Les Carnets de Tom’ - (Chroniques, Récits, Élucubrations et Inepties...)

Carnets Tom

Les Carnets de Tom’ - Page 1
Chroniques, Récits, Élucubrations et Inepties…

“Un soleil de Novembre”

Il faisait un froid de Novembre, un froid de saison, le soleil perçait dans la maison,
comme un appel
Résonnait alors ce conseil de mon ex-femme vue la veille : sortir me reconnecter à la Nature,
car elle savait le bien que cela me faisait
et puis elle avait perçu ce signe parmi d’autres…

J’avais du travail à la maison, le genre de travail qui rapporte un petit chèque, j’avais donné une date de remise du boulot.
mais bon, il faisait si beau…

Alors, je me suis habillé de circonstance pour parcourir les sous bois et chemins boueux dont j’ai la chance qu’il me soit accessibles immédiatement à pied.
Un pantalon d’randonnée, un sweatshirt vert à capuche une taille au dessus (pour être à l’aise pour le bricolage à la base), une veste polaire kaki à capuche itou, une paire de pompes de rando Quechua et une casquette informe…
A peine sorti de chez moi, je rentre dans le sous-bois, un chemin sous les frondaisons assez court mais instantanément, je sens que ça m’fait du bien, j’enquille un chemin herbu à découvert qui mène jusqu’au stade de foot. L’air est vif, l’herbe mouillée, le soleil perce la froideur de Novembre et j’entends au loin des ados au city stade qui jouxte les terrains en herbe tondus de frais.

Aux abords de la clôture du stade, des sangliers ont défoncés le chemin, j’aperçois un employé municipal qui pousse une carriole antédiluvienne destinée à tracer les lignes du terrain, j’actionne une espèce de grille bricolée dernièrement semble t’il pour empêcher les cochons de fouir le gazon sportif. Arrivé à l’aplomb d’une ligne de poudre blanche, je me fends d’une vanne concernant la rectilignité de la chose ayant rapport à un supposé apéro, loin de s’offusquer, le municipal s’approche pour discuter le bout d’gras sur les taupes, les sangliers et la légèreté qu’il accorde à sa tâche.
Le soleil lui fait fermer un œil, je lui regarde son œil ouvert au milieu d’une mine fatiguée par les années, coiffée d’un bonnet de ski défraîchi mais criard ne lui ayant pour autant pas épargné une goutte au pif jouant au yoyo.
Nous nous quittons sur des banalités réconfortantes et je me dirige vers la sortie ; Ce faisant, je passe devant le city stade où j’observe un rituel inhabituel : le jeune se préparant à tirer un penalty enchaîne les pompes (sans doute pour déstabiliser son adversaire) avant de se foirer lamentablement.

Me voici remontant la rue principale désormais, et je m’arrête quelques secondes devant cette grande baraque en vente depuis près de 10 ans à un tarif prohibitif et irréaliste, pensez donc : en pleine rue passante, face au terrains d’foot où ça gueule le dimanche et les mercredis d’entraînement avec tout le rafraîchissement à refaire la d’dans ! le feutre du numéro de téléphone de la pancarte s’efface doucement, les pancartes des agences immobilières se décolorent … le bitume rouge de l’entrée qui faisait si chic est rapiécé de béton ça et là …
Bref, je continue ma route, pressé de quitter la civilisation et de monter dans le bois par un chemin proche.

M’y voici enfin, les premiers mètres sont comme la plupart des gens : degueulasses.
Sacs poubelles, canettes … mais j’ai connu pire et ce chemin est somme toute assez correct quand on s’y enfonce, excepté toutefois que de récents travaux (au black) de coupe de bois l’ont totalement massacré. Ce n’est qu’ornieres inondées, boues grasses et branches éparses commises par des branleurs qui sont juste venu faire du fric à la tronçonneuse (même le dimanche). Mes godasses font le job et j’arrive à dépasser le segment défiguré pour apercevoir la portion restée belle et naturelle qu’éclaire un soleil prometteur m’attendant en plaine.
Ce soleil est comme un appel, je suis sorti pour lui, pour le rencontrer en rase campagne, qu’il me raconte les feuilles orangées qu’il éclaire par le dessous et les herbes tendres qu’il réchauffe de ses pâles rayons hivernaux.
Nan vraiment, j’en suis content d’mes godasses ! je m’étais gourré en les achetant cet été, j’avais pas vu qu’elles étaient imperméables et épaisses, du coup, j’avais transpiré dedans et m’en était acheté d’autres plus légères, mais là ! elles sont impeccables, je foule les chemins et prés détrempés en restant tout à fait au sec dans des baskets ! et au chaud aussi. Je vous les recommande (ce qui est une façon de parler car je n’en mettrai pas de lien.

Me voici rendu à un tournant, je le connais bien ce virage en plaine, il précède une lisière de sous-bois et va me ramener sur le chemin du retour, je le connais bien , car en VTT, il suit une légère montée en herbe et précède souvent un long chemin plat mais en vent de face, toujours en herbe. Ce chemin est beau, j’entends par là que les tracteurs ne le marquent pas, il ne doivent pas y passer je pense. Je repère des traces de fers à cheval (il y a des bourrins partout dans ces plaines, et un centre équestre dans les parages) et aussi des traces de cervidés, mais je remarque comme une patte de loup ! j’ai lu dernièrement que le loup est partout en région, partout, c’est pas des blagues ! Aperçu à Reims, mais aussi dans la Somme ! Je me surprends à me retourner quelques fois et en rigole tout seul.
La civilisation résonne au loin, quelques motos tout-terrain se font entendre, je souris en pensant que des mômes font encore les cons loin des écrans et smartphones…, entre-temps je suis arrivé sur une portion de chemin que les tracteurs empruntent, mais ça reste tout à fait praticable à pied. C’est alors que je remarque un arbre remarquable au loin (ce qui est sa destinée remarquez), il est vraiment plus grand que la ligne de crête, on dirait un résineux, je le prend en photo pour tenter de le localiser via google et aller le visiter, j’essaye de prendre des points de repères et je remarque alors la triangulation des antennes relais ! nous sommes cernés ! J’habite dans une vallée où coule une rivière et bien entendu, lorsque l’on s’éloigne de dite vallée, on grimpe des collines larges, des plateaux ; Du haut de ma promenade, je surplombe la vallée et peut aisément contempler les paysages qui s’élèvent de part et d’autres de la rivière … et les antennes relais. A tout prendre, je préfère ça aux éoliennes moins discrètes qui se campent en troupeau.
Puis, juste devant moi, comme un grand rectangle oublié, s’étale un champ bizarre … je ne suis pas scpecialiste des cultures, mais cette plante ne m’est pas familière … et pis y’a des tiges folles rebelles qui s’elancent au dessus de cette intriguante colonie rougeatre. Je suis touché par ce spectacle quasi post-apo (c’est l’idée que j’en ai eu) et je le prends en photo. Je n’ai pas la présence d’esprit de googliser le bordel pour savoir ce que c’était mais peu m’importe en fait sur le moment.
Je reprends mon chemin.

J’aperçois bientôt une pierre blanche presque cubique qui détonne sur le côté du chemin d’ornières boueuses, en m’approchant je distingue qu’un petit mammifère (sans doute un renard) y a fait trôner son étron, comme une fierté, une exposition, une oeuvre ; Mes pensées vont à Cloaca pour le côté arty mais je ne sais si je dois en sourire ou pester contre si peu d’égard de la faune envers le promeneur… bah, après tout nous sommes chez eux non ?! … alors s ‘ils veulent y foutre le bordel et laisser traîner les chaussettes …

Sortant du chemin qui s’est progressivement changé en pierreux, j’avise une curiosité qui n’est pas sans faire écho avec ma reflexion ci-dessus … un lopin de terre planté d’arbres avec une méchante cabane en bois est farouchement défendu par un double portail, il faut comprendre en cela qu’il y a 2 portails l’un derrière l’autre. Voila un sens exacerbé de la propriété. ils sont aussi bas l’un que l’autre mais je conçois que ça peut dérouter l’envahisseur.

Je m’apprête à rejoindre une intersection lorsque débouche de la gauche une promeneuse, elle continue son chemin tout droit ; elle ne m’a pas vu car je fin de mon chemin est encaissé de talus.
Damned ! Que fais je ? je me laissais le choix de continuer par la droite pour prolonger dans les champs et pâture à chevaux en une boucle, mais elle s’y engage !
Si je la suis, elle pensera que je la suit ! imparable, et je n’ai pas envie de forcer le pas pour la dépasser, et quand bien même je le ferais juste histoire de passer en tête, mon allure baguenaude va me faire m’arrêter à tout bout d’champ pour regarder un caillou qu’aurait une drôle de forme, admirer une trace de tracteur dans la boue ou encore zieuter 2 mouches copuler sur un tas d’fumier … et donc, ce serait extrêmement gênant de la dépasser à nouveau et encore et encore. ha bon sang !
Je pourrais engager la conversation et ainsi finalement régler mon pas sur le sien cela dit, mais alors ce serait faire une croix sur les mouches… et peut être l’indisposer dans sa quête de balade tranquille … bon, finalement je continue tout droit et la laisse à sa solitude de chemin.

Du coup, me voici revenu sur le goudron en une longue pente descendante vers le bourg, je nettoie mes chaussures toutes crottées dans l’herbe grasse des bas côtés, elles sont chouettes mes pompes, vraiment un bon achat (et pas cher), imperméables, confortables et tout, faudra que je laisse un avis élogieux sur le site de Decathlon, hé, chuis pas un locdu moi hein ! c’est le dirlol en personne qui m’envoie un mail pour savoir ce que j’en pense de ses pompes ! hé ouais !

Des fois, c’est beau l’equilibre de la nature, parce que figurez vous que comme je descend, une jeune femme tenant un beau cheval blanc par la bride remonte doucement ! Avouez que c’est troublant. Le bourrin s’appelle Camajon, je discute quelques secondes avec sa propriétaire pendant qu’il broute consciencieusement le talus pourtant fraîchement tondu à cet endroit.
Je suis frappé par une chose assez inhabituelle vous allez en convenir : cette jeune femme sent le frais, un parfum délicat, entendez par là qu’elle ne sent pas le bourrin ! c’est assez rare pour le souligner et puis bon voilà quoi, je vais pas m’extasier plus que ça, mais rencontre sympathique tout de même.

Je continue ma descente, la balade touche à sa fin, j’atteins des trottoirs… des trottoirs de cambrousse qui longe une ferme, mais ce sont tout de même des aménagements qui trahissent la civilisation circulante à chaussures voulant rester propres.
Il me vient alors un poème que j’envoie illico à mon ex (avec laquelle j’ai gardé de très bonnes relations)… qui l’adore dans la foulée.
Cette fois, je suis en plein centre, je jette un coup d’œil à l’armoire Fibre dont j’ai remonté les portes cassées l’autre jour de plein vent. ok, les portes sont toujours là.
Je croise 2 femmes dont une rousse, me retourne sur elle, je jette un coup d’œil dans une vitre de voiture pour voir mon allure : ainsi vêtu, je ne ressemble à rien … je choisis de rentrer chez moi par le chemin d’herbe qui contourne l’arrière de la maison plutôt que de passer par la rue, c’est bon, j’ai vu assez d’humains pour aujourd’hui sans blague !

Mon chat me capte au portail et je me demande si je vais finalement éplucher les topinambours que m’a donné la voisine il y 3 semaines …

Le soleil commence à raser les collines.

Tomfuel.

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Merci pour ce partage. Sans trop savoir expliqué pourquoi, ça fait du bien… réchauffé par les rayons du même soleil.

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Décembre 2024

Voila, j’y suis

Je ne sais pas trop où me mettre pour le moment, une table, une chaise, un fauteuil fatigué, une télé au mur, une large fenêtre donnant sur un grand hall en contrebas et sur d’autres fenêtres en vis-à-vis ; Mais surtout ce lit, ce lit très imposant, très présent, entouré de barres, et des télécommandes, des tuyaux et prises.

Je suis dans une chambre individuelle, exactement ce que j’espérais de tout cœur, au téléphone on m’avait dit qu’il y avait très peu de chance d’en obtenir une, mais j’ai l’impression que dans ce service, elles sont toutes individuelles en fait.

J’ouvre le placard, les infirmières me font signer des papiers, m’en réclament aussi, je place mon sac à dos sur les étagères, inspecte la fermeture et mon cadenas, et visite le cabinet de toilettes.

Je regarde un long moment le va et vient du hall depuis ma fenêtre en surplomb, je suis au 3eme étage, en chirurgie plastique.
Des gens pressés, des éclopés, des gens en blouses, des familles qui posent un cul sur des bancs, ça va, ça vient, ça vit.
On m’a posé un bracelet en plastique vert avec mon nom et un code barre.

Tout a commencé par un grain de beauté qui avait changé de couleur, une recherche de dermato où mes plongées entre les avis négatifs et les ceusses qui ne prennent plus de nouveaux patients m’ont fait baisser les bras, fermer les onglets et tracasser le moral.

S’écoulent les mois

Non, vraiment il a trop changé ce foutu grain de beauté, je prends rendez-vous sur Doctolib en dermato hôpital et mon médecin traitant dans la foulée pour avoir un sésame à brandir.

S’écoulent 2 ou 3 mois …

Le jour du rdv, tout s’emballe … le dermato remplaçant (un jeune) n’aime pas du tout la tronche de mon affaire ! il veut le virer au plus vite, il me donne un rdv dans un autre hosto où il va virer le truc dès la semaine suivante.

Chose faite, me voici allongé sur sa table et le voici tout occupé à jouer du scalpel et du fil à raccommoder les bobos avec son assistante. Un gros pansement là-dessus et une liste de soins à faire tout seul comme un grand.

  • Sur le tibia comme ça m’sieur, c’est pas facile, y’a pas beaucoup de peau pour rapprocher les plaies, pis vous êtes sec, on peut pas tirer sur le gras non plus,… faites attention aux fils après ; on va analyser le prélèvement et on vous dira les résultats et s’il y’a une suite à donner
  • Quelle suite ? m’étranglé je
  • Bah si c’est pas bon, faudra en enlever plus, découper plus large, par sécurité
  • Ha ! et je reviendrais ici ? je verrais ça avec vous ?
  • Ah non ! là c’est de la chirurgie ! Mais je vous tiendrais au courant

S’écoulent les semaines …

Et puis un coup de téléphone, au boulot, …

  • « C’est pas bon, … Amiens va vous appeler pour vous donner un rdv, ils vont tout vous expliquer, ils vont découper et après, ce sera une surveillance tous les six mois »
  • Ah bon ? euh … ok

Le jour suivant … au boulot

Allo Mr Tomfuel ? c’est le CHU d’Amiens, je vous donne un rendez-vous pour une consultation en chirurgie plastique, vous avez de quoi noter ?

Je recevrai un mail.
Quelques jours après, me voici pénétrant dans ce grand hall que j’observerais 2 semaines plus tard de ma fenêtre… je me dirige vers un guichet encombré de patients, mon guichet à moi est plutôt fluide. Papiers, mutuelle, carte vitale, nom prénom et âge du capitaine, salle d’attente n°4 ; Plus un siège de libre, les gens viennent accompagnés, ça patiente, ça a prévu l’attente en se munissant d’un bouquin, ça fait défiler des écrans sur leur portable, ça s’regarde aussi… ça s’distrait en écoutant les brancardiers d’ambulance qui braillent dans les étiquettes à mémé pour s’faire entendre, pour se faire payer aussi ; y’a des lits qui passent. Ah j’vous jure, dire que je devrais être au boulot ! et je suis aux spectacles de mes contemporains qu’ont un pet d’travers !
On fait entrer un vieux à côté de moi qui avait essayé d’engager la conversation dans une pièce, suivie de près par une blouse blanche, il en ressort quelques temps après avec un bout d’pif en moins et un gros pansement…

C’est mon tour !

La toubib me demande mes résultats d’analyse

  • Ha mais j’ai rien moi ! on m’a rien donné et je n’ai rien reçu ! que je lui dis
  • Bah comment je peux traiter votre dossier, y’a rien sur l’informatique
  • Ah bon ?! mais je sais pas moi, on m’a rien donné ! (en moi-même, je me file des coups d’lattes au dargeot de pas avoir eu la présence d’esprit de les demander à mon dermato)
  • Ha bah attendez, c’est quoi ça ? dit-elle en avisant deux photocopies de mauvaise qualité sous son coude … les voilà !
  • Ha formidable ! vous les aviez sous l’coude quoi !
  • Oui ! bon … ben c’est pas bon votre affaire, c’est un mélanome

Allez boum, remballe ton espièglerie le Tom’, je m’enfonce lentement dans mon siège … il faut savoir que je suis un chiasseux téméraire, j’ai la trouille, je veux pas en savoir plus, je veux pas savoir, ça m’rendrait malade ! par contre, je fonce !

  • Enlevez-moi tout, le plus tôt possible !
  • Oui bien sûr, faites-moi voir ça

Je relève la jambe de mon pantalon dévoilant un combiné tibia-mollet magnifique. Loin de défaillir devant cette beauté de la nature, elle fait la moue.

Ha, ça va pas être facile ici, sur le tibia, y’a pas de matière ! On va creuser, mais y’a l’os tout juste là !

Et la voilà qui me déballe toutes les complications et conséquence d’une greffe de peau si près de l’os et que c’est tout tendu d’peau dans la région et que j’ai pas assez d’gras…

Elle retourne s’assoir à son burlingue, j’encaisse le coup. Elle me dit qu’elle va faire scanner mes analyses pour les cloquer dans mon dossier et que je dois me rapprocher du secrétariat pour un rendez-vous avec l’anesthésiste.

  • Est-ce vous qui allez m’opérer Docteur ? (moi je balance les titres dans des circonstances pareilles, idem pour les avocats et notaires, j’ai toujours la brosse qui va bien pour faciliter la disposition et le discours)
  • Ah non, ce sera un de mes collègues

J’entendrai souvent à cette phrase…

Et me voici poireautant devant le secrétariat qui vient juste de tomber en panne d’informatique, ça téléphone à tout va pour débloquer le biniou, mais rien n’y fait. C’est pas aujourd’hui que mon dossier sera à jour. Je repart tout de même avec LE rendez-vous de l’opération proprement dite et l’info que je vais être contacté par l’anesthésiste pour une nouvelle visite la semaine prochaine.
Je repart au boulot un peu sonné.

S’écoulent 7 jours

Dans la salle d’attente de l’anesthésiste, je me colle dans un coin et prévoyant comme tout, je sors un bouquin épais de Edward Bunker qui m’attendait dans ma bibliothèque depuis de nombreuse années.

Tous les gens qui sont là vont se faire recoller un bout d’peau ou découper un machin. Je me plonge dans l’autobiographie de malfrat de Bunker pendant que la téloche passe Mylène Farmer et que deux lesbiennes se bécotent quelques sièges plus loin, pendant qu’un gars amoché en fauteuil discute le bout d’gras avec une infirmière qui l’a soigné y’a un bail et qui est venu accompagner son Popa qui s’est viandé dans les escaliers et qui s’est arraché la cuisse.
Le paternel arrête de gémir en jaugeant l’invalidité du gars à roulettes ; Forcement, ça remet les choses en perspectives … et pour moi aussi.

Mr Tomfuel ? m’appelle-t-on ; même s’ils ont un peu de retard, ça a l’air d’aller vite.

On me fait passer un électrocardiogramme dans une petite salle et on m’appelle dans une autre.
Me voici dans un tout p’tit bureau en face d’une doctoresse d’un certain âge, elle doit en avoir vu des douillets, elle débite sa liste de questions qu’elle doit poser depuis l’extinction des dinosaures : âge, poids, allergies, fumeur, buveur, pousseur de figs ou kubenbois ? antécédents etc …
Je passe sur la balance … punaise, j’ai perdu du poids avec cette histoire.
Elle me demande si j’ai déjà été anesthésié, pour savoir si elle doit tout m’expliquer je suppose…
Affirmatif ma Colonelle ! et ça s’est bien passé.
Sourires, courbettes, me voilà dans les couloirs vers la prise de sang cette fois.

Je m’assieds en face du sosie de Finkielkraut ! j’en fait part à l’assistante médicale de l’accueil qui vient de m’appeler, elle vérifie sur son portable et constate que voui, il en a un air. Nous rions sous cape alors qu’il n’y a rien de marrant en fait, c’est peut-être tragique pour le monsieur.
Bref, je me rassois et on appelle mon blaze aussitôt ! je me lève comme un ressort en même temps que Finkielkraut ! Imaginez la confusion : le type à le même nom que moi ! bon, ok, y’a pas qu’un âne qui s’appelle Martin ! mais tout de même ! Et là, mon esprit aiguisé prie pour qu’ils ne mélangent pas les fioles de raisin…

Je sors du service et en profite pour faire du repérage pour le Jour J, hop hop, 3eme étage par les escaliers, il y règne une réverbération qui transforme chaque bruit, chaque claquement de porte en une bande son post apocalyptique ! je dégaine mon dictaphone pour enregistrer l’ambiance et en avoir un usage ultérieur.
Le service est plutôt calme à cette heure-ci, tout le personnel que j’y croise a le sourire et me salue, j’ai un chouette sentiment qui me rassure. Je repart serein par les escaliers pour faire une vidéo cette fois.

Me voici dehors, j’avais prévu ma sortie en début d’aprèm, trop tard pour retourner au boulot à 1h30 de route. J’enquille l’autoroute et chope à mi-chemin l’aire de repos qui se présente ; Vous savez, l’aire de repos avec juste un gogue central, de la verdure et des camionneurs qui pioncent ou qui furètent dans les bosquets fertilisés au jus d’capote.
Je me gare le plus loin possible et sort lancequiner dans l’herbe propre, le soleil donne sur les verts pâturages et les zoziaux qui se foutent bien de mon infortune de santé. Je m’assieds côté passager et je déballe mes sandwichs triangles, on est en semaine et je me sens libre. J’ai même prévu une banane et un carré d’chocolat pour bien finir, c’est carrément l’orgie.

Je repart et trace la route, sur le chemin, j’en profite pour faire quelques courses ; Hé ben, même en semaine, en plein après-midi, y’a du monde !

Me voilà chez moi, mon chat se demande ce que je fout chez lui à cette heure…

Une semaine est passée, j’attends un taxi conventionné pour m’emmener because les médecins m’ont interdit de revenir post-opération avec mon véhicule…
Le voilà qui joue la Traviata sur ma sonnette ! carte vitale, mutuelle, signature facture, salutations avec le passager qui se rend au même endroit que moi et c’est parti.
Quelle crème ce chauffeur, on parle musique, ils nous passent son smartphone pour qu’on lui fasse écouter nos goûts musicaux, je joue du shazam, ça parle anecdotes aussi, bref, je ressort de la dedans avec un nouveau copain !
j’enquille vaillamment les escaliers de la reverb’ de folie et me présente au service 30 minutes avant l’heure, dans l’espoir de décrocher une chambre individuelle. Elle m’attendait.

Et me voici regardant le hall depuis ma fenêtre en fin d’après-midi, j’ai toute la soirée à passer. Je décline la télé, j’ai mon gros bouquin de Bunker, je retarde au max de me coller dans l’pieu pour lire, il m’intimide.
Alors je range mes p’tites affaires, je musarde sur mon téléphone, je manipule les mécanismes du paddock de compet’, et puis le médecin en tournée avec sa troupe entre dans la piaule. Bon, c’est une femme mais pas la même médecin que lors de ma consultation. Elle prend pas d’gant non plus pour dire les choses, je me tasse dans le plumard que je viens d’escalader…
Sortie du cortège, je me plonge dans mon bouquin dans lequel E. Bunker se révèle vraiment un jeune adulte totalement ingérable par les institutions disciplinaires. Ça s’appelle « Education d’un malfrat » et certains passages (à tabac) sont assez dures à lire dans le contexte. Et puis la bouffe arrive.
Lasagnes de saumon, compote, une tranche de pain, il est 18h30 environ. Le soir tombe rapidement, les lumières du hall en contrebas s’allument ainsi que les chambres qui me font vis-à-vis, on distingue la pale clarté des téléviseurs aussi.

Je reçois une dernière visite des infirmières qui m’informent que je dois me saquer à 5h45 demain matin, on me donne la procédure pour ma toilette du lendemain avec le produit qui va bien, ils n’utilisent plus la Bétadine. Je dois être dispo lavé, à poil pour 7H00 le lendemain, je passe le premier sur le billard.

Je passe une nuit compliquée, il y a un pot de Noël quelque part, les infirmières sont toutes excitées, y’a un va et vient incessant dans le couloir, ça parle fort, des portes claquent, un type braille quelque part à intervalle régulier ; D’ailleurs, vous remarquerez qu’il y’a TOUJOURS un type qui braille dans les hostos, je ne sais pas s’il est au même étage ou quoi, ça resonne dans la nuit surement. A minuit, ça débarque dans la chambre pour me prendre tout ce qui se consomme et me garantir d’être à jeun le lendemain.

J’essaye de dormir, mais c’est compliqué, quand je tente de me retourner, le matelas à mémoire de forme conserve sa forme justement ! et on se retrouve sur des bosses en sortant des creux, bref, pas sûr que j’aurais un jour ce genre de techno chez moi, c’est chiant en fait ! Faut pas bouger.

Moi le lendemain matin, en bon soldat, je suis prêt de bonne heure ! lavé, la blouse cul-nul enfilé, les espèces de chaussettes et bas de contention sur les flûtes ainsi que la charlotte sur le caberlot. Plus qu’à attendre.
avec mon bouquin … alors que le jour se lève tout doucement.

J’entends mon nom derrière la porte, ça toque à la lourde et un brancardier entre dans la chambre. Un gars bien bâti avec une bonne bouille, le sourire aux lèvres de bon matin.
me voilà allongé avec le plafond qui défile devant mes yeux, il fait un peu froid malgré la couverture qu’il m’a collé jusqu’au cou.
J’ai déjà vécu ça quelque fois, ça fait toujours bizarre, on se sent macchabée pour le coup, et les couloirs défilent, et des portes s’ouvrent, et ça s’croise en échangeant quelques amabilités ou blagues et vous êtes réduit a l’état de viande passive et muette qu’on trimbale suivant un trajet qui vous est inconnu.
Parole, il m’emmènerait à la déchetterie ou à la cantine du coin que je n’en saurais rien.
Enfin, nous voici arrivé à destination, une grande salle centrale où plusieurs brancards lestés de bipèdes tout comme moi attendent d’être dispatché vers les portes périphériques.

Ça me fait tout de suite penser à une gare de triage : « Untel va aller en 5, Tomfuel va aller en 9 et la petite dame là elle est prévue où ? … hé Kevin ! a va où la dame, j’ai pas l’dossier ! »

« c’est qui en 7 ? Dr Maboul ? y l’était pas en 9 Delphine ? »

  • ha non merde, j’veux pas du Dr Maboul moi ! que j’me dis intérieurement
  • c’est pas le Dr Chose en 9 alors ? apostrophe le brancardier qui me demande si je vais pouvoir me translater sur une table qu’il amène à côté du brancard
  • bah je sais pas, sur la feuille c’est le Dr Truc, répond-il à l’autre
  • oui, ça devrait aller, je suis valide et tout, je lui réponds
    et voilà que j’opère une translation vers le « billard », je suis complètement allongé sans rien sous la nuque, une putain d’position inconfortable ; Je lui dis et il me dégotte un espèce de triangle en vinyle qui me fait vachement relever le buste, je le sens moyen son machin, j’ai l’impression d’être dans mon canap’ a reluquer mon intervention … bon, il cherche autre chose, c’est l’heure de pointe dans la gare de triage, le matos s’est tari. Il finit par dégoter quelque chose qui va bien et me voilà décollant vers la porte 9 poussé par mon brancardier. Il me largue devant la porte du bloc, dans un couloir qui fait vraiment coulisses de l’affaire : pas de deco au mur, tout est fonctionnel, j’ai une vue sur une salle en face, où une myriade d’infirmières et assistant(e)s entrent et sortent chargé de compresses, bandages, zigouigouis coupants et autres matériels. Tout ça s’étalent sur des rayonnages assez denses. Tout ce petit monde s’agite autour de moi, la porte automatique du bloc n’arrête pas de s’ouvrir et fermer because mon équipage est pile devant le détecteur …
  • c’est qui qu’opère Mr Tomfuel ? entends je à la cantonade
    J’entends un nom que je reconnais, la doctoresse de ma toute première consultation, que je n’avais pas revu depuis, les docteurs tous différents s’étant succédés dans ma piaule, je tiens à le souligner.
    Bon me dis-je, elle m’avait dit que ce ne serait pas elle, alors finalement si ?
    ça commence à me gonfler un peu de ne JAMAIS avoir vu la même personne depuis que j’ai mis le pied dans cet hosto !
    et ça continue a s’demander qui va m’découper, a lire des feuilles et a aller et venir…
    Quant au passage on me demande si ça va, je leur dis clairement que je sens monter un stress pas possible. Bon, c’est normal, qu’y m’disent, il doivent entendre ça toute la journée je pense mais ils savent me rassurer en étant … naturel, ouais, c’est ça, naturel. Je sens beaucoup d’empathie autour de moi, beaucoup de bienveillance lorsqu’on me fait entrer dans le bloc. Y’a pas mal de monde en rang d’oignon, tout en blouse, charlotte, gants et masque. Ça fait son p’tit effet j’vous jure !
    On me demande ce qui m’amène. Je leur dis l’boulot à faire, certainement une vérification au carré rapport à la feuille qui m’accompagne. Ça j’aime bien, ça rassure le technicien méthodes en moi.
    Mais ça s’interroge toujours sur qui va m’opérer… ah non, ça semble être le monsieur qui réponds à l’anesthésiste apparemment.

La dame qui s’occupe de me coller dans le sirop justement me redemande mes allergies et tout le tintouin, puis on discute pratique, un peu comme le garagiste vous parlerait au-dessus de votre moteur capot levé vous voyez ?

  • Alors Mr Tomfuel, je vous propose de faire ça, parce que si je fais ça d’abord et qu’ensuite je fais ça, ça double le bordel, alors autant faire d’une pierre 2 coups, vous en pensez quoi ?
  • bah allons y pour la générale ! oui faites la totale !
    Elle me le redemande, j’acquiesce, elle interroge celui qui se tient un poil devant les autres sur la durée de la chose et c’est parti
    on me colle des produits dans la perfusion, on me rapproche un masque en silicone transparent sur le naze.
  • ça va vous tourner la tête un peu, comme si vous étiez un peu pompette, respirez bien fort et calmement, pensez à quelque chose d’agréable, pensez à quelque chose d’agréable

Je pense à ma fille, petite, qui jouait avec moi dans les forêts quand je lui faisais le monstre et qu’elle me lançait des feuilles mortes pour se défendre dans de grands éclats de rire…
Et je fais le grand plongeon dans un sourire.

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