Un article sur la hausse de la consommation d’électricité via les écrans plats :
http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=106764
En 2006, il s’est vendu en France autant de téléviseurs écrans plats que d’écrans cathodiques. De moins en moins chers mais de plus en plus grands, les écrans plasma ou cristaux liquides provoquent une envolée des consommations électriques des ménages. Une fuite en avant des fabricants électroniques en contradiction avec la sobriété énergétique prônée par d’autres secteurs.
Effet « Coupe du Monde » oblige, l’année 2006 a consacré l’arrivée en masse des téléviseurs écrans plats dans les foyers. En France, il s’est vendu près de 2,7 millions d’écrans plasma ou cristaux liquides (LCD) et à peine autant de tubes cathodiques, dont le déclin s’accentue. La percée est décisive, estimée à 105 % pour les LCD et 60 % pour les plasmas (source GfK). Cette tendance est mondiale, tirée par les Etats-Unis, l’Europe et la Chine.
De moins en moins chers, les écrans plats deviennent aussi de plus en plus larges, note le cabinet d’étude américain DisplaySearch. La taille moyenne des téléviseurs LCD commercialisés a augmenté de 19 % en 2006, réduisant l’écart avec les écrans « super grands », marché réservé jusque là au plasma. Les modèles les plus vendus affichent une diagonale moyenne de 82 cm (32 pouces, noté 32 ’), contre 105 cm (42 ’) pour les seuls téléviseurs plasmas. Cette tendance au gigantisme est plutôt américaine : la moitié des écrans plasma de 127 cm ou plus se sont vendus l’an dernier sur le continent nord-américain. Début janvier, le CES 2007 de Las Vegas, la grand messe annuelle de l’électronique grand public, a d’ailleurs été l’occasion d’un nouveau record, avec la présentation par Sharp d’une dalle à cristaux liquides prototype de 2,75 mètres de diagonale. Panasonic, Samsung, LG, Philips… la compétition entre industriels frise la surchauffe.
Des téléviseurs à contre-courant
Mais ce qui est bon pour les affaires de l’électronique l’est pour l’instant beaucoup moins sur le plan de l’efficacité énergétique. REMODECE (Residential Monitoring to Decrease Energy use and Carbon Emissions in Europe), un projet européen, initié début 2006 et regroupant une douzaine de pays, veut enregistrer durant un mois les consommations électriques des nouveaux équipements audiovisuels d’une centaine de « foyer numérique » dans chaque pays : videoprojecteur, consoles, décodeurs, boîtiers ADSL… Les premiers relevés de cette vaste campagne de mesure, effectués à l’aide d’un wattmètre branché sur chaque appareil, attestent de l’impact des écrans plasma ou LCD.
« La consommation d’un téléviseur ordinaire est en moyenne de 160 kWh par an. Avec les plasma ou les dalles LCD, on grimpe à 650 kWh/an. Donc ces nouveaux téléviseurs consomment 4 fois plus » constate Olivier Sidler du cabinet Enertech, en charge en France des mesures REMODECE. La consommation moyenne française d’électricité spécifique, qui comprend l’éclairage et les appareils électrodomestiques, est de l’ordre de 2500 kWh par logement. « Donc un écran plasma à 1500 kWh/an, comme nous l’avons vu dans un cas, c’est l’équivalent d’une personne en plus. Cela commence à être colossal. Sur un autre modèle, nous avons relevé une veille de 59 watts. A elle seule, cette veille consomme autant que le cumul des veilles des appareils possédés par un foyer, en 2003. »
Avec les cristaux liquides, le problème reste le même. Dans l’absolu, la technologie LCD permet d’économiser de l’énergie, en consommant 3 fois moins d’électricité qu’un tube cathodique de taille équivalente. Mais lorsque la surface augmente, la consommation suit. Et elle s’envole dans le cas des « dalles » hyper grandes, comme celles aujourd’hui proposées aux dimensions d’un écran plasma.
L’effet pervers du coût constant
Cette folie des grandeurs n’épargne pas les écrans bureautiques. Les écrans plats 17’ se vendent au prix d’un 15’. Et les 19’ bientôt à celui des 17’. « Les fabricants travaillent à coût constant. Cela accroît, pour un prix égal, la taille des écrans mis sur le marché », analyse Olivier Sidler qui dénonce l’effet rebond de cette augmentation sur la consommation électrique. « L’effet est d’autant plus pervers qu’il est le fait du fournisseur, qui vous contraint à acheter un matériel de plus en plus consommateur en supprimant des catalogues les écrans plus petits. »
« L’industrie électronique se permet des actions véritablement délirantes du point de vue énergétique, » analyse, en colère, l’expert également membre de l’association NegaWatt, qui travaille à l’abaissement des consommations électriques dans les appartements. Ce non-sens d’autant plus ruineux qu’il sape les progrès réalisés dans d’autres secteurs, l’éclairage et le froid performants en particulier. Bilan ? « Les possesseurs d’une seule TV plasma perdent le bénéfice de toutes les économies d’énergie obtenues en 10 ans sur le poste froid. C’est aberrant.»
Auteur
Maxence Layet