auteurs, éditeurs et le jeu comme art

Je voulais partager avec vous un début de réflexion:

  • Beaucoup revendiquent le statut du jeu comme art ou au moins comme œuvre culturelle.
  • Un grand principe est la reconnaissance de plus en plus grande des auteurs de jeux (avec en particulier l’apposition du nom désormais quasi-systématique sur les boîtes de jeux)
  • En parallèle, j’ai été surpris à Cannes que les prix soient avant tout remis aux éditeurs. Ça semble être le cas dans la plupart des prix. L’importance/la mise en avant de l’éditeur pour les jeux de société me semble bien plus grande que pour les livres, par exemple.
  • Il y a peut-être des raisons objectives : auteurs non-professionnels, qui ne sont donc pas de tous les festivals, éditeur qui joue un rôle important dans le développement du jeu (qui finit par être presqu’une œuvre collective).
  • Cependant, dans la logique de la reconnaissance du jeu comme œuvre culturelle à part entière, ne serait-il pas normal que les prix soient avant tout remis aux auteurs ? Dans le cas des livres ou des BDs, on cite et connaît plus souvent l‘auteur (et le dessinateur) que l’éditeur.
  • Une autre comparaison intéressante est le cinéma : je ne connais pas très bien, mais un film est généralement « de » son metteur en scène, tandis que le scénariste est par exemple mis au second plan. Les acteurs ayant un rôle à part.

Voilà, tout ça pour ne pas dire grand-chose, mais je pense qu’il y a matière à davantage de réflexion sur la reconnaissance de l’auteur de jeu dans le monde du jeu. Et comme il y a sur ce forum beaucoup de cerveaux experts et (plus ou moins) brillants, je suis curieux de voir ce que vous en pensez et comment ce fil va évoluer.

Si il y a des articles qui parlent de ces questions, je suis preneur. Bruno Faidutti avait je crois réflechi sur le sujet.

Pour moi les jeux qui sont mis sur le marché, qu’ils soient considérés comme oeuvre culturel ou pas, sont mis en avant et se vendent grace à l’éditeur et au distributeur. Un prix leur permettant de mettre encore plus en avant leur produit (pub, logo,…) a une influence directe sur les vente.
Pour l’auteur son nom est sur la boite, si son jeu se vend c’est déjà je pense un signe de succès et une récompense (financière et d’estime, en plus de lui assurer une notoriété pour ses futurs projets).
Qu’apporterait plus de récompenses pour les auteurs comme impact sur les ventes ?

Après je suis ptet a côté de la plaque et je vois ca de loin, sans grand interet pour la chose (et encore moins pour les prix entre pros). Je pars du principe que si j’achete un jeu (pour moi c’est un produit ludique au même titre que pouvait être les legos de mon enfance), c’est que déjà j’en reconnais sa valeur, le travail qui a été fait derriere et le plaisir que ca apporte. En soit je trouve que l’achat d’un produit est la meilleure facon de récompenser un auteur, un editeur, un illustrateur… Tout le côté prix, com, … ne m’interesse pas plus que ca en tant que consommateur. Et en tant que passionné je m’en fou encore plus, connaitre les jeux et certains auteurs me satisfait.

Je pense qu’il y aurait moyen de discuter pendant des siècles sur l’apport créatif des éditeurs de livres/BD, et qui en général n’est pas du tout reconnu, si ce n’est qu’en tant que “filtre”. Je pense que c’est encore plus criant dans l’industrie cinématographique, où des équipes entières restent dans l’obscurité derrière le nom d’un réalisteur/acteur. Par exemple je pense à Bladerunner, qui est le fruit de beaucoup plus que son réalisateur.

Le cas des jeux me semble comparable: comment quantifier l’apport d’un éditeur (et de son équipe) par rapport aux éléments apportés par l’auteur? Il faudrait aussi voir l’évolution du marché: est-ce que les éditeurs veulent des jeux de plus en plus finis avant de travailler sur leur édition ou pas? Je ne sais pas ce qu’il en est.

Tel que je le vois, on récompense le jeu dans sa globalité. C’est toujours le jeu qui est mit en avant, c’est lui qui est photographié et c’est sur lui qu’on va communiquer dans la presse : son matériel, sa mécanique, son ludisme, etc…
Que ce soit l’éditeur ou l’auteur qui se déplace pour recevoir physiquement le prix, à mes yeux, ça n’a pas beaucoup d’importance : je pense que les 2 ont travaillé autant. Je pense que c’est généralement l’éditeur qui se déplace car c’est son métier, celui de promouvoir le jeu, d’en faire la publicité. Mais au final, c’est bien le jeu qui est récompensé.

Je pense que l’enjeu se situe surtout autour du statut d’auteur, qui a, avant ses répercussions culturelles et artistiques, des conséquences essentiellement pratiques : légales, fiscales, sociales et financières. Ce que je veux dire, c’est que les auteurs de jeux veulent, je pense, surtout une reconnaissance et une assise dans ces domaines-là. La notoriété ou la reconnaissance culturelle ou artistique, elles ne se décrètent pas : c’est le regard du public et, éventuellement, des institutions culturelles qui les concrétiseront (ou pas). Pour ce qui est des prix ludiques, je crois aussi qu’on peut faire un parallèle avec le cinéma : le jeu étant une oeuvre collective, avec l’intervention de divers savoir faire (illustrateurs, graphistes, gamedesigners, rédacteurs, chefs de projet, etc.), on a tendance a honorer l’éditeur, qui coordonne le tout et risque son blé, comme on récompense le producteur pour un film. L’auteur d’un livre porte un projet plus personnel et solitaire : le boulot de l’éditeur paraît moins visible et fondamental (même s’il est sans doute crucial). Maintenant, je trouve qu’on met de plus en plus en avant les auteurs de jeux. En tout cas, ceux qui cherchent une reconnaissance (certains s’en foutent royalement, visiblement) ont aujourd’hui accès à une médiatisation, même modeste, même dans le cercle restreint des passionnés et des spécialistes.

A mes yeux, mettre tant l’accent sur l’éditeur accentue le côté “produit”. Insister sur l’auteur accentue le côté “culturel”.
C’est pour ça que j’avais été surpris par l’importance accordée à l’éditeur dans la remise de l’As d’or. Ca m’avait du coup plus donné l’image d’un Prix du produit de l’année que de la remise d’une Palme d’or. (NB: ce n’est absolument pas une critique et je trouve que les Prix décernés sont souvent très bons)

Dans le jeu, j’ai tout de même l’impression que c’est avant tout l’auteur qui donne sa “patte”/son “coeur” au jeu. Un peu comme le réalisateur au cinéma (il y a les films de Nolan, les films de Tarantino, ou les films de Truffaut; et il y les jeux de Cathala, Faidutti ou Jean-Baptiste Vandôme).

Le rôle de l’éditeur de jeux se rapproche de celui du producteur (dans un film) mais avec aussi un gros role de développement comme le réalisateur de cinéma (ce qui justifierait que l’éditeur soit récompensé). Mais au cinéma, le réalisateur est toujours individualisé, il ne s’agit pas d’une entreprise. C’est peut-être cela qui me “gêne”.


D’ailleurs, on pourra m’objecter qu’il y a aussi un “patte” chez certains éditeurs (les plus petits en général): Pearl Game et Ystari me viennent à l’esprit en premier.

gobarkas dit :Dans le jeu, j'ai tout de même l'impression que c'est avant tout l'auteur qui donne sa "patte"/son "coeur" au jeu. Un peu comme le réalisateur au cinéma (il y a les films de Nolan, les films de Tarantino, ou les films de Truffaut; et il y les jeux de Cathala, Faidutti ou Jean-Baptiste Vandôme).
 

On parle aussi des films de Jerry Bruckheimer  (Producteur) et lorsqu'on parle du dernier "Space Cowboys" chez les passionnés ça déclenche quelque chose. Non pas que les SC soit les Bruckheimer du jeu de plateau.yes

gobarkas dit :Dans le jeu, j'ai tout de même l'impression que c'est avant tout l'auteur qui donne sa "patte"/son "coeur" au jeu.

et l'illustrateur ? Je trouve qu'il donne autant sa patte au jeu que l'auteur. Et pour certains jeux, même plus (exemple : Dixit).

gobarkas dit :Mais au cinéma, le réalisateur est toujours individualisé, il ne s'agit pas d'une entreprise. C'est peut-être cela qui me "gêne".
 

En France, oui, parce qu'on est un pays auteuriste. Aux Oscars, ce sont souvent les producteurs qui sont mis en avant. Et un film est tout autant un produit qu'un jeu, ce qui n'empêche pas de jouer sur les deux tableaux : le profit et l'art (et/ou le plaisir, l'inventivité, la profondeur, etc.). Les deux peuvent même être étroitement liés. Perso, je vois une proximité assez étroite entre auteurs et éditeurs de jeux. Je trouve qu'on a un peu affaire à des artisans mâtinés de chercheurs dans les deux cas. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ont les deux casquettes. Plus qu'il n'y a de réalisateurs-producteurs dans le cinéma, je pense.