Les auteurs à plein temps

Il ne faut pas oublier que le statut ne sert pas seulement à ceux qui en vivent. L’idée c’est d’être couvert dès la première œuvre publiée.

(On peut jouer à un autre jeu : quels sont les auteurs qui vivent sur les royalties d’un seul jeu/licence ? 
Moi j’ai Tom Vuarchex, débrouillez vous pour trouver les autres)

@Gabriel Ombre: On est clairement pas surpris par les mêmes choses toi et moi.
Moi ce qui me surprend, c’est qu’en 20 ans d’existence du jeux de société modernes, il n’y a pratiquement aucun formalisme sur le game design dans cette discipline (en France), aucun partage. Alors sûrement qu’avec ton statut d’auteur de jeu, tu considères que c’est tout à fait normal et que tu t’en satisfait. Et bien ce n’est pas mon cas.

Pour argumenter ton propos, tu prends comme exemple les cours d’écriture en Angleterre.
Alors permet-moi de donner en contre-exemple la formalisation du game design dans le jeu vidéo. Depuis 20 ans que le jeu indé s’est démocratisé (même période que le JdS moderne), il y a une très grosse communauté qui s’est développée et qui partage ressources, analyses, trucs et astuces, conseils, … Il suffit d’aller sur Youtube pour se convaincre de la richesse du contenu partagé dans ce milieu (de l’analyse de Game Design, des retours d’expérience, de la création en direct, des cours, des conférences du GDC qui touchent l’entièreté du spectre du JV, du partage de trucs et astuces,  des outils des techniques, …).
Le jeu vidéo n’a jamais été aussi riche et créatif qu’aujourd’hui, grâce justement à la montée en compétences des créatifs indés.

Donc tes craintes comme quoi tous les jeux risquent de se ressembler si on commence à formaliser et à s’échanger les choses, je ne les partage absolument pas. Au contraire, je crois que c’est en discutant, en partageant, en s’exprimant, en échangeant, en débattant, en formalisant … que le JdS grandira et qu’on verra émerger de nouvelles idées, de nouveaux concepts, de nouvelles créativités. C’est quand les gens commencent à partageer qu’on repousse les limites. Pour moi, c’est un signe fort qui montre la vitalité d’un milieu. J’aime bien appelé ça: le bouillon créatif.
C’est d’ailleurs la réflexion que je m’étais faite lorsque j’ai découvert, pendant la pandémie, le milieu de la fiction interactive. Pour ceux qui ne connaissent pas, on peut résumer ça comme la modernisation des “livres dont vous êtes le héros”. Et bien j’ai été surpris de découvrir un milieu vivant fait de partages, de conseils, de techniques, de formalisation, … Et ça m’avait immédiatement frappé comparé au milieu du JdS.

Fondamentalement je n’ai rien contre le statut d’auteurs, mais j’ai l’impression qu’il à tendance à favoriser l’entre-soi et le réseau, qu’il entretien un certain élitisme avec cette vision que les bons jeux ne sont que le fruit de la fantastique créativité des auteurs et qu’au final ça maintient un statu-quo qui empêche les créatifs de monter en compétences.

Je suis persuadé que partager et formaliser permettra l’émergence de jeux de meilleurs qualités, de plus de créativité, et de la montée en compétence des boardgame designer, et donc naturellement de leur professionnalisation.

Je ne suis pas auteur de jeu :wink:

Pour le jeu vidéo, n’étant guère un spécialiste du genre, je vais m’abstenir. Néanmoins, l’apparition dans le processus de création du jeu de l’élément économique comme moteur de la progression, par exemple, le modèle des micro transactions des jeux mobiles de plus en plus sophistiqués me laisse perplexe puisqu’il aboutit à une certaine dépendance du joueur par la frustration que le jeu entretient. Hormis ce côté peu réjouissant, le jeu vidéo montre effectivement dans le milieu indépendant qui veut percer une grande dynamique.

Mais la question fondamentale, c’est quand même la protection juridique des auteurs.

Ensuite, je suis d’accord que dans le domaine de l’édition il y a un élitisme certain assez peu partageur et qu’il est difficile de se faire éditer.

Daniel Skjold Pedersen et Asger Granerud.

Ensuite, je suis d'accord que dans le domaine de l'édition il y a un élitisme certain assez peu partageur et qu'il est difficile de se faire éditer.

Édition de livre. (Et pareil pour l'édition musicale et cinématographique)
Pour les jeux je suis moins d'accord. 

@Rodenbach: Pour les jeux de société, c’est l’inverse.
Le milieu de l’édition est très ouvert (car ils sont à la recherche de la bonne affaire), mais c’est le milieu de la création qui est élitiste.
Et si tu n’es pas d’accord, prouve-le moi. Comme je l’ai dit, il n’y a pratiquement aucun partage ou formalisation.
Tu trouves peut-être que c’est normal, je te garantie que ça ne l’est pas, surtout considérant que ça fait 20 ans que le JdS moderne existe.

Et encore une fois, il suffit de regarder dans tous les autres domaines créatifs (JV, musique, cinéma, photographie, dessin, animation, …) pour se rendre compte des communautés qui se développent et qui partagent leurs connaissances.
J’ai pris l’exemple du JV car c’est quelque chose que je suis un peu, et je peux donc te citer une dizaine de sources différentes qui partagent ou qui parlent de game design (les vidéos du GDC [EN], Doc Géraud [FR], la développeuse du dimanche [FR], Game Maker’s Toolkit [EN], le streameur At0mium [FR], le tchat et le discord de Gamecodeur [FR], la chaîne Noclip [EN], le streameur EncreMécanique [FR], la chaîne Game Next Door [FR], et beaucoup d’autres en anglais).

Dans le JdS, si tu veux apprendre, faut que tu apprennes par toi-même parce que il n’y a pas de formalisation.
Les carnets d’auteurs c’est sympathique, mais ça reste pratiquement tout le temps en surface, à parler de l’histoire du jeu plutôt que de la création à proprement parler.

Et c’est assez simple de prouver que j’ai raison: il n’y a qu’une vingtaine d’auteurs qui vivent aujourd’hui de leur métier en France. Si ce chiffre est exact (il reste à confirmer), alors il met fin à toute discussion concernant l’efficacité de ce système.
Formalise les choses, transmet et tu verras que beaucoup de créatifs vont débarquer.

D’ailleurs j’ai remarqué quelque chose d’assez amusant.
Quand un musicien créé une chaîne Twitch, il fait de la musique.
Quand un programmeur créé une chaîne Twitch, il fait de la programmation.
Quand un dessinateur créé une chaîne Twitch, il fait du dessin.
Quand un groupe d’auteurs de jeux (la Cafetière) créé une chaîne Twitch, ça papote actus, repas du midi, anecdotes personnelles, festivals, voyage, … bref TOUT sauf de création de jeux.

Il n’y a aucune méchanceté dans mon message. Juste une certaine déception.
En réalité les auteurs de la Cafetière font bien ce qu’ils veulent.

Le seul qui fait des choses dans ce sens, c’est Théo Rivière. Et même si je ne suis pas convaincu de son format Prototips à l’heure actuelle, qui a tendance à rester en surface et fait peu d’analyse du jeu en lui-même, la démarche est à saluer et va dans le bon sens.


@Gabriel Ombre: je ne dis pas que la protection juridique de l’auteur n’est pas importante, je dis juste que vouloir promouvoir un statut qui ne concerne qu’une vingtaine de personnes à temps plein me semble assez secondaire. Je trouve ça plus pertinent d’encourager la formalisation et la transmission pour que se développe des techniques, des outils et des compétences, ce qui permettra à plus de personnes d’accéder à ce métier, et donc d’avoir plus de poids lors de la reconnaissance de ce statut.

Concernant les micro-transactions et les lootbox, c’est effectivement des pratiques assez sales qui se généralisent, tu as raison. Mais attention à ne pas confondre ça avec la richesse créative qu’on trouve dans le monde de l’indé. Le mobile est assez particulier pour ça effectivement, à cause de son modèle économique, mais sur des plateformes plus “classiques”, comme Steam par exemple, les jeux indés apportent beaucoup de fraîcheur et de nouveautés. D’ailleurs il y a le Summer Game Fest en ce moment, et là où il y a le plus de jeux originaux et différents, c’est bien du côté des jeux indés.

Maublanc ?

P’tet…

Pour répondre à la question initiale, je balance des noms mais je ne sais pas si c’est des auteurs à plein temps:

_ Ludovic Maublanc
_ Corentin Lebras
_ Maxime Rambourg
_ Bruno Faidutti
_ Phil Vizcarro
_ Charles Chevalier
_ Cédric Chaboussit

Bruno Faidutti continue d’enseigner (l’économie, il me semble ou alors l’anatomie des licornes surprise)
Pour les autres, je ne sais pas.

Charles Chevalier est toujours… architecte ? il me semble.

Ça m’étonnerait que Cédric Chaboussit puisse en vivre avec le peu de sorties à son actif. Pareil pour Rambourg.

♫ Un auteur à plein temps
Un auteur à plein temps
C’est beaucoup moins fréquent
Mais tout aussi charmant
Qu’un auteur à mi-temps
Un auteur à plein temps ♫


(Nos auteurs sont loin d’êtres des brêles en tous les cas)

gr_eg dit :
Potrick dit :Je me demandais qui sont les auteurs à plein temps, ceux qui ont abandonné leur boulot pour se consacrer à la création ludique à plein temps.

C'est une bonne question.

J'avais vu sur un blog (donc l'info est à prendre avec des pincettes) qu'il n'y a, en France, qu'une vingtaine d'auteurs de jeux qui vivent de leur métier. Si ce chiffre est confirmé, ça me fait dire que le combat de la SAJ pour la reconnaissance du métier d'auteur de jeux sert un peu à rien (à vingt personnes près).
Je trouverai beaucoup plus pertinent que la SAJ produise du contenu pour élever le niveau des auteurs (pour les rendre plus professionnel), en commençant à parler de game design (mot qu'on entend pratiquement jamais dans le JdS français).
Par exemple:
_ en développant des outils et des techniques sur le game design
_ en partageant des trucs et astuces de game designer
_ en essayant de répondre à des questions intéressantes telles que:
        • Comment créer de l'interaction dans le jeu?
        • Comment supprimer l'effet joueur alpha dans un jeu coopératif?
        • Sous quelles formes ludiques peut-on poser des limites aux joueurs?
        • Comment limiter les phases d'entretien dans les gros jeux?
        • Comment créer un sentiment de montée en puissance
        • ...
_ en commençant à parler des sensations dans le jeu. Ce qui devrait être la base de la création plutôt que le sempiternel triptyque mécanique-thème-matériel, car un jeu est avant tout une affaire de sensations, d'expérience de jeu. Et qui dit expérience de jeu, dit joueur. Donc d'avoir aussi une réflexion sur l'importance de mettre l'expérience du joueur au centre de la création
_ en créant des outils pour avoir une créativité de meilleure qualité.
_ en essayant de développer le format PnP (print n' play):
        • format qui serait pertinent pour tout un ensemble de jeu (les petits jeux de cartes par exemple)
        • qui permettrait potentiellement de mieux rémunérer les auteurs (en permettant d'avoir en complément de la version physique et d'une rémunération à hauteur de 5 à 8%, une version PnP où l'auteur pourrait toucher 50 à 70% du prix, avec bien évidemment un prix réduit pour ce format)
        • en raison de l'augmentation du coût de la vie, du coût de l'énergie et du coût des matières premières, le PnP pourrait être une alternative intéressante pour ceux qui n'ont pas beaucoup d'argent.
_ ...

Bref, s'il n'y a vraiment qu'une vingtaine de personnes qui arrivent à vivre du métier d'auteurs de jeux en France, alors je pense que c'est plus prioritaire et surtout plus passionnant de développer le game design du JdS (on pourrait même parler de 'board game design'), plutôt que de vouloir promouvoir un statut qui ne profitera qu'à une microscopique minorité.

Des choses intéressantes. Je ne sais pas comment c'est transposable au jds. Le Pnp je ne suis pas sûr que ce soit vraiment rentable : j'en ai fait un peu , c'est beaucoup de taf de découpage ,  impression , et un certain coût si on veut avoir un matos un minimum correct. Différent du jeu vidéo ou de la musique où le téléchargement peut donner une image parfaitement identique au produit d'origine.

Par contre un truc équivalent à voir comment ça se développe, c'est BGA et la rémunération du jeu en ligne.

 

Je ne sais pas si c’est leur seule activité mais deux qui pourraient en vivre :
Hervé Marly
Sylvie Barc

Philippe dès Pallières aussi

Et il me semble que Bruno Faidutti est toujours prof par choix mais qu’il pourrait vivre de ses droits d’auteur.

Transludis et Znokiss, vous êtes géniaux :slight_smile:

prunelles dit :
Et il me semble que Bruno Faidutti est toujours prof par choix mais qu'il pourrait vivre de ses droits d'auteur.
 

C'est bien ça, avec Citadelles il pouvait largement prendre sa retraite, mais il a choisi de continuer le métier d'enseignant.

Pour Christophe Boelinger, je ne sais pas trop où il en est, mais a priori il rentre plutôt dans la case des auteurs-éditeurs vu qu'il avait sa propre maison d'édition avec Ludically (ce qui ne l'empêche pas de faire des jeux avec d'autres éditeurs de temps en temps).

Ludically je ne sais pas si c’est toujours en activité. Ça remonte à quand leur dernier jeu ?1

Rodenbach dit :Ludically je ne sais pas si c'est toujours en activité. 

Funny you should ask. 
Leur prochain jeu arrive bientôt sur Kickstarter.
https://www.kickstarter.com/projects/ludically/rise-and-fall-0