On pourrait aussi réfléchir sur ce que cela implique de dire que la connaissance pourrait être inutile… En particulier sur un forum de joueurs…
Philippe dit:El comandante dit:Pour la recherche, je crois que l'on peut dire que sans recherche fondamentale et inutile, il n'y aurait pas de recherche appliquée.
Si ce n'est pas de l'utilité, ça...
en termes économiques non, tu ne peux pas calculer l'utilité marginale d'un euro de plus dépnsé dans la recherche fondamentale. En ce sens c'est un acte gratuit, qui n'est pas économiquement utile.
D’où notre différends. Je ne me place pas du point de vue de la prospective économique à court ou moyen terme. En revanche, on sait par expérience historique que la recherche fondamentale finit toujours par être utile (pas forcément comme on le pensait, pas forcément dans le pays où elle a été favorisée, pas forcément dans le domaine que l’on pressentait, etc.).
Philippe dit:D'où notre différends. Je ne me place pas du point de vue de la prospective économique à court ou moyen terme. En revanche, on sait par expérience historique que la recherche fondamentale finit toujours par être utile (pas forcément comme on le pensait, pas forcément dans le pays où elle a été favorisée, pas forcément dans le domaine que l'on pressentait, etc.).
ouais, ben exactement ce que je disais; utile, ca n'est pas forcément du point de vue économique.

Je tiens à préciser que moi non plus je ne réduit pas l’utilité d’une recherche à sa rentabilité économique. Dans mes propos précédents, c’est de l’utilité pour le grand public dont je me souciait. Cette utilité peut apparaitre sous des aspects très différents. Par exemple, On trouve un truc qui permet d’économiser en ressources, de vivre plus longtemps ou mieux, ou, quand il s’agit du savoir, qui permet de mieux comprendre le monde dans lequel on vit, aussi bien au niveau global que microscopique.
Et c’est là où l’hyperspécialisation devient problématique. Pour reprendre l’exemple d’un bouquin entier dédié à une tribu de 200 gars paumés dans la montagne, la transposabilité de la recherche n’est pas évidente. Le sujet en lui-même n’est pas fautif à 100%, mais bien la superficialité avec laquelle l’auteur traite du sujet. Malgré la généralisation que je fait, il ne faut pas croire que tout est mauvais, mais j’en vois passer des textes et des livres de soit-disants spécialistes, et bien souvent, c’est affligeant. Ces chercheurs se contentent de décrire ce qu’ils voient, et font preuve de très peu de recul, leur synthèses (quand il y en a) regorgent de convenus, et il n’y a jamais de tentative pour replacer ces informations dans un contexte plus large.
Certains chercheurs ont des sujets tellement spécialisés qu’ils sont certains d’être les seuls à en parler. Du coup, il n’y a pas d’émulation par la rencontre ou l’affrontement d’idées différentes. Ces personnes sont, par définition, LE spécialiste mondial de leur sujet de prédilection. Et elles ne veulent pas prendre le risque de se confronter à d’autres, c’est pour cela qu’il n’y a pas de volonté d’élargissement du sujet.
Pour continuer avec le même exemple, j’applaudirait un auteur qui déciderait de s’associer avec un autre auteur aussi spécialisé que lui pour établir des ponts et mettre en place une étude comparative de leur tribu respective. Que dans un livre on apprenne que la tribu A aime la couleur verte, et dans l’autre livre, la tribu B aime le rouge, sans même tenter d’avancer une explication sur ces préférences (car comme je l’ai dit, ces bouquins se contentent souvent de la description pure), ça ne fait pas avancer grand chose. Si on commence à se poser la question du pourquoi, c’est mieux. Si on regarde chez les voisins pour dégager des tendances plus larges, ou au contraire identifier des exceptions fortes, c’est encore mieux, et on s’approche de ce que je qualifierait de recherche utile. Malheureusement, les égos de bien des chercheurs sont tels que ces rencontres sont bien rares.
L’ancien directeur du centre ou je bosse (qui est celui qui m’a amené à penser de la sorte, car lui aussi souhaitait que la recherche soit “utile”) a écrit un article qui explique très bien ce qu’il pense et que j’ai adopté. Si vous le pouvez, lisez l’article de Stéphane Dovert dans Réfléchir l’Asie du Sud-Est – Essai d’épistémologie. Ses opinions sur ce que la recherche française devrait faire pour s’améliorer ne lui ont pas fait beaucoup d’amis parmi le type de chercheurs que je décrits plus haut…
Mike
Il est clair que l’éclatement des spécialités est une catastrophe. Quand j’avais proposé une étude comparative entre des mouvements de réformes dans l’hindouisme et dans le christianisme, le directeur de la 5e section de l’EPHE de l’époque m’avait répondu que l’on ne comparait pas des carottes et des choux. Réponse stupide, qui a horrifié les profs de la dite section à qui j’en ai parlé. Mais comme c’était lui le chef, il fallait obtempérer. Résulat des courses : j’ai continué à passer des diplômes, mais je ne me vois pas faire de thèse à cause de la mesquinerie de la plupart des sujets - pourquoi consacrer sept ans de ma vie à cela ? (je compte sept parce que j’ai un métier et une famille).
En fait, on est tous d’accord sur le constat, là. Passons à la phase de proposition, avant d’arriver à la phase trois (celle de frustration, car nous n’avons pas actuellement de capacité de décision) puis à la phase quatre (prise pouvoir ou renoncement ).
Otaku Mike dit:Quand je vois un livre entier d'ethnologie traiter d'un village paumé dans la montagne d'une tribu de 200 personnes, je me demande en quoi cette recherche est utile, c'est à dire, en quoi elle est transposable à d'autres cas, pour permettre une compréhension plus globale d'un phénomène ou d'une culture.
Pour écrire un livre sur l'humanité, il faut avoir lu des études sur les nations, pour écrire une étude sur une nation il faut avoir lu des études sur les régions, pour écrire une étude sur les régions il faut avoir lu des études sur les villes, pour écrire une étude sur les villes il faut avoir des données sur les villages...
Otaku Mike dit:Etudier un microcosme n'a que peu d'intérêt dès qu'on sort de ce microcosme.
Etudier un macrocosme n'est possible que si l'on dispose de données sur les microcosme qui le composent.
Seb42 dit:Bonjour,
Pourquoi la recherche devrait être utile ? Parce qu'elle coûte chère ? Elle n'a pas assez de bénéfices ?
Pourquoi alors la question de l'utilité du football ou de la musique n'est pas remise en cause ? Pourtant les stades ou les salles de concert occasionnent aussi des dépenses auprès des contribuables, sans parler des subventions pour accueillir ce genre d'événements. Quels en sont les bénéfices ?
Il en faut pour tous les goûts. Ça peut en surprendre quelques uns, mais certaines personnes préfèrent s'intéresser à la vie d'un "village paumé dans la montagne d'une tribu de 200 personnes" plutôt qu'à des mecs qui courent derrière un ballon ou qu'à des apprentis stars enfermés dans un château, et ces personnes sont bien contentes que l'état prenne en charge ce qu'ils aiment.
Je suis rassuré de constater à quel point notre société se préoccupe de l'utilité et du coût de chaque chose. Que la personne qui se sente la plus utile et la plus chère me jette la première pierre.
La question de l'utilité d'une chose est probablement le comble de l'inutile.![]()
Cordialement,
Seb42 trolleur matinal
Discutable mais amusant.
Ubik Liryc dit:Otaku Mike dit:Quand je vois un livre entier d'ethnologie traiter d'un village paumé dans la montagne d'une tribu de 200 personnes, je me demande en quoi cette recherche est utile, c'est à dire, en quoi elle est transposable à d'autres cas, pour permettre une compréhension plus globale d'un phénomène ou d'une culture.
Pour écrire un livre sur l'humanité, il faut avoir lu des études sur les nations, pour écrire une étude sur une nation il faut avoir lu des études sur les régions, pour écrire une étude sur les régions il faut avoir lu des études sur les villes, pour écrire une étude sur les villes il faut avoir des données sur les villages...
Dans la pratique, on ne procède pas ainsi, sinon bien peu de livres auraient été écrits. En fait, on écrit, simultanément, des livres sur des problèmes à toutes les échelles, puis on compare les données et on croise les idées et les informations.
J'ajoute qu'à mon avis, il y a un effet d'illusion à penser que le grand s'explique à partir du petit. Je pense que l'inverse est vrai aussi, ce qui fait que l'on pourrait aussi bien écrire : pour écrire sur un village, il faut connaître les villages, et pour connaître les villages, connaître les villes, etc. Ce qui fait que, pris dans une relation à double sens, il n'ya rien d'autre à faire qu'entrer dans l'étude par un parti-pris méthodologique et ensuite ouvrir l'étude.
Otaku Mike dit:Etudier un microcosme n'a que peu d'intérêt dès qu'on sort de ce microcosme.
Etudier un macrocosme n'est possible que si l'on dispose de données sur les microcosme qui le composent.
Et réciproquement, donc, car si on considère que l'ensemble est un système, on ne connaît bien chacune de ses parties que dans ses relations avec les autres.
Etudier un microcosme se défend donc tout à fait, de même que faire une étude à petite échelle. Le problème, c'est de s'y cantonner.
Ubik Liryc dit:Pour écrire un livre sur l'humanité, il faut avoir lu des études sur les nations, pour écrire une étude sur une nation il faut avoir lu des études sur les régions, pour écrire une étude sur les régions il faut avoir lu des études sur les villes, pour écrire une étude sur les villes il faut avoir des données sur les villages...Otaku Mike dit:Etudier un microcosme n'a que peu d'intérêt dès qu'on sort de ce microcosme.
Etudier un macrocosme n'est possible que si l'on dispose de données sur les microcosme qui le composent.
Jolie pensée dans l'absolu.
Mais j'attends que tu me présentes le génie capable de savoir tout sur tout à toutes les échelles qui, d'après cette théorie, serait alors le seul à pouvoir écrire quoi que ce soit.
Restons humble et admettons que nous ne sommes pas des démiurges. Je ne demande pas aux chercheurs d'être omniscients avant de prétendre contribuer au savoir collectif, mais qu'ils aient quand même un peu plus d'ambition qu'à l'heure actuelle.
Mike
Otaku Mike dit:Restons humble et admettons que nous ne sommes pas des démiurges. Je ne demande pas aux chercheurs d'être omniscients avant de prétendre contribuer au savoir collectif, mais qu'ils aient quand même un peu plus d'ambition qu'à l'heure actuelle.
Mike
on est encore loin du Plan Seldon et de la psychohistoire...

Ah mon avis vous êtes dans l’abstrait complet.
Si je prends un exemple personnel : pour travailler sur le comportement et la dispersion d’une espèces de singe en Asie du Sud-Est, j’ai besoin de données par centaines. Il me faudrait plusieurs vies pour les collecter. Heureusement beaucoup de gens ont étudiés et publiés des rapports, apparemment sans aucun intérêts, sur des groupes de 30 à 60 singes vivant sur des territoires aussi ridiculement petits que 5km2.
Le travail de tous ces gens m’est donc extrêmement précieux et je ne suis pas un demi-dieu.
Pour écrire un document qui semblera “plus utile” aux yeux du grand public, j’ai donc besoin que des chercheurs aient passé parfois 3 ans de leur vie autour de 5 arbres à étudier 40 petits singes, aussi “inutle” que cela puisse paraître au premier abord.
Je ne sais pas ce qu’il en est des singes, mais en histoire où on étudie leurs proches parents, les études à petite échelle et à grande échelle s’aident les unes les autres - cross-fertilizing. Ce n’est pas à sens unique, du local vers le général.
il y a une chose aussi que vous avez tendance aussi a oublier.
Les chercheurs sont le moteur de l’avancée de nos connaissance dans tout les sujets possible et inimaginable, fondamental, appliqué etc, ok, jusque là on est tous a peu pres d’accord. que ce soit utile ou non est une question snob à mon humble avis.
Mais là ou il y a un grosse lacune, c’est oublier que les chercheurs sont aussi les garants de la comprehension des connaissances accumulées pendant les siecles precedents. Et c’est c’est primordiale.
Vous allez me dire que tout est ecrit dans les livres et que donc cette conception est obsolète, mais moi qui suis dans la recherche, je vais tous les jours discuter avec mes vieux profs/chercheurs. ce sont des bibliothèques ambulantes et ils sont 1000 fois plus efficaces dans la transmission du savoir qu’un bouquin sur une etagère que n’ai ouvert que 2 fois par an.
or donc, etre chercheur ne consiste donc pas seulement a decouvrir des nouvelles choses, mais aussi a accumuler les connaissances passées. Sans ce facteur primordiale, il n’y a pas d’avancée dans les connaissances. Savoir ce qui à été fait dans le passé et le comprendre, c’est une chose qu’on oubli souvent quand on parle de la recherche.
Philippe dit:Je ne sais pas ce qu'il en est des singes, mais en histoire où on étudie leurs proches parents, les études à petite échelle et à grande échelle s'aident les unes les autres - cross-fertilizing. Ce n'est pas à sens unique, du local vers le général.
Tout à fait d'accord, je réagissais seulement sur l'idée que des études peuvent paraître traiter de sujets beaucoup exagérément petit et pourtant être fondamentales pour avancer.
tom-le-termite dit:or donc, etre chercheur ne consiste donc pas seulement a decouvrir des nouvelles choses, mais aussi a accumuler les connaissances passées. Sans ce facteur primordiale, il n'y a pas d'avancée dans les connaissances.
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sur le blog de Christophe Barbier ici
François Fillon n’aime pas la fameuse phrase du général de Gaulle souhaitant que la France se dote de « chercheurs qui trouvent » et pas seulement de « chercheurs qui cherchent ». « Si l’on avait demandé aux chercheurs de la fin du XIXème siècle d’améliorer l’éclairage, ils auraient perfectionné les bougies, pas inventé l’électricité. C’est pourquoi il faut préserver une recherche fondamentale. »
Je me sens en communion avec les trois derniers messages… (= +1/3)