Je ne suis pas d’accord avec Grolapinos sur le caractère européen de la Turquie, mais peut-être ceci devrait-il faire l’objet d’un débat séparé ? Il convient peut-être de se rappeler que les limites de l’Europe ne sont que conventionnelles, et qu’à une époque, on la voyait plus petite qu’aujourd’hui (la Russie d’Europe est une invention d’un géographe travaillant pour Pierre le Grand, visant à justifier l’occidentalisation prônée par son patron).
Philippe dit:Je ne suis pas d'accord avec Grolapinos sur le caractère européen de la Turquie, mais peut-être ceci devrait-il faire l'objet d'un débat séparé ? Il convient peut-être de se rappeler que les limites de l'Europe ne sont que conventionnelles, et qu'à une époque, on la voyait plus petite qu'aujourd'hui (la Russie d'Europe est une invention d'un géographe travaillant pour Pierre le Grand, visant à justifier l'occidentalisation prônée par son patron).
Sans doute cela devrait-il faire l'objet d'un topic séparé. Je synthétise mon point de vue, qui est le suivant.
-Géographiquement : la Géorgie, l'Arménie ou l'Azerbaïdjan sont considérés comme des pays d'Europe, de même que Chypre. Exclure la Turquie, c'est faire un gros trou là-dedans, c'est quand même bizarre.
-Historiquement, la Turquie a occupé un bon bout du sud-est de l'Europe, (Bulgarie, Roumanie, Grèce, Macédoine, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Caucase, Chypre, Ukraine en partie, j'en oublie sûrement) pendant quelques siècles. À grand coups d'accords et de conflits militaires et commerciaux, ils ont pendant tout ce temps eu des liens permanents avec Venise, Gênes, l'Espagne, l'Autriche-Hongrie, principalement, mais même pas seulement. On peut dire aussi qu'ils occupaient aussi une bonne partie du moyen-Orient, et qu'à ce titre, c'était une "puissance moyen-orientale". L'un n'exclut pas l'autre. Je pense que si on avait pu demander son avis au doge en 1571, il aurait rigolé qu'on lui suggère que la Turquie puisse ne pas être une puissance européenne.
-Ethniquement, les Turcs sont un peuple d'origine altaïque, qui ont débarqué vers le début du 14ème siècle. C'est certes assez tardif, mais cela fait tout de même 7 siècles. Je ne vois pas pourquoi ce peuple ne pourrait pas avoir le droit d'être européen sous ce prétexte : quel peuple est authentiquement européen ? Si l'on remonte le temps, on peut exclure pas mal de monde. Reste qui, les Basques ?
-Reste l'argument sensible, celui de la religion. Quand se posera, dans une vingtaine d'années, le problème de l'intégration de la Bosnie-Herzégovine ou de ce qu'il en restera, je doute que ce même débat ait lieu sous prétexte que les bosniaques sont musulmans.
Je suis très partagé quant à la question de l'intégration de la Turquie dans l'union, surtout pour des raisons démographiques. Disons que symboliquement, une telle alliance avec un pays musulman, le seul qui peut se vanter d'être laïc et démocratique, est l'une des meilleures choses qui pourraient arriver au monde. Enfin, je crois.
grolapinos dit:-Historiquement, la Turquie a occupé un bon bout du sud-est de l'Europe, (Bulgarie, Roumanie, Grèce, Macédoine, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Caucase, Chypre, Ukraine en partie, j'en oublie sûrement) pendant quelques siècles.
Je suis d'accord avec la plupart de tes arguments mais celui-ci m'a toujours laissé perplexe : donc la France peut demander son rattachement à l'ASEAN parce que nous colonisions une bonne part de l'Asie du Sud-est ; et que dire de notre frontière commune avec le Brésil ? Devons-nous aller siéger avec les pays d'Amérique du sud ?
Je dis surtout que cette occupation a entraîné un contact permanent avec les autres pays d’Europe.
Mais aussi, quand même, avec les populations locales, permettant forcément des échanges de culture. On n’est quand même pas dans le cas d’un territoire totalement éparpillé, mais d’un bloc connexe !
Oui, mais il en est de même du Maroc, dont l’histoire est très liée à celle de la péninsule ibérique… Evidemment, je ne nie pas le fait que les Turcs ont été en contacts constants depuis leur arrivée dans la région (quel que soit par ailleurs leur groupe linguistique, ce qui est peu important…). Mais je considère qu’ils sont voisins de l’Europe et non Européens : il est assez normal d’avoir des contacts avec ses voisins, non ?
L’Azerbaïdjan, partie de l’Europe ? Plutôt du monde iranien. La limite du Caucase pour l’Europe est tellement peu admise que l’on répète partout que c’est le Mont Blanc le sommet de l’Europe, et pas le Mont Elbrouz, qui le dépasse largement.
Le Turc, au XVIIIe, c’est l’autre, l’étranger dont on se sert pour incarner l’exotisme, avec les Indiens. Cf. la cérémonie des Turcs dans le Bourgeois gentilhomme. Et je ne pense pas que les deux siècles suivants y aient changé grand chose.
Philippe dit:Oui, mais il en est de même du Maroc, dont l'histoire est très liée à celle de la péninsule ibérique... Evidemment, je ne nie pas le fait que les Turcs ont été en contacts constants depuis leur arrivée dans la région (quel que soit par ailleurs leur groupe linguistique, ce qui est peu important...). Mais je considère qu'ils sont voisins de l'Europe et non Européens : il est assez normal d'avoir des contacts avec ses voisins, non ?
L'Azerbaïdjan, partie de l'Europe ? Plutôt du monde iranien. La limite du Caucase pour l'Europe est tellement peu admise que l'on répète partout que c'est le Mont Blanc le sommet de l'Europe, et pas le Mont Elbrouz, qui le dépasse largement.
Le Turc, au XVIIIe, c'est l'autre, l'étranger dont on se sert pour incarner l'exotisme, avec les Indiens. Cf. la cérémonie des Turcs dans le Bourgeois gentilhomme. Et je ne pense pas que les deux siècles suivants y aient changé grand chose.
-Quand je dis altaïque, je veux dire originaire de l'Altaï. Je n'ai pas évoqué le groupe linguistique des turcs, qui n'a effectivement rien à voir dans l'affaire.
-Effectivement, la Turquie a occupé toute la côté nord de l'Afrique. Ce qui, comme je l'ai déjà signalé, ne l'empêche nullement d'être une puissance européenne aussi.
-Les arguments purement géographiques me semblent somme toute assez secondaires.
-Je pense qu'on peut trouver des exemples dans la littérature de désignation de tous les peuples de la terre comme étant "l'autre, l'étranger".
C’est bien beau, tout cela, mais l’estimation que tu fais de ces arguments historiques est une estimation, rien de plus… C’est le problème de l’histoire : on peut s’en servir à volonté. Ta position est défendable, mais autant que celle qui fait de la Turquie la puissance asiatique la plus proche de nous (il s’agit là de mon point de vue, comme tu l’as compris). Sinon, en suivant ton raisonnement, la Turquie peut demander à faire partie de l’Union Européenne, mais aussi de l’OUA, et d’une organisation régionale du Proche-Orient.
Le fait est que l’on ne sait pas vraiment où s’arrête l’Europe ni ce que c’est qu’être européen : c’est une affaire d’opinion, pas quelque chose que l’on peut affirmer pour les pays situés aux marges comme la Turquie ou les Etats du Caucase.
Indépendamment de l’argument religieux, le problème de l’intégration de la Turquie est aussi que nous héritons de sa situation géographique difficile, à côté de la Syrie, de l’Iraq, du Caucase, et avec qui plus est le problème kurde. C’est un peu comme se marier avec quelqu’un de sympa mais qui a une famille difficile…
Philippe dit:C'est bien beau, tout cela, mais l'estimation que tu fais de ces arguments historiques est une estimation, rien de plus... C'est le problème de l'histoire : on peut s'en servir à volonté. Ta position est défendable, mais autant que celle qui fait de la Turquie la puissance asiatique la plus proche de nous.
C'est marrant, si j'avais eu le temps au moment où je l'ai tapé, j'aurais conclu mon post précédent à peu près comme ça. Dans l'autre sens.
Je pense effectivement qu'aucun de nous deux ne pourra démontrer que son point de vue est meilleur. J'ai surtout réagi à certaines affirmations que je trouvais bien catégoriques et fort peu argumentées.
Nous n’en sommes plus au problème de la réalité des faits historiques, mais de leur interprétation ou de leur usage. Les Turcs sont allés jusqu’à Vienne, personne ne peut dire le contraire. Et maintenant, que fait-on de cette information ? Voilà pourquoi je disais que la conversation ne pouvait pas aller beaucoup plus loin. Enfin, je préfère parler avec quelqu’un comme toi qui connait les faits, même si nos interprétations diffèrent.
Attendez les gars, vous vous éloignez du débat. Qu’est ce qu’on s’en fout si la Turquie est en Europe ou pas ? Franchement, Israël n’est pas en Europe non plus et pourtant…
L’important c’est ce qu’à dit Bertrand :
Il parait difficilement soutenable de refuser de légiférer sur ce négationnisme là alors que l’on a légiféré sur le négationnisme du génocide des juifs . Ce serait mettre une hiérarchie , une concurence entre les victimes.
Si on légifère sur un génocide, on le fait sur tous, y’a pas de raison. Ou alors y’a hiérarchie, et là, c’est pas bon du tout…
Je ne suis pas d’accord, du point de vue français. Une partie des autorités françaises a aidé les nazis à perpétrer le génocide des Juifs d’Europe : cela nous concerne donc directement en tant que nation. Par contre, nous n’avons pas eu part au génocide arméniene : là, nous nous posons en accusateurs. C’est très différent.
Sans compter que les rafles ont eu lieu en France et dans la majorité des cas concernaient des citoyens français (ou à tout le moins des personnes résidant en France), ça fait donc partie de l’histoire de France même si les camps étaient ailleurs.
Par contre ni le génocie arménien, ni l’extermination des indiens d’amérique du sud par Cortez ou autres faits similaires ne se rattachent directement à la France.
Philippe dit:Je ne suis pas d'accord, du point de vue français. Une partie des autorités françaises a aidé les nazis à perpétrer le génocide des Juifs d'Europe : cela nous concerne donc directement en tant que nation. Par contre, nous n'avons pas eu part au génocide arméniene : là, nous nous posons en accusateurs. C'est très différent.
Je ne crois pas qu'il sagisse réellement de ça. Une idée qui n'est pas la mienne mais qu'on doit pouvoir trouver interessante c'est que la volonté de la france à légiférer sur le négationnisme des génocides est lié à l'existence d'une population suffisement nombreuse de citoyen français victimes ou directement 'issus' de victimes de ces génocides. En gros il s'agit de dire que puisque ces actes là on eu lieu de mémoire d'homme la france pense avoir un devoir de mémoire envers ces victimes ou leurs enfants voir leurs petits enfants. Ce qui rend la comparaison valable entre les génocides des juif et des arménien et explique (justifie?) l'absence de texte de loi sur le sujet d'autres génocides: trop ancien et/ou pas assez de citoyens français concernés.
En fait la question est de savoir si la taille d’une communauté est un motif valable pour légiférer, voir même si la notion de communauté devrait jouer sur les lois de la république.
En gros la France dispose d’une très importante communauté Italienne et pourtant on ne fait pas une loi pour interdire de faire l’apologie du Fachisme.
En fait, je trouve que c’est une erreur de lier devoir de mémoire et loi. Si la France trouve que le génocide Arménien ne doit pas être oubliée elle a qu’à le rajouter dans le programme scolaire des élèves durant la première guerre mondiale et là nous avons une position cohérente. Mais faire une loi contraignante et ainsi se mettre en opposition direct avec la Turquie j’avoue que je ne vois pas l’intêret.
A+ Stouf
Stouf dit:
En fait, je trouve que c'est une erreur de lier devoir de mémoire et loi. Si la France trouve que le génocide Arménien ne doit pas être oubliée elle a qu'à le rajouter dans le programme scolaire des élèves durant la première guerre mondiale et là nous avons une position cohérente.
Pourquoi pas... on retomberait là dans le syndrome des effets bénéfique de la colonisation au programme scolaire... Je ne pense pas que tout le monde soit d'accord.
Stouf dit:
Mais faire une loi contraignante et ainsi se mettre en opposition direct avec la Turquie j'avoue que je ne vois pas l'intêret.
L'interdiction du négationnisme du génocide juif ne nous a pas mis l'Allemagne à dos. Ce qui veut peut-être dire que la raison d'une opposition avec un pays n'est pas forcément ce genre de loi et que peut-être que si le pays en question n'adoptait pas un comportement spécifique propre à s'opposer il n'y aurait pas justement d'opposition.
tehem dit:Philippe dit:Je ne suis pas d'accord, du point de vue français. Une partie des autorités françaises a aidé les nazis à perpétrer le génocide des Juifs d'Europe : cela nous concerne donc directement en tant que nation. Par contre, nous n'avons pas eu part au génocide arméniene : là, nous nous posons en accusateurs. C'est très différent.
Je ne crois pas qu'il sagisse réellement de ça. Une idée qui n'est pas la mienne mais qu'on doit pouvoir trouver interessante c'est que la volonté de la france à légiférer sur le négationnisme des génocides est lié à l'existence d'une population suffisement nombreuse de citoyen français victimes ou directement 'issus' de victimes de ces génocides. En gros il s'agit de dire que puisque ces actes là on eu lieu de mémoire d'homme la france pense avoir un devoir de mémoire envers ces victimes ou leurs enfants voir leurs petits enfants. Ce qui rend la comparaison valable entre les génocides des juif et des arménien et explique (justifie?) l'absence de texte de loi sur le sujet d'autres génocides: trop ancien et/ou pas assez de citoyens français concernés.
A partir de combien de Français le génocide est-il assez intéressant pour être reconnu ??
Philippe dit:
A partir de combien de Français le génocide est-il assez intéressant pour être reconnu ??
Tu aurais tout aussi bien pu demander à partir de quand est-t'il trop ancien pour ne plus être reconnu.
Je n'en sais rien, c'est une question dont la réponse appartient sans doute au Législateur.
Normalement, ce genre de questions relève des historiens.
Philippe dit:Normalement, ce genre de questions relève des historiens.
Dans ce cas je te fais la réponse que j'ai fait à Stouf : " Pourquoi pas... on retomberait là dans le syndrome des effets bénéfique de la colonisation au programme scolaire... Je ne pense pas que tout le monde soit d'accord."