loic dit:Je n'ai jamais vu un SdJ vraiment profond. Avbec un SdJ, on ne joue pas à Zavandor ou Puerto Rico.
El Grande ?
Le Lièvre et la Tortue ?
Tikal ?
Torres ?
Pas 'profonds" ?!?!!?
Il est vrai que de ce point de vue le non jeu Alhambra fait figure avec sa totale vacuité de contre-exemple certain (voire comment d'ailleurs R.KNIZIA se moque ouvertement de D.HENN par le biais de son récent PALAZZO, qui, s'il n'est guère une réussite en soi, loin de là, démontre sous forme quasi parodique que sans se fouler beaucoup D.HENN aurait pu tout de même avoir le début du commencement d'une idée en lieu et place du néant de son Alhambra: de ce point de vue PALAZZO, si on excepte les multiples anti-monopoly qui fleurirent il y a quelque vingt ans, fait figure de premier jeu-caricature-pamphlet).
D'ailleurs on peut s'interroger sur Puerto Rico et Zavandor: complexes c'est certain mais profonds ... ?
La profondeur d'un jeu n'est-elle pas justement inversement proportionnelle au nombre de mécanismes engagés, ou, plus exactement, directement proportionnelle au degré de cohérence entretenu entre ces mécanismes.
De ce point de vue, Puerto Rico est un agrégat de mécanismes (très bien pensés, quand toutefois ils ne sont pas empruntés ailleurs ) fortement disparates...bref Puerto Rico "profond" ce sont les Princes de Florence quoi ! (du fait, eux, de leur exhaustivité et totale cohérence)
La très grande réussite des Aventuriers du Rail et sa très injuste incompréhension par certains joueurs tiennent aussi à la quasi épure de ses régles (épure hâtivement interprétée justement comme un manque de profondeur), règles simples mais propres toutefois à générer un jeu beaucoup plus passionnant et tendu qu'il n'en a l'air de prime abord. Bref un excellent ratio degré de cohérence/nombre de mécanismes.
De même par exemple, le formidable "Les Ponts de Shangrila" de L.COLOVINI, certes d'une profondeur toute autre que les Aventuriers du Rail, est l'exemple type du jeu très profond avec là encore très peu de mécanismes.
Le très réussi Magna Grecia du même COLOVINI associé pour l'occasion avec M. SCHACHT, est, inversement, l'exemple d'un jeu relativement profond avec de très nombreux mécanismes cette fois. "Relativement" car non exempt aussi d'une pointe de complexité du fait d'une règle essentiellement (démarrage autorisé de routes à partir de villes adverses) qui, par sa relative incohérence vis à vis de l'ensemble, fait sentir un rien le "joint", le "scotch", le truc-bidule qu'il a bien fallu consentir à mettre là pour que l'ensemble tienne: et ce "boulon" visible rogne d'autant la profondeur du jeu.
En revanche, Torres de W.KRAMER et M.KIESLING serait, lui, l'exemple même du jeu profond avec également de nombreux mécanismes mais doués cette fois d'une totale cohérence d'ensemble (quand les fêtes dans Java ont souvent été citées en revanche comme la petite impureté, le "joint" là encore ôtant un rien de profondeur à cet opus là).
Autre exemple: Marcel-Andre CASASOLA-MERKLE qui, avec une géniale organisation des phases de son jeu MEUTERER, a ainsi battu une manière de record si j'ose dire, une seule et même action, jouer une carte, ayant jusqu'à quatre implications totalement différentes (jouer le commerce, modifier la progression éventuelle du bateau, renouveller sa main, allonger le délai du choix de son personnage-observer d'ailleurs comment ce même mécanisme est plus ou moins heureusement imité par Citadelles ou Puerto-Rico).
Quant à Niagara ne pas se laisser abuser par un mécanisme générant de fait une impression de répétition: le jeu repose en effet sur des aller-retours pendant lesquels il faut, qui plus est, remettre son ouvrage sur le métier moult fois, le courant ayant défait toute la précieuse avance acquise.
Ne pas oublier aussi que Niagara est un jeu de bluff, et que, en ce cas, le jeu est aussi pour partie ce que les joueurs en font.
Il a la durée de vie d'un jeu de ce gabarit: pas de nombreuses parties enchaînées probablement, mais une partie de temps à autre ;
mais voilà, Niagara était dans sa catégorie le jeu le plus novateur, le mieux développé, le mieux édité de la selection voilà tout (comme le fut en son temps Villa Palletti d'ailleurs).
Cordialement,
Dominique
PS: pour sourire, voici les règles qu'édicta Edward de BONO dans les années 70 pour obtenir à tout coup un jeu "profond":
*un nombre minimum de pions par joueur (si possible un seul)
*le plus petit plateau possible
*le nombre minimum de règles, faciles à comprendre et à apprendre par tous
*le jeu doit exiger une très grande habilité pour être maîtrisé
*le jeu doit être indéterminé (on rappelle qu'un jeu est dit déterminé si quoiqu'il arrive un des joueurs a un stratégie optimale gagnante à tout coup: les jeux de type NIM sont des jeux de type déterminés par exemple)
Au-delà de la souriante absurdité du fait même d'édicter de telle règles pour obtenir le jeu parfait (de même que S.S. Van Dine dressa les 20 règles impératives pour obtenir le roman policier parfait par exemple) l'ironie de la chose vint de ce que le jeu auquel aboutit De BONO, le célèbre L-Game, s'avéra tant et si bien indéterminé qu'il était carrément...infini (théoriquement si les deux joueurs jouent parfaitement) ![/list]