Les jeux abstraits et moi, c’est une histoire bizarre. Comment dire? “Je les aime mais ils ne m’aiment pas” ? Non, c’est pas ça non plus.
Voilà, je suis fasciné par les Yinsh, Dvonn, Tzaar, Mana, Splits, Gygès, Twixt. Ils me font prendre du plaisir quand j’y joue. Je sens qu’ils ont en eux quelque chose de merveilleux, un secret de richesse qui ne demande qu’à être percé, mais pas trop vite. Je vois bien qu’il faut y jouer encore et encore pour les maîtriser et ça, c’est quelque chose que j’aime : rejouer pour approfondir.
Seulement, contrairement à des Caylus, des Amyitis, des Medina, des Vinci*, je n’arrive pas –et je ne me l’explique pas– à me prendre le temps d’envisager suffisamment de possibilités avant de jouer un coup, d’étudier toutes ses implications –et Dieu sait si les implications sont nombreuses dans de tels jeux. Je joue beaucoup plus au feeling car j’ai la flemme de tout prévoir*, alors que ce sont les jeux les plus calculatoires* qui soient. Et j’ai l’impression que je ne pourrais pas passer 1h30 sur un jeu abstrait, là où je tolère parfaitement bien les jeux à thème archi-plaqué (disons donc quasi-abstraits*), moins épurés, dont la durée touche ou dépasse les deux heures.
Alors suis-je conditionné par cette durée de 15-20 minutes marquée sur la boîte ou du moins pressentie (sauf Twixt qui n’a pas cette prétention) ? Ou y a-t-il une autre raison ?
Je sens que si j’arrivais à m’investir plus, ils deviendraient mes jeux préférés, comme mes objets d’idolâtrie*.
A qui d’autre ça fait pareil ?
*j’ai conscience que certains exemples ou termes utilisés à l’emporte-pièce et, si l’on veut, comme raccourcis, peuvent faire dévier le débat vers une discussion “le jeu c’est fait pour jouer au feeling, pas pour être calculatoire”, “je ne vois pas ce que fait Vinci dans cette liste” ou encore “pour parler de quasi-abstrait, encore faut-il définir la frontière entre l’abstrait et le non abstrait”. Il ne s’agit pas de ça ici, ne jouons pas sur les mots. Je souhaite juste trouver une explication au paradoxe entre mon admiration pour ces jeux épurés et pourtant éblouissants de richesse et mon incapacité à me donner pleinement à eux.
beri dit:
A qui d'autre ça fait pareil ?
sur un nouveau jeu de ce style, ça peut me le faire oui
perso je fais confiance à l'expérience, plus j'y joue et plus je connais les coups à faire et tactiques à avoir, mais au final je ne passe pas trop de temps (et encore moins qu'au début) à faire mon coup...
je suis aussi fasciné par ces jeux (pas ma femme malheureusement...

ma ptite pierre

je vois 2 raisons possibles :
- les jeux abstraits font souvent appel à une logique spatial, là où des jeux comme Caylus font appel à du calcul. Logique différente donc sensibilité différente, on peut être très bon à l’un et nul à l’autre
- les jeux non-abstrait même si le thème est plaqué il aide à assimiler les mécanisme et tout ce qui peut fluidifier le raisonnement permet de s’y sentir plus à l’aise
ocelau qui n’a jamais rien compris sur la logique de jeux tel Abalonne , Reversi , Quatro (Echec par contre ça va)
je n’achète pour ainsi dire quasiment jamais de jeux abstraits, et pourtant il m’arrive de baver devant les boîtes et de me dire :“un jour je l’achèterai celui-là…”
je peux même te dresser une liste mais pourtant je n’ai toujours pas franchi le pas :
Pente
Diabalik
Quarto
Exxit
…
je dois avouer que l’aspect froid me retient bêtement, alors que ce sont par ailleurs de bien jolis jeux…
beri dit:Seulement, contrairement à des Caylus, des Amyitis, des Medina, des Vinci*, je n'arrive pas –et je ne me l'explique pas– à me prendre le temps d'envisager suffisamment de possibilités avant de jouer un coup, d'étudier toutes ses implications –et Dieu sait si les implications sont nombreuses dans de tels jeux. Je joue beaucoup plus au feeling car j'ai la flemme de tout prévoir*, alors que ce sont les jeux les plus calculatoires* qui soient.
Les jeux aux thèmes plus ou moins légers que tu cites sont plus souvent joués à au moins trois joueurs, et/ou comportent une part de hasard (bon, ce n'est peut-être pas le cas de Medina ou Caylus, jouables à 2 et sans hasard)… Du coup, le mode de calcul est très différent de ce qui peut se faire sur un « jeu de stratégie abstrait à 2 joueurs », où tout est planifiable pratiquement par définition…
Sinon, un thème, même léger, ça change tout au final, à mon avis, bien plus que ce que l'on pourrait supposer au premier abord.
un exemple tout bête : quel est pour vous le plus sexy entre lutinfernal et pentago ?
Moi je réponds sans hésiter Lutinfernal ! en plus les illustrations sont vraiment mimi !
Tout à fait. Enfin je ne sais pas si je suis un cas isolé, mais Kahuna avec un nom moins sexy et sans thème ne m’aurait guère intéressé.
J’ai bien Dvonn dans ma ludothèque mais il a l’avantage de se jouer en 15 minutes (puis j’y joue rarement de toute façon).
Dvonn peut avoir l’avantage de se jouer en 15 minutes, mais peut aussi se jouer… en une heure ! J’en ai fait l’expérience. Et en terme “d’aventure ludique”, c’est épuisant, certes, mais qu’est ce que c’est bon.
Du coup, on contraire de Beri, pour ma part, je peux (faut être d’accord avec son adversaire, hein !) prendre totalement mon temps pour jouer à des jeux abstraits.
C’est de toute façon de cette manière là qu’ils prennent toute leur dimension, à mon sens.
beri dit:Je joue beaucoup plus au feeling car j'ai la flemme de tout prévoir*, alors que ce sont les jeux les plus calculatoires* qui soient. Et j'ai l'impression que je ne pourrais pas passer 1h30 sur un jeu abstrait, là où je tolère parfaitement bien les jeux à thème archi-plaqué (disons donc quasi-abstraits*), moins épurés, dont la durée touche ou dépasse les deux heures.
Je joue au feeling aux jeux abstraits que tu cites. Toujours.
Et je les apprécie sans les déprécier...

Essaie un Twixt, un Yinsh, au feeling, tu verras, ça pose aucun souci... Ce sont des jeux qui demandent souvent plus de créativité que d'anticipation ou mémorisation.
Foi de joueur amateur de jeux abstraits !

Justement, Ludo, je joue au feeling aux jeux abstraits. Et ça ne me ressemble pas !!
moi j’aime aps les jeux abstraits je préfère un Knizia mal thématisé à un bon jeu abstrait. Il me faut des romains, un chateau à construire, des laveries automatiques à échanger, du charbon pour ma centrale…
mais pousser des boules noires pour qu’elles sortent les boules blanches de la carte, tout en posant des corridors qui aimantent des éléphants d’albâtre, très peu pour moi !
En général, un petit peu de mal avec les jeux abstraits, c’est sûr que c’est souvent assez difficile de rentrer dans le jeu, lorsque comme le signale moudubid, tu n’as pas de bâtiments à construire, de romains à poutrer, ou d’actions à optimiser.
Mais d’un autre côté, quand j’ai essayé un de ces jeux, et bien je n’ai été que rarement déçu. En général, la mécanique est bien huilée, et on sent bien qu’il y a en général que très peu de place laissée au hasard.
Un des rares avec lequel j’ai bien accroché, et où je peux enchaînner un grand nombre de parties, et ben c’est un Knizia mal thématisé (oui, oui, moudubid… une piste de réconciliation avec l’abstrait?) : Genial
J’aime également beaucoup les jeux abstraits de type « court », et, ma façon d’y jouer est en fait très progressive : des débuts de partie au pur feeling, je passe progressivement à une réflexion plus intensive.
Au début de partie, je me contente souvent de jouer un coup « d’attente », en surveillant mon adversaire, en vérifiant que mon coup joué n’est pas foireux. Je joue assez vite. Je garde ma concentration pour la suite. Puis, lorsque le nombre de possibilités de coups se restreint, vers le milieu de partie je rentre dans une phase de réflexion plus profonde, où je ne me contente plus de ne pas jouer de coup foireux, mais où je cherche quel est le meilleur coup selon moi. En toute fin de partie, il m’arrive parfois d’analyser toutes les possibilités de coups sans exception.
Ce style est parfaitement adapté aux jeux abstraits que j’affectionne le plus, à savoir Dvonn, Tzaar et dans une moindre mesure Diaballik (où on peut faire mal dès les premiers coups).
Je joue également comme cela à tous les jeux thématisés, sauf les jeux de développement à la Puerto Rico ou Caylus, où je serai en général plus concentré sur le début de partie, là où les différences se font.
MonsieurDe dit:Au début de partie, je me contente souvent de jouer un coup « d’attente », en surveillant mon adversaire, en vérifiant que mon coup joué n’est pas foireux. Je joue assez vite. Je garde ma concentration pour la suite. Puis, lorsque le nombre de possibilités de coups se restreint, vers le milieu de partie je rentre dans une phase de réflexion plus profonde, où je ne me contente plus de ne pas jouer de coup foireux, mais où je cherche quel est le meilleur coup selon moi. En toute fin de partie, il m’arrive parfois d’analyser toutes les possibilités de coups sans exception.Voilà, un peu tout pareil.
Tu parles de Dvonn et Tzaar qui sont aussi mes deux préférés du projet. C'est typiquement le genre de jeu qu'on joue au feeling au début. Pour peser chaque coup du premier au dernier, voire carrément le placement de chaque pion avant le début de la partie, il faut les avoir étudiés comme certains étudient les échecs.
Ben c’est aussi pour ça je pense que peu de joueurs s’investissent dans ce genre de jeu.
Un type qui aura joué 10 parties explosera à coup sur un débutant, et maîtriser le jeu demande un grand nombre de parties. Du coup, en général, je me dis “Mouais, intéresant, à creuser”, puis pffuit, pas le courage de se mettre à fond sur le jeu, ses astuces, ses parades, …
Et en général, sur ce type de jeu, la différence de niveau pardonne encore moins que sur d’autres (Caylus, PR par exemple), ou certains mécanismes, même si ils ne sont pas 100% mouleux introduisent un “chaos” qui fait que l’on peut compenser et à l’arrivée se retrouver pas très loin au niveau des points. En général, sur les jeux abstraits, c’est win/lose, et basta, et les erreurs ne sont en général pas compensables
Perso, je joue pas mal à Genial en ligne, et clairement, contre un débutant, impossible que je perde une seule partie. Si on joue 10 parties, les 10 seront pour moi. Mais si le type a la volonté de s’y mettre, c’est en prenant ce genre de branlée que l’on apprend, pour peu que l’on ne se dise pas “C’est que de la moule”.
beri dit:MonsieurDe dit:Au début de partie, je me contente souvent de jouer un coup « d’attente », en surveillant mon adversaire, en vérifiant que mon coup joué n’est pas foireux. Je joue assez vite. Je garde ma concentration pour la suite. Puis, lorsque le nombre de possibilités de coups se restreint, vers le milieu de partie je rentre dans une phase de réflexion plus profonde, où je ne me contente plus de ne pas jouer de coup foireux, mais où je cherche quel est le meilleur coup selon moi. En toute fin de partie, il m’arrive parfois d’analyser toutes les possibilités de coups sans exception.Voilà, un peu tout pareil.
je suis pareille aussi. je joue très vite et à 100% au feeling au début. à tel point que je mets très souvent (tout le temps quasi) dans des situations absolument idiotes et impossibles.
et le reste de la partie, tout le reste, il va falloir que je remonte. c'est mon seul but, ma seule motivation, ce vers quoi tout mon être tend : me sortir de ce foutu pétrin dans lequel je me suis mise toute seule

j'ai joué avec un gars récemment qui tout d'un coup a eu l'air torturé. il a dit : "bon sang, je sais pas quoi faire, j'écoute mes tripes ou mon cerveau ?". j'ai souri. il a dit : "bon ok, je suis raisonnable, j'écoute mon cerveau". et ça a été une cata totale

maintenant, souvent, j'y pense, quand je sais pas quoi faire : "écoute tes tripes, ça vaut toujours mieux que ton cerveau"

j'aime bien les jeux abstraits courts. à mon sens, la concentration y est beaucoup plus intense, et procure bcp plus de plaisir, que sur un jeu très long. je préfère donner le maximum en 20 minutes que donner moyen, en "endurance", pendant une heure


ivy dit:je préfère donner le maximum en 20 minutes que donner moyen, en "endurance", pendant une heure
on parle toujours de jeu abstrait là ?

J’ai ressorti Dvonn cet après-midi, au parc.
Trois très belles parties, une victoire, un nul, une défaite.
Ben j’ai bien réussi à prendre mon temps et étudier les possibilités. Et j’ai pris mon pied. Quel jeu
Suffit d’un peu de calme et d’avoir le temps devant soi.
Le beau temps, le plein air, et le repos que l’on peut trouver dans ces lieux et ces moments là, auraient ils rendu l’abstrait immersif ?