Un petit détail de puriste : Initialement, un manga est une bande-dessinée (c’est la traduction directe). Les dessins animés sont des “anime” (prononcer “animé”). Mais bon, maintenant l’abus de langage est passé dans le domaine courant…
Pour la beauté des décors et leur côté aquarelle, c’est simple : c’en est. Miyazaki a utilisé les techniques classiques du cinéma d’animation le plus longtemps possible. Il me semble qu’il n’a commencé à exploiter l’infographie que dans Mononoke. Par contre, elle est bien présente dans Chihiro.
Cela donne de nombreux ouvrages “art of” sur chacun de ces films qui sont pleins d’images superbes (petit exemple avec une de mes images préférées, un décor de Omohide poro poro, un film Ghibli de son compère Isaho Takahata). Certains de ces livres ont même été traduit chez Glénat, alors n’hésitez pas à y jeter un oeil (on les trouve assez facilement dans les grandes librairies de BD).
Pour les personnages, c’est un style. Dans chacun des films de Miyazaki, on retrouve ces personnages pour lesquels il a un certain attachement : les enfants (innocence et courage), et les personnes âgées (sagesse et un brin de folie). Ce sont surtout ces dernières qui sont représentées avec ces apparences “grotesques” qui véhiculent bien ces deux traits et rappellent en effet certains masques théâtraux…
Pour les histoires, il est à noter concernant le scénario du Château ambulant que ça doit être son premier film pour lequel il adaptait une histoire existante (un roman de Diana Wynne Jones), alors que jusqu’ici il écrivait ses propres scénarios. Dans Le château ambulant, le film donne une impression de coupes franches, de choses manquantes, et de fin incomplète. La lecture du livre permet en effet de “boucher les trous”, en particulier en ce qui concerne la fin de l’histoire qui du coup tombe un peu moins comme un cheveu sur la soupe…
Un autre point important des films de Miyazaki qui n’a pas encore été cité ici, c’est la musique. Son partenariat avec Joe Hisaishi qui est son compositeur attitré a donné naissance à plusieurs airs d’anthologie. Les envolées de Nausicaä et de Laputa, la puissance de Mononoke, la chanson enfantine de Totoro, tout cela reste dans la tête bien après que les dernières images aient disparu de l’écran.
A noter que Hisaishi est aussi le compositeur attitré d’un autre réalisateur japonais qui oeuvre dans un style tout autre : Takeshi Kitano.
Concernant la diffusion Arte, on peut noter l’absence de Porco Rosso, mais aussi de Kiki la petite sorcière. Pour Porco Rosso il y a peut-être une problématique de droits. En effet ils ont un temps appartenu à Canal+ qui avait fait connaître ce film en France avant l’accord avec Buena Vista (voir l’anecdote ci-dessous), avec une diffusion cinéma en 1995 avec la voix de Jean Réno…
Une anecdote au passage : Il existe deux versions de Laputa en ce qui concerne la musique. Je précise que je n’ai pas de références précises, mais ce sont les informations qui nous sont parvenues à l’époque dans les réseaux d’“amateurs éclairés” d’animation japonaise…
Quand Nausicaä est sorti en 1984, les américains ont récupéré les droits du film pour une distribution à l’extérieur du Japon. Comme il s’agissait d’un dessin animé, ils visaient un public d’enfants et ont donc décidé d’opérer des coupes dans cette oeuvre jugée trop longue. Charcutage en règle, remontage différent, le film a été massacré. Il est sorti en France en vidéocassette sous le titre “Zendra, princesse des étoiles” (je l’avais vu à l’époque, c’est une horreur : fuyez-le !). Miyazaki a décidé “plus jamais ça”, et a refusé par la suite de vendre ses droits pour les autres films. Cela explique en partie le temps que cela a pris pour que les oeuvres du studio Ghibli puissent être connues chez nous, leurs films n’étant diffusés que lors de festivals, ou lors de séances privées avec des copies de versions japonaises chez des amis qui connaissaient des amis qui… (on regardait les films en VO non sous-titrée, avec la traduction en anglais des dialogues sur une feuille imprimée sur les genoux)
En 1996 lors de la production de Mononoke, un accord est passé entre Ghibli et Buena Vista, filiale de Walt Disney. Les fans s’inquiètent, mais les termes de l’accord qui finissent par se faire connaître laissent espérer : Buena Vista a le droit d’effectuer le doublage des oeuvres… et c’est tout. Pas d’autre changement, d’aucune sorte : pas de coupe, pas de remontage, rien, nada. Encouragés par le succès international de Mononoke, Buena Vista sort les films précédents du studio.
Arrivés au tour de Laputa, un problème émerge. Ce film s’inscrit dans une perception propice à un public d’enfants, mais la présence de plusieurs séquences sans musique dérange Buena Vista qui n’ose pas se risquer à présenter aux enfants américains un film qui fait plus de 2h et présente en plus des passages sans musique. Ils demandent à Miyazaki l’autorisation de compléter la bande son, et ce dernier refuse. Quand Buena Vista explique qu’alors ils ne sortiront pas le film, Miyazaki laisse le choix de cette décision à son compositeur, Joe Hisaishi. Changeant de fusil d’épaule, Buena Vista demande donc à Hisaishi que la bande son soit complétée, et proposent que ce soit lui qui le fasse, de façon à garantir la préservation de l’ensemble. Hisaishi refuse de “boucher les trous”, mais si on lui donne un orchestre symphonique (ce que les studios Ghibli ne pouvaient pas financer en 1986), il réécrit toute la partition. Les américains acceptent…