Château Combo : Quels combos pour un bon château?

Château Combo se trouve mis en avant dans les boutiques, stocké pour Noël par piles dans leur réserve, joué puis photographié et discuté sur Internet, déballé sur les tables à la maison ou au bar à jeux du coin. Si bien qu’il est actuellement difficile de passer à côté.

J’ai parfois lu ou entendu :

« Château Combo ça n’invente rien mais ça le fait bien ».

Cette phrase et ses dérivées m’interpellent, elles me questionnent. Pourquoi nous, joueurs connaisseurs en constante recherche de nouveautés ludiques, de nouveaux twists nous arrivons à faire d’un jeu qui « n’invente rien » le jeu du moment ?

L’ingrédient qui marche : des règles connues…

D’emblée Château Combo peut nous séduire car il sait nous parler et pose ses pas dans ceux des règles connues et reconnues. Le chemin a été maintes fois battu : des cartes présentes dans des rivières ont un prix d’achat, un effet de pose immédiat ainsi qu’un effet de scoring final.

Et c’est tout !

La mécanique est un condensé, un concentré de ce qui existe déjà sans aucun ajout de fioritures (et ça c’est bon pour le nutri-score ludique). Assurément ça nous fait du bien à nous joueurs évoluant dans un monde ludique qui nous stimule en permanence. Ca nous fait du bien de retourner quelques instants aux bases, de retourner à ce que nous connaissons, à ces mécaniques simples, celles du début, celles qui nous ont fait entrer dans le monde du jeu. Alors on y retrouvera des parentés avec Fantasy Realms ou Earth, peut-être même que les plus affutés auront repéré les liens avec Terraforming Mars.

…qui vont droit au but !

Une sorte de doudou ludique un peu sucré. On est à la maison, le cerveau en mode off à toute alerte de nouvelles règles ou nouveaux twists. Ceux-là même qui demandent attention soutenue et engagement pour être compris et maîtrisés, qui demandent donc de notre temps. Or celui-là il est le même pour tous et malheureusement nous en manquons souvent.

Cette mécanique au chemin pré-balisé a aussi l’avantage de se transmettre très rapidement et de s’étendre à d’autres joueurs, d’autres tables, d’autres groupes en un rien de temps. On déverse le contenu de la boîte de jeu sur la table l’explication se fait en moins de six minutes trente temps d’installation et questions compris.

On a dit “pas de prise de tête !”, donc pas de stratégie au long court. Alors Château Combo boxe dans la catégorie de la tactique en dosant, avec minutie, réflexion et opportunité. 4 éléments principaux à prendre en compte : le prix des cartes, leur blason, leur effet de pose et leur effet de scoring final (le tout éventuellement au pluriel). A ceux-là se rajoute une ressource électron : les clés. Cela pourrait faire beaucoup mais le tout est ramassé par l’ingénieuse utilisation d’une grille qui vient quadriller notre pensée, limiter nos choix.

Et on avait déjà remarqué que Grégory Grard est un amateur des grilles (Mot Malin, Sur les Traces de Darwin, Festival, Tribunal 1920). Surveillez ses prochains jeux, il se peut que cette matrice inconsciemment insérée dans ses jeux deviennent l’une de ses signatures.

Un ingrédient mystère

Je pensais pouvoir défiler mon article et trouver les réponses à mes questions en allant gratter dans l’aspect mécanique de Château Combo. Sauf que ! Sauf que ça ne suffit pas. Moults jeux ont ces points communs de règles accessibles, condensées, déjà connues sans pour autant marquer et rester dans les meilleures ventes.

La réponse est, sans être extra-terrestre, ailleurs.

Et c’est en écoutant une vidéo Youtube de la chaîne Punchboard qu’un début de réponse m’a semblé finalement évident. L’émission du 12 novembre 2024 autopsie le jeu expert, rien à voir donc avec Château Combo pourtant j’entends ces bouts de phrase, « quand l’alchimie devient supérieure au reste », « un supplément d’âme », « expérience de jeu ». Ça claque à mes oreilles. Ça me donne envie de fouiller par là.

Un supplément d’âme

Au premier abord le supplément d’âme est évident… les illustrations. Loufoques et caricaturaux, les traits plein de gaieté sortent de l’imaginaire de Stéphane Escapa (et si je vous dis [kosmopoli:t] vous voyez le lien de parenté). Cette fraîcheur expressive est communicative et plante l’ambiance du côté joyeux de la force. Quant à la question « est-ce que l’inspiration des personnages sort des années 90 et d’Albert le Cinquième Mousquetaire ? » Catch Up Games en donne la réponse dans son carnet d’illustrateur. Ces personnages sont aussi le lien entre les joueurs en évoquant des références communes : la Générale ne vous fait-elle pas penser à Brienne de Torth dans ses meilleurs jours ? Et l’aubergiste ? On dirait quand même le portrait craché de votre beau-père à la fin du repas de famille ! Chacun peut y aller de ses références pop ou personnelles.

Petite histoire de “Château Combo”

Loin de faire partie des jeux narratifs ces petits nobles et paysans colorés narrent un conte. Pendant et une fois la partie finie on se raconte nos royaumes : celui du petit bâtard qui vit chez les paysans, celui de la révolutionnaire qui brandissant son fléau cherche à accéder au château, celui de la princesse qui a mal dormi à cause d’un petit pois et celui du bouffon qui rit de tout cela. On range nos cartes et se dit qu’à la prochaine partie on tenterait bien un full personnages royaux, juste pour voir, juste pour s’amuser.
Un jeu dans le jeu.

L’alchimie du jeu qui transforme un 3x3 de cartes en saynètes.

Une enveloppe fun c’est cool mais du fun dans le jeu ça ne serait pas mieux ?

Je ne sais pas si le terme « fun » serait le plus approprié mais Château Combo satisfait. Les tours sont gratifiants, récompensants et surtout ils reviennent vite. Notre œil cherche dans les rivières LE bon combo, notre cerveau analyse les gains et notre main va chercher la carte qui vient de tomber et qui va à merveille à notre tableau 3x3.
Autour de la table ça grouille.
Pop ! je prends cette carte et je récupère trois clés.
Hop ! je gagne 3 sous.
Hep ! je vais chercher dans le trésor 2 sous que je place sur chaque bourse etc…
Et il est peut-être là le petit secret du fun de Château Combo : dans les effets immédiats. Franchement, le Bourreau on pourrait presque le choisir juste pour le plaisir de guillotiner cette tête de fossoyeur qui ne nous revient pas. Et ce petit plaisir à jouer l’Altesse et distribuer une seule pièce à ces villageois affamés en pensant niaisement faire le bien !
A cet entrain ludique se rajoute une variabilité presque sans fin grâce à des cartes uniques qui interagissent entre elles sans pour autant s’enfermer dans un schéma préconstruit.

Château Combo est simple et d’une efficacité remarquable.

Peut-être aussi parce-que ses auteurs rouennais ne sont pas à leurs débuts et ont même commencé à être édités à peu près en même temps. Matthieu Roussel a sorti Kameloot, Awimbawé et Dino Pinic. Grégory Grard a quant à lui sorti Majority, Kameloot, Tribunal 1920, Mot Malin, Sur les Traces de Darwin et Festival. Dans tout ce catalogue il y a forcément quelques noms qui résonnent à vos oreilles.
Ces deux-là se connaissent et on sentirait presque, imprégnée dans les cartes, leur complicité. Le fait est que cette vivacité ludique est le reflet de deux auteurs qui ont cru en leur jeu et qui surtout se sont donnés à coeur joie à le développer.

Et d’ailleurs ils en pensent quoi de cette phrase ?

Oui tiens c’est vrai ça !
Ils en pensent quoi les auteurs ?
Lire ou entendre “Château Combo ça n’invente rien mais ça le fait bien” ça s’accueille comment quand on en est le designer ?
Le plus simple est de leur demander. Et des dires de Grégory Grard “C’est le meilleur compliment que l’on peut nous faire”. Lui et Matthieu Roussel veulent créer des jeux avec du fun, où l’envie de rejouer est un de leurs moteurs créatifs. Ils n’ont pas peur de dire que l’équilibrage parfait ou l’originalité à tout prix ne sont pas leurs fins à eux. Ils ont visiblement vu juste. Et si ce combo d’auteurs vous a interpelé rendez-vous en 2025 pour découvrir leur prochain jeu en duo : Zénith, qui paraîtra chez PlayPunk.

D’ici là, à la question “à quoi veux-tu jouer” ? Louison 9 ans répondra sans hésiter “tu sais bien maman, à Château Combo !”.

Je tiens à remercier chaleureusement Grégory Grard qui a très gentiment accepté de répondre à mes questions sur le jeu du moment par de chez nous et un peu partout ailleurs aussi.

16 « J'aime »

Bonjour,
Belle prose.

Comme quoi chacun son point de vue.
Ce jeu m’a fait l’effet d’un mini tableur Excel.

Hop !

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Superbe article et analyse du phénomène Antoinette. Encore une fois. :slight_smile:

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cela résume parfaitement mon point de vue. Voila un jeu lambda auquel je joue et rejoue quand on a 20 minutes à tuer ( a 2). Plus malin par moment (retourner une carte sur sa face bâtiment n’est pas si pénalisant), il doit, pour ma part, une grande partie de son succès aux illustrations. Moins tactique que Point City, très bon aussi mais plus fun. Comme quoi, le petit plus qui transforme un réchauffé en un bon plat existe

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Amusant je m’étais fait la réflexion de faire un article pour essayer de répondre à cette même question du pourquoi c’est bien :slightly_smiling_face: . Je suis complètement tombé sous le charme de ce jeu dont on enchaine les parties à la maison alors qu’effectivement en soit “il n’invente rien”.

Aux bonnes analyses (notamment le rôle du graphisme), j’ajouterais:

  • La qualité des combos. Chateau combo utilise un système de scoring qu’on voit pas si souvent et que j’ai apprécie par exemple dans Lueur : les points non par cumul , mais par absence ( 1 clé par emplacement vide par exemple). Le gros intérêt c’est que là où souvent dans les jeux à combos il faut que les premiers soient en place pour monter en puissance, là dès le premiers coups, on peut avoir des très jolis effets. Ca dure 9 tours seulement mais tous aussi prenant les uns que les autres.

  • La variété et l’équilibre ( même s’il y a des coups fumés, mais c’est un jeu de combo :yum: ). Le jeu donne une bonne sensation de variété en jouant sur les emplacements, les blasons le pièces, les clés. Des éléments qui ont des fonctionnements différents ce qui ne donne pas la sensation de déclinaison d’un même concept juste avec des positions/ressources différentes. Et ça participe à la fois au renouvellement et à la richesse des choix.

  • le système de rivière. Mine de rien, plusieurs intérêt par rapport une rivière classique (file de carte de plus en plus chère). Plus simple en règle (pas de notion de coût), plus simple en manip (une seule carte à ajouter, rien à déplacer). Et le système de clé induit un stop ou encore est-ce que je tente de virer les 3 cartes pour en chercher 3 autres que j’espère mieux comboter ? Ca premet aussi , même si la chance a son rôle à jouer, de laisser un panel suffisamment gratifiant de coup : 3 cartes sur la ligne ou on est, 3 autres cartes si on change de ligne , et en fait encore 3 autres cas si on renouvelle la ligne où on est. Ca fait un panel de 9 cartes, ce qui permet globalement d’avoir assez peu de coups où on a rien à faire

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Tout y est bien dit. Je rajouterai juste que j'ai le sentiment qu'il a surtout la juste dose de difficulté/accessibilité pour rassembler un très large panel de joueurs. Ni trop, ni pas assez. Assez riche en réflexion pour dire qu'il en a sous le capot & assez simple à comprendre pour dire qu'en fait c'est tout con.

On pourrait dire la même chose de nombreux Cathala :wink: