Cette fois c’est un mage noir (et bleu et rouge) qui affronte un autre mage noir (et bleu et blanc) dans la nouvelle extension Magic. Également au menu : le grain de sel de la Bank of America et des boosters à 250 $ !
Avant toute chose place à l’actualité la plus brûlante concernant avec la mise en vente directe en ligne, hier, des boîtes à 999 $ contenant 4 boosters de l’édition 30e anniversaire.
Vous pouvez aller lire le paragraphe consacré à ce produit de mon précédent article si vous ne savez pas de quoi je parle, mais en gros il s'agit pour ce prix de 6O cartes aléatoires, non autorisées en tournoi, avec pratiquement aucune chance d’obtenir à l’ouverture des cartes d’une valeur approchant le prix d’achat.Ce produit s’est attiré les lightning bolts d’à peu près toute la communauté des joueurs et des commentateurs du jeu, ceci pour des raisons évidentes d’indécence de prix de vente et parce que les cartes rares qui s'y trouvent ne devaient jamais être réimprimées. WotC a joué sur l’ambigüité du caractère illégal en tournoi de ces exemplaires (elles ont un verso particulier) et de leur prix qui laisse penser que ce sont un peu des « vraies » quand même, le moins qu’on puisse dire, c'est que ça a été mal reçu.
À titre d'illustration
Il est commun de voir en vidéo des ouvertures sponsorisées de produits et cette fois, WotC est allé étrangement proposer la chose à des chaînes qui traitent de Pokémon (Lionheart) et Youguillo (Ruxan34) ne connaissant pourtant pas grand-chose à Magic, comme si leurs communautés à eux avaient la moindre chance d’être intéressées par l’achat du produit. Était-ce la seule manière d’obtenir des vidéos un peu enthousiastes sur youtube ? Lionheart a refusé après avoir pris des renseignements et Ruxan34 a retiré sa vidéo en s’excusant platement de ne pas s’être davantage mis au courant.
Vente flash
Tous se demandaient comment allait se dérouler cette vente, pensant qu’il y aurait quelques enseignements à en tirer. En effet, si ce produit peut sembler anecdotique, il peut faire figure de ballon d’essai pour la suite et l’enjeu financier n’est pas anodin, puisqu’il s’agit tout de même d’engranger 1 million de dollars tous les 4000 boosters vendus. On savait que la vente serait limitée, mais sans précision quant au nombre d’exemplaires ni à la durée.
On a finalement pu constater que le produit est resté en vente 33 minutes environ avant de devenir indisponible.
The 30th Anniversary Edition sale has concluded, and the product is currently unavailable for purchase. Thanks to everyone who joined us today!
Est-ce à dire que tout s’est vendu ? On ne sait pas, mais j’aurais tendance à penser que le succès n’a pas été fantastique. Un système de file d’attente permettait d’éviter l’engorgement du site (achat de 5 exemplaires maximum à la fois), mais le temps d’attente s’est réduit assez rapidement. Ce genre de vente est sans doute comparable à un kickstarter : la plus grande part des ventes se fait dans les premiers moments. Les coûts de production d’un tel produit ne doivent pas réellement entrer en ligne de compte, donc j’imagine que tous ceux qui voulaient le produit ont pu l’obtenir pendant cette demi-heure et le nombre de ventes décroissant rapidement, elle a été stoppée.
Cette spéculation de ma part se voit confortée du fait que les spéculateurs ne sont pas très nombreux à se manifester sur ebay à l’heure actuelle. Je n'ai trouvé que 6 annonces et on ne peut pas dire qu’elles soient prises d’assaut. Les prix se situent entre 1500 et 2000 € en achat immédiat.
Tout cela, si ça ce confirme, serait plutôt rassurant. Ce sera intéressant de suivre l’évolution du prix de revente de ce produit et ces cartes pour se faire une idée.
C’est dommage tout ça, ça aurait pu être un produit sympa à drafter à l’occasion des trente ans, avec peut-être un prix légèrement inférieur à celui des boosters des extensions récentes, parce qu’il s’agit tout de même de vieilles cartes.
Hassenfeld Brothers War
Cette histoire, qui pourrait ne concerner que quelques spéculateurs ayant le goût du risque et collectionneurs maladifs, est toutefois un facteur de défiance pour les joueurs et cela pourrait avoir entamé un peu plus la confiance des joueurs dans la valeur des cartes qu’ils achètent, parce que malgré tout, le fait de se dire que les produits conservent un peu de valeur sur le marché secondaire est un moteur d’achat. Difficile en effet de ne pas imaginer des décideurs se disant « On savait qu’il ne fallait pas faire ça, mais c’était trop tentant ! »
La Bank of America s'en mêle !
C’est ce que relève la Bank of America lorsqu’elle affirme dans un rapport récent qu’Hasbro imprime trop de cartes et détruit la valeur à long terme de Magic. Ce rapport et les objectifs de vente manqués d’Hasbro ont eu pour conséquence une baisse de la valeur des actions du groupe.
Cela peut sembler surprenant qu’une telle institution vienne se mêler de ça, cependant il faut rappeler qu’Hasbro est une géante du jeu et du jouet (possédant notamment les transformers, c’est pour ça qu’ils s’invitent dans les boosters de la Guerre Fratricide). Dans le domaine du jeu de société, puisqu’ils ont absorbé MB et Parker Brothers, elle possède presque tous les classiques des familles : Monopoly, Risk, Cluedo, La Bonne Paye, Trivial Pursuit, Puissance 4, etc. Citons encore Donjons & Dragons, l’autre licence phare de WotC. Magic n’est cependant pas le cadet timide de ces jeux, car il représente aujourd’hui rien de moins que 15 % du chiffre d’affaire d’Hasbro et 35 % de son bénéfice. La simple mention de ces chiffres suffit à comprendre la pression qui pèse sur ce petit jeu de cartes.
Cette frise permet de mieux visualiser l’abondance de produits :
Il n’y figure pas que de grosses extensions et certaines sont spécifiques à la version en ligne du jeu, mais le temps où chaque nouvelle extension était un petit événement est révolu, aujourd’hui l’idée est plutôt de fournir un flux de nouveautés et des produits pour tous les profils de joueurs. C’est toutefois difficile à suivre et le format standard agonise (MTG Arena, la version en ligne de Magic, n'y est sans doute pas pour rien non plus). C’est compliqué aussi pour les boutiques qui doivent jongler avec tout cela et se retrouvent parfois avec des stocks d'invendus, presque invendables, de références « obsolètes » ayant rencontré moins de succès. Magic doit le maintient de son succès au fait que le jeu est bon, mais aussi à son aspect communautaire, au jeu organisé en magasins, qui les a d'ailleurs poussés à se doter d’espaces de jeu. C’est pourquoi WotC soutient les boutiques, cependant ce soutien rencontre sa limite lorsque des produits sortis il y a à peine deux mois (comme ces boîtes de boosters de draft Dominaria uni) sont bradés lors du Black Friday via Amazon, pour réduire les stocks d’invendus dans les entrepôts.
Heureusement, à côté de cela, l’équipe de création montre toujours autant de talent, avec une extension très sympathique à drafter, des cartes intéressantes et une histoire qui, même si elle n'est connue en profondeur que de peu de joueurs, est encore une fois une toile de fond donnant une personnalité à l’extension. La Guerre Fratricide nous ramène loin en arrière dans la grande histoire du jeu, à ses débuts même. Ce retour en arrière est justifié par le voyage temporel du mage Téfeiri, en quête d’un moyen de contrer les phyrexians, directement après les événements de Dominaria uni. C’est un choix narratif idéal pour fêter les 30 ans de Magic, d’autant que le respect de la trame originale est omniprésent.
Cliquez sur l'image pour voir la séquence animée qui fait le lien entre les deux extensions (à quand la série ?).
Nous sommes donc de retour au moment de la guerre entre les frères Urza et Mishra, les deux puissants archéologues artificiers ayant découvert d’anciennes technologies, qui vont les exploiter en suivant des chemins bien différents. Mishra finira par être assimilé par les phyrexians, au désespoir de son frère, qui lui deviendra un arpenteur des plans. Les deux personnages ont droit à trois versions d’eux-mêmes de raretés différentes, correspondant à autant de stades de l’histoire. Leur version mythique peut s’assimiler à une autre carte pour former une carte géante, leur 4e et ultime version.
Guerre mécanique
Question mécaniques nous avons aussi le retour de l’exhumation, en lien avec ce thème de l’excavation de technologie.
L’une des technologies retrouvées est celle des lithoforces, sources de mana qui ne sont utiles qu’aux artefacts et paiements de capacités.
Urza et Mishra ne contentent pas de déterrer, ils recréent et inventent, d’où la capacité Prototype. Sur le plan fonctionnel c’est proche du kick : on a deux niveaux possibles pour le sort, avec la possibilité de payer moins cher au lieu de celle de payer plus cher. Les cartes en deviennent plus intéressantes à mettre sur le champ de bataille depuis la main ou le cimetière sans payer leur coût, quand on en trouve le moyen.
Ce thème de l’invention apporte également des cartes rééditées en version croquis et il faut le dire, c’est franchement joli.
C’est aussi l’ancien cadre qui est excavé pour l’occasion. Personnellement j’ai toujours préféré celui-ci pour les artefacts, il évoque davantage les objets magiques et moins la métallurgie.
L’ancien design est peut-être un peu moins lisible est laisse un peu de moins de place à l’illustration, mais il fait plus médiéval-fantastique à mon sens, évoquant davantage des sorts tirés d’une bibliothèque. Si vous lui trouvez un certain charme, vous serez peut-être attirés par les deux decks Commander, dont toutes les cartes sont dans cet ancien design.
L’un est dédié à Mishra et l’autre à Urza, vous pouvez ainsi recréer leur affrontement mythique !
Urza va créer une armée de grosses constructions. C’est un deck solide de créatures artefacts qui vont implacablement marcher sur les adversaires. Celui de Mishra va demander davantage de créativité, on crée des copies d’artefacts pour un tour qui deviennent des créatures. En plus d’attaquer, cela permet de bénéficier chaque fois d’effets d’arrivée et de départ. Le potentiel est grand, cependant la stratégie globale dépendra beaucoup de la présence du commandant sur le champ de bataille. Autre personnage de renom faisant une apparition : Ashnod, en plus d’être synergique avec Mishra, pourrait bien commander son propre deck.
Terminons ce panorama concernant la Guerre Fratricide avec les paquets Jumpstart. Ce sont des demi-jeux ayant chacun une couleur de mana et un thème que l’on découvre à l’ouverture. Il existe deux variations (avec la même rare spécifique) autour du même thème par couleur. L’idée et d’en acheter deux, les mélanger et affronter un adversaire qui en fait autant, pour des parties improvisées sans construction de deck préalable. Il n’y a pas de « grosses » cartes à récupérer là, ça se destine vraiment à des parties jouées sur le pouce. Si vous êtes tenté, je vous conseille de vous mettre d’accord avec votre adversaire pour éviter que l’un ait deux paquets de même couleur, pour des parties plus intéressantes et équilibrées.
Pour conclure, la Guerre Fratricide nous montre que malgré des polémiques parfaitement justifiées, Magic n’est pas aujourd’hui moins intéressant qu’il y a 30 ans. La meilleure chose à faire devant l’avalanche de produits est sans doute de suivre le conseil de Blake Rasmussen, « senior communications manager » chez WotC que je traduis ainsi : dirigez-vous vers ce qui dans Magic vous paraît amusant et ne vous sentez pas obligés de vous investir dans le reste.
À ce conseil j’ajoute un principe de conversion, pour s’aider à se rendre compte si besoin. Par exemple : 1 boîte de 4 boosters 30e anniversaire = 2 consoles de jeux vidéo, ou une étagère entière d'une boutique de jeux de société.