le travail de l’artiste précèdent, ne pas refaire la même chose donc, donner sa propre vision sans être influencé par la précédente, c’est loin d’être évident. Le mieux dans ces cas-là, c’est de ne garder aucune source sous les yeux et de partir d’une page blanche.
La thématique de la mythologie grecque a t-elle nécessité un gros travail de recherche de ta part ?
Durant ma carrière, j’ai dessiné des dizaines d’hydres, je ne sais pas combien de méduses/cerbères et autres créatures mythologiques ; c’est un thème qui me colle à la peau, je ne sais pas trop pourquoi car je ne suis pas plus passionné que ça par l’antiquité, mais j’imagine que c’est mon style un peu réaliste qui appelle ce genre de thème. Donc non, je n’ai pas fait un gros travail de recherche, vu que c’était un thème assez familier.
C’est toi qui as donné l’idée des amphores : c’est issu de tes recherches ?
Oui, la capture avec les amphores c’était mon idée. C’est venu en cherchant un style graphique pour les cartes, je trouvais sympa d’avoir une « frame », un cadre autour des créatures. Au départ, c’était un losange/cercle qui s’est progressivement transformé en amphore, j’en ai parlé à Ludo qui a bien aimé l’idée de capture avec des vases, ce qui est venu agrémenter le thème. Je trouve que c’est un très bon exemple de coopération entre éditeur et illustrateur, un va-et-vient d’idées qui permet d’améliorer le projet et qui prouve que notre métier n’est pas simplement celui d'exécutant.
Il y a 11 personnages différents dans le jeu, sont-ils tous issus de personnages mythologique « existants » ?
Tout à fait. Il s’agit des créatures mythologiques les plus connues.
Où as-tu été chercher ton inspiration ?
Je me suis beaucoup inspiré des vases grecs de l’Antiquité, j’ai fait pas mal de recherches là-dessus pour essayer de garder la même gamme colorée et les motifs graphiques qui créent le style.
Pour les créatures, j’ai essayé d’imiter les poses et de dessiner tout en vue de profil ; à l’époque le dessin en perspective n’existait pas, il fallait donc garder cet esprit tout en recherchant une stylisation plus moderne pour que cela plaise au public d’aujourd’hui. C’était peut-être le plus compliqué : doser le degré de réalisme des personnages pour que cela colle avec le thème assez sérieux de la mythologie, mais que cela puisse aussi rentrer dans les Mini Games IELLO, une gamme avec des thèmes habituellement plus légers. Pour l’anecdote, la couverture a suscité pas mal de débats : nous avons longtemps hésité entre une version plus réaliste et celle qui a été choisie avec un style plus cartoon/stylisé.
Dernièrement, tu as illustré Les Montagnes Hallucinées, Fairy Tile et Nessos pour IELLO : 3 projets très différents et nécessitant pas mal de recherche. Peux-tu nous parler de ce qui t’as plu dans chacun de ces projets ?
Ce qui me plait avec les jeux IELLO, c’est que je peux proposer vraiment beaucoup de choses, je sais que je serais écouté et qu’il y aura un vrai dialogue sur la direction artistique du projet. Dans tous ces projets, j’ai pu proposer un style bien unique, faire des suggestions que je pensais adaptées au cahier des charges initial. Fairy Tile, par exemple, est un ovni graphique et je suis vraiment content d’avoir pu faire un tel projet ; quelque part c’est une certaine prise de risque de l'éditeur qu’il faut savoir saluer 😊 Un autre aspect que j’ai bien aimé, c’est le fait de pouvoir m’impliquer dans le design graphique des projets. Depuis ces 3 jeux, je suis convaincu que l’habillage graphique et l’illustration d’un jeu doivent être intimement liés pour proposer une vraie immersion dans le thème.