Zuff dit: Pourquoi certains, comme Patrick Bruel, comparent le Poker et les Echecs ?
Parce qu'il est fort dans l'un, qui souffre de mauvaises connotations auprès des non-connaisseurs, et que dans l'autre qui est plus prestigieux il aurait aimé être plus fort?
Cela dit la comparaison est intéressante. J'ai noté plus haut ou dans un autre fil qu'un intervenant parlait du poker comme "le roi des jeux", appellation que je croyais réservée aux échecs, mais après tout il y a des rois dans les deux

Ces jeux n'ont pour moi presque rien en commun, ils sont même quasiment à l'opposé l'un de l'autre. Les échecs se caractérisent par une information totale pour les deux joueurs. Rien de caché, tout est sur l'échiquier, les deux armées s'affrontent dans la transparence la plus complète. Les échecs, c'est un peu le fantasme du contrôle total. Contrairement à la vie, dont les règles ne sont pas toujours simples et les enjeux pas toujours clairs, les échecs offrent un monde sans hasard (ce qui n'empêche toutefois pas la chance), aux contours très nets. En pratique c'est différent car plus on progresse, plus on est conscient du faible niveau qu'on a et des lacunes à couvrir. La psychologie n'est pas absente des échecs, et de très grands joueurs peuvent très bien choisir un coup objectivement inférieur à des fins de déstabilisation (L'ancien champion du Monde Emmanuel Lasker était connu pour adapter son jeu à l'adversaire). Mais le jeu se caractérise plutôt par une quête de la vérité absolue de la position, la recherche du meilleur coup possible dans une situation donnée.
Le poker, s'il comporte une composante technique, est en revanche axé sur le décodage des attitudes adverses (gestuelles et décisions de jeu), ainsi que sur l'encodage de ses propres attitudes. Bref sur le caché. Le poker, c'est un peu le fantasme de la télépathie. Car lire la main d'autrui, c'est un peu comme savoir ce qu'il pense. Le poker est en ce sens plus proche de la vie, car on doit prendre des décisions sans avoir toutes les données en main, faire des compromis.
Une autre grande différence entre le jeu est l'enjeu financier, intrinsèque au poker. S'il existe des parties "tariffées" aux échecs, ainsi que des professionnels qui pensent à leur revenus à la ronde décisive d'un tournoi, cet élément est totalement absent dans la phase d'apprentissage, dans ce qui est susceptible de vous faire accrocher au jeu ou non. D'autre part, les échecs trouvent leur pleine signification dans les parties lentes, où l'on a tout le temps d'exprimer la profondeur de ses calculs, tandis que le poker privilégie les décisions rapides, où les considérations rationnelles sont fortement soumises à l'intuition de la situation des autres joueurs. Enfin, le poker oppose le plus souvent un groupe de joueurs, tandis que les échecs sont toujours un duel.
Ces jeux sont donc très différents, et se complètent en un sens, ce qui explique qu'on puisse très bien aimer les deux. A mi-chemin, on trouve un autre jeu très prisé, le backgammon, où l'argent est présent, mais de façon moins intégrée, où l'information est totalement partagée par les deux joueurs mais pas complète, où il faut jouer vite mais qui repose plus sur la technique que sur la lecture de l'adversaire, où l'on peut intimider par le dé doubleur sans qu'on puisse réellement parler de bluff.