La récente brève sur le plagiat de "Time is Money" est intéressante. Je poste ma réaction dans le forum, car le sujet vaut la peine d'être débattu.
Citation de Giraudoux, trouvée dans le Petit Robert :
Le plagiat est la base de toutes les littératures, excepté de la première, qui d'ailleurs est inconnue
Les idées circulent, sont réutilisées, améliorées, recoupées, et en suscitent de nouvelles. L'emprunt est la base de l'invention. Ce n'est pas immoral, et bénéfique à tous. Sans le jeu de plateau Full Metal Planete, il n'y aurait pas eu le jeu vidéo Dune II, et la longue et lucrative lignée des Warcraft et Command & Conquer n'aurait jamais vu le jour. Mais FMP lui-même empruntait à une longue tradition des jeux de plateau. Cependant, il y a bien sûr des limites à ce que l'on peut emprunter, à la fois morales et légales (ce qui n'est pas toujours la même chose).
L'idée nue. La bonne petite idée, celle qui tout-à-coup allume une ampoule au-dessus de la tête de Léonard ou Géo Trouvetou sera longtemps chère au coeur de celui qui la trouve. Cependant, dès qu'elle devient connue d'autrui, elle ne lui appartient plus vraiment. N'importe qui a le droit de s'en inspirer. C'est moral et (le plus souvent) légal. Simplement, la politesse veut que l'on cite la source d'une idée lorsqu'on l'utilise, pour ne pas donner à penser qu'on cherche à s'en approprier la paternité. Pour donner un exemple, Bruno Faidutti a toujours expliqué sur son site la filiation de ses jeux. Il y a du Cluedo dans "Mystères à l'Abbaye", un peu de Verrater dans Citadelles, un soupçon de "Jungle Speed" dans "De l’orc pour les braves", etc.
La concrétisation d’une idée. Une fois l’ampoule allumée dans la tête d’un inventeur, il s’ensuit un long travail de recherche pour la peaufiner, la mûrir, et enfin la mettre en application. Quel que soit le domaine, cela se traduit souvent par la naissance d’une maquette ou d’un prototype. C’est ce long travail de recherche qu’il est, à mon sens, parfaitement inadmissible de voler.
La propriété intellectuelle. Cette notion est avant tout juridique : où se situe, d’après la loi, la limite entre un gentil emprunt d’idée et un méchant vol de travail ? Epineuse question. N’étant pas spécialiste, ce que je vais dire maintenant est à prendre avec des pincettes. Les deux outils principaux qui protègent les créateurs sont le copyright et le brevet. Lorsque l’idée aboutit, après travail, à une production dont la forme est originale (écrit, dessin, mélodie, …), c’est le copyright qui s’applique. Lorsque l’idée aboutit à une originalité de procédé (mélange chimique, circuit électronique, assemblage mécanique, …), c’est le brevet qui s’applique. Cependant, alors que l’application du copyright est automatique, le brevet doit quant à lui être acheté, et ses conditions d’application sont un casse-tête juridique. Quoiqu’il en soit, c’est toujours l’aboutissement d’une idée qui est protégé, la façon dont elle a été mise en application par celui qui l’a trouvée. L’idée en elle-même est libre comme l’air.
En conclusion, lorsque vous soumettez un prototype à un éditeur, vous n’êtes pas vraiment protégé par la loi. Les bonnes petites idées qu’il renferme peuvent être réutilisées dans votre dos. C’est indélicat mais légal. Cependant, inutile d’être parano ; la plupart du temps, les éditeurs tiennent à leur réputation et c’est là votre meilleure protection. Dans le cas de "Time is Money", la bonne idée consiste à obliger le joueur à chronométrer dans sa tête pendant qu’il est déconcentré par d’autres tâches et par d’autres joueurs (on dirait un jeu télé). Si des créatifs de chez "Popular de Juguetes" avaient imaginé un autre jeu autour de cette idée, Roberto en aurait été pour ses frais. Heureusement pour lui, ils se sont contentés (en gros) de fabriquer en série sa maquette, sans même en changer le nom ! Il y avait là une véritable contrefaçon sur la forme, ce qui est couramment puni par les tribunaux car cela transgresse le copyright. Dans le cas "Jungle Jam", on est clairement en présence d’un plagiat, mais est-ce un plagiat légal ? Je ne le crois pas. Certes, l’idée du "jeu du briquet" appartient à tout le monde. Cependant, le fait de mettre "Jungle" dans le nom, de faire des cartes carrées, et de fabriquer un totem en forme de trognon de pomme, c’est le fruit d’un longue réflexion sur le design du jeu. C’est ce qui fait tout le charme de "Jungle Speed", et c’est à mon avis protégé par la loi.
NoixPecan.