Inheritors, la guerre de Succession
Des boîtes en petit format, il y en a beaucoup, mais pas tant qui recèlent des jeux avec de la teneur. Je pense à certains titres de la gamme des Tiny Epic (Galaxies (015)/Dungeons (021)/Vikings (023)) ou encore, plus récemment Age of Galaxy ou Age of Civilization . Quelle coïncidence, le co-auteur de ce Inheritors n’est autre que Jeffrey CCH, père des deux Age of… et auteur également de Eila et l’éclat de la montagne . Des oeuvres à l’identité forte, qui dénotent dans la foultitude actuelle de jeux clonés.
Le thème de ce Inheritors est expédié et parle, comme son nom l’indique, de succession : Le Roi est mort et la place est à prendre. Et qui va se porter volontaire ? Moiiii !!!
Pour ce faire, il va falloir marquer un maximum de points en collectionnant des valeurs, des couleurs, réaliser des Quêtes, se rallier à un Clan, à l’aide d’espions ou de conspirateurs, tout en faisant votre marché. Vaste programme.
Si le jeu se joue aussi bien à 2, 3 ou 4 (il y a un ajustement de cartes à deux joueurs), nous avons joué dans ces différentes configurations avec @Morlockbob. Aussi cet article a t il été écrit à quatre mains. Nous vous livrerons nos conclusions à la fin.
Quêtes, Exploits et Clans
Le terrain de jeu est constitué de larges cartes Quêtes et Exploits, et de différents Clans (Lynx, Aigle, Singe etc). Les trois apporteront des bonus/points si on décide de les utiliser, ce qui n’est pas une obligation. D’un autre côté, le marché des valeurs/couleurs et la pioche servant de décompte sont le cœur du jeu. Quand cette pioche est vide, la partie est terminée.
Les Quêtes sont des objectifs déguisés. Sans être anecdotiques, on ne se précipite pas dessus en début de partie, pourtant cela pourrait nous donner une direction. Elles demandent qu’on défausse trois cartes identiques pour être récupérées. Cher. Sauf vers la fin. Une bonne alternative quand on a des cartes inutiles ou qu’on a tiré un trait sur une couleur, puisque chaque Quête vaut de base 1PV, et le double si elle est validée.
Les Exploits se gagnent quand une condition est remplie (par exemple avoir devant soi deux cartes de valeur 4, ou une carte de valeur 6). C’est simple c’est écrit dessus. Un exploit rapporte 1PV.
Les Clans sont déjà plus intéressants. Pour rallier un Clan et son leader, il faut atteindre ou dépasser la valeur 3 dans une couleur. C’est bien sûr le leader de cette couleur qui vous suivra. Choisissez bien, cela confère un bonus assez puissant (poser devant soi deux cartes au lieu d’une…). On ne peut appartenir qu’à un seul Clan par partie. Pour certains, il vaut mieux attendre (le Lézard récupère les espions retirés du jeu) mais il ne faut vraiment pas faire l’impasse en refusant cette association.
Il est à noter qu’une partie de ces cartes seulement sera utilisée dans une partie, ce qui permet un renouvellement bienvenu.
En colonne par trois
Le cœur du jeu est donc le marché/rivière. On ne glanera pas beaucoup de PV au cours de la partie, il faudra donc jouer finement et avec discernement. Globalement, on va pouvoir gagner ces précieux PV de plusieurs façons. Le but est de poser des cartes devant soi, à la manière des Cités perdues (Reiner Knizia/2000), de la plus petite valeur à la plus grande en colonnes de couleur. A la fin de la partie, la plus forte carte de chaque couleur nous fera des points (5 points si c’est une carte 5 par exemple).
A notre tour, on peut se défausser d’une carte dans la rivière, soit pour prendre 2 cartes de la pioche, soit pour prendre une des 3 colonnes de cartes de la rivière (selon une règle de couleur et/ou valeur). On aura donc toujours ce dilemme de poser et donc de laisser une bonne carte aux adversaires. A cela s’ajoutent des cartes à pouvoir qui viennent contredire les règles de base : l’Espion permet de récupérer une carte de la main d’un adversaire (il faudra cependant réussir à la nommer avant), le Conseiller permet de prendre 2 cartes de deux colonnes différentes, le Conspirateur permet de « sauter » une carte de valeur, à condition qu’un adversaire ait posé cette valeur devant lui.
Si le but est de collectionner les valeurs, deux autres éléments vont également nous donner des points. On gagne 3PV en fin de partie si on a le plus de cartes Livres en main. Les Livres font office de couleur joker. Les cartes Reliques agissent comme les paris des Cités perdues : Elles nous octroient 1PV par couleur majoritaire à la fin de la partie. Sinon on perd 1PV. Un risque à prendre ?
Vous l’avez compris, si construire ses suites et les élever à la plus haute valeur est une priorité, les à côtés ne sont pas à dédaigner.
Inheritors, verdict : Séparation de biens ou Dignes Successeurs ?
L’avis de Serraangel
Inheritors est un jeu très malin, interactif et élégant. Ici rien d’original en soi, mais l’aspect course, les cartes agents, les paris, les Clans, les Quêtes, les Exploits, tout cela rend le jeu riche de possibilités et assez jubilatoire, le tout servi par un matériel qualitatif.
Si on prend comme modèle les jeux cités en introduction de ce petit article, il est clair que ce Inheritors est beaucoup plus léger. On y retrouve pourtant l’esprit et les éléments multiples liés à ce genre de production. Là où Age of Galaxy propose ressources et vaisseaux spatiaux prêts à coloniser la moindre planète, Inheritors affiche des dizaines de cartes. Si Age of Galaxy joue sur une création de moteur, Age of Civilization sur une planification à long terme, Inheritors joue la stratégie en partageant avec ses collègues le sens de l’observation des voisins et l’adaptation qui en découle.
Cela n’en fait pas pour autant un jeu expert, il reste léger, avec des règles expliquées en 10 minutes.
Inheritors est un jeu qui a du corps et remplit son rôle de marchepied non dénué d’intérêt pour de futurs jeux plus complexes, comme l’est Tiny Epic Galaxies par exemple pour clore la comparaison.
La Direction Artistique n’est pas en reste, la co artiste Roxy Day ayant déjà illustré Eila et l’Eclat de la montagne de manière fort poétique. Même si le jeu est assez abstrait, on apprécie beaucoup cette attention pleine de sensibilité, sous forme d’anthropomorphisme magnifiquement illustré.
L’avis de Morlockbob
Inheritors est un jeu facile à expliquer et, si on peut se perdre entre les notions de prise des Clans, les Quêtes objectifs, les Exploits et les collections de cartes de couleur à valider, sans oublier les personnages spéciaux, on retombe vite sur ses pieds.
Idem au niveau déroulement du tour : on essaie de construire sa suite, on se débarrasse de cartes, on observe ce que piochent les voisins (pour leur redemander ou pour changer de stratégie), on tente de récupérer les bonnes cartes, on en abandonne certaines à contrecœur…
Le jeu, répétons le, n’est pas compliqué en soi. Il faut avoir une idée d’où on va, agir au bon moment et savoir s’adapter. Voilà un titre qui trouve un juste équilibre entre plaisant et original. Même si la première partie nous avait moyennement convaincus. Et c’est ça qui est jouissif, découvrir le potentiel d’un jeu, surtout quand on n’était pas plus chaud que ça au départ.
En effet, on a beau se dire qu’il ne faut pas juger sur les apparences, la couverture ne m’emballait pas. Ouvrir la boîte fait déjà changer d’avis avec des illustrations et un matériel soigné. Le thème est accessoire, même si les espions ou conspirateurs, collent un peu plus au décor.
Un jeu qui, heureusement, nous a intrigué et qu’on a appris à apprécier peu à peu. Nous avons cité les Cités perdues, à dessein. Inheritors marche sur ses traces et parvient à élever le niveau grâce à quelques ajouts pour un résultat plus que satisfaisant.
Caractéristiques
Jeffrey CCH, Kenneth YWN
Roxy Dai, Coda Ho
Fearless Frog, La Boite de Jeu
2-4 joueurs
14+
40 minutes
août 2024
Gestion de main, Collection
Note de l’équipe éditoriale Cyrano : message posté initialement par @serraangel dans le sujet Hier j’ai ajouté à ma ludothèque et généreusement retravaillé et enrichi par son autrice pour en faire un article de Une (merci à elle ! )