Dans l’univers ludique, même si mon coeur balance pour les jeux initiés, je reste tout de même une “teste tout”, aussi bien partante pour un jeu expert que pour un Skyjo, tant que les amis sont de la partie et l’ambiance palpable et vivante autour de la table.
Dans l’univers musical je suis totalement l’opposée. Pas d’éclectisme dans ma playlist. Je veux du riff, du rythme, des sons écorchés et des voix qui vibrent. Appelez ça rock, rock alternatif ou indie rock.
Mes tympans réclament du Royal Blood, du Jack White, du Cage the Elephant ou du Arctic Monkeys. Ma peau frémit aux concerts de The Kills ou d’Interpol. Ma voix se casse pendant ceux d’Arcade Fire, de Ghinzu ou des Yeah Yeah Yeahs. Et l’album cerise sur le vinyle est sans commune mesure Hail To The Thief de Radiohead.
Le revers de la médaille c’est que les blind tests ce n’est pas pour moi. J’y vais à reculons. Je sais que je vais être mauvaise. Je sais que je ne vais pas être assez rapide. Je sais que le titre ou le groupe vont me rester sur le bout de la langue. Je sais que je vais être le petit boulet de l’équipe parce que les titres mainstream actuels c’est un autre univers musical que le mien.
Quant aux karaokés je ne vous raconte même pas…
Mais alors comment Hitster est arrivé sur notre table de jeux ?
Le 24 décembre 2024. Dans l’après-midi. Sur un coup de tête. Un saut dans une boutique culturelle. Avec le but bien précis d’acheter CE jeu. Après en avoir entendu du bien sur First Player et On Joue-Tu?
J’avais envie d’un truc frais pendant les vacances de Noël. Qu’on ne se prenne pas la tête à expliquer des règles, qu’on s’amuse de mini-ludi à mamie-ludi, qu’on partage et que ce soit un moment qui fasse du bien. Et ce jeu hybride de TimeLine et du blind test semblait cocher toutes les cases.
Premier critère : pas de prise de tête avec les règles
Des cartes carrées, recto/verso. Des jetons ronds, appelés Hitster. Une application sur téléphone.
Chacun reçoit une carte année devant lui qui sera le début de sa frise musicale. A son tour on scanne le QR code de la carte au sommet de la pioche. Une musique se déclenche et il faut réussir à placer la carte au bon endroit dans sa propre frise chronologique musicale. Avant de révéler la réponse les autres joueurs peuvent, en cas de désaccord, y déposer un jeton Hitster pour, s’ils avaient vu juste, récupérer la carte et l’ajouter à leur propre frise. Pour refaire son stock personnel de jetons Hitster le joueur actif peut tenter de retrouver le nom de l’artiste et le titre de la chanson avant la révélation finale.
Un pur mixte de TimeLine et du blind test.
Deuxième critère : on s’amuse avec les minis, les mamies et les amis.
Les règles expliquées on peut jouer à Hitster de manière dictée par les règles : tranquillement, chacun son tour, sans perturber celui qui écoute et en démontrant son désaccord uniquement avec ses jetons.
Mais la réalité est tout autre.
Scannez le premier QR code, attendez les premières notes de musique et vous sentirez votre voisin de gauche commencer à se trémousser sur sa chaise, vous entendrez celui qui vous fait face crier “haaan je saiiiiis je sais je sais”, vous verrez tatie les yeux plein de souvenirs s’exclamer “qu’est-ce que j’ai pu danser sur ça” et vous penserez “elle est de quelle année déjà ?” histoire de grapiller quelques indices. Et comme la musique continue pendant ce temps vous vous surprendrez à chantonner les paroles que finalement vous connaissez plutôt bien.
Vous revient le principe du jeu de devoir placer cette carte alors vous la mettez entre 1976 et 1984. Pas le temps d’attendre le refrain pour y trouver le titre de la chanson qu’une pluie de jetons s’abat sur vous. A qui sont-ils ? Impossible de le savoir et ça se battra entre adversaires, mais visiblement ce n’était pas la bonne réponse.
“Voyons Julie Pietri et Eve lève-toi c’est en 1986 !”.
Vous vous sentez toujours aussi mauvais au blind test mais là, pour qui pour quoi vous y prenez goût. Les tours s’enchaînent et vous comprenez finalement ce qui pique tout le monde au jeu.
Tout simplement, on s’amuse en oubliant le reste.
Mamie vous nargue sur Salvadore Adamo et vous la coiffez au poteau sur Amy Winehouse.
Mini-ludi se fie aux sonorités, place timidement un David Bowie mais est sûr de lui sur Avicii totalement inconnu à votre bataillon.
Votre frère vous jette un oeil complice quand résonne Partir un Jour des 2Be3. Son regard malicieux vous rappellera que vous n’avez pas toujours écouté que du rock.
Votre pote métalleux râle sur la sélection trop mainstream des chansons du jeu puis d’un coup vrille totalement et se met à chanter par coeur Femme Like U de K.Maro. Irréel, et pourtant !
Vous découvrez votre collègue imbattable sur les années de parution des chansons.
Vous remarquez la jolie voix de votre voisin.
Vous êtes surpris par la vaste culture musicale de votre conjoint.
Qu’ils sont bons ces moments de cohésion intergénérationnelle, interculturelle. Une parenthèse qui fait du bien. On écoute les souvenirs de tonton, on chante en choeur avec sa pote en démarrant une choré. On vanne son conjoint sur son petit plaisir musical secret etc…
Troisième critère inattendu : les joueurs s’emparent du jeu
J’aime quand ce qui importe dans un jeu c’est le moment plus que la règle. Lorsqu’on arrête de compter les points, que l’on se fiche du gagnant ou du perdant pour vivre à 1000% le jeu.
Et c’est ce qui est arrivé avec Hitster.
Il a été des plus savoureux quand les joueurs ont été dissipés, qu’ils ont annoncé le titre alors qu’ils n’étaient pas le joueur actif, qu’ils ont mis leur grain de sel dans la frise musicale de leur voisin, qu’ils ont donné leur avis, qu’ils ont débattu, qu’ils ont contesté, qu’ils ont jeté leur jeton Hitster tous en même temps, qu’ils s’en contrefichaient du gagnant et qu’ils ont continué de jouer jusqu’à ce que chacun ait ses 10 cartes devant lui.
Le revers de la médaille étant l’inverse, si l’écrasante majorité autour de la table n’adhère pas à cette ambiance le mixte TimeLine et blind test tournera au serious game bien sage.
Et le rock dans tout ça ?
Malgré la percée de certains titres ultra connus, le rock clairement absent de leur setlist.
Mais !
En fouillant un peu sur la toile pour préparer cet article j’ai découvert l’existence (mais pas en France) de ça…
