DE LOVECRAFT par quelle lecture doit-on commencer?

Graffen Walder, le XXIIIème du nom dit :
alighieri dit :
C'est beau d'ailleurs ce que dit Houellebecq : toujours prendre Céline comme représentant du racisme en littérature, c'est con parce que Céline intellectualise et idéologise le truc, alors que chez Lovecraft on a la chose elle-même, tout pure : la peur viscérale de l'autre !

Oui, enfin Houellebecq n'en est pas à une connerie près non plus !
Chez Lovecraft, c'est plus un mysanthropisme flagrant, les populations blanches pauvres et non éduquées ne trouvant pas forcément beaucoup plus grâce à ses yeux !
C'était clairement un mec cloîtré chez lui et terrifié par le monde extérieur, qui se plaisait à imaginer que ces gens qu'il voyait grouiller par sa fenêtre n'étaient que des microbes au regard de l'univers !
La haine des noirs qui dégueule chez Robert E.Howard me gêne beaucoup plus, lui avait beaucoup voyagé alors que chez Lovecraft c'était principalement de la peur et de l'ignorance.

Et quand à Céline, il faut vraiment arrêter de trouver des excuses à ce mec ! "Intellectualiser et idéologiser le racisme" sans déconner ! ^^
Même pas je vais relancer la polémique, mais j'invite ceux que ça intéresse à lire ce que Ernst Jünger, qui l'avait rencontré à une réception d'officiers allemands à paris pendant l'occupation, avait à en dire.

Euh, je ne pensais pas avoir écrit un truc de nature polémique et politique : je voulais juste expliquer ce que disait El Co à propos du racisme de Lovecraft et souligner que ça ne gênait pas à la lecture, parce que ce n'est pas apparent. On parle bien d'un mec cloitré et parano, si cérébral qu'il déteste la moindre trace d'animalité, y compris chez les blancs pauvres et sous-éduqués, ok
Pour Céline, je ne vois pas bien quels poux tu me cherches : je ne trouve pas d'excuses à son antisémitisme, je dis juste que chez lui ça prend un caractère idéologique, comme chez tous les antisémites de sa génération qui ont lu les livres de Vacher de Lapouge et autres théoriciens biologisants de la fin XIXe - avec même des alibis pseudos-scientifiques. Donc oui c'est un racisme intellectualisé, théorisé par rapport à la peur viscérale d'un Lovecraft. Ca n'excuse rien, ok, mais est-ce que j'ai dit que ça excusait quoi que ce soit ? Tu es anti-raciste, c'est bien, moi aussi, ça t'empeche sans doute de lire Céline ou de trouver le moindre intérêt à Houellebecq, pas moi, calme-toi

Merci pour vos retours.
Je vais suivre les conseils d’el payo pour le choix de l’édition.
Pour répondre à edou1289, je souhaite découvrir Lovecraft par curiosité littéraire d’abord et puis pour avoir une base de connaissances communes avec les trictracticiens, l’univers Cthulhu étant très présent ces derniers temps.
J’imaginais tout un univers avec sa cosmogonie et son bestiaire… et en fait, de ce que je comprend il n’en est rien.
Le parallèle avec Sherlock Holmes est intéressant tant il est clair que les enquêtes ne  sont globalement pas palpitantes;( un peu à l’image “des trois mousquetaires” qui à l’issue de ma lecture m’a laissé un goût d’inachevé, de " ce n’est que cela…")
Le mythe dépasse largement la réalité littéraire. 

Que ça ne t’empêche surtout pas de lire quelques nouvelles ! Surtout que c’est rarement très long.

Mais comme tu le dis, la création a largement dépassé son créateur. Lovecraft a surtout été un créateur de concepts, mais n’a pas construit une vraie cosmogonie cohérente. Tout le “mythe” est venu après : à la fois via les continuateurs de l’oeuvre de Lovecraft qui ont écrit des nouvelles dans le même univers, et surtout par le jeu de rôle l’Appel de Cthulhu, qui a contribué a populariser tout ça.
Donc s’il s’agit surtout de vouloir avoir les mêmes références que les Tric-traciens, jouer à l’Appel de Cthulhu, à Arkham Horror et à Eldritch Horror est sans doute plus utile que de lire Lovecraft directement. Ces jeux ont un côté “pulp” qui est très éloigné de ce que Lovecraft écrivait réellement, même s’ils reprennent une partie de son bestiaire.

Maintenant, cela reste intéressant d’un point de vue littéraire. Le coup de génie de Lovecraft, cela a été de créer un nouveau genre de la littérature fantastique, où l’humain réalise peu à peu qu’il n’est qu’une poussière, et pas du tout au centre de l’Univers. L’homme prend vaguement conscience de l’existence de dimensions supplémentaires, d’êtres inimaginables capables de voyager entre ces dimensions. Il se rend compte que la science humaine n’est finalement qu’un balbutiement de nourrisson, et la simple perspective de contempler sa propre insignifiance le rend fou, le cerveau humain n’étant pas fait pour accepter pareille chose.
C’est un concept très fort qui sous-tend toute l’oeuvre de Lovecraft. C’est même la raison pour laquelle la cosmogonie n’est pas très développée : la réalité de ces êtres surpuissants est inaccessible à l’esprit humain, ce serait les trivialiser que d’en faire des dieux olympiens avec leur histoires de famille, leurs jalousie etc.

Bref, même si le style de Lovecraft n’est pas des plus agréables, on comprend facilement, en le lisant, pourquoi il est devenu un pilier de la littérature fantastique. Il a quand même nettement marqué l’histoire et a influencé nombre de suiveurs. Pour ça, il vaut quand même le coup d’être lu.

(Et puis, quand Eldritch Horror te balance dans la Cité de la Grande Race, ça fait plaisir d’avoir lu Dans l’Abîme du Temps, tu comprends un peu mieux ce qui t’arrive)

Le récent tome 2 de l’édition Bragelonne comble pas mal de lacunes. On y trouve, dans de nouvelles traductions :

• Dagon
• Nyarlathotep
• Azathoth
• Le Molosse
La Couleur venue d’ailleurs = La Couleur tombée du Ciel
• Histoire du Necronomicon
Les Montagnes de la démence = Les Montagnes hallucinées
L’Ombre immémoriale = Dans l’abîme du temps.
• Par-delà le mur du sommeil
• Le Temple
• De l’au-delà
• La Peur qui rôde
• La Musique d’Erich Zann
(en gras les plus importantes)

Ces nouvelles sont aussi en vente au détail en numérique à 99 centimes pièces. Une aubaine. Je me suis régalé avec La Couleur venue d’ailleurs, et surtout L’Ombre immémoriale.

J’espère qu’il y aura un tome 3, avec notamment L’Affaire Charles Dexter Ward.

Lovecraft, c’est aussi une idée forte de la peur : il ne décrit jamais précisément l’origine de cette peur (c’est même un peu sa limite au bout d’un moment : “innommable”, “indescriptible”, “non-euclidien”(!)). Cette idée que l’imagination du lecteur le poussera à des niveaux de terreur bien plus élevée, c’est ce qui a beaucoup inspiré aussi un cinéma d’horreur que j’apprécie particulièrement (Carpenter surtout en fait).

S’pas faux… mais c’est aussi devenu une idée reçue concernant Lovecraft ! À plusieurs reprises, la révélation finale - celle qui fait en général basculer le narrateur dans la démence - est on ne peut plus tangible (Cthulhu himself dans l’Appel, les “habitants” d’Innsmouth décrits avec soin, les créatures de la Cité sans nom, le revenant du Monstre sur le Seuil, etc).
Lovecraft fait dans l’horreur matérialiste. S’il suggère la peur pendant une grande partie de ses nouvelles, il sait aussi la faire exploser au visage du lecteur avec force précisions. Ce qui m’a toujours frappé chez lui, c’est que ses descriptions parvenaient d’ailleurs bien souvent à excéder en horreur ce que je m’étais imaginé. Et c’est pour ça que j’adore ses écrits !

@ Chakado : On critique souvent le style de Lovecraft. Perso, je le trouve indissociable de son œuvre. Beaucoup ont tenté de le reproduire sans jamais y parvenir. Il est beaucoup plus subtil qu’on ne le pense. Sa lourdeur apparente, son emphase perpétuelle et son accumulation descriptive finissent par plonger le lecteur dans une forme de transe curieuse où, bercé par le rythme hiératique de l’auteur, il se laisse gagner par la peur. Voir à ce titre la Cité sans nom : si on ôtait le style à ce texte (que j’adore !), il ne resterait franchement pas grand-chose - bon, j’admets que cette remarque est un peu débile, puisqu’on pourrait dire ça de tous les auteurs, mais je trouve que ça s’applique particulièrement à Lovecraft.

Pour ceux que ça intéresse, les deux volumes de Cthulhu : Le Mythe sont actuellement en promo à 6,99€ en numérique chez différents vendeurs (Amazon, feedbooks…)
http://fr.feedbooks.com/