Les expressions qui vous énervent

Juste une remarque en passant. Beaucoup de mauvais usages - anciens - sont des survivances de patois, ou de langues locales dont l’influence a laissé une marque, parfois très forte (cf. le “avec” en Bretagne, le “y” en Bourgogne, etc, etc.).

Ceci étant dit, il est effectivement crucial d’être habile dans la forme de la classe dominante (donc celui de Paris et plutôt de la grande bourgeoisie parisienne). Mais rien n’interdit de jongler avec les registres et les formes en fonction du contexte.

Hein. Quoicomêm’.

Ce n’est pas la langue des « grand bourgeois parisiens » la référence.
La référence est simplement la langue normalement employée par un prof de francais ou autre ou un présentateur du journal télévisé. C’est aussi celle des bourgeois parisiens, mais ce n’est pas la leur !
Bref, c’est quelque chose d’accessible et à laquelle tout le monde est ou peut être confronté, même si l’adopter quand on ne baigne pas dedans à la maison peut être difficile.
Évidemment, si la norme est de ne pas écouter en cours de français, de ne pas lire et si la télé est branchée sur les anges de la télé-réalité ou Hanouna, c’est mal parti.

Je me souviens qu’à la Fac, la “norme”, la “référence” pour les dictées de phonétique, c’était l’accent (ou plutôt le non-accent) parisien …
On devait écouter un prof faire sa dictée avec l’accent du sud-ouest, et transposer çà en “parisien” …

Tu expliquais plus haut qu’utiliser son parler local / générationnel / social plutôt que celui du français “normal” pouvait être un point négatif dans divers contextes sociaux

Mais si, comme tu l’affirmes, cette norme est décorrélée des structures de domination sociale, comment se fait-il que ce français “normal” ne soit pas celui des pâtres béarnais, des pêcheurs du Guilvinec ou des sabotiers provençaux ?

Sur l’accessibilité, je suis tout à fait d’accord, je n’ai d’ailleurs jamais dit le contraire.

Pourquoi le parler « normal » n’est pas celui des pâtres béarnais ? Parce que c’est celui des gens des bords de Loire.
L’histoire est ce qu’elle est.
Cela devient une histoire de domination sociale non pas parce que la bourgeoisie parle cette langue et l’impose, cela devient un outil de domination sociale parce que, depuis Villers Cotteret, 1539, le francais a été normalisé, même s’il évolue, et la bourgeoisie s’est emparée de cette langue française, par l’éducation.

Ce n’est pas la bourgeoisie qui impose sa langue, c’est l’état qui, en définissant une langue officielle pour unifier l’organisation (principalement légale) et en essayant de la cadrer (académie française, même si son action est discutable) impose une langue.
La volonté de l’état n’a jamais été d’en faire un outil de domination sociale mais un outil d’unification (un peuple, une langue, une loi).

Historiquement, un effort très important a été porté pour l’éducation : 1880, l’école est obligatoire jusqu’à 13 ans, elle est portée par « les hussards noir de la république ». Un élève niveau certificat d’étude en 1950 maîtrisait probablement mieux le francais qu’une bonne partie des bacheliers d’aujourd’hui.
Dans mon enfance (primaire, sixième), dans des écoles publiques ou la mixité sociale s’appliquait vraiment, les élèves, quelque soit leur milieu, savaient parler un francais correct et connaissaient la différence entre le parler local, l’argot, le vocabulaire generational. Ils savaient faire la différence entre la langue employee avec les copains et celle utilisée dans les rédactions ou pour parler avec les enseignants.
Ensuite, clairement, comme ce francais « correct » n’était pas utilisé dans la vie de tout les jours, il se perdait probablement.

Ce long pavé pour dire que, si la langue officielle en France, celle utile pour la loi, les contrats, les actes officiels était le patois béarnais plutôt que celui des bords de Loire, « la grande bourgeoisie » parlerait à la perfection le patois béarnais. Bref… c’est la faute à Henry IV (qui parlait béarnais mais ne l’a pas imposé) et de François 1er, qui parlait le « françoys » et l’a imposé.

Il ne faut pas confondre les causes (l’origine de la langue officielle et efficace) et les effets (la classe dominante maîtrise la langue officielle et efficace), et la contraposée : si tu ne maîtrise pas la langue officielle et efficace tu ne fais pas partie de la classe dominante.

Pourtant l’état, lui, ne pratique pas cette langue. Il utilise la langue de bois, ou la langue de vipère, invariablement, mais pas la langue française. Pourquoi ? Par méprisance ou manque de bravitude, sans doutes … :wink:

“On va pas se mentir”
"Bonjour à vous "

me gratouillent toujours un chouya :brain:

Un bon gros post, argumenté et bien ficelé ça fait plaisir.

Nous sommes, comme il me le semble depuis le début, d’accord sur l’essentiel, mais pas sur l’interprétation.

L’accord principal : le “bien parler” n’est qu’un avatar des contingences et aléas de l’histoire, et il n’a aucune supériorité intrinsèque.

Là où je diverge, c’est que je pense qu’il s’impose “nécessairement” car c’est la langue des clercs disponibles pour occuper les postes des structures étatiques à Paris (du coup pour les pâtres, pêcheurs et autre non lettrés ça part assez mal). Il aurait probablement été difficile de le remplacer par une autre forme. Après si l’état s’était organisé à Toulouse… Toujours est-il qu’il sera assez difficile de me convaincre que la variante normée de notre langue n’est pas celle de la “noblesse d’état” actuelle, et qu’elle se confond avec la bourgeoisie de l’ouest parisien (et c’est suffisamment étudié pour être a minima crédible).

Son utilisation en temps que marqueur est donc l’expression pure d’une structure de domination (prééminence) culturelle au delà de sa sphère d’origine. Le “parisianisme” pour dire un gros mot. Ou plus radical, c’est une des dimensions de la province en temps que colonie(s) de Paris comme l’avait proposé Rocard. D’ailleurs “la province”, c’est assez magnifique (plus très usité certes). Le singulier. La référence à Rome.

“un outil d’unification (un peuple, une langue, une loi).”

La “volonté” de l’état, telle que tu la décris, c’est bien la disparition des identités et des cultures locales (nos ancêtres les parisii hein). Et était-elle en accord avec celle des individus auxquels elle s’est appliquée ? Je passe les fêtes en Corse. Je suis né au fin fond de la Bretagne. Ces questions autour du langage ont laissé des traces et des rancoeurs.

On en revient à ma remarque originale sur les parler locaux.

C E que j’essaye de dire, c’est que la langue française « bien parlée » étant la langue officielle, celle du droit, des clercs comme tu le dis, etc. Elle est obligatoirement la langue de la classe dominante. Qu’elle soit le francais et pas le basque est presque un détail. Nous disons presque le même chose.

Quant à l’accord des gens sur le choix de la langue commune… m’en fout un peu. L’histoire est passée… depuis le XVI ieme siècle ! je préfère aujourd’hui une France ou tout le mode parle francais et se comprend, avec une justice en francais comprise par tous plutôt qu’une mosaïque de patois, source d’incompréhensions, avec une langue juridique comprise et accessible uniquement par une caste de lettrés. Parce que là, la différence entre ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas du tout, elle serait énorme.

Oui, les langues meurent et les civilisations disparaissent. Je ne pleure pas plus sur Le Breton ou l’occitan que je ne pleure sur le latin, le sumérien ou le hittite. Enfin, un peu plus sur le hittite parce qu’on a à peu près tout perdu.

Un jour le francais aussi mourra. Oui. Normal. Pas de quoi en faire un fromage.

"Ce jeu il est trop bon mais qu’est ce qu’il est moche " :unamused:
Ce type de réflexion m’agace …
Je me dis : encore un qui ne connait pas la goodification :roll_eyes:
Heureusement que cette phrase ne dure pas trop longtemps quand j’invite la personne chez moi :grin:

Et sinon, une résolution pour 2024, Mr “je ramène tout à la goodification” ? :wink:

Oh tu sais les bonnes résolutions à mon âge ça fait longtemps que j’en fais plus… :roll_eyes:
Par contre ludiquement j’en fais une que je suis sûr de tenir chaque année :sunglasses::
Acheter moins (de jeux), pour goodifier plus :grin: