Et si le kingmaking c'était bien?

En lisant le sujet sur notre rapport à la défaite, je repense à une discussion que j’ai eue sur ce forum il y a quelques années. En gros, la personne m’expliquait que, quel que soit le jeu, elle y négociait quasiment toujours (mais pas forcément tout le temps). N’hesitant pas à promettre tel ou tel coup contre tel autre. Et effectivement, je connais un joueur qui a les mêmes habitudes.
Ce comportement m’amène à la réflexion suivante : une situation de kingmaking n’est-elle pas justement de nature à donner sa chance au kingmaker potentiel qui du coup a une chose à offrir ? Ou encore, comment profiter d’une situation de kingmaker pour remonter ?

le kingmaking provoque une dissonance
il est présent dans des jeux compétitifs, et la fin, il faut demander la permission de gagner. l’un ne va pas avec l’autre.

Eh bien en tous cas ça ne colle pas à ma définition du kingmaking : le faiseur de roi c’est celui qui, en toute fin de partie, a le choix entre deux coups qui va décider du vainqueur. Il n’a plus rien à gagner personnellement - à part dans une campagne, à la.rigueur - donc il n’y a pas de marchandage possible.
Ce que tu évoques avant, c’est de la négociation, c’est un échange de promesses ; on peut aimer ça dans le jeu… A titre personnel je ne l’ai jamais trop vécu de manière ostensible ; après, il n’est pas rare qu’il y ait des pactes implicites des non-agression, voire de coopération, notamment au sein d’un couple… Parce que la vraie vie prend le pas sur le jeu
Pour le dire franchement, ça m’agace(rait) un peu de le subir, et il ne me viendrait pas à l’idée d’y participer. Ce n’est en général pas interdit mais il me semble que c’est - en quelque sorte - ajouter une règle avec un réel déséquilibre potentiel.
Ma réaction est évidemment rigoriste et n’exclut sans doute pas un fond de jalousie face à des options “politiques” pour lesquelles je suis en général très mauvais, y compris dans la vraie vie.

Quant à la question en exergue : non, c’est mal :grin:

il n’y a pas de négotiation s’il s’agit de laisser le choix de gagnant par les gens qui ont mal joué, il s’agit juste de politesse dans un jeu compétitif.
tu n’a rien à négocier lorsqu’il y a un gagnant puisque le jeu est fini.

La situation problématique se pose lorsque un joueur qui ne peut plus gagner de retrouve en position de devoir choisir un vainqueur parmi d’autres joueurs qui ne font pas partie de la même équipe ou alliance.

La décision devient arbitraire du point de vue des prémisses qui font le fondement du jeu. Si je me retrouve dans cette position je choisis à pile ou face, pour souligner l’arbitraire.

Une fois j’ai joué à Citadelles, et un joueur Bob s’est retrouvé dans cette position par rapport à moi et Alice. Au lieu de se décider rapidement il est entré en paralysie analytique jusqu’à ce que je lui demande d’attribuer la victoire à Alice.

Bref, c’est le genre de situation qui est insatisfaisant en termes de mécanique de jeu.

Dès qu’on a trois joueurs ou plus, tout jeu peut devenir politique. Disons que je joue à Agricola avec Bob et Alice. Bob va placer son ouvrier sur une place que je convoite, je pourrais lui demander de la laisser libre en menaçant de passer le reste du jeu à bloquer les places qui lui sont utiles, quitte à donner la victoire à Alice.

Par contre il est peu probable que je soie de nouveau invité à jouer chez Alice et Bob

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Je rejoins Loïc, ce dont tu parles n’est pas du kingmaking.

La négociation peut apparaitre avant. “Si tu me démolis/trahis, je te pourrirai et tu auras plus de mal à gagner”. Voire être là en filigrane, par simple effet de la réputation : “OK, quand il ne peut plus gagner, Bob a tendance à pourrir ceux qui l’ont pourri. Je vais donc réserver mes pires crasses à Alice et Charles.”
Ca peut être vu comme normal (si on attaque quelqu’un, on s’attend à ce qu’il riposte. Et puis le cycle “crasse - contre crasse - prend ça dans ta gueule!” peut être une cordiale rivalité), ou comme une forme de chantage de la part d’un joueur chiant.

Dans tous les cas, c’est un peu une zone grise du contrat social de la partie et une remise en question de l’équilibre du jeu, vu qu’une personne à la table n’a plus les même objectifs finaux que les autres.

Après, d’un autre côté, si tu sais que tu n’as plus aucune chances de gagner, la partie est un peu finie pour toi, vu que tu es exclu du contrat par défaut “je joue pour la première place”, surtout dans les jeux à opposition directe. Il devient parfois nécessaire de se fixer de nouveaux objectifs persos pour avoir quelque chose à faire en jeu. Ca peut être “limiter la casse”, mais aussi “continuer la guerre que Bob a déclenché contre moi, même si je n’ai aucune chance”.

Pour moi, la tentation du Kingmaking est toujours un peu présente. C’est pour ça que je préfère éviter

  • les jeux à opposition directe où tu choisis délibérément ta cible, qui peuvent engendrer des vendettas (les jeux où le ciblage se fait de façon opportuniste, genre courses, sont moins “personnels”)
  • les jeux où un joueur SAIT qu’il est hors jeu assez tôt dans la partie. (Si j’ai une petite chance, alors je vais la jouer. Si c’est mort, je suis censé faire quoi? Noter que les jeux où je “construis” quelque chose passent mieux, parce que je peux travailler à quelque chose qui n’est pas lié au choix d’une victime)

Le kingmaking est difficile à supporter quand un joueur pense avoir fait une bonne partie et se retrouve à la fin, en balance avec un autre joueur pour l’emporter et que la décision lui échappe. On se retrouve totalement dépossédé de son “travail”.
Après, ça arrive, certains jeux sont conçus comme cela.

Ca me fait aussi penser à une citation du sélectionneur de handball (mais je ne sais plus si c’était Onesta ou Constantini), qui disait, en gros, après avoir vu ses joueurs perdre d’un but une finale que l’objectif qu’il vise avec son équipe est d’éviter ces situations compliquée : un bon match, c’est arriver à maintenir suffisamment de marge sur son adversaire pour ne pas se faire souffler la victoire sur une seule action.

Dans un jeu de société, ça implique de bien le connaître pour anticiper et éviter les situations où pourrait se produire du kingmaking. Ca n’a rien de facile, surtout dans les jeux récents, qui offrent de plus en plus de mécanismes de rattrapage pour éviter qu’un joueur ne se fasse décrocher au score.

Je pense que ce genre de jeu est justement en partie une réponse au Kingmaking. Sur une “salade de points”, tu ne sauras que c’est foutu qu’après le décompte final, donc tu as moins de raisons de sacrifier tes propres chances pour jouer les Kingmakers.

Si je joue un peu sur les mots, c’est pas du kingmaking, c’est du dukemaking. Tu négocie pas pour élire le joueur gagnant, mais pour donner un avantage ou un défaut à quelqu’un. Et ça, la plupart des jeux compétitifs en contienent, non ? Il est souvent possible de choisir de jouer “contre quelqu’un” avant meme le début d’une partie ?

J’ai un peu de mal à voir des jeux/situations où on a du kingmaking et non du dukemaking.

Quand tu es en position de donner la victoire à Alice ou Bob car toi même tu n’es plus en mesure de gagner, tu prends aussi en compte comment s’est déroulé la partie. Et par conséquent, comment tu as interagit avec Alice et Bob (et potentiellement, donner la victoire à celui qui ne t’a pas empêché de l’avoir).

Perso, je parle de kingmaking uniquement quand il s’agit d’un fait de jeu volontaire qui change de manière inattendu la conclusion d’une partie.
Exemple : un joueur qui enleve toutes ses troupes d’un territoire pour permettre une invasion de son voisin et lui offrir une victoire qu’il n’aurait pu atteindre autrement.
L action jouée est hors de toute logique, va contre le cours du jeu et prive le vainqueur légitime de sa victoire. Si un joueur se comporte de la sorte, je ne trouve pas ça bien, et j’aurai tendance à le fuir absolument.

Quand un joueur se retrouve malgré lui à influencer un départage, c’est malheureux mais il n’est pas pour autant à se sentir kingmaker, et, quel que soit son choix, je ne lui en tiendrai pas rigueur.

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Alors, pour répondre un peu à tout le monde, dans le désordre.

Tout d’abord, on est d’accord sur le fait que les négociations, alliances et menaces en dehors de la partie sont détestables et à proscrire (comme un enfant qui favorise toujours un parent quand une personne extérieure à la famille joue, ou comme une “solidarité féminine”). Non là je parle du gars qui va dire ponctuellement et pas toujours à la même personne, ce coup là il me tente, si tu me le laisses, je te propose telle chose en échange (rien qui ne soit expressément autorisé par les règles, comme laisser un emplacement ou une carte par exemple).

Pour ce qui est du kingmaking (ça va sans doute être un peu brouillon), tout d’abord, on n’est pas obligé d’attendre de ne plus rien pouvoir faire pour être dans cette situation. Ce n’est sans doute pas possible dans tous les jeux, mais il me semble que voir la victoire nous échapper est quelque chose qu’on peut voir se dessiner petit à petit. Dès lors, si on est surpris au moment où on ne peut plus rien faire, c’est qu’on a mal joué et qu’on a mal anticipé.

Vu de l’autre côté, si je sais qu’il y a une possibilité de kingmaking, cela peut m’inciter à moins jouer au détriment d’un joueur si je sais que j’aurai besoin de lui en fin de partie. D’ailleurs, ça peut du coup inciter les joueurs à ne pas s’acharner sur quelqu’un en particulier.

Enfin si on regarde les incitatifs qu’il y a pour chaque joueur, si le kingmaker choisit comme gagnant obligatoirement le joueur qui l’a le moins malmené, alors ça peut provoquer un concours chez les autres joueurs à ne pas trop s’acharner sur le kingmaker en devenir.

Maintenant, je concède volontiers que ça nécessite de changer notre façon de jouer, mais justement ma question était de savoir s’il n’était pas possible d’en faire une opportunité de remontée dans une situation qui n’est pas encore totalement perdue. Ça peut être une alliance temporaire avec le plus fragile des 2 joueurs parmi lesquels nous serons vraisemblablement amené à choisir, et ce n’est peut-être possible que si on sait/pense être le joueur le plus faible à la table par exemple.

Ça c’est un truc qui existe dans quasi tout les jeux ou l’interaction est un poil directe et que tout le monde pratique déjà. Dans roots, Hansa Teutonica, etc

Certainement pas dans mon cercle de joueurs sauf pour brancher. Ce que lon fait souvent. Mais dans le jeu on optimise nos coups.