Ted Lapinus & Phoenix dit: Non décidément, je préfèrerais que ce genre de stats soient permis et publié. Parce que l’ascenseur social en France, il est en panne dans l’escalier et depuis un bon moment.
Mais le truc, c'est que tout le monde le sait. Le diagnstic est déjà fait depuis pas mal de temps, preuve en est le dernier rapport de la HALDE sortie hier. L'idée, pour ce qui est des discriminations, c'est de passer à l'action et de notamment de soutenir médiatiquement les initiatives allant dans le bon sens.
- Soit tout le monde le sait et alors pourquoi interdire l’usage d’un outil statistique appliqué à ce que tout le monde sait déjà ? Ou serait le danger ? Dans l’instrumentation par des groupuscules extrémistes de connaissances qui sont déjà disponibles ?? Ca ne tient pas debout…
- Soit ce n’est pas si clair en termes de mesures et de chiffres (bien évidemment on est dans ce cas), et alors pourquoi se priver de rendre tangible et précis ce qui est tabou concernant l’égalité des chances ?
Ben moi je ne vois pas la contradiction. Lancer des statistiques, c’est perdre une fois encore du temps pour un gain extrêmement limité. Les seules infos manquantes finalement sont les données ethniques qui ne servent à rien du tout si ce n’est à renforcer les tendances communautaires qui à mes yeux ne constituent pas une bonne chose.
Par contre, tu as raison, l’ascenseur social est en panne ou plutôt, car je n’aime pas trop l’idée d’ascenseur social, les politiques sociales en France ont du plomb dans l’aile (mais pas qu’en France d’ailleurs). Peut-être serait-il plus intéressant d’analyser (pourquoi pas à l’aide de stat) les raisons de la dégradation du climat social ?
LeChef dit:Les seules infos manquantes finalement sont les données ethniques qui ne servent à rien du tout si ce n'est à renforcer les tendances communautaires qui à mes yeux ne constituent pas une bonne chose.
Je ne pense pas que publier des statistiques sur ces variables braquerait les communautés les unes conte les autres davantage qu'elles ne le sont déjà. Au contraire, ca fait du bien de mettre les choses en mot et en chiffre.
En plus en tant que scientifique, j'ai beaucoup de mal quand une autorité me dit : ce sujet-là t'es gentil t'y touche pas
Ted Lapinus & Phoenix dit: Non décidément, je préfèrerais que ce genre de stats soient permis et publié. Parce que l’ascenseur social en France, il est en panne dans l’escalier et depuis un bon moment.
ouep. je suis plutôt revenue d'une position maximaliste sur le sujet. d'un point de vue social, ça ne me parait pas forcément une mauvaise chose que de faire un état précis des lieux, de tordre le coup éventuellement à quelques a priori, on sait jamais. s'appuyer sur des constats objectifs pour les combattre, ça parait une bonne idée pour éviter la prolifération de fantasmes. reste à encadrer les résultats et leur utilisation. parce ce qui rendrait le dispositif inefficace, c'est de triturer les chiffres dans un sens ou dans un autre pour les faire rentrer dans des bilans artificiellement positifs ou négatifs à l'approche des différents scrutins. bref, une vraie transparence, quoi. edit : m'enfin, bon, c'est un autre et vaste débat.
Kouynemum dit: c'est à dire que des gens sont à la place où ils sont dans les médias ou dans les milieux artistiques avant tout parce qu'ils sont juifs ?
Dans la communauté Arménienne qui est très importante sur Valence, ben oui ils sont assez fortement représentés sur le plan municipal et ils ne se cachent pas d’être solidaires sur l’emploi par exemple. Et alors? Quand j’étais jeune j’entendais les copains (arméniens) qui disaient « Arméniens tous cousins ». Et alors ? Je comprends au regard de leur histoire notamment ces choses là qui sont encore d’actualité.
Décrire des réalités, des maux, des contradictions c’est aussi comprendre la société dans sa globalité, c’est « la misère du monde » de Bourdieu, celle qui décrit et qui se garde de porter des jugements sur telle ou telle manière d’être ou de penser.
Ted Lapinus & Phoenix dit: Non décidément, je préfèrerais que ce genre de stats soient permis et publié. Parce que l’ascenseur social en France, il est en panne dans l’escalier et depuis un bon moment.
ouep. je suis plutôt revenue d'une position maximaliste sur le sujet. d'un point de vue social, ça ne me parait pas forcément une mauvaise chose que de faire un état précis des lieux, de tordre le coup éventuellement à quelques a priori, on sait jamais. s'appuyer sur des constats objectifs pour les combattre, ça parait une bonne idée pour éviter la prolifération de fantasmes. reste à encadrer les résultats et leur utilisation. parce ce qui rendrait le dispositif inefficace, c'est de triturer les chiffres dans un sens ou dans un autre pour les faire rentrer dans des bilans artificiellement positifs ou négatifs à l'approche des différents scrutins. bref, une vraie transparence, quoi. edit : m'enfin, bon, c'est un autre et vaste débat.
Je répond à Kouynemum et à Ted.
Là où je veux en venir, c'est qu'il y a déjà énormément de publications sur la thématique de la discrimination, de l'intégration. Ces publications sont soit l'œuvre d'universitaire soit des rapports comme ceux que la HALDE produits. L'état précis des lieux est fait (ou franchement pas loin), mais par contre, la transposition des observations, analyses en politiques et en actions concrètes ne se fait pas (ou plus justement se fait mal) et très souvent les acteurs de terrain manque de formation.
Maintenant pour ce qui est des tensions entre les communautés, il ne faut pas exagérer tant que ça. Mon expérience auprès des jeunes val d'oisien me fait dire que les regroupements se font plus en lien avec les territoires de résidence qu'en lien avec les origines "ethniques". Du coup, je te rejoins Kouynemum sur le fait que l'entrée social doit être privilégiée tandis que l'entrée ethnique doit être bannie. Définir des ethnies n'a pas de fin comme le prouve l'exemple anglais où de tels statistiques existent. Si je ne me trompe, le nombre d'ethnie ne fait qu'augmenter et les ethnies irlandaises, galloises et écossaises ne sont pas en restent pour se faire reconnaître
Mais pour revenir au sujet, moi je vais voter Front de Gauche
Je comprends peut-être mal, mais j’ai l’impression qu’il s’agit de juger la légitimité du travail des statisticiens et/ou sociologues en fonction d’une vision politique qui définirait ce qui est souhaitable ou ce qui ne l’est pas.
Restreindre l’objet ou les outils d’une science (en l’occurrence il s’agit de sciences molles, mais la restriction est bien réelle : pas de chiffres liés aux variables de type ethnique) parce que l’opinion publique comprendrait mal les observations auxquelles elle donne lieu, ou parce que des groupuscules mal intentionnés voir les institutions essairaient d’en faire mauvais usage, c’est asservir la connaissance à l’objectif politique qu’on recherche. C’est une forme de biais de pensée.
En tant que scientifique, nord-américain et anarchiste en plus, ça fait trois fois trop de contrôle pour moi
Décidément, la vision jacobine dont je parlais dans l’autre post sur Dieudonné (pas de république sans contrôle des mentalités), c’est pas mon truc…
Ca doit sans doute être un fond de jacobinisme français non-anarchiste, mais “restreindre l’objet ou les méthodes d’une science” ne me choque pas du tout si on a de bonnes raisons.
L’expérimentation sur les humains de médicaments sans précaution (the constant gardener), les recherches sur le clonage humain par exemple me semblent condamnables. Ce n’est pas parce que quelque chose est possible qu’il faut le faire.
Sur les statistiques ethniques, bien sûr que les statisticiens / sociologues sérieux en feraient bonne usage, mais on ne peut pas balayer d’un revers le fait que d’autres s’en serviraient ! J’imagine déjà les statistiques sur la composition ethnique de la délinquance, sur les chômeurs ou les Rmistes, aux résultats très surprenants, et qui -avec tout le respect dû à mes concitoyens- , je pense, ne développeraient pas particulièrement le respect entre communautés. Renvoyer quelqu’un a son identité ethnique n’est pas anodin.
De plus, je reste dubitatif sur la nécessité de statistiques pour combattre la discrimination. Est-il réellement important qu’il y ait 10 ou 15% de noirs en France ? La discrimination est inacceptable à partir du moment où une personne est discriminée. A mon sens, il serait plus utile par exemple d’appliquer très fermement la loi (voir de la durcir) lors de discrimination avérées. Ce qui compte, c’est la façon dont on lutte contre les discriminations.
Pour finir, comme cela a déjà été dit, il me semble évident que ce sont des critères sociaux et non ethniques qui doivent guider les politiques de redistribution / réduction des inégalités. Et si vous me dites qu’elles se recoupent souvent, certes, dans ce cas le biais ethnique est inutile.
Je ne rentrerai pas dans un débat autour d’un éventuel mode de pensée jacobin car à mes yeux cette approche constitue un raccourci un poil facile et un peu vide de sens également.
Pour en revenir aux questions des statistiques ethniques, je dis simplement (et cela n’engage que moi) qu’à mes yeux cette approche n’a pas de sens même (pour ne pas dire surtout) d’un point de vue scientifique. D’autre part, pour rester sur une question d’approche méthodologique, l’approche quantitative (les stats) ne permet pas d’entrée dans le détail du sujet et de réellement prendre conscience de la subtilité des problématiques liées aux discriminations notamment dans un pays comme la France.
Une des questions qui se pose (si on se base sur une approche scientifique véritable et pas uniquement sur une compilation de chiffres, autre spécialité française) c’est de définir ce qu’est une ethnie or cela est très compliqué car en France, il y a : - des étrangers venant des 4 coins du monde. - des français d’origine étrangère qui s’en réclament. - des français d’origine étrangère qui ne s’en réclament pas. - des corses, des bretons, des basques, des provençaux… - énormément des familles mixtes. - des juifs, des musulmans, des chrétiens, des animistes, des athées… avec toute la diversité liée à chacune de ces croyances. - des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes. - des hétéros, des homos… …
Honnêtement, effectuer un tri là-dedans, c’est compliqué voir, selon moi, impossible et illusoire dans l’optique de mieux combattre les discriminations. Par contre chercher à comprendre comment les discriminations se font de manière parfois très visible (comme dans les stades par exemple) mais également de manière plus subtiles (encadrement des CV, les brimades…) et mettre en place des modes d’action pour les combattre (éducation, loi, révision des pratiques de recrutement ou d’attribution de logement…) demande des études qualitatives dont nous disposons déjà (mais qui sans nul doute peuvent être améliorée, chose que font des associations et des institutions diverses et variées). Je ne dis rien d’autre et je pense rester sur le plan scientifique et non idéologique. En tout cas, je me sens moins dans l’idéologie que nombre de personnes défendant la réalisation de nouvelles études, de statistiques ethniques…
Jokin dit: Est-il réellement important qu'il y ait 10 ou 15% de noirs en France ? Jokin
Tout à fait d'accord avec l'ensemble !
Sinon, juste pour rire. Imaginons qu'il y ait 10% de noir en France. Ca nous avance à quoi ? Ils sont antillais, maliens, sénégalais, ivoiriens, malgache... ? Ils vivent en France depuis longtemps ? Ont-ils connu directement ou indirectement le colonialisme ? Se sentent-ils victime de discrimination ? de quels types ? en quel lieu ? tout le temps ? Quel est leur milieu social (c'est pas la même chose d'être ivoirien venu en barque et fils de diplomate) ?... A merde, le mec qui j'interroge, en fait, c'est un jeune de couleur noir qui est le fils d'une immigrée, ex-sans papier venus d'Algérie et d'un Guadeloupéen... Bon ben je le met dans quel case celui là ? Non parce qu'en France, il y a vraiment beaucoup de mariages mixtes. (insee : 1/10 en région aquitaine en 2006).
LeChef dit: Sinon, juste pour rire. Imaginons qu'il y ait 10% de noir en France. Ca nous avance à quoi ?
Toi ça ne t'avance à rien.
Mais un sociologue par exemple (un vrai, hein pas ceux qui s'affichent dans les médias, politisent les informations et font au passage des leçons de morale), plus il a d'informations à croiser plus son analyse va être pertinente.
LeChef dit: Sinon, juste pour rire. Imaginons qu'il y ait 10% de noir en France. Ca nous avance à quoi ?
Toi ça ne t'avance à rien. Mais un sociologue par exemple (un vrai, hein pas ceux qui s'affichent dans les médias, politisent les informations et font au passage des leçons de morale), plus il a d'informations à croiser plus son analyse va être pertinente.
Ben justement, c'est ce que j'explique dans mon post précédent. Le travail du sociologue n'est pas de compiler des informations mais de faire un tri dans les informations et surtout définir une méthodologie ainsi qu'une approche lui permettant de traiter une question. La pertinence vient de la méthode utilisée (d'où l'importance que les sociologues attachent à présenter leur méthode dans leur publication, ou le fait que Bourdieu, dans la misère du monde, publie les entretiens en plus de son analyse).
D'autre part, les sociologues (et pas qu'eux, il y a beaucoup d'autres scientifiques qui traitent de la discrimination, historiens, anthropologues...) travaillent déjà (et depuis longtemps) la question des discriminations et à aucun moment ce sont eux qui ont réclamé de l'information statistique sur les ethnies. Nombre d'entre eux font parti de ceux qui sont défavorables aux statistiques ethniques et disent qu'elles n'ont pas de sens.
Pour en finir, noir, ce n'est pas une ethnie et l'homme ne se réduit pas à une ethnie (ni à la couleur de sa peau).
Le problème c’est qu’on sait tous que si les statistiques ethniques sont autorisées, il n’y aura pas (et de loin) que les vrais sociologues sérieux qui vont s’en servir.
Il faut donc essayer d’évaluer la balance coûts / avantages d’une telle autorisation, et à mon avis, le compte n’y est pas. Ce qui est sûr, c’est que la question n’est pas simple.
LeChef dit: Pour en finir, noir, ce n'est pas une ethnie et l'homme ne se réduit pas à une ethnie (ni à la couleur de sa peau).
Oui la couleur de peau comme seul critère ne me semble pas très pertinent. Et puis est ce que noir c'est aussi café au lait? Traditionnellement, au Etat Unis, leur ségrégation consiste à considérer comme "noir" ceux qui n'ont ne serait ce qu'une seule goutte de sang "noir" dans les veines (Du coup dire qu'Obama est noir même si c'est 50/50 peut légitimement être considéré comme des séquelles de racisme même si c'est dit en toute bonne foi...).
Perso, je trouve que les statistiques de confessions juives comme musulmanes ou autre croisées à d'autres critères me semblent intéressantes pour comprendre les problèmes que ça peut engendrer de part et d'autres lorsque les cultures se confrontent et sont sur ou sous représentées dans les quartiers par exemple.
La tache est complexe certes.
Maintenant ici chacun défend des idées, des points de vue et je pense que globalement les valeurs défendues sont les mêmes mais là ou les avis divèrgent c'est "à partir de quel moment ce qui est dit ou diffusé peut être considéré comme raciste/ antisémite"?
je reviens à E.Todd : dans “le destin des immigrés” (je vous le conseille), il finit par conclure que le racisme en France est un phénomène marginal puisque le taux de mariage mixte y est, par exemple, 10 fois plus élevé qu’en Allemagne, et qu’on ne constate pas de ségrégation spatiale et donc scolaire comme aux USA il conclut aussi à “l’omnipotence de la société d’accueil” : en dernière instance, ce sont les français qui déterminent si “l’intégration” se fait ou pas autre constat intéressant : d’après lui, les USA fantasment à fond sur les différences, mais dans les faits les comportement (taux de fécondité, etc…) se standardisent. Inversement, la France fantasme sur l’unité (tous citoyens !) mais les comportements restent en pratique très diversifiés. enfin, il lui semble qu’au total une analyse riches/pauvres reste bien plus pertinente sociologiquement que la grille français de souche/immigrés
alighieri dit:je reviens à E.Todd : dans "le destin des immigrés" (je vous le conseille), il finit par conclure que le racisme en France est un phénomène marginal puisque le taux de mariage mixte y est, par exemple, 10 fois plus élevé qu'en Allemagne, et qu'on ne constate pas de ségrégation spatiale et donc scolaire comme aux USA il conclut aussi à "l'omnipotence de la société d'accueil" : en dernière instance, ce sont les français qui déterminent si "l'intégration" se fait ou pas autre constat intéressant : d'après lui, les USA fantasment à fond sur les différences, mais dans les faits les comportement (taux de fécondité, etc...) se standardisent. Inversement, la France fantasme sur l'unité (tous citoyens !) mais les comportements restent en pratique très diversifiés. enfin, il lui semble qu'au total une analyse riches/pauvres reste bien plus pertinente sociologiquement que la grille français de souche/immigrés
+10 sur les analyses comparées de Todd, qui permettent de se resituer dans la perspective des voisins et de relativiser certaines choses...
alighieri dit:je reviens à E.Todd : dans "le destin des immigrés" (je vous le conseille), il finit par conclure que le racisme en France est un phénomène marginal puisque le taux de mariage mixte y est, par exemple, 10 fois plus élevé qu'en Allemagne, et qu'on ne constate pas de ségrégation spatiale et donc scolaire comme aux USA il conclut aussi à "l'omnipotence de la société d'accueil" : en dernière instance, ce sont les français qui déterminent si "l'intégration" se fait ou pas autre constat intéressant : d'après lui, les USA fantasment à fond sur les différences, mais dans les faits les comportement (taux de fécondité, etc...) se standardisent. Inversement, la France fantasme sur l'unité (tous citoyens !) mais les comportements restent en pratique très diversifiés. enfin, il lui semble qu'au total une analyse riches/pauvres reste bien plus pertinente sociologiquement que la grille français de souche/immigrés
+10 sur les analyses comparées de Todd, qui permettent de se resituer dans la perspective des voisins et de relativiser certaines choses...
Juste un petit truc : d’accord sur le fond mais riches / pauvres, c’est quand même très simplificateur, pour moi le statut social en France et au moins autant dépendant de l’éducation par qui la reproduction sociale se fait (si vous avez un peu de temps, cherchez un peu les actes d’un colloque de l’Educ Nat sur les classes prépa - c’est édifiant).