[Le Projet]
Il y a peu est enfin sorti Le Projet, premier jeu du studio Unexpected Games.
Et j’avais envie d’en parler un peu, parce que c’est à la fois pour moi une relative déception, et un jeu qui mérite qu’on s’y attarde.
Monsieur François de Tric-Trac s’est déjà fendu d’un petit article ici.
C’était un jeu super attendu pour moi parce que Corey Konieczka est un de mes designers préférés.
Je trouve qu’il n’a pas son pareil pour créer des jeux très complexes avec beaucoup d’intrications, mais qui font avant tout vivre une expérience de folie en raccord total avec le thème du jeu. Personnellement, quand je joue à Battlestar Galactica, aux Contrées de l’Horreur ou à Star Wars Bordure Extérieure, je m’y crois à fond et j’incarne un personnage. Surtout, Star Wars Rebellion est un véritable chef-d’oeuvre de mécaniques collées les unes aux autres (programmation, guessing, combats aux dés, conquête de territoires) pour créer un jeu incroyablement cohérent qui offre des sensations peu communes, entre jeu de rôle et wargame, et qui crée des parties mémorables à chaque fois.
Bref, quand j’ai appris que cet artisan remarquable et atypique avait reçu les clés de son propre studio pour innover en paix et créer des jeux “unexpected”, j’ai failli m’évanouir de bonheur et je me suis rongé les ongles jusqu’au coude en attendant le truc bizarre qui allait sortir de ce studio.
Et ben… Le Projet, donc.
OK, j’avais certainement des attentes beaucoup trop élevées, mais il faut bien reconnaître qu’on est loin de la révolution, ou même du “unexpected”. C’est un jeu que l’on pourrait rapprocher de beaucoup d’autres. Et qui plus est, un jeu résolument familial.
Le jeu fait son malin avec son côté “méta”, puisque l’on joue des enfants qui jouent à un jeu de société. Mise en abîme, tadaaaaa. Mouais. Le coup du “jeu dans le jeu” avait déjà été fait en 2016 avec Hit z Road et ce n’était déjà pas ultra fameux (et ça a sûrement été refait depuis, même si là tout de suite je n’ai pas d’exemple en tête).
Donc, on incarne des enfants qui trouvent un jeu de société un peu vintage appelé La Clef.
Le Projet va consister à faire plusieurs parties de La Clef, les unes à la suite des autres, et au fur et à mesure on découvre des petits secrets cachés dans le jeu par le précédent propriétaire. Les parties vont devenir de plus en plus compliquées, du matériel va s’ajouter, toi-même tu sais si tu as déjà fait un legacy dans ta vie.
(Attention, ce n’est pas un jeu Legacy au sens destructif, enfin presque pas).
À la lecture des règles de La Clef, on est assez perplexe et on se dit : “c’est tout ?” Et en fait, à la pratique… ben, c’est tout simple mais plutôt très malin. La Clef est un petit jeu qui reprend le principe de Keltis mais en mode coopératif. Et chacun sait très bien que Keltis est le “greatest game ever designed” (ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Dr Knizia).
Attention, on n’est pas du tout dans un jeu d’escape ou d’énigmes logiques, on est bien dans un coop mécanique qui demande une vraie concertation et coordination entre les joueurs. Le but du jeu est de se déplacer sur une map pour récolter des indices (sous forme de glyphe), qui vont nous permettre de décoder un message. Mais le coeur du jeu est bien dans l’optimisation des actions pour récupérer ces indices, et non pas sur le déchiffrage en lui-même (qui n’est qu’un sorte de cerise sur le gâteau).
Entre chaque partie de La Clef, on lira une page de BD qui nous narre les aventures des enfants qui jouent à La Clef et découvrent ses secrets petit à petit. Cette BD est la vraie bonne idée de Le Projet : beaucoup moins rébarbatif à lire qu’un gros paragraphe de texte, plus facile à partager autour de la table pour que tout le monde se sente impliqué. Avec en prime une aventure style Goonies assez sympa à suivre.
Si je devais rapprocher Le Projet d’un jeu existant, ce serait clairement Zombie Kidz Evolution ou Zombie Teenz.
Dans le sens où on a un coeur de jeu coopératif très simple, qui permet des parties rapides (environ 30 min), auquel on va ajouter des couches et des couches au fur et à mesure qu’on joue. Et le côté addictif vient du fait qu’on a très envie de découvrir quelles surprises se cachent à la mission suivante (ce n’est pas sous forme d’enveloppes comme à Zombie Kidz, mais ça revient au même).
Et voilà donc ce que Le Projet n’est pas :
- un “gros” jeu. Corey Koniezcka, pour une fois, fait une incursion dans le domaine du jeu résolument familial.
- un jeu d’énigmes. Le coeur du jeu est un coopératif mécanique, très bien fichu, mais on n’est pas dans du jeu narratif ou d’escape. Quelques énigmes de décodage parsèment la progression çà et là, mais il s’agit surtout de décorum (les énigmes arrivent entre les parties de La Clef, pendant la lecture du BD, et elles sont optionnelles à la progression).
- une révolution. Il n’y a rien dans Le Projet qui ne soit jamais vu auparavant. On sera peut-être subjugué si on n’a jamais fait de jeu legacy, mais pour quiconque a déjà fait ce genre de jeu en campagne, il n’y a rien d’extrêmement surprenant.
Ce sont les trois points ci-dessus qui font que Le Projet a été une relative déception pour moi, car c’était peut-être ce à quoi je m’attendais.
Cependant, Le Projet peut-être un excellent jeu si on le prend pour ce qu’il est, à savoir : un jeu coopératif familial, à jouer en campagne avec vos grands enfants / préados (on est un niveau au-dessus de Zombie Kidz quand même), qui permet de les initier en douceur à la cryptographie via une suite de parties rapides et addictives.
Et c’est déjà pas mal du tout.