Le kingmaking est-il évitable

Le sujet dédié au lexique m'a rappelé un questionnement que j'ai du me faire une fois à propos du kingmaking et autres effets un peu indésirables et assez récurrents de fin de partie dans les jeux stratégiques, à savoir je me demande, de manière assez abstraite, s'il est possible d'éviter ces cas en altérant plus tôt la physionomie de la partie, par exemple à travers un comportement agressif qui interviendrait beaucoup plus tôt. J'ai en tête ces parties assez classiques où chacun fait son développement et en fonction de quelques virages bien négociés ou un poil chanceux (un bon enchaînement, une carte très positive, ou bien les autres joueurs qui loupent leur truc), il y a toujours un joueur qui se détache un peu et, les derniers tours approchant, il y a la possibilité pour chacun de tenter de couler un joueur en particulier, avec un jeu de résistance/dernière grosse capitalisation du joueur en tête.
Vous l'aurez compris, la question c'est de savoir si le kingmaking est pas plutôt un problème de la manière de jouer, un problème d'attente, que réellement un problème de mécanisme. Bon bien sûr, pour nuancer, c'est sûr que beaucoup de jeux ont un impératif de développement, en tout cas dans les premiers tours, qui prépare l'isolation, et il y a le fait que l'on connaît généralement l'évolution du décompte. Peut-être que je vois ça en terme un peu binaire, jouer pour amasser ou jouer pour diminuer les autres, étroitesse du jeu ou étroitesse des joueurs. Si je connais un certain nombre de jeux, je n'ai de montagne d'expérience dans aucun d'eux, peut-être et sans doute que ça se décide au cas par cas.
Alors pour mettre un terme à ma lourde spéculation et ramener le sujet à une question: qu'est-ce qui, dans le jeu ou dans les joueurs, permet (en général) d'offrir une partie la plus ouverte possible sur l'ensemble. Et est-ce que c'est quelque chose qui vous préoccupe, l'équillibre de la tension et quelque chose que vous allez essayer d'influencer (ça me semble essentiel et pourtant je ne suis en fait pas sûr moi-même, que ça me préoccupe).
Là je parle de kingmaking mais ça peut être d'autres phénomènes du même acabit.

Le Kingmaking m'ayant plusieurs fois rendu fou je prends ta question TRES au sérieux ! :D
En fait j'ai toujours eu tendance dans les jeux à vouloir faire la course en tête, préférant être "chassé" que "chasseur". Ma philosophie de l'époque étant: je préfère que les autres se fatiguent à te courir après et à s'acharner sur moi...ça les détournera sans doute de choses avantageuses pour eux, ils oublieront des données etc etc.
Je n'ai pas une foule de jeux mais ceux où je l'ai particulièrement ressenti sont:
- Cyclades: je bâtissais souvent ma métropole en premier et devenait ainsi l'homme à abattre (logique)
- Tigre et Euphrate: toujours dans un logique de maçon, je bâtissais souvent un temple en premier et BOUM conflits internes/externes et hop hop hop mes chefs rentraient souvent à la maison.
- Citadelles: oh les 3 quartiers d'avance sur tout le monde: bon assassinat, vol, destruction et patatras.
Ce ne sont là que des exemples évidemment, on peut généraliser à plein de jeux comme tu l'as fait.
Longtemps ça me rendais dingue, je me disais que c'était injuste de me faire massacrer par tout le monde alors "qu'au mérite" dans la partie j'étais en tête et que s'ils avaient du retard ils en étaient seuls fautifs.
Puis j'ai beaucoup évolué dans ma vision du kingmaking: est-ce que c'est normal de se résigner à voir un joueur en tête et de ne rien faire ? Je ne pense pas. En fait ce système de "ligue" contre le leader est naturel, chacun souhaitant éviter les autres de gagner ou tout du moins retarder l'échéance.
De plus cela rend le jeu bien plus malin: avancer caché, être 2-3ème durant toute la partie est bien souvent hyper stratégique tant les retournements peuvent avoir lieu en fin de partie.
Donc pour répondre à ta question je dirais pour ma part que oui le Kingmaking est un phénomène naturel. Evitable ? Sans doute avec des joueurs résignés ou ne coopérant jamais contre le leader. Mais à mon sens celà fait partie intégrante de pas mal de jeux et contribue au sel de beaucoup de parties ! ;)
En revanche: je réprouve l'acharnement gratuit et systématique sur un même joueur :wink:

Ne pas confondre king making et leader bashing... :mrgreen:

Complètement. Même si à taper sur le premier joueur par principe, on offre souvent la victoire au second joueur en embuscade.
Mais le véritable kingmaking, c'est la situation où plusieurs joueurs bien identifiés sont en situation de gagner et où les joueurs qui ne peuvent plus prétendre à la victoire peuvent néanmoins déterminer volontairement l'issue de la partie.
Pour moi, c'est intrinsèque au jeu, pas aux joueurs. Avec le même groupe, ça va se produire occasionnellement sur des jeux comme Dune ou Game of Thrones, et jamais sur d'autres jeux.
D'ailleurs à ces jeux, j'ai même vu des parties où un joueur avait l'obligation de choisir le vainqueur : attaqué par deux prétendants à la victoire et n'ayant les forces que pour remporter un seul combat sur les deux, il n'avait pas d'autres choix que choisir quel combat perdre et donc quel joueur mettre sur le trone.

Pour qu'une situation de kingmaking se présente, il faut qu'il y ait suffisament d'information sur l'état de la partie, d'interactions entre les joueurs et de contrôle du hasard (si hasard il y a).

Il y a 2 manières de comprendre ta question: le king making est-il évitable en tant que concepteur de jeu. C'est-à-dire, lorsqu'on créé un jeu, on réfléchit déjà de sorte à éviter des situations de kingmaking OU le kingmaking est-il évitable de par le comportement des joueurs.
Il semblerait que tu poses plutôt la deuxième question. Mais pour répondre déjà à la première question, si on veut éviter qu'un jeu engendre des situations de kingmaking, il faut cacher une partie de l'information sur l'avance des joueurs. Si les joueurs ignorent qui est en tête et si chacun pense qu'il a encore une chance de gagner, alors cela réduit ces situations. Ou encore faire des jeux pour 2 joueurs.
Maintenant, pour des jeux où la piste de score est clairement visible, peut-on à l'aide du comportement des joueurs éviter le kingmaking? Sincèrement je pense que non. Il arrivera des situations où un joueur pourra clairement par le choix de ses actions déterminer le vainqueur parmi plusieurs autres joueurs. Et là, on ne peut rien y faire. Même en mettant en place une espèce de "charte éthique". D'ailleurs, qu'y mettrait-on? "Dans une situation de kingmaking on laisse gagner celui qui était en tête jusque-là." (parce qu'il aurait + de "mérite") ?
Il y a des jeux où cela arrive et c'est inévitable. Le plus important c'est d'avoir passé un bon moment et même si c'est frustrant de perdre sur une situation de kingmaking, cela ne pourrit que la toute fin de partie, et cela veut dire qu'on a bien joué jusque-là et qu'on a perdu sur un aléa qu'on ne pouvait de toute façon pas contrôler.

Pour moi, le king making, c'est l'archétype du faux problème. Les joueurs (leur humeur du moment, leur état de fatigue, leurs relations entre eux, leur intelligence stratégique, leur envie (ou pas) de gagner à tout prix ou de calculer à fond leurs coups, etc.) font autant partie du jeu que le matériel et les règles. Autour d'une table, le fantasme de vouloir piloter le cerveau d'autrui à sa place ou de lui dicter sa façon de jouer m'a toujours beaucoup amusé. Si un joueur est mauvais, il faut faire avec. S'il préfère avantager X plutôt que Y, c'est comme ça. On perd quasiment toujours une partie à cause de quelqu'un d'autre, rarement uniquement à cause de soi. Et si finalement on la perd, c'est aussi qu'on s'est mis soi-même avant dans la situation pour que ça arrive.

Sylvano dit:Pour moi, le king making, c'est l'archétype du faux problème. Les joueurs (leur humeur du moment, leur état de fatigue, leurs relations entre eux, leur intelligence stratégique, leur envie (ou pas) de gagner à tout prix ou de calculer à fond leurs coups, etc.) font autant partie du jeu que le matériel et les règles. Autour d'une table, le fantasme de vouloir piloter le cerveau d'autrui à sa place ou de lui dicter sa façon de jouer m'a toujours beaucoup amusé. Si un joueur est mauvais, il faut faire avec. S'il préfère avantager X plutôt que Y, c'est comme ça. On perd quasiment toujours une partie à cause de quelqu'un d'autre, rarement uniquement à cause de soi. Et si finalement on la perd, c'est aussi qu'on s'est mis soi-même avant dans la situation pour que ça arrive.

+1.
Le seul truc qui me met vraiment en rogne (et je crois que c'est le seul truc qui me met en rogne autour d'une table de jeu) c'est l'argument "c'est mon/ma chéri(e) alors c'est normal". Là tu te dis que quelque soit la manière dont tu jouais, c'était plié d'avance.

El comandante dit:
+1.
Le seul truc qui me met vraiment en rogne (et je crois que c'est le seul truc qui me met en rogne autour d'une table de jeu) c'est l'argument "c'est mon/ma chéri(e) alors c'est normal". Là tu te dis que quelque soit la manière dont tu jouais, c'était plié d'avance.

J'ai eu le phénomène inverse durant quelques temps, ma chérie tapait systématiquement sur moi même si j'étais mal placé... :china:

En même temps avec certaines chéries vaut mieux pas trop se gourer au moment de choisir qui va gagner :mrgreen: (enfin pour passer une bonne nuit après la partie)
Le kingmaking pour moi c'est quand l'action d'un joueur peut de manière définitive désigner le gagnant. Quand le joueur se "kingmake" lui même alors tout va bien, il a mieux joué que les autres, quand c'est un autre joueur qui fait cette action alors il y a un problème. D'un point de vue théorique, je pense que ce moment est inéluctable, la question étant de savoir qui réalise l'action fatidique.
Attention il y a en fait un piège dans ce qui précède... en réalité pour un jeu sans aléas, le résultat est désigné dès le début du jeu, il n'y a que les erreurs des joueurs qui comptent. Du coup le kingmaker est bien souvent le joueur le plus faible qui décide sans le vouloir du vainqueur sans que les meilleurs ne puissent rien y faire.
Ensuite je dirais qu'il y a le kingmaking stochastique ou au lieu d'un avantage décisif, c'est juste un grosse option sur la victoire. Par exemple à PR laisser un autre vendre un café/tabac trop tôt en refusant de faire une phase d'armateur inutile pour le joueur courant.
Edit: du coup un jeu sans kingmaking possible serait un jeu ou l'action d'un joueur A ne peut faire aucune différence entre deux autres joueurs B et C. Avec des "interactions" très limitées donc.

Je connais ce problème avec une personne de mon petit cercle de joueur, sur certain jeux, voire la plupart, je sais que je risque de l'avoir comme ennemi du début à la fin.
Ce qui peu souvent me coûter la victoire mais ce qui bloque aussi totalement sa progression car j'essaie de me défendre comme un lion tout en essayant de poursuivre mes objectifs. Lors des parties ou cela se passe, après la partie j'essaie de lui montrer ses erreurs d'avoir voulu à tout prix me barrer la route car cela entraîne pour lui bien souvent :
- Le risque de se détourner de son objectif de victoire lors des tentatives de contrer ce joueurs
- Notre petit conflit fait que les autres joueurs ont l'opportunité d'en profiter pour émerger, occupé qu'il est de s'acharner sur moi ou un joueur
- S'affaiblir inutilement à vouloir contrer un joueur car il a la perception que ce joueur s'envole au score.
En deux mots s'acharner sur un joueurs vous coûte le plus souvent la victoire
Pour en revenir au King Making, je ne l'ai je crois jamais pratiqué ou indirectement, je veux dire que j'essaie toujours d'établir une stratégie pour la victoire. Même si celle ci est quasiment impossible, qu'il y est qu'une infime chance qu'elle se produise je la tente même si son échec va souvent me placer parmi les derniers, bref ça passe ou sa casse.
Donc je décide jamais de faire gagner un joueurs ou un autre par contre mes actions peuvent bien sur amener à la victoire d'un joueur car si j'échoue il se peut qu'un joueur s'en retrouve forcement avantagé.
par contre, je vois trop souvent certains joueurs essayer d'influencer les autres joueurs en leur disant "Celui là est en tête, il faut le ralentir". Oui, peut être mais encore faut il que cela ne vous coûte pas toute vos chances de victoire à vous.
Je suis peut être un peu hors sujet. :wink:

Sujet très intéressant !
C'est à mon avis un "problème" réel.
Je précise le sens que je donne à kingmaking :
situation de jeu ou un joueur ne peut plus gagner mais a la possibilité (et parfois l'obligation) de décider de manière arbitraire lequel de ses adversaires va gagner.
Ce qui est génant c'est que c'est un seul joueur qui va décider, et ce peut tout à fait être celui qui a le moins bien joué !
Sa décision sera basée sur des critères personnels, ce peut être du copinage, de la vengeance personnelle par rapport au déroulement de la partie ... ou d'autres parties, la volonté d'être le plus neutre possible, de favoriser celui qu'il considère avoir le mieux joué, un choix tiré au dé, ou n'importe quoi d'autre !
Je déteste cette situation de décision arbitraire, car elle est par essence injuste.
Mais peut-on l'éviter !?
Une évidence pour commencer : les jeux à 2 en sont exempts. ;)
Certains paramètres sont indispensables pour permettre le kingmaking. Les jeux qui ne les remplissent pas en sont donc exempts.
Ce qui me vient à l'idée :
-information ouverte : pour pouvoir savoir à coup sûr qui va gagner dans tel ou tel cas, il faut un jeu à information ouverte, c'est à dire ou on a connaissance de tous les paramètres, ou dont les paramètres non connus ne suffisent pas à changer le résultat.
Par exemple les jeux à points de victoire cachés rendent le kingmaking difficile.
-déterminisme : si des paramètres aléatoires peuvent changer l'issue de la partie, pas de kingmaking possible.
-interactions : sans interactions entre joueurs, aucun risque.
Certains mécanismes sont par essence plus susceptibles de provoquer des situations de kingmaking.
Je pense aux jeux de diplomatie, dont l'issue dépend par essence des choix des autres. Mais l'intérêt de ces jeux est justement d'influer leur choix.
On peut aussi sortir des situations de kingmaking absolu, et évoquer des situations plus larges ou tel ou tel joueur va favoriser ou pourrir un autre joueur toute une partie. C'est du kingmaking indirect, mais tout autant désagréable.

J'avais déjà posté un sujet sur ce thème il y a quelque temps.
Personnellement, je prends également ce sujet très au sérieux.
J'y vois deux choses : comme dit précédemment par Jérémie, entre autres, c'est souvent l'erreur des autres qui fait qu'on donne ou qu'on reçoit la victoire. En général, c'est la méconnaissance du jeu qui fait qu'on ne voit pas le coup venir (exemple : à Game of Thrones v2, on jouait à 5, j'avais les Stark, je n'ai pas vu venir le Baratheon qui a fait un pont de bateaux et qui avait plein de chateaux à dispo, j'avais dégarni une province qui lui a fait remporter la partie au 5e tour, il a été aidé par la map qui n'est pas calibrée pour 5 et ma méconnaissance du jeu, on ne m'y reprendra pas !).
L'autre problème, ce sont les joueurs qui ne jouent pas le jeu. Je m'explique : la règle stipule en général que le joueur ayant fait le plus de ceci ou cela remporte la partie, les autres perdent. Maintenant il y a des joueurs qui y voient un classement (qui n'existe pas) et qui ne vivent que pour une chose : être bien classé et se contenter par exemple d'une seconde place... donc au lieu de jouer le jeu et d'essayer d'être premier, ils vont se contenter d'entretenir leur seconde place et ne vont pas faire évoluer le jeu comme ils le devraient. Là c'est sciemment qu'ils pourrissent le jeu en lui faisant prendre une orientation qui n'est pas prévue à l'origine. Je ne parle pas de pourrir constamment le joueur en tête quelle qu'en soit la raison, mais bien de faire en sorte d'être premier et donc de jouer intelligemment.
Dans certains cas, on peut se rendre compte qu'on n'arrivera pas à dépasser le joueur en tête mais qu'on a la possibilité de donner un avantage décisif à un autre joueur ou même de donner la victoire --> là il y a potentiellement un problème de règles ou du moins un point non traité.
Dans ce cas là, je suis d'avis de déclarer forfait pour ne pas pourrir le jeu et avantager l'un ou l'autre (certains jouent au dé qui sera avantagé, sympa...) et laisser les joueurs en lice jouer correctement pour finir la partie. Evidemment cela dépend du type de jeu : je ne traiterai pas de la même façon un gros jeu qui dure 4h qui demande un certain investissement et un King of Tokyo où tout le monde tape sur tout le monde avec du hasard partout.
edit : je suis POUR les jeux à points de victoire cachés :^:

Je m'investis intellectuellement beaucoup dans une partie, c'est-à-dire que je suis concentré et décidé à gagner. Cet investissement intellectuel s'accompagne inévitablement d'un investissement émotionnel. Donc, je n'aime pas les situations de kingmaking (et encore moins d'ailleurs le leader bashing!). Il y a beaucoup de jeux que ne pratique, au regard d'un certain isolement géographique, que à 2. Là, pas de problème évidemment. Je n'ai plus joué à Cyclades à 4 depuis une partie où après un bon départ, mais pas écrasant tout de même, et au bout de quelques tours, mes adversaires s'en sont tous pris à moi dans le même tour de jeu. Chacun s'est dit à mon avis, "Houlà! Il va encore gagner, il faut faire quelque chose". Ensuite, sans tenir compte de la première attaque, les joueurs 2 et 3, par inertie sans doute, maintiennent leur plan de me poutrer allégrement. Plus d'argent (ou presque) plus de revenus, plus de bateau, 1 troupe, 1 temple. Inutile de dire que la partie était pliée pour moi et que l'heure suivante fut looooongue.
Le véritable kingmaking, en fait assez rare et à distinguer de l'acharnement pathologique à l'encontre d'un joueur et favorisant de facto un tiers, est à mon sens inhérent à la mécanique du jeu et absolument pas à la manière de jouer. Au poker, par exemple, il n'y pas de kingmaking, en raison de la masse d'informations cachées et de l'évolution non linéaire du jeu. Un seul coup peut vous remettre complétement dans le jeu et vous dispenser de faire le dos rond pendant 10 tours. Tiens un petit jeu, que j'aime beaucoup pourtant, où le kingmaking existe par essence: Arriala: un coup inconséquent d'un joueur et le suivant rafle la mise. Vu le format, pas grave: on éduque le distrait et on refait une partie. :^:
Beaucoup de jeux posent en fait une autre question: comment le largué doit-il conduire sa fin de partie? Et là apparait le fréquent "faux' kingmaking.
Les jeux de gestion ont une évolution linéaire et une masse d'infos partagées dans un bain plus ou moins interactif (en gros, de Agricola à Cyclades), ainsi que certains ici l'ont souligné. Aux 2/3 ou aux 3/4 d'une partie à 4, l'un des joueurs est vraisemblablement hors course pour le gain. Inévitablement, les choix qu'il va faire vont arranger l'un ou l'autre des joueurs.
Là le largué, j'aime bien l'appeler comme ça, va devoir faire abstraction de tout ce qui s'est passé avant, oublier que un tel lui a piqué cette carte, l'a tapé un peu fort, lui a pris la dernière pierre... Il doit juste se démerder à sortir le meilleur score possible.
Mais en tant qu'humain, animal doté d'une certaine mémoire et de quelques pulsions sadiques, la chose n'est pas aisée. Le "faux" kingmaking tient donc lui à la manière de jouer, à la culture du jeu, à ce qu'on met dedans en terme de tentatives de solder ses frustrations ou de plaisir d'être ensemble

J'essaye toujours de jouer "pour gagner" sans avantager un joueur ou un autre, et j'essaye de convaincre les autres de faire de même. Mais la situation la plus problématique, pour moi, survient quand un joueur ne peut plus gagner mais peut par contre décider de qui sera le gagnant et que l'ensemble de la table voir qu'on est dans cette situation... La partie perd beaucoup de son charme, et le goût de la "victoire" sera bien moindre pour le gagnant. Car même si le "kingmaker" jouera pour maximiser son score, on est au courant que c'est cette unique action qui va décider du grand gagnant... Mais bon, c'est loin d'être courant !
Donc la simple règle pour limiter au maximum le kingmaking, c'est de jouer pour "maximiser son score par rapport aux autres". Bien sûr, au cours de la partie, faire du leader bashing (je connaissais pas ce terme, il est très sympa :mrgreen: ) semble normal.

Plusieurs personnes semblent dire que lorsqu'on est dans une situation où on est largué pour la victoire et où clairement nos actions vont aider l'un ou l'autre joueur à gagner la partie, le comportement correct à adopter est de simplement jouer ce qui est optimal pour nous, même si on va perdre la partie. Franchement je ne vois pas pourquoi cela devrait être ainsi.
En réalité, c'est ce que je fais moi-même. Je me souviens d'une partie de Tikal où à mon dernier tour j'ai réfléchi beaucoup plus longtemps que les autres, parce que suivant ce que je faisais, cela donnait la victoire à un autre. Et du coup si j'ai pris tout ce temps de réflexion c'est pour jouer de façon optimale pour moi, en faisant abstraction du fait que j'allais perdre. J'ai même essayé de trouver un compromis en regardant si c'était possible de prendre des points aux deux joueurs, mais comme c'était clairement pas ce qui me rapporterait le +...
Ok, on a le droit d'agir ainsi, mais on ne peut pas exiger des autres joueurs qu'ils suivent cette "éthique". Ce n'est pas interdit de "mal jouer", d'en avoir marre d'une partie où l'on ne peut plus gagner et de faire un peu n'importe quoi. Il n'est pas interdit de favoriser un joueur plutôt qu'un autre. Je comprends la frustration qui peut en découler pour celui qui est lésé, mais ma foi c'est comme ça. Pour moi, cela fait partie du jeu. C'est clair que certains jeux demandent un certain investissement en temps et en réflexion, et que c'est frustrant de voir que finalement c'est le comportement non-optimal des autres joueurs qui décide du résultat. Mais on ne peut rien y faire. Les interactions entre joueurs parfois pour des raisons "hors du jeu" sont inévitables.
Pour éviter cela, il faut jouer à des jeux où l'avance des joueurs est cachée, où tout reste possible jusqu'à la fin, etc. Mais il y a des jeux où les situations de kingmaking sont possibles, voilà, c'est comme ça.
Et si vraiment vous ne pouvez vivre avec cette frustration passagère, jouez aux échecs ou au go, ainsi vous serez seul responsable de votre défaite.

Pikaraph dit:L'autre problème, ce sont les joueurs qui ne jouent pas le jeu. Je m'explique : la règle stipule en général que le joueur ayant fait le plus de ceci ou cela remporte la partie, les autres perdent. Maintenant il y a des joueurs qui y voient un classement (qui n'existe pas) et qui ne vivent que pour une chose : être bien classé et se contenter par exemple d'une seconde place... donc au lieu de jouer le jeu et d'essayer d'être premier, ils vont se contenter d'entretenir leur seconde place et ne vont pas faire évoluer le jeu comme ils le devraient. Là c'est sciemment qu'ils pourrissent le jeu en lui faisant prendre une orientation qui n'est pas prévue à l'origine. Je ne parle pas de pourrir constamment le joueur en tête quelle qu'en soit la raison, mais bien de faire en sorte d'être premier et donc de jouer intelligemment.

Je ne vois pas en quoi essayer d'obtenir le meilleur classement possible à la fin de la partie ne serait pas une attitude valide et serait "ne pas jouer le jeu", "pourrir le jeu" et ne pas "jouer intelligemment". Si tu estimes que tu ne peux plus obtenir la victoire, ça me paraît être le réflexe le plus naturel qui soit d'essayer de te classer au mieux, quelles que soient les conséquences de tes coups pour les autres joueurs. Vouloir à tout prix handicaper le joueur en tête sous prétexte qu'on ne peut plus gagner me semble au contraire faire preuve d'un esprit d'antijeu. Pour moi, dans les jeux qui s'y prêtent, il y a bien un classement final. Je préfère nettement être second que dernier. Il n'y a pas que la victoire absolue qui compte. C'est juste ce vers quoi on doit tendre en pratiquant un jeu, c'est la base du "contrat" passé implicitement entre les joueurs, mais ça s'arrête là. Après, c'est effectivement une question de philosophie personnelle...

Si vous jouez souvent avec les mêmes joueurs, quelle réputation vaut-il mieux avoir?
Celle du joueur éthique qui jouera pour ne favoriser personne à la fin de partie s'il est largué.
Ou celle du rancunier qui fera tout pour faire perdre celui qui a provoqué son retard.
Personnellement si j’hésite à lancer une attaque entre les deux, c'est le joueur éthique qui fera l'objet de mon choix, il me fera moins peur sur la fin.

Si je ne me trompe pas c'est Machiavel : mieux vaut être craint que respecté.
Quand on n'a pas le luxe de pouvoir prétendre aux deux. :mrgreen: :^:

Djaian dit:Ok, on a le droit d'agir ainsi, mais on ne peut pas exiger des autres joueurs qu'ils suivent cette "éthique". Ce n'est pas interdit de "mal jouer", d'en avoir marre d'une partie où l'on ne peut plus gagner et de faire un peu n'importe quoi. Il n'est pas interdit de favoriser un joueur plutôt qu'un autre. Je comprends la frustration qui peut en découler pour celui qui est lésé, mais ma foi c'est comme ça. Pour moi, cela fait partie du jeu. C'est clair que certains jeux demandent un certain investissement en temps et en réflexion, et que c'est frustrant de voir que finalement c'est le comportement non-optimal des autres joueurs qui décide du résultat. Mais on ne peut rien y faire. Les interactions entre joueurs parfois pour des raisons "hors du jeu" sont inévitables.
Pour éviter cela, il faut jouer à des jeux où l'avance des joueurs est cachée, où tout reste possible jusqu'à la fin, etc. Mais il y a des jeux où les situations de kingmaking sont possibles, voilà, c'est comme ça.
Et si vraiment vous ne pouvez vivre avec cette frustration passagère, jouez aux échecs ou au go, ainsi vous serez seul responsable de votre défaite.

Ah là pas d'accord du tout. Pourrir volontairement une partie sans raison valable, c'est juste un manque de respect envers les autres joueurs. Quand je joue, c'est justement pour déconnecter un peu de la réalité. Je déteste quand des considérations « hors du jeu » interviennent dans une partie. À un point où je me méfie énormément de « l'interaction » dans les jeux (à plus de deux joueurs bien sûr) qui se veulent stratégiques.
Les points de victoire cachés, c'est un peu une fausse solution. Avec un peu de mémoire, on sait très bien qui est en tête. J'ai même connu des joueurs capables de mémoriser au point près les scores à Tigre & Euphrate ou Funkenschlag (sauf que du coup ils jouaient tout lentement, on a fini par jouer à points ouverts pour gagner du temps). La vraie solution, c'est d'encadrer les interactions et promouvoir des mécanismes qui incitent à jouer de manière plus objective. À Age of Steam par exemple, un jeu qui offre d'horribles possibilités de Kingmaking, ça se passe généralement très bien parce qu'il est souvent possible de justifier tel ou tel trajet de manière objective.

Un jeu de développement sans interaction alors ?
Que plusieurs joueurs se mettent sur un seul, à al limite ça me dérange pas si le joueur tout seul peut malgré tout s'en sortir avec un peu plus de difficulté.
Sinon ça m'ennuie cet argument passe partout "mais c'est une chose qu'on sait avant de commencer, il faut le prendre en considération".
C'est trop facile.
Ok quand on joue, faut s'amuser, et si on gagne, c'est mieux mais même quand on gagne pas, savoir après 1 ou 2 heures de parties que tout ce que tu as fait ne sert au final à rien à cause d'un détail à la con, il y a plus d'amusement mais de la frustration !