Yesss! est un jeu d'ambiance et de communication à paraître chez Blue Cocker, et dont le principe s'explique en une phrase : les joueurs doivent faire deviner 2 images en n'utilisant qu'1 seul mot.
L'idée de départ m'est venue lors d'un voyage en train avec ma compagne où, en discutant de choses et d'autres, on en est arrivé à rechercher les points communs entre 2 personnes. Mon cerveau d'homoludicus partiellement dégénéré a aussitôt senti un potentiel ludique là-dedans : comment trouver les mots pour évoquer 2 personnes, ou 2 choses, qui n'ont rien à voir ? Il ne me restait plus qu'à trouver un système de règles permettant de jouer autour de ça...
Avant de devenir Yesss, voici donc... les deux jeux auxquels vous avez échappé !
Partie 1 – Démineur
Attention, ce message s'autodétruira dans 30 secondes
J'imagine dans un premier temps un inventaire farfelu de manière à constituer différentes cartes qu'il faudrait mettre en relation : un singe, du savon, un chewing-gum...
Dans cette version initiale, 4 cartes de mots sont piochées au hasard et placées sur un plateau.
Le scénario évoque les films d'action : une bombe est sur le point d'exploser, il faut agir vite. L'un des participants, nommé « l'expert », pioche au hasard un numéro de 1 à 6, chaque numéro désigne un fil de couleur. L'expert va tenter de communiquer aux autres joueurs quel numéro permet de désamorcer la bombe. Mais il n'a que 30 secondes pour cela, et il n'a droit qu'à un seul mot.Imaginons que l'expert annonce le mot « château » : les esprits vifs font le lien entre un conte de fées et une clé, c'est donc le fil bleu (nombre 3) qu'il faut couper ! Le premier joueur qui saisit le jeton correct remporte les 2 cartes en jeu, l'expert quant à lui a rempli sa mission, il empoche donc les 2 autres.
Lors des sessions de test, il y a cependant un problème de rythme qui se fait sentir : il y a beaucoup trop de temps mort au cours de la partie, et je n'ai pas de solution à ce stade pour régler ce problème.
J'ai aussi une préoccupation permanente : limiter le matériel au maximum pour aboutir à un jeu épuré qui n'effraie pas d'emblée un éventuel éditeur. Je réfléchis donc aux moyens de supprimer le plateau de jeu et j'aboutis à une version minimaliste que j'expose fièrement sur ma page Facebook mais dont j'ai maintenant oublié les détails.
Reste le thème, il faudrait que je change le nom de mon prototype : Démineur fait trop penser au programme sur ordinateur où on désactive des mines à coup de clic droit ou de clic gauche sur un tableau quadrillé.
Je passe donc de l'univers du déminage à celui de l'Antiquité grecque...
Partie 2 – Eurêka!
Comme disait Archimède dans un instant de soudaine lucidité (en prenant son bain)
Avec Eurêka, exit le principe de rapidité : chaque joueur a 6 cartes en main représentant les lettres du mot E-U-R-E-K-A et peut donc voter pour la combinaison de mots qui lui semble correcte. Cette version favorise plus la réflexion, car tous les joueurs qui trouvent la bonne combinaison de mots marquent des points, pas seulement le plus rapide d'entre eux.
Comme à mon habitude, j'ai le chic de choisir des polices d'écriture décoratives mais parfaitement illisibles, et les lettres sont difficiles à reconnaître surtout quand elles sont à l'envers (le A à l'envers ressemble au E minuscule).
Peu de temps après, je remplace les mots sur les cartes par des images : le sens est préservé, et la lisibilité est bien meilleure – pas besoin de tourner la tête dans tous les sens pour lire ce qu'il y a écrit. Par ailleurs, les images stimulent bien plus l'imagination (ça paraît évident dit comme ça), ce qui rend la tâche plus aisée – et plus ludique.
C'est à cette étape que je présente le jeu à l'éminent Alain Balaÿ, alors qu'on était en tournée de promotion pour Casting. Aussitôt le concept lui plaît, et il décide de repartir avec le prototype sous le bras.Il pense que le jeu au tour par tour n'est pas vraiment adapté, et il teste de son côté une version en simultané dans laquelle tout le monde devine et fait deviner à la fois ! Son intuition est bonne : le jeu est beaucoup plus fluide et dynamique, plus propice à la rigolade.
Partie 3 – Yesss!
L'heure des derniers réglages
Le prototype fait peau neuve grâce au travail d'Olivier Fagnère. Il parvient à créer un univers graphique cohérent à partir de ce bric-à-brac sans queue ni tête, et ses dessins ajoutent une dose de fun indéniable.
On tente pendant un moment de remplacer les lettres par des tâches colorées à la manière de celles utilisées dans les tests de Rorschach. C'est finalement des chiffres de couleur qui sont choisis à la place – en précisant dans les règles que le numéro ne doit pas être utilisé comme moyen de faire deviner les images, car des petits malins pourraient annoncer le mot « douze » pour les images 1 et 2, ou encore « pastis » pour les images 5 et 1 !
C'est avec un groupe régulier de testeurs du chien bleu qu'est imaginée la version coopérative, une version plus punchy qui se joue en 3 minutes montre en main. L'avantage : le jeu devient jouable à partir de 2 joueurs, ce qui est un bon point et d'ailleurs une chose assez rare pour un jeu d'ambiance.
Le jeu prend également une dimension tactique avec l'ajout d'une nouvelle règle : chaque participant choisit secrètement une paire d'images parmi 3 piochées au hasard et la donne à son voisin. Chaque joueur reçoit donc une paire d'images qu'il peut choisir d'accepter ou bien de refuser et dans ce cas la retourner à l'envoyeur. Le joueur qui fait deviner marque 1 point par personne qui a trouvé, et l'envoyeur 1 point par personne qui n'a pas trouvé (ceux qui trouvent marquent également 1 point). Il y a donc présence d'un dilemme : soit je donne une association difficile pour que l'autre peine à la faire deviner, mais en prenant le risque de devoir la faire deviner moi-même, soit je donne une association plus facile, mais dans ce cas je risque de ne pas marquer beaucoup de points.
Le choix du titre final d'un jeu n'est jamais une mince affaire : il faut que le titre soit court, original, et soit malgré tout représentatif du contenu. Vous avez ainsi échappé à « 1 to Two » ! attention jeu de mots pourri à l'intérieur, sorti manifestement d'un cerveau où la passion canine a pris le pas sur la raison...
Maintenant que vous savez tout, c'est le moment de vous mettre à l'épreuve, chers disciples du professeur Blue !
Quelles sont les 2 images qui se cachent derrière les mots :
- diarrhée ?
- traces ?
- trancher ?
- artiste ?
- repos ?
J'attends vos réponses dans les commentaires !