Bonjour !
On m’a offert Numenéra pour Noël, et je n’ai jamais approché le moindre jdr. J’ai souvent eu envie d’essayer, sans jamais franchir le pas. Deux ou trois ami(e)s sont motivés pour y jouer, et je ferai le MJ. Du coup, depuis deux jours, je lis beaucoup à propos du jeu de rôle et ça m’intéresse beaucoup (mais j’ai du coup pas mal lu sur des aspects qui ne m’aideront pas forcément) : mon domaine d’étude, c’est la littérature, et le jdr pose des questions stimulantes sur ce qu’est une histoire, car il est un cas très spécifique d’histoire. D’ailleurs, j’ai plusieurs fois vu revenir en lisant des articles ou des topics la phrase suivante : “le MJ peut faire ceci ou cela, tant que ça sert l’histoire”. Or cela doit servir aussi les joueurs, car le but premier est que tout le monde s’amuse. Un écrivain peut tout sacrifier pour son histoire, bousculer le lecteur imaginaire autant qu’il le souhaite pour accoucher de l’histoire qu’il souhaite exactement. Le jdr semble poser, à quelqu’un comme moi qui n’y connaît rien, la question suivante : comment naît une histoire qui prend en compte les désirs de plusieurs joueurs différents ? Comment ne pas sacrifier l’histoire pour satisfaire des joueurs ? Une histoire est faite de hauts et de bas, de réussites, d’échecs. Il y a tout un équilibre à trouver (et à trouver ENSEMBLE, c’est le plus beau) c’est fou. Bref, pour des joueurs aguerris, ces questions sont un peu naïves j’imagine.
Bref, je reviens à mon sujet principal. J’ai pas mal réfléchi après m’être renseigné sur ce qu’était un jdr, un MJ, une partie, et je pense, je souhaite en tout cas, partir sur une partie suivie (on jouera au fil des mois les mêmes personnages, après peut-être une mini-partie test pour voir comment le jeu tourne entre nos mains malhabiles) SANS scénario principal. Ce n’est pas une direction qui nous motive particulièrement.
On a pas trop envie d’avoir une histoire de fond sur laquelle retomber tant bien que mal. De plus, l’univers de Numenéra nous semble se prêter à une partie sous forme de bac à sable. Sauf que ça ajoute quelques questions :
Auriez-vous à me partager des articles / guides / ou simplement vos conseils sur ce type de partie ?
Pour les histoires possibles, je pensais préparer des choses “autour géographiquement” des joueurs, en les laissant libre d’aller où ils le souhaitent, aussi loin que c’est raisonnablement possible. Seulement je me demande, par exemple, quand (si) ils veulent aller à une destination qui se trouve genre à trois jours de caravane, est-ce qu’il est attendu que le MJ fasse une ellipse du voyage ? Parce que si c’est le cas, ça veut dire qu’ils peuvent aller dans la même séance presque partout, et alors ça devient impossible pour moi de bien préparer des choses.
Mon idée serait éventuellement d’intégrer une histoire / quête de plus longue haleine après quelques parties, peut-être, si ça se fait naturellement, en fonction de ce qu’auront fait les joueurs (par exemple ils se mettent en tête, de fil en aiguille, de prendre le contrôle du commerce d’une ville voire plus -c’est un exemple bien sûr- je pourrais alors faire de cette envie née progressivement et exprimée par leur jeu uniquement une histoire un peu plus suivie en “fil rouge”).
Je suis conscient que la principale difficulté de ce type de partie est que ça demande pas mal de capacité d’adaptation et d’improvisation (en + du taf de base) et que c’est peut-être (?) compliqué pour débuter.
Enfin, une question HS : ça existe des parties “méta” ? J’ai pensé à des joueurs qui interpréteraient des personnages se réveillant dans un monde fantastique en ayant conscience que ce n’est pas la réalité (qui serait la réalité “normale”) et qui chercheraient à comprendre pourquoi + explorer le monde, tester la réalité fantastique. (On ne fera pas ça, ça n’intéresse que moi je pense)
Merci d’avance pour vos conseils !
Je te conseille Mener des parties de jeu de rôle chez le Lapin Marteau.
Je te conseille également de voir tes ambitions à la baisse vu que c’est ton premier JdR. Je n’ai pas lu Numenéra, mais si tu n’as pas quelques réponses à tes questions dans le bouquin, fait plutôt ce qu’il te propose clairement.
A la place d’improviser au fur et à mesure la colonne vertébrale du récit, demande à tes joueurs ce qu’ils attendent des parties et ce qu’ils veulent jouer. Il est impossible de tout préparer et ce serait une perte d’énergie de prévoir un fond très politique avec des jeux de pouvoirs dans tous les coins d’une ville ou d’une région si ce qui les intéresse c’est de voyager partout pour trouver des trésors ou des connaissances. Mettez vous d’accord en amont, pas en aval. Un des moyens de le faire est de partir de leurs personnages. Si tu as un pirate, un explorateur et un voleur, tu auras déjà une idée de ce qu’ils veulent comme aventures. Si ce sont un bibliothécaire, une lycéenne et un robot, ça te mènera ailleurs. Tu peux toujours refuser un personnage aussi.
Ou alors, et c’est ce qui se fait en fait, tu décides de ce que tu veux mener et tu guides les joueurs dans la création des personnages pour qu’ils s’insèrent dans ton histoire. Normalement, puisque vous êtes tous là pour passer un bon moment, tous les joueurs vont rentrer dans le cadre et agir en conséquence. De plus, comme c’est leur premier JdR (?), ils seront probablement assez contents d’être dirigés. Mais rien n’empêche de le faire collégialement, c’est juste que ça prend plus de temps.
La liberté du JdR n’est pas de faire tout ce qu’on peut faire dans un vaste cadre, mais de pouvoir choisir ce qu’on va faire dans un cadre défini.
“comment naît une histoire qui prend en compte les désirs de plusieurs joueurs différents ? Comment ne pas sacrifier l’histoire pour satisfaire des joueurs ? Une histoire est faite de hauts et de bas, de réussites, d’échecs. Il y a tout un équilibre à trouver (et à trouver ENSEMBLE, c’est le plus beau) c’est fou.”
Tu vas adorer la réponse: ça se fait sur le tas.
La chose à ne pas perdre de vue, pour tous les joueurs pas uniquement le MJ, c’est de s’assurer que tout le monde s’amuse. Ca revient généralement à écouter les autres. En tant que MJ tu as ton histoire qui n’est qu’une direction avec un but à atteindre. Normalement, il n’y a pas trop de problème avec le but qui fait consensus. Pour la direction, c’est là où tu devras faire des “sacrifices” en tenant en compte les idées/désirs des joueurs. Ca ne veut pas dire rendre le but plus facile à atteindre mais d’être capable de voir une voie qui contentera tout le monde (toi y compris).
Pour le côté “méta”, est-ce que l’univers du jeu s’y prête ? Si oui, tu peux le faire si tu as une raison scénaristique de le faire. Sinon, l’idée est gâchée pour un éventuel autre jeu/autre campagne.
En ce moment, je mène dans un univers de super-héros et j’ai décidé que la conclusion de la campagne serait méta (les personnages me rencontreront et ils seront à la table de jeu). L’univers s’y prête puisque les personnages méta existent dans les comics. Scénaristiquement, ça va changer de la sempiternelle confrontation avec le Méchant, qu’elle soit physique (95% des cas) ou politique (3% des cas, ne nous mentons pas) ainsi que résoudre le problème de “retour à la maison” puisque je les ai balancés dans le futur.
Complètement d’accord !
La nuance entre le MJ et l’écrivain… c’est que le MJ ne fait pas jouer SON histoire. L’histoire est écrite/narrée/jouée collégialement. Le MJ arrive avec SON scénario… et à la fin de la partie, le MJ et les joueurs ont “vécu” une histoire qui est commune (et qui sera plus ou moins éloignée du scénario prévu). Chacun, à sa manière, a apporté un morceau à l’édifice… d’où la réponse de marvelarry… tout l’équilibre se fait effectivement “sur le tas”, parce que l’histoire s’écrit “sur le tas”.“le MJ peut faire ceci ou cela, tant que ça sert l’histoire”. Or cela doit servir aussi les joueurs, car le but premier est que tout le monde s’amuse. Un écrivain peut tout sacrifier pour son histoire
C’est assez ambitieux de se lancer dans une première partie sans fil conducteur pré établi.
La question qui revient le plus souvent dans une partie, c’est “qu’est ce que tu fais ?” (face à la situation que le MJ vient de décrire).
Mais en fait, la question la plus intéressante, c’est “pourquoi tu le fais ?”
La motivation des personnages est essentielle pour la réussite d’une partie. Si tu commences sans aucune directive, tes joueurs risquent de ne pas savoir quoi faire… et d’aller boire dans la première taverne venue.
Si tu ne veux vraiment pas t’enfermer sur un scénario pré établi,il va falloir bien faire le point avec tes joueurs pour définir ce qu’ils veulent faire (et donc ce que leurs personnages voudront faire) : commerçant ? explorateur ? pilleur de ruine antique ? mercenaire sans foi ni loi ?
A partir de là, tu pourras leur proposer une première aventure… et dans le cadre de celle-ci, tu pourras placer des pistes, des rumeurs, des personnages qui leur donneront envie d’aller voir ailleurs, dans la direction qu’ils veulent.
Ou selon le dénouement… Ils vont sauver une princesse… ok, et à la fin, peut-être qu’ils voudront la garder pour eux, ou renégocier la prime, ou la revendre à un autre pays ?
Si tu leurs proposes trop de pistes au départ (du genre, "vous êtes là… au Nord,y a un temple perdu… au Sud, une cité antique… à l’Est, une peuplade mystérieuse… à l’Ouest, une forêt hantée… et dans la ville, vous avez… ") ils risquent ne pas savoir quoi choisir, ou d’aller dans une seule direction alors que tu auras passé 3 mois à préparer plein de trucs pour les autres.
Autre point : pour la question sur l’ellipse du voyage entre un point A et un point B, il n’y a aucune règle, aucune attente, aucune bonne solution… on en revient à la règle de base : tu peux faire ce que tu veux, tant que ça sert votre histoire.
Si tu a prévu une rencontre… faut pas faire l’ellipse… si tu as hâte de jouer l’exploration du point B, faut faire l’ellipse… si tu veux leur montrer que les voyages sont long et pénibles, faut jouer le voyage… ça les motivera à s’acheter des chevaux… si tu veux qu’ils aient peur de leur ombre, faut prévoir une attaque surprise… et pour qu’ils soient surpris, faut jouer tous les soirs, régler les tours de gardes, etc. … si tu veux leur montrer que leur seigneur local est un tyran qui maltraite ses paysans, il faudra jouer le voyage, décrire les villages avec les pauvres malheureux…
Des parties Meta… oui, il a des jeux META. Mash Up en est un, si je comprends bien ta définition du méta. Les agents de l’officine se retrouve dans des mondes, qu’ils savent ne pas être la réalité. Donc les joueurs jouent des personnages, qui eux même jouent des personnages.
Cela peut arriver dans n’importe quel jdr ayant une part de fantastique ou de SF (technologie type matrice ou holodeck façon startrek).
Pour faire du bac à sable, je te conseillerai le jeu de role Dungeon World.
Même si au final tu feras jouer avec les règles et dans l’univers de Numenéra, lire ce que propose Dungeon World te seras très utile pour improviser les histoires.
Dans les grandes lignes intéressantes, il y a :
- Accepter que ce n’est ni le MJ, ni les joueurs qui doit être au centre de l’attention. Mais l’histoire que l’on créé ensemble. Je pense que c’est important de mettre cela sur le tapis dés le début pour que tout le monde collabore à l’histoire.
- Accepter de déléguer aux joueurs un peu de la narration du monde. C’est un peu difficile pour certain MJ qui aime avoir le contrôle total de l’histoire. Mais cela permet de rebondir sur les idées et de créer plus facilement une histoire.
- Poser des questions. C’est un principe qui est souvent évoqué dans D.W. Cela commence dès la création des personnages (…qui est une session de jeu vu comme une session normal de jeu… un peu comme un épisode 0 de série). Imagine qu’un de tes joueurs veux incarner un guerrier. Tu peux rapidement lui poser des question du genre : Ou as-tu appris à combattre ? Quel est le premier homme que tu as tué ? Quel était votre différent ? En suite, tu peux même proposer de jouer une courte scène pour revivre ce moment la.
Ce qu’il y a de bien avec les questions, c’est qu’elle permette de créer un lien avec le personnage et le monde. Cela permet également de créer les liens avec les autres personnages. Pourquoi ils voyagent ensemble… L’autre aspect des questions, c’est que tu peux malgré tous guider les réponses des joueurs. Entre “Ou as-tu appris à combattre ?” et “Quel évènement tragique t’a pousser à prendre les armes ?” la réponse du joueur ne sera pas du tout la même. La seconde questions te permet de guider le joueur vers un évènement marquant de son passé qui va te donner plein d’idée de scénario qui impliqueront fortement le personnage.
- Quand tu manques d’inspiration sur l’instant, demande au personnage le plus compétent ce qu’il en pense. Quel sont les dangers qui vous guette pour cambrioler cette maison ? Je ne sais pas moi… Dis-moi Voleur, c’est ton métier ça. Tu en penses quoi ?
- Ne pas préparer tout dans les moindre détails. Il y a de forte chance que ca ne serve pas. Note simplement des accroches de scène ou d’évènement. Lance une accroche, joue et regrade ou cela vous mène.
- Organiser son scénario : D.W. met en place une notion de Front et de Danger qui sont la pour toujours savoir quoi dire quand les joueurs attende la suite de l’histoire.
- Ne pas faire de l’échec d’une action, un cul de sac. Mais faire rebondir l’histoire. Rater son jet de crochetage de serrure ne veux pas forcément dire que le personnage n’y arrive pas. Il n’a peut être pas eut le temps avant que des gardes n’arrivent.
Bref ! J’espère que cela t’aidera dans ton rôle de MJ.