Pour rappel: deux contributions au débat, initialement postées dans “Présidentielles,demandez le programme”
Euthanasie:
Voici le texte de l’appel signé par plus de 2.000 soignants(non anonymes) en faveur de l’euthanasie. (non anonymes)
“Nous, soignants, avons, en conscience, aidé médicalement des patients à mourir…
Parce que, de façon certaine, la maladie l’emportait sur nos thérapeutiques, parce que, malgré des traitements adaptés, les souffrances physiques et psychologiques rendaient la vie du patient intolérable, parce que le malade souhaitait en finir, nous, soignants, avons, en conscience, aidé médicalement des patients à mourir avec décence.
Tous les soignants ne sont pas confrontés à ce drame, mais la majorité de ceux qui assistent régulièrement leurs patients jusqu’à la mort, utilisent, dans les circonstances décrites, des substances chimiques qui précipitent une fin devenue trop cruelle, tout en sachant que cette attitude est en désaccord avec la loi actuelle.
Des améliorations ont été apportées par les textes législatifs d’avril 2005 (loi Leonetti) mais elles sont insuffisantes. Les récentes mises en examen de médecins et d’infirmières ayant aidé leurs patients à mourir prouvent que la loi est toujours aussi répressive et injuste car en décalage avec la réalité médicale.
Aussi nous demandons :
l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l’encontre des soignants mis en accusation ;
une révision de la loi dans les plus brefs délais, dépénalisant sous conditions les pratiques d’euthanasie, en s’inspirant des réformes déjà réalisées en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas ;
des moyens adaptés permettant d’accompagner les patients en fin de vie, quels que soient les lieux (domicile, hôpital, maisons de retraite) et les conditions de vie.
Il s’agit là, d’accorder à chaque personne, une singularité, une valeur absolue, qui se nomme, selon le préambule et l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : la dignité.”
(sources: nouvel obs )
Une réflexion, à titre personnel d’un pasteur, sur l’euthanasie que j’ai trouvé très pertinente:
La bonne mort
On aimerait que ce soit plus simple. Selon le camp dans lequel on se place, on aimerait que les opposants à l’euthanasie soient d’horribles bigots revendiquant une souffrance rédemptrice ou de terrifiants médecins se prenant pour Dieu et s’acharnant thérapeutiquement sur le malade, le transformant en champs de bataille contre la mort. Ou bien, à l’opposé, on aimerait que les partisans de l’euthanasie soient d’irresponsables eugénistes, estimant que donner la mort est aussi anodin qu’administrer un vaccin, ou d’infâmes comptables, calculant le prix que le malade va coûter à sa famille et à la société… Malheureusement, les choses ne sont pas si simples. Dans chaque camp, on trouve surtout des hommes et des femmes confrontés à l’insupportable question de la souffrance et tentant de trouver une attitude acceptable face à l’inacceptable. Ceci posé, je ne jouerai pas les normands, ni la carte du « sans opinion ». Je suis, personnellement, hostile à l’euthanasie et plus encore à sa légalisation (je peux en effet être relativement hostile à quelque chose tout en étant favorable à sa légalisation)
Je suis hostile à l’euthanasie, non pas à cause du caractère sacré de la vie, et certainement pas à cause du caractère rédempteur de la souffrance (je réfute catégoriquement cette idée). Mais les plaidoyers pour la « bonne mort » sont généralement structuré en trois axes, or je suis en désaccord complet avec deux des trois.
Je suis d’accord avec le premier axe : la souffrance doit être combattue sous toutes ses formes. Mais ici, il existe une voie autre que l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie : les soins palliatifs. Une voie encore à peine explorée, une voie sans doute dispendieuse mais la vie et la dignité ont elles un prix ?
Le deuxième axe en revanche me pose problème : l’idée que la souffrance supprime (ou tout au moins diminue) la dignité humaine. Bien sûr l’idée n’est jamais exprimée aussi directement mais elle est bien présente dans « le droit à mourir dignement ». Or c’est une idée malsaine, voire dangereuse. La souffrance physique, la souffrance morale l’angoisse face à la mort ne diminuent en rien la dignité de l’individu, elles ne lui retirent rien de son caractère humain. Voilà ce qu’il est urgent d’affirmer. Et cette affirmation ne peut se limiter à un discours : il faut que tout soit mis en œuvre en termes d’accompagnement et d’éducation pour que dans notre regard et le sien, celui qui souffre reste entièrement un être humain digne de respect, digne de considération et digne d’être aimé.
Le troisième axe souvent utilisé me paraît ne pas tenir la route : le droit de chaque être humain à choisir sa mort est une illusion complète. Il est d’ailleurs assez paradoxal que dans le débat sur l ‘euthanasie, on oppose euthanasie et acharnement thérapeutique, alors qu’en fin de compte ils ressortent tous deux de la même conviction, de la même illusion que l’homme peut se rendre maître de sa mort… C’est justement cette illusion qui provoque ma très forte hostilité à une légalisation de l’euthanasie. En effet, légaliser l’euthanasie équivaudrait à dire que la souffrance rend le suicide acceptable… Message désastreux quand on sait à quel point le suicide fait des ravages. Bien sûr, une loi permettant l’euthanasie fixera un cadre strict mais le message n’en sera pas moins lancé (il l’est déjà beaucoup trop à mon goût). Et puis ce cadre, qui va le fixer ? Qui va décider à partir de quel degré de souffrance la mort devient une option acceptable ? Quel juge, quel médecin, quel dieu pourra dire « Effectivement votre cas est désespéré et insupportable, vous êtes autorisé à mourir » ou bien « non, vous n’avez pas encore atteint le seuil limite, patientez encore un peu… » ?
A mon avis une légalisation de l’euthanasie donnerait un message désastreux sur la valeur de la vie et poserait des questions insolubles : à partir de quand ? qui décide ? que faire face à l’inconscience et à la démence ?
C’est pour cela que je suis assez d’accord avec le verdict rendu par la Justice lors de l’affaire du Dr Laurence Tramois et de Chantal Chanel : c’est un verdict qui punit l’acte lui-même sans pour autant détruire la vie ni la carrière de celle qui l’a accompli, un verdict qui condamne l’euthanasie sans oublier qu’elle peut partir d’un sentiment de compassion.
(Sur miettes de théo)