Dans les poubelles de l'art

Dans les poubelles de l'art
LEMONDE.FR | 10.09.04 | 14h26
Depuis qu'Arman a exposé sa Poubelle des Halles en 1962, faire le ménage dans une galerie ou un musée d'art contemporain s'avère risqué. La frontière est parfois si ténue entre les déchets et les artefacts, que de nombreuses méprises émaillent la riche histoire de la création artistique.

La presse britannique a révélé fin août que la vénérable Tate Britain avait découvert, un jour d'inauguration fin juin, qu'un élément de la Nouvelle création de la première présentation publique d'un art auto-destructif, de Gustav Metzger, avait été jeté à la poubelle. A la décharge de l'agent d'entretien, il s'agissait d'un sac plastique rempli de journaux et papiers déchirés, placé au pied d'une table, elle-même jonchée de débris. Le sac a été sauvé in extremis dans la benne à ordures, mais l'artiste allemand, père de l'art auto-destructif aujourd'hui installé à Londres, l'a jugé trop abîmé et l'a remplacé. Depuis, les équipes de ménage ont été prévenues, et le sac est recouvert chaque soir.

Voilà trois ans, à Londres encore, le Britannique Damien Hirst avait si bien représenté le chaos d'un atelier d'artiste - un amas de verres et bouteilles de bière, tasses de cafés sales, tubes de peinture et cendriers débordants -, qu'un agent de la galerie Eyestorm a jeté l'ensemble. En Allemagne, en 2002, ce sont les services de l'ordre qui ont failli envoyer à la casse une œuvre de Marc Bijl, relatait alors le Berliner Zeitung. Il s'agissait d'une voiture calcinée, placée devant la Schirn Kunsthalle, à l'occasion de la biennale Manifesta. Elle visait à questionner la société et à "saper la perception du monde", ce que l'agent du service des véhicules non immatriculés n'avait pas saisi.

Et dans les années 1970 et 1980, une semblable incompréhension détruisit deux œuvres de l'artiste allemand Joseph Beuys, mettant en scène des baignoires. L'une, remplie de graisse, fut longuement récurée. L'autre, remplie de gaze, vaseline et sparadrap, eut la malchance d'être entreposée dans une salle du château de Leverkusen, avec du matériel de la branche locale du Parti social-démocrate (SPD). Des membres de ce parti entreprirent, pour un meeting, de se servir de cette vieille baignoire pour garder les bières au frais.

L'artiste allemand connut encore un déboire, lors de la Foire internationale d'art contemporain de Paris. "Je crois me souvenir que quelqu'un avait remplacé la rose fanée d'une de ses œuvres", explique Henri Jobbé-Duval, qui a organisé la FIAC de 1973 à 2001. Et d'évoquer une œuvre composée d'un balai et d'un sac poubelle, pris comme tels par les nettoyeurs. Ou cette autre, "enveloppée d'un film plastique un peu dans l'esprit des œuvres de Christo, que les installateurs avaient entièrement déballée". Ou encore ces tableaux savamment accrochés de travers par les galeristes et retrouvés, chaque matin, parfaitement droits. "Nous avons eu quelques aventures de ce genre mais finalement assez rares, et sans grande conséquences. Les équipes de ménage étaient très sensibilisées à, disons, l'étrangeté des œuvres exposées, explique-t-il. En 1986 ou en 1987, elles ont sauvé une œuvre : un galerie qui, durant toute la FIAC, avait fait surveiller par des agents de sécurité un visage en bronze par Picasso, l'avait emballé et tout simplement oublié au milieu de son stand le dernier jour. Les dames de ménage, intriguées, nous l'ont rapporté."

Claire Ané

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:roll: :lol:

Quel talent !

Edmond

Bien moi tous les matins je fais alors une oeuvre d'art sans le savoir et comme un c.. je tire la chasse d'eau dessus !