Hello ! Voilà une discussion très intéressante ! Et qui fait grand plaisir 
Je vais apporter un peu d’eau au moulin pour compléter le tableau.
Avant (et un peu pendant) de me consacrer pleinement aux jeux de société, j’ai eu une vie professionnelle et artistique bien remplie en édition jeunesse (couvertures, albums, magazines, etc). Où on est très souvent amené à illustrer en noir et blanc, par exemple pour des vignettes de chapitre dans les romans pré-ado.
Il faut savoir synthétiser, jouer sur les formes, les contrastes, les lumières. Je pense que le travail du noir et blanc est la base à acquérir avant de passer à la couleur (c’est en tout cas comme ça que j’ai appris).
Le hic, et pas des moindres, c’est que s’exprimer en noir et blanc c’est plutôt rare et pour ma part, je n’avais jamais eu l’occasion de le faire pleinement dans le monde du jeu. J’étais enchanté quand Bombyx m’a contacté pour me proposer de travailler sur Lueur. Une belle opportunité et un challenge constructif. En édition jeunesse j’ai beaucoup travaillé le N&B avec des valeurs, des dégradés, mais aussi en mode “crayonnés encrés poussés”, sans dégradés. C’est ce que Bombyx a bien capté quand nous avions travaillé sur Cardline Globetrotter, qu’il y avait là matière à aller plus loin.
Ensuite, c’est ce qu’on appelle un “exercice de style” dans le sens où il faut savoir se projeter pour que l’ensemble soit cohérent et harmonieux. A mon avis, le fait que des joueurs se questionnent sur le “qui a fait quoi” confirme que le pari est gagné car c’est la vision globale de l’univers du jeu qui importe.
Et pour le côté bankable de mon nom, je pense que même si, désormais, le nom d’un illustrateur peut faire partie des critères de sélection, les joueurs continue d’acheter les jeux pour ce qu’il sont et non pour le casting (certes ça capte plus facilement l’attention mais au final on achètera toujours un jeu). Ce qui se remarque ici avec la “surprise” de retrouver mon nom sur la boîte une fois l’achat effectué ou en se renseignant.
Quelques exemples d’illustrations N&B réalisées par le passé :
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Petite digression, je ne suis pas fan du “style” ni du “mercenaire”.
Je pense que le style ça ne veut pas dire grand chose et ça risque de cloisonner voire de mettre les gens dans des cases… Je parlerais plutôt d’univers graphique, de sensibilité et d’approche voire de tradition ou “école”.
Le “mercenaire”, celui sans cause qui n’est intéressé que par le profit, c’est tout le contraire de ma démarche au fil des ans. Bien entendu, un illustrateur travaille le plus souvent pour des commandes, sur cahier des charges et payera ses factures avec les rémunérations. Mais cela n’empêche pas de s’y exprimer pleinement et de s’approprier ces commandes pour développer son propre univers. Il se trouve que j’ai assez d’assise pour pouvoir choisir tous les projets sur lesquels je travaille et je le fais toujours pour des raisons qui me permettent d’apporter des pierres à mon édifice (et ce sans gloriole ni trompettes).
Il me semble que c’est d’ailleurs à cela que l’on peut reconnaître un artiste accompli, l’identifier alors que les sujets et thèmes sont différents. Ca ne tient pas “que” à de la technique et de la technicité, que l’on assimile souvent à un “style” (c’est un peu simpliste et réducteur), mais c’est plutôt une approche, des cadrages et structures d’images, des agencements de couleurs, une certaine manière de raconter et poser les choses.
Avec au sein de tout ceci, des périodes, des séquences, où l’artiste creuse des pistes, comme pour ma part avec certaines manières de traiter les cieux, l’eau, les personnages, etc. Disons que moi, de mon côté, j’ai une vision d’ensemble de ce que je réalise, illustre et produit. En sachant plus ou moins où je vais, dans quelle direction.
Un exemple récent, c’est la nouvelle couverture de Lewis & Clark. Je préfère de loin la nouvelle car, avec plus d’années d’expérience, autant sur le fond que sur la forme, plus de recul et maturité sur le sujet, j’ai pu réaliser l’illustration que j’avais vraiment en tête. Et qui sait, dans quelques années, je referai cette couverture encore autrement, en encore mieux je l’espère