[Par le Feu, le Fer et la Foi] (P3F) : RPR is back

[The Fate of Reiters]

Oui, RPR pour Religion Prétendue Réformée.

Tric Trac

Je vous propose donc une présentation du système : Par le Feu, le Fer et la Foi (P3F).



Huguenots hérétiques contre vieilles truffes papistes, d’accord, mais on joue quoi ?

P3F est un système développé par Philippe Hardy et édité par Hexasim pour simuler des batailles à l’échelle grand tactique à l’époque des Guerres de Religion et de la Ligue en France au XVIe siècle. Deux opus sortis à ce jour.



Le premier propose de jouer cinq batailles : Saint Denis (10 novembre 1567), Jarnac (13 mars 1569), La Roche l’Abeille (25 juin 1569), Coutras (20 octobre 1587) et Arques (21 septembre 1589).

Le second, intitulé The fate of Reiters (don’t worry, it’s still in French), couvre également 5 batailles : Cognat (6 janvier 1568), Dormans (10 octobre 1575), Vimory (26 octobre 1587), Auneau (24 novembre 1587) et Métrieux (10 décembre 1587).

Les Guerres de Religion demeurent une époque assez peu simulée jusqu’à deux sorties françaises et en français simultanées et relativement récentes (tout est relatif) : P3F dont il est question ici et Avec Infini Regret, de Florent Coupeau et Laurent Closier (3 volumes parus. Volume 1 : Dreux 1562, La Roche l’Abeille 1569, Coutras 1587 ; volume 2 : Ivry 1590, Marc’hallac’h 1591, Craon 1592 ; volume 3 : Moncontour, 1569) d’après une adaptation de Paris vaut bien une messe de Ben Bull qui couvrait la bataille de Dreux (1562) et Ivry (1590).



Ils utilisaient des arcs ou des famas ?

(visuel des pions de The Fate of Reiters tiré du site de l’éditeur)


Le combat dans la seconde moitié du XVIe siècle est marqué par le développement de l’arme à feu et son impact toujours plus grand au combat que ce soit du côté de l’infanterie que de celui de la cavalerie. Cela induit des changements tactiques dans l’organisation et l’usage des formations : proportion toujours plus grande d’arquebusiers dans les régiments d’infanterie au détriment des piquiers ; regroupement des unités de cavalerie en escadrons parfois massifs ; désaffection progressive de la lance de cavalerie dans la gendarmerie, de plus en plus supplantée par le pistolet à l’imitation des reîtres, accroissement des compagnies de chevau-légers, développement des compagnies d’arquebusiers à cheval etc.

Même si l’époque ne se distingue pas encore véritablement par un usage coordonné interarmes malgré des tentatives plus ou moins fructueuses et organisées, le constat de la puissance du feu amène à reconsidérer certaines doctrines d’engagement (si l’on veut bien me permettre cet anachronisme) et à voir cohabiter certains usages et certaines innovations : charges en haies de la gendarmerie et caracole des reîtres, tentatives d’ordre mince d’arquebusiers et carrés d’infanterie mêlant feu et piques, par exemple. Pour autant, la coordination interarmes demeure plus empirique qu’organisée et le déploiement encore souvent fondé sur les acquis antérieurs qui fait que l’on se met en ligne de bataille selon le dispositif établi d’après la colonne de marche (avant-garde, bataille et arrière-garde) avec très peu de réserves.

Le jeu propose donc de simuler les particularités de l’époque et notamment les prémices du soutien interarmes par des bonus octroyés en cas d’attaques combinant le choc et le feu quand le manque de profondeur des lignes sera lui retranscrit par le fait de désigner une unité principale en attaque ou en défense là où les les autres unités contenues dans la même zone n’apporteront qu’un soutien.


Il y a tout plein d’hexagones ?

Foin d’hexagones sur les cartes (en carton souple : sortez les plexis) constituées de zones représentant des distances de 300 à 500 mètres de côté.

L’échelle de jeu est d’une unité pour 100 à 500 combattants ou une à deux pièces d’artillerie.

Un tour de jeu représente de 20 à 30 minutes.


(Visuels d’exemples de cartes tirés du site de l’éditeur)

Le, oui, mais comment fait-on pour lancer une charge ou envoyer une volée de plombs ? viendra dans un prochain épisode.

quelle bonne idée ce format!

Pas ma période préférée, mais hâte de lire la suite. Superbe présentation.

A noter que Philippe Hardy a aussi “commis” quelques wargames parus dans Vae Victis, au premier rang desquels La guerre d’indépendance de Bretagne (avec la même mécanique que La guerre du bien public) dans le numéro 160. J’avais eu l’occasion de le playtester et j’avais beaucoup aimé.


J’ai également eu l’occasion de me confronter à quelques jeux de l’auteur avant d’essayer cette série. J’ai d’ailleurs quelque peu hésité entre celle-ci et Avec infini Regret. D’un point de vue mécanique le second est sans doute plus complexe, descendant plus loin dans les détails simulationnistes. D’un point de vue esthétique, je trouvais les cartes du premier plus à mon goût comme les pions d’unité du second. La seconde moitié du XVIe est la période historique que je connais certainement le mieux, pour autant ce n’est pas forcément celle que j’apprécie le plus jouer pour un wargame à cette échelle. Mais clairement, je me devais d’en posséder un. Et je trouve celui-ci très bien.

Je reprends donc et avant de rentrer dans le coeur des règles, il me faut présenter un peu plus le matériel de jeu.



Attends, ça fait quoi déjà le franchissement des lignes marron épaisses sur la cohésion des unités ?

Je trouve le matériel de bonne qualité, tout est en couleur, très bien illustré avec moult exemples et foisonnement d’aides de jeu (la boite du second volet est d’un niveau encore supérieur à la première : plus rigide, plus solide).

On trouvera ainsi à disposition :

-un livre de règles (16 pages dont 2 pages de règles avancées et optionnelles pour le premier opus ; 20 pages dont 2 de règles optionnelles dans le second qui intègre aussi les notes historiques et de conception ainsi que 3 pages d’exemples directement dans le livret) et un livret entier d’exemples pour le premier opus seulement (16 exemples développés sur 13 pages et une page de conception de l’auteur et de notes). Les règles sont les mêmes pour les deux modules mais certaines unités n’étant présentent que dans le premier volet (Suisses, Lansquenets, couleuvrines) des règles spécifiques peuvent ne pas être employées dans le second. De plus, la table des combats a été légèrement modifiée dans le second volet pour les rendre plus létaux et il y a eu également modification des règles d’artillerie (cela reste une unité assez anecdotique dans tous les cas). On peut donc aisément les utiliser pour les premières batailles si on le souhaite et que l’on possède les deux boites.



-une aide de jeu en carton par joueur contenant 7 tables : effets du terrain sur les combats ; combats ; ordres et changements d’ordre (c’est une règle avancée visant à rendre la rigidité du commandement de l’époque et la difficile modification d’un ordre donné) ; réaction du joueur passif ; tir d’artillerie ; coûts et modification de mouvement.



-une jolie fiche cartonnée recto verso par bataille (5 par boite donc) indiquant le contexte historique, la mise en place, les règles spécifiques, les conditions de victoire.

(Je vous invite à crier “Rends-toi, Phillistin !” si vous jouez le camp huguenot lors de la bataille de Coutras, cela ne nous donnera peut-être pas la victoire mais cela sera assurément du plus bel effet et ne manquera pas de déstabiliser votre opposant)

(oui, je vous mets les images dans le mauvais sens de lecture, ça change un peu et cela prend moins de place)


-deux dés (n’insistez pas, il n’y aura pas de photos, sachez seulement qu’ils sont petits et pas de la même couleur entre la première et la seconde boite).

-les pions unités, commandants et marqueurs divers (patience, on y vient).



Il n’est pas un peu déprimé Coligny ? Décryptage des pions et cartes.

(On le sent bien à sa mine que cet homme n’est pas confiant sur son avenir parisien)



Chaque pion d’unité (artillerie, infanterie ou cavalerie) est défini les caractéristiques suivantes :

(oui, oui, c’est vrai je n’arrondis pas mes coins de pions)

Chaque camp est tout d’abord identifiable par la couleur de fond de l’unité (ici des troupes de la RPR).

En haut à gauche, l’initiale de la bataille concernée (les unités peuvent avoir des valeurs différentes suivant les batailles : l’efficacité de certaines troupes du fait de leur armement ou de leur tactique de combat s’avère moindre avec le temps comme évoqué dans mon propos d’introduction ; mais elles peuvent aussi plus simplement ne pas avoir été présentes sur le champ de telle bataille). On n’inventera rien en avertissant qu’il vaut mieux trier et conserver les pions par bataille si l’on veut éviter une mise en place plus que fastidieuse du scénario choisi (la victoire se joue aussi dans la préparation !).

La couleur de la frise ainsi que celle du rond à droite indique la colonne d’appartenance de l’unité. Le chiffre dans ce rond indique le facteur de qualité de l’unité (il vaut mieux qu’il soit élevé).

En bas à gauche nous avons le facteur de combat (là encore, un chiffre élevé facilitera votre potentiel de nuisance). A noter que dans le second volet de la série une amélioration informative a été faite (voir les illustrations des pions dans mon message précédent) puisque si le chiffre est dans un rond coloré, cela signifie que l’unité est définie par son armement principal comme une troupe faisant usage du feu pour trouer son prochain alors que si le chiffre est placé au centre d’un triangle coloré cela indique une troupe qui souhaite avant tout trucider son frère chrétien par la lame de son épée, la pointe de sa lance etc (choisissez votre arme blanche).

Encore à côté nous avons la lettre définissant la classe de l’unité : “A” c’est vraiment la classe (cavalerie de cuirassiers huguenots par exemple), alors que “H”, c’est vraiment pas glop (servants d’artillerie, c’est de vous dont il est question).

Enfin, le dernier chiffre, en bas, à droite, désigne la capacité de mouvement.

Rien d’extraordinaire mais là où j’ai été un peu plus désarçonné à la découverte du système c’est sur l’organisation des cartes. Pas d’hexagones, comme évoqué, mais des Zones Géographiques (ZG). A l’usage on découvre que c’est assez malin et bien pensé car toutes les informations sont sur la carte, mais cela m’a demandé une certaine gymnastique mentale pour intégrer cette organisation.

(Tiens, c’est Robinette qui a dû être étonné de retrouver ses bureaux en plein milieu du champ de bataille de La Roche-l’Abeille)

En effet, chaque ZG est identifiée par un…non deux numéros d’identification indiqués dans un petit rectangle jaune (ZG non bloquante pour la ligne de vue) ou marron (bloquante pour la ligne de vue). Le numéro en chiffre arabe se décompose en deux parties (vous suivez toujours ?) : la première (1, 2 ou 3) définie l’altitude de la zone, la deuxième (54, 24 ou 67, par exemple) indique simplement le numéro de la zone pour le placement de départ. En dessous de ce chiffre arabe, un I, II, III ou X indiquera le type de terrain principal de la zone selon sa caractéristique de jeu (respectivement : ouvert, difficile, très difficile ou interdite – le premier qui chantonne  « zone interdite, zone interdite tchi tcha » reçoit deux bons points boomer).

Je passe sur les subtilités qui n’en sont pas vraiment comme les routes qui peuvent annuler les effets pénalisants sur les mouvements dans les zones difficiles, les effets de zone de contrôle exercés par les unités sur celles des zones adjacentes etc car on retombe dans du classique. Je note simplement que le système de limite d’empilement est pour le coup assez simple à retenir par le moyen mnémotechnique suivant : la somme du chiffre de la ZG (I, II ou III) plus le nombre d’unité qui y est présent ne doit pas dépasser 5 sans compter les commandants (pas plus de 4 unités dans une ZG I, pas plus de 3 dans une ZG II). En outre, il est assez agréable de gérer de l’empilement (qui la plupart du temps n’en est pas un car on peut aligner les unités) dans une carte à zone plutôt que dans une carte à petits hexagones. J’ajoute même qu’au-delà du confort de manipulation que cela procure, cela répond à un vrai enjeu ludique puisque cela permet de figurer dans une zone l’unité considérée comme l’attaquant ou défenseur principal du reste des unités en soutien.

Après les particularités des ZG, il y a les effets des bordures de zone. En effet, chaque ZG est séparée des autres ZG par des traits dont les effets peuvent ajouter des pénalités de mouvement ou des restrictions dans la ligne de vue. La couleur du trait de délimitation (jaune ou marron) distingue là aussi le caractère bloquant ou non de la ligne de vue. Un trait fin continu : obstacle difficile à franchir ; 2 traits fins : obstacle très difficile à franchir ; trait gras : obstacle infranchissable (normalement tu peux à présent répondre à la question du titre précédent : tes unités ne peuvent pas franchir un trait gras marron !) ; trait fin pointillé : nous sommes dans un pré Messieurs, allons bon train (aucun surcoût de mouvement).


A suivre pour connaître le fonctionnement du tour de jeu, les règles de commandement, de réaction, de combat…
J’ai bien envie de faire un petit aparté sur les différentes troupes de l’époque aussi, tiens, pourquoi pas.

Damned ! En rupture de stock temporaire chez Hexasim…

D’ailleurs, peut-on jouer en solo avec ce système ? Y a-t-il des informations cachées ?

@Arkel75 : le premier opus est en rupture temporaire sur le site de l’éditeur (il reviendra certainement) mais tu y trouves le second en français ou en anglais (The fate of reiters). Il n’y pas d’informations cachées, sauf si tu joues la règles avancée des ordres qui sont normalement choisis secrètement par colonne avant d’être appliqué, mais si tu joues en solo, j’imagine que tu joues au mieux des deux camps, donc ça comme le reste, cela ne change rien. En revanche, il n’y a pas de vrai mode solo prévu.

Je poursuis donc avec le tour de jeu et ses différents composantes.

Le tour de jeu

Le tour de jeu comprend trois phases (phase du joueur A, phase du joueur B, phase de fin de tour), chacune divisées en séquences (commandement, mouvements, réactions du joueur inactif, combats, réorganisation. Pour la phase de fin de tour seulement : détermination des conditions de victoire, déplacement du marqueur temps).
Commandement : La chaîne de commandement est exercée à partir des pions représentant les personnages qui sont soit le Lieutenant général de l’armée soit un des commandants de colonne. Chacun d’eux exerce un rayon de commandement limité sur les unités de sa colonne pour ces derniers ou sur n’importe quelle unité de son armée pour le premier. De fait, en début de phase on vérifie si une unité est isolée ou commandée. Une unité isolée doit logiquement tenter de se rapprocher de son commandant et ne pourra pas attaquer, seulement tenter de se défendre.

Mouvements : lors de sa phase on dépense jusqu’au potentiel de mouvement des unités de son armée en tenant compte des différents surcoûts évoqués par les effets de terrain, notamment. Je ne vous apprendrai rien en vous indiquant que le choix du terrain est essentiel et qu’il vaut mieux manœuvrer efficacement pour placer sa cavalerie lourde en position idéale de charge dans une zone dégagée quand vos fantassins les plus faibles auront intérêt à s’accrocher à chaque bout de terrain pouvant offrir une couverture et rendre la progression de l’adversaire difficile (ne pas pouvoir utiliser le bonus de charge de la cavalerie hypothéquera sérieusement vos chances d’enfoncer un carré de piquiers mais si en plus celui-ci s’est retranché et que vous l’affrontez sans soutien aucun, vos beaux gentilshommes casaqués montés sur leurs jolis destriers caparaçonnés risquent forts de s’enliser dans un affrontement dont l’usure ne tournera pas à leur avantage).

Réactions : elles sont de trois type et toujours facultatives : tirs de réaction, charge de réaction, recul avant combat. C’est là notamment qu’interviennent les tests utilisant le facteur de qualité de l’unité pour définir les réussites ou non des réactions engagées.

Combats : le joueur actif désigne depuis la zone attaquante l’unité principale attaquante, le joueur passif fait de même à partir de la zone ciblée pour désigner le défenseur principal. Les autres unités éventuelles situées dans les deux zones respectives apportent leur soutien qui sera d’autant plus intéressant si la combinaison induite cumule choc et feu (une unité de piquiers menacée de charge par la gendarmerie aura tendance à serrer les rangs ce qui la rendra d’autant plus vulnérable aux tirs de mousqueterie ; à l’inverse, une unité d’arquebusiers voulant donner la pleine mesure de son feu devra étendre sa ligne ce qui l’exposera dangereusement à être balayer par une charge de cavalerie). On établit ensuite la liste des modificateurs qui s’appliquent à la capacité de combat des deux unités (pour l’attaquant : bonus de charge, particularité du commandant, différentiel de classe, présence d’un soutien, statut de l’unité ; pour le défenseur : si déjà ciblé par une attaque ce tour-ci ; particularité du commandant, effet du terrain, soutien, état de l’unité). Secouez le tout, faite une soustraction et croisez les données du résultat et du lancer d’un dé sur la table des combats et appliquez les effets (Test de qualité : en cas d’échec l’unité est désorganisée ; Unité désorganisée ; Perte d’1 point de force : l’unité est retournée sur sa face plus faible ; Perte de 2 points de force : l’unité est détruite) aux seules unités désignées comme attaquant et défenseur principaux.

Ce jeu est clairement d’attrition : les unités ne volent pas par paquet de 12 face aux lances de cavalerie ou sous les effets de volées de plomb. Certains trouveront sans doute qu’il demeure assez compliqué d’occasionner de lourdes pertes (ce qui est vrai et il est essentiel d’attaquer en force et avec une bonne gestion du soutien) et le volume 2 de la série a revu le tableau des combats pour rendre les choses plus létales qu’elles ne l’étaient dans le volume 1.

On notera dans les règles de base quelques aspects intéressants pour rendre le caractère de la période par de petites simulations bien pensées. Par exemple, lors de la séquence des mouvements, le jeu offre la possibilité de démonter ou remonter les arquebusiers à cheval (aussi appelés argoulets) pour permettre à ce type d’unité particulière (à cheval entre la cavalerie légère et l’infanterie montée) d’user de son armement de tir (ce que ces soldats pouvaient difficilement faire depuis leur selle, il suffit de constater que les arquebusiers utilisaient des fourquines pour asseoir la précision (plus que relative) de cette arme très lourde pour se convaincre qu’il serait assez illusoire de tenter un carton depuis un cheval, même à l’arrêt).

Autre exemple, la règle permet de retranscrire les combats de piquiers. Lorsque l’attaquant et le défenseur principal sont des troupes de cette nature, un marqueur « choc entre piquiers » est placé pour signifier qu’il risque d’y avoir de la brochette bleue dans les minutes qui suivent. En effet, deux rounds de combat au lieu d’un peuvent dans ce cas avoir lieu et sont même obligatoires lorsque l’affrontement oppose des Lansquenets royalistes à des Lansquenets ligueurs ou des Suisses à des Lansquenets, simulant ainsi la dangerosité d’un tel combat et le caractère impitoyable souvent manifesté à ces occasions.

Règles avancées

J’ai déjà évoqué les ordres qui permettent de rendre compte de la rigidité du commandement et des difficultés de communication sur les champs de bataille de l’époque. Il y a 7 ordres différents (attaque, décrochage, escarmouche, marche, réserve, retrait et tenir) et chacun d’eux apporte un facteur d’initiative (-2 pour le retrait à 2 pour attaque) enlevant ainsi le caractère alterné de l’initiative qui devient dépendante des choix opérés. 

Règles optionnelles

La caracole. Tactique favorite et bien rodée des Reîtres (c’est l’illustration de la boite du second opus), la caracole consiste en une avancée au trot en colonne face à l’ennemi sur lequel on déchargera son pistolet une fois arrivée à bonne distance avant de tourner bride pour laisser place aux cavaliers suivants. D’une efficacité toute relative, elle a au moins le mérite de fixer et d’user nerveusement l’infanterie par un harcèlement constant (mais pour être optimale cette méthode suppose de s’approcher très près et expose donc aux tirs de mousquets ou d’arquebuses).

La soif de l’or. Cette règle simule l’appât du gain auquel a difficilement résisté certaines troupes de mercenaires durant de nombreuses batailles avec des conséquences parfois fâcheuses : en terme de jeu, une troupe de Lansquenets devra réussir un test de qualité pour résister la tentation de piller un pion bagage abandonné et adjacent sous peine de se trouver désorganiser voire d’une perte de force. Les Suisses, qui sont d’une autre trempe, n’abandonneront pas leur position.

Enfants perdus. C’est le terme désignant les soldats choisis pour leur habilité et leur courage afin d’assumer les fonctions de ce que l’on appellera plus tard de « tirailleurs ». La règle permet ainsi de générer des unités d’enfants perdus à partir d’une unité mère d’arquebusiers et précise toutes les spécificités de ces unités avancées, très exposées et vulnérables à toute action de cavalerie.

A suivre éventuellement pour une présentation des troupes de l’époque.

JudasNanas dit :
A suivre éventuellement pour une présentation des troupes de l'époque.
 

Je t'en prie, poursuis ! C'est super intéressant, sur un jeu et une période que je connais très peu.

Je poursuis donc avec la présentation de la cavalerie.

La gendarmerie

Foin de menottes ici il est question de la cavalerie lourde héritière de la chevalerie médiévale, l’élite aristocratique de l’armée royale. Les compagnies d’ordonnance (composée de gens d’armes, donc gendarmes) sont créées par le roi Charles VII par l’ordonnance (d’où leur nom) du 26 mai 1445.

Face aux désastres encourus par la chevalerie française lors de différentes grandes batailles de la Guerre de Cent ans (Crécy, Poitiers, Azincourt) et aux difficile contrôle des bandes armées démobilisées pendant les périodes d’accalmie, la monarchie tente d’encadrer en la professionnalisant (au sens stricte) une élite guerrière, noyau dur et prémices d’une armée permanente.

Le roi ne retient qu’une minorité compétente, organisant et réglementant son organisation structurelle et combattante, formée autour de l’unité cellulaire de la lance.

Ainsi, originellement, chaque compagnie d’ordonnance, composée de 100 lances, voit ces dernières décomposées ainsi : 1 homme d’arme lourdement protégé et armée d’une lance de cavalerie, d’une épée et d’une dague ; 2 archers ; 1 coutilier ; 1 page ; 1 valet. Tout ce petit monde est monté mais le choc au combat est assuré par les hommes d’armes seuls, lourdement armés et solidement protégés, dotés de destriers eux-mêmes caparaçonnés, les archers n’apportant qu’un soutien, leurs chevaux étant essentiellement un moyen de transport, ces hommes pouvant combattre à pied. Le coutelier assure l’ingrate fonction de suivant, protégeant le chevalier mis au sol, achevant les adversaires démontés. Le valet et le page ont essentiellement des attributions d’intendance, éventuellement d’assistance lors des affrontements mais ils ne sont pas à proprement considérer des unités combattantes.

Avec le temps, le nombre de lances a varié dans chaque compagnie de même que le nombre d’hommes composant une lance et, pour la seconde moitié du XVIe siècle qui nous intéresse, nous nous retrouvons avec la situation suivante : les compagnies d’ordonnance sont théoriquement composées d’un nombre de lances définies (souvent 50 ou 100, mais l’on trouve parfois des compagnies de 25, 60 ou 80 lances) dont la composition combattante devrait être d’1 homme d’armes pour 2 archers. Une compagnie de 50 lances devrait donc normalement compter 150 hommes (50 hommes d’armes et 100 archers). Dans les faits, on est souvent plus proche d’un ratio 1 homme d’armes pour 1,5 archer, de même que l’on trouvera parfois beaucoup moins d’hommes d’armes que le nombre indiqué par la compagnie.

Depuis la fin du XVe les archers ont troqué leurs arcs pour des lances mais une distinction hiérarchique sinon équipementière (cette dernière tend à se gommer significativement au XVIe) bien réelle demeure avec les hommes d’armes, manifestée par la différence de solde et de considération de l’emploi, même si ce dernier point tend également à s’estomper à mesure que le siècle avance et que les opportunités d’engagement se développent.
Au XVIe siècle, les emplois dans les compagnies d’ordonnance sont normalement réservés à des individus nobles, cela est notamment rappelé par une ordonnance d’Henri III, ce qui indique bien que des individus n’appartenant pas à cet ordre s’y font parfois engager dans l’espoir justement d’accréditer un peu plus leurs prétentions (comme souvent c’est par l’effet miroir d’une tentative de régulation que l’on découvre l’inefficacité ou le détournement d’une législation parfois coutumière). Les emplois y sont relativement rares et très recherchés et souvent cela constitue pour les membres de la noblesse s’engageant dans la voie des armes l’opportunité d’une expérience militaire de quelques temps avant d’espérer un commandement quelconque.

Les capitaines à qui sont confiés les compagnies de gendarmes sont toujours de très bonne voire de très haute noblesse et dans ce cas le cumul des emplois font qu’ils sont rarement présents auprès de leurs hommes hors des périodes d’affrontement, l’effectivité du commandement pouvant alors être laissée aux soins du lieutenant (terme qui au XVIe siècle, avant d’être un grade militaire est avant tout la désignation à tout niveau de pouvoir de l’individu «tenant lieu de »). L’état-major d’une compagnie est ainsi composé : d’1 capitaine, d’1 lieutenant, d’1 enseigne, d’1 guidon, d’1 maréchal des logis. La compagnie d’ordonnance est le cadre militaire privilégié de l’exercice du clientélisme nobiliaire grâce auquel un patron pourra offrir un emploi à l’un de ses clients et dont le roi tire profit pour son propre compte dans sa politique de contrôle et de professionnalisation armée du second ordre.

Sur le champ de bataille, les compagnies de gendarmes sont regroupées pour former de plus amples formation dont le rôle est de briser les lignes ennemies par des charges frontales formées de vagues, dite « en haies ». Si les gendarmes sont experts en maniement de la lance et sont capables d’assurer des charges dévastatrices grâce la puissance de leurs destriers, ils ne s’en trouvent pas moins confrontés à la hausse de la puissance de feu qui caractérise la seconde moitié du XVIe et qui, couplée à la dissuasion proposée par les murs de piquiers réduisent considérablement leur impact sur le terrain face à l’infanterie. Conscient de cette réalité et de la baisse de l’importance tactique de la lance, le camp protestant va rapidement prendre la mesure de l’intérêt d’abandonner largement cette dernière et de doter progressivement ses gendarmes de pistolets et surtout d’en faire un usage systématique au cours de la charge, à l’instar des reîtres allemands, mais à la différence majeure qu’ici le pistolet est envisagé non comme une arme à distance destinée à éviter le contact (on tire et on tourne bride : la caracole) mais comme un préalable à celui-ci (on tire avant que la lance du gendarme adverse ne nous atteigne et l’on dégaine son épée pour l’achever ou attaquer au contact le suivant qui à courte distance ne pourra de toute façon pas user de sa lance et de sa force d’impact). Dans le jeu on distingue ainsi les gendarmes et les cuirassiers, ces derniers symbolisant l’évolution prise par la cavalerie lourde dans le camp protestant avant que les catholiques ne s’attachent eux aussi à adopter ce changement tactique (usage du pistolet, allègement de l’armure, abandon ou moindre usage de la lance).

La bataille de Coutras (1587) est un exemple frappant. Anne de Joyeuse, commandant l’armée royale, lance sa cavalerie sans préparation sur les protestants commandés par le futur Henri IV : partie trop vite, de trop loin et au grand galop, l’élite catholique arrive au contact désunie, ses chevaux fourbus et trouve face à elle une cavalerie protestante contrechargeant pistolet au poing efficacement soutenue par des détachements d’arquebusiers intercalés. Un massacre.

Avant l’éclatement des conflits des Guerres de Religion la monarchie maintient une soixantaine de compagnie d’ordonnance (64 en 1559), soit 2 500 à 2 800 lances, donc entre 6 000 et 7 000 hommes. Au cours de la 1ère guerre on passe à 80 compagnies, soit 7 200 hommes ; au cours de la 2è 143, soit 10 725 ; au cours de la 3è 180 soit 13 500 ; au cours de la 4è à 87, soit 6 525 ; au cours de la 5è (janvier 1574) 68 soit 6 120 ; au cours de la 5è (décembre 1575) 102 soit 7650, par exemple. Cela représente en 13% et 26% de l’ensemble des troupes mobilisées par le camp catholique sur la période 1562 à 1575.

Les chevau-légers

Tu n’es qu’un roturier mais tu ne veux pas non plus servir à pied comme le plus vil des manants ? Tu n’as point trop de fortune et ne peut t’offrir le coûteux équipement et train qui sied à tout gendarme ? Tu n’as pas d’appuis ou de parents qui puissent te faire avoir un poste dans une compagnie d’ordonnance ? Tu es un habile et intrépide cavalier ? Alors le service dans une compagnie de chevau-légers est fait pour toi.

L’équipement du chevau-léger le rapproche du statut de l’archer des compagnies d’ordonnance, le prestige en moins (ce dernier point est un peu moins vrai vers la fin du XVIe siècle ou ce corps qui tend à se développer du fait de la mutation tactique de la gendarmerie devient de plus en plus attractif – on peut le constater par l’étude sociologique de ses membres et de ses capitaines) : armement défensif moins développé et lance plus courte que ceux d’un gendarme, importance croissante du pistolet.

Formation plus souple que celle des compagnies d’ordonnance, plutôt anecdotique au début des Guerres des Religion, elle tend à se développer par le nombre de compagnies créées qui répondent aux mutations tactiques opérées par la cavalerie à cette période : usage croissant du feu, harcèlement, combinaison du feu et du choc.

Les reîtres

Symbole du mercenaire allemand au nom devenu proverbial par son assimilation à la cruauté du soldat en maraude, ce cavalier aussi recherché que coûteux a pu être employé par les deux camps. Equipé d’un ¾ d’armure comme le chevau-léger, il fait un usage sophistiqué de l’attaque au pistolet défini sous le nom de caracole (charge face à l’ennemi et volte après décharge de son arme). Sa fiabilité s’arrête là on son intérêt commence et s’il fait souvent preuve d’un grand professionnalisme lors du combat son appât du gain comme son absence de scrupule font de ce soldat étranger un très encombrant et impopulaire allié, autant craint qu’haï des populations victimes de ses exactions. A Vimory et Auneau (1587) Guise écrasera les mercenaires allemands, dont de nombreux reîtres, mobilisés par les protestants et en tirera une gloire aussi importante que la balafre reçue au visage et qui lui voudra son surnom.


A suivre avec l’infanterie.

1 « J'aime »

Je signale, la sortie depuis la fin 2023 du troisième volume de la série « Par le feu, le fer et la foi », 1562 Beginning of a Tragedy qui propose de simuler trois batailles des Guerres de Religion entre octobre et décembre 1562.

Cet opus ne sort pas chez l’éditeur initial de la série, Hexasim, mais chez la jeune société française Serious Historical Games. Donc, pas de panique, le jeu est toujours en français et en anglais.

On trouvera dans cette nouvelle boite de la série, les scénarios suivants :

  • Dreux, 19 décembre 1562
  • Vergt, 9 octobre 1562
  • Le Bessat, 31 octobre 1562

De quoi encore accroître les possibilités de jeu sur cette belle série.

Le jeux ont l’air sympa.
Mais j’ai toujours trouvé cette période particulièrement déprimante. Je n’ai jamais compris ce conflit. Je ne crois pas une seconde que le fond du problème soit la religion, cela me semble plutôt être un prétexte.
Mais comme c’est ce qu’on m’a enseigné à l’école je n’ai pas eu envie d’aller plus loin (sauf via Alexandre Dumas père mais ce n’est pas vraiment … enfin, ça passe le temps).
Grosse lacune culturelle.