Discrimination positive:
Qu’est-ce qu’une politique de discrimination positive ? Que peut-on en attendre ? Explications de Gwénaële Calvès, professeur de droit à l’Université de Cergy-Pontoise. Article extrait d’Alternatives Economiques, janvier 2005
La discrimination positive a longtemps été présentée, en France, comme une technique de recentrage de l’Etat-providence [1]. Elle s’identifiait à une « forme équitable de l’égalité », qui imposait de rompre avec un principe d’universalité ou de gratuité des prestations sociales pour donner plus à ceux qui ont moins ». Elle désignait, ni plus ni moins, une politique de ciblage des conditions d’accès au service public ou aux revenus de transfert. Mais la discrimination positive « à la française » tend, depuis quelques années, à s’éloigner du champ des politiques sociales pour gagner un terrain balisé de longue date dans de nombreux pays sous le label d’« affirmative action ». Ce label recouvre, partout où il a cours, une série de mesures préférentielles qui poursuivent un triple objectif : un objectif de rattrapage entre groupes inégaux, un objectif de lutte contre les discriminations, un objectif de promotion de la « diversité ».
La discrimination positive est une politique de rattrapage entre groupes inégaux
L’affirmative action désigne initialement une politique d’intégration prioritaire adoptée dans un contexte de transition entre un régime d’oppression institutionnelle et la proclamation du principe d’égalité des droits et des chances. L’Inde libérée du joug britannique, les Etats- Unis des années 60 ou l’Afrique du Sud des années 90 voient naître une nouvelle société profondément marquée par le fossé qu’y ont creusé des décennies ou même des siècles d’inégalité statutaire. Dans un tel contexte, la consécration juridique du principe de non-discrimination apparaît comme radicalement insuffisante : « On ne peut pas rendre sa liberté à un homme qui, pendant des années, a été entravé par des chaînes, l’amener sur la ligne de départ d’une course et croire qu’on est ainsi parfaitement juste. » Comme le souligne cette célèbre métaphore du président des Etats-Unis Lyndon B. Johnson, des mesures de rattrapage accéléré s’imposent, à titre transitoire, lorsqu’il s’agit de combler une différence de positions initiales dont l’ampleur est telle qu’elle frappe d’absurdité l’idée même de compétition entre des hommes libres et égaux. On décide alors d’aménager, au bénéfice des groupes traditionnellement opprimés, un accès préférentiel aux ressources qui sont la clé de leur développement socio-économique : l’emploi, les capitaux, l’enseignement supérieur et, plus rarement, la propriété foncière ou les fonctions politiques.
Cette philosophie générale de l’affirmative action explique deux de ses traits essentiels : ce sont des politiques centrées sur le groupe, et ce sont des politiques élitistes. Leurs destinataires ne sont pas des regroupements ou des catégories d’individus, mais bien des groupes d’appartenance. On conserve en effet le critère qui avait permis de maintenir ces groupes dans une position subalterne (la race, la caste, le sexe, l’ethnie, la tribu…), mais pour en inverser la fonction : ce critère était un handicap et enfermait les individus dans un destin ; il fait dorénavant figure d’atout et ouvre devant eux les voies de la mobilité sociale. Mais c’est bien le même critère qui préside à la discrimination hostile et à la discrimination positive : naturalisé par une idéologie d’exclusion, ce critère dessine les contours de groupes auxquels on accède par la naissance exclusivement, et dont on ne se libère que par la mort.
Polarisées sur le groupe, les politiques d’affirmative action sont des politiques foncièrement élitistes : elles ne cherchent pas à lutter contre la pauvreté, mais à réduire l’écart entre différents groupes. La stratégie retenue consiste à faire surgir, au sein de ceux qu’on cherche à intégrer dans la société globale, des élites sociales, économiques ou politiques, dont on parie qu’elles joueront ensuite un rôle moteur dans le progrès général du groupe. L’effort porte donc sur des couches moyennes et supérieures qu’on veut aider à atteindre les positions sociales qu’elles auraient « normalement » occupées en l’absence de discrimination.
Le type de priorités retenues par les différentes politiques d’affirmative action manifeste clairement cette volonté de permettre à l’élite du groupe d’accéder aux « lieux de pouvoir » dont elle a si longtemps été exclue : cession préférentielle, en Afrique du Sud ou en Malaisie, de parts sociales des grandes entreprises majoritairement détenues par des Blancs et des Chinois ; priorité d’accès, en Inde, à une fonction publique traditionnellement monopolisée par les hautes castes ; accès facilité, dans tous les pays, aux perspectives de mobilité sociale ouvertes par les établissements d’enseignement supérieur. Rien de tout cela ne concerne, à l’évidence, les membres du « groupe cible » qui croupissent dans la misère : ils n’ont tiré ni ne tirent le moindre bénéfice direct d’une politique qui, de toute façon, ne leur est pas destinée. Aux Etats-Unis, par exemple, l’alternative entre l’affirmative action et le « plan Marshall pour l’Amérique noire » que réclamaient certains membres du mouvement pour les droits civiques a été clairement formulée, et délibérément tranchée [2]. Il est en outre avéré que la réduction des inégalités entre groupes (plus ou moins forte d’un pays à l’autre, mais partout attestée), s’est accompagnée, dans tous les pays concernés, d’un accroissement des inégalités internes aux groupes bénéficiaires.
De nombreux esprits semblent aujourd’hui séduits, en France, par cette approche de la discrimination positive. Son faible coût n’est pas le moindre de ses attraits. Il semble commode, par exemple, d’instituer, ici ou là, des « filières ZEP » permettant un accès préférentiel à des écoles plus ou moins grandes, plutôt que d’entreprendre un vaste programme de rétablissement de l’égalité dans l’accès au savoir, ou même une refonte de la carte scolaire. Les réformateurs « réalistes » proposent ainsi, lorsque le concours, « sous une apparence égalitaire, avantage les candidats qui maîtrisent les codes socioculturels essentiels », d’instiller dans les écoles où se reproduisent les élites une petite dose d’élèves qui ne maîtrisent pas ces « codes socioculturels essentiels » [3]. L’élite découvrira ainsi la « diversité », le concours sera préservé, et on se sera évité la peine d’analyser les ressorts sociaux de l’effet discriminatoire qu’il produit de manière sans cesse accrue depuis le début des années 80 (car qui sait jusqu’où pourrait mener une telle enquête…).
La discrimination positive est une politique contre-discriminatoire
Parallèlement à ce premier objectif de réduction des inégalités entre groupes, les politiques de discrimination positive entendent également contrebalancer une discrimination devenue illégale, mais qui continue à sévir dans divers domaines de la vie sociale. Lorsque la discrimination est ancienne et solidement ancrée dans les structures sociales, politiques et mentales, il est illusoire de tabler sur la seule force du droit. Les mécanismes d’exclusion sont perçus comme naturels, l’inégalité est dans l’ordre des choses, et le statu quo est voué à se perpétuer indéfiniment. Seules des mesures volontaristes peuvent rompre ce cercle vicieux. En imposant la présence d’indésirables en des lieux où, de l’avis de tous et, bien souvent, de leur propre avis, ils ne sont pas « à leur place », la discrimination positive cherche à dissoudre les stéréotypes des uns et le sentiment d’illégitimité des autres. La discrimination positive est ainsi solidaire d’une nouvelle définition de la discrimination, qu’on ne traque plus seulement dans les textes (discrimination de jure), mais aussi dans les faits (discrimination de facto). Dans un domaine où l’imagination humaine est sans limite, il est en effet clairement apparu - dès 1971 aux Etats-Unis, partout ailleurs au fil du temps -, qu’une définition du fait discriminatoire centrée sur la situation et le comportement respectifs des acteurs individuels ne permettrait pas de démanteler les pratiques d’exclusion les mieux dissimulées, ou anciennes au point de passer pour « naturelles ». Le juge américain, pour débusquer ce type de discrimination, a décidé de décentrer la perspective, en posant qu’un déséquilibre statistique entre groupes suffirait à faire naître une présomption de discrimination : c’est la consécration de la notion de discrimination indirecte qui manifeste un véritable changement de perspective.
Cette notion a en effet pour fonction de faire tomber sous le coup de la loi des différences de traitement qui, apparemment irréprochables, s’avèrent, en pratique, génératrices d’inégalités. Une présomption d’illégalité est établie à l’encontre d’une mesure, d’une pratique ou d’un critère apparemment neutre (la taille, par exemple), dès lors qu’elle affecte en proportion nettement plus élevée les membres d’un groupe vulnérable que les individus qui n’en relèvent pas. La discrimination n’est plus seulement définie comme un acte ponctuel et intentionnel : elle est désormais repérable objectivement, indépendamment des intentions et mobiles des acteurs. La relation entre la discrimination positive et la discrimination arbitraire change alors du tout au tout : la discrimination positive, qui apparaissait comme une dérogation ponctuelle et provisoire au principe de l’égalité de traitement, s’impose désormais comme une nécessité pratique, et peut-être permanente, des politiques de lutte contre la discrimination.
La discrimination positive est une politique de diversité
L’inspiration initiale des politiques d’affirmative action n’a strictement rien à voir avec le multiculturalisme. Ces politiques de rééquilibrage des positions socio-économiques globales ne s’étaient pas fixé pour idéal de faire advenir des entreprises, des administrations, des universités ou un gouvernement « à l’image de la population ».
Mais le relatif échec d’une démarche foncièrement assimilationniste (au sein des universités notamment) a conduit l’Amérique des années 80 à reformuler les objectifs de l’affirmative action ou, à tout le moins, à infléchir le discours de légitimation qui lui est appliqué. On la justifie désormais au nom de la « diversité », ou de la « représentation équitable » des différents groupes qui composent la population du pays.
Ce nouveau discours repose sur une approche renouvelée de l’égalité, qui ne s’identifie plus à l’égalité des conditions ni au principe de non-discrimination, mais à l’impératif de reconnaissance des identités, des différences et de l’égale dignité des minoritaires. Sur un plan plus pragmatique, la diversité est également présentée comme une force, une richesse, un atout…
Ce thème de la « diversité », s’il est le produit d’une évolution historique propre aux Etats-Unis, n’en a pas moins franchi les frontières avec un indéniable succès. Sur le continent européen, il s’est d’abord épanoui dans le cadre du Conseil de l’Europe. Les travaux menés en son sein, à partir de 1989, sur la « démocratie paritaire », ont ainsi intégré dès l’origine une réflexion sur la place des hommes et des femmes dans la haute fonction publique et ont conduit à préconiser le « rééquilibrage » de leur part respective. Ces initiatives déboucheront, en France, sur d’importantes réformes destinées à favoriser la parité entre hommes et femmes dans l’accès aux fonctions électives. Au cours de la même période, l’aide à la transition démocratique en Europe centrale et orientale a mis à l’ordre du jour, dans le contexte du développement du droit des minorités nationales et linguistiques, la question du « management public de la diversité ethnique » dans la fonction publique notamment. De manière plus générale, les organes du Conseil de l’Europe affirment leur conviction que « la composition (…) de toute administration publique doit normalement être représentative de la collectivité qu’elle sert », afin d’instaurer « un climat plus confiant » et de donner à l’administration « une vision plus juste, plus respectueuse et plus sensible des divers groupes ethniques ou raciaux ». [4]
Le thème de la diversité a ensuite été développé dans le cadre de l’Union européenne, lorsque la lutte contre les discriminations a été intégrée à la liste des compétences communautaires. Il figure au tout premier rang du programme d’action contre les discriminations élaboré pour la période 2001-2006, ainsi que dans la campagne d’information lancée en juin 2003, éloquemment baptisée « Pour la diversité. Contre les discriminations ». En France, les chefs d’entreprise et les responsables politiques ont affirmé, dès la fin des années 90, leur souci d’introduire du « métissage », de la « diversité » et une certaine forme de « représentativité » dans le monde du travail, à la télévision ou sur la scène politique. Ces initiatives s’épanouissent aujourd’hui sous forme de diverses chartes de la diversité - à l’instar de l’accord publié en septembre 2004 par PSA Peugeot Citroën [5] -, ou de la charte de la diversité dans l’entreprise signée, le mois suivant, par trente-cinq grands groupes. Les entreprises de travail temporaire comme Adecco ou Adia avaient ouvert, dès 2002, une voie dans laquelle s’engouffre aujourd’hui un nombre croissant de grands groupes français.
Les motivations de ces entreprises sont diverses : les unes cherchent à rectifier une image ternie par des pratiques discriminatoires avérées ou fortement suspectées (voir encadré). D’autres entendent désamorcer les tensions sociales qu’elles rencontrent (groupe Casino), d’autres encore essaient d’anticiper la pénurie de main-d’œuvre qui, dans certains secteurs, menace de s’installer très prochainement. Les multinationales, en outre, sont plus directement exposées à la pression de ce mouvement nord-américain en faveur de la diversité ethnoraciale du lieu de travail. Les gains proprement économiques qu’elles peuvent espérer de cette opération de diversification s’annoncent, en revanche, nuls ou quasi nuls. Deux économistes américains, Jonathan S. Leonard et David I. Levine, ont en effet testé les deux hypothèses centrales de la théorie de la diversité comme source de productivité accrue (facilitation de la relation-client, d’une part, meilleure synergie dans le travail en équipe, d’autre part). Aucune de ces deux hypothèses ne semble confirmée, sauf dans les cas où la diversité recouvre une différence des compétences linguistiques (elle est alors un atout) ou dans le cas d’une diversification de la structure par âges (elle apparaît comme un handicap).
La discrimination positive est ce qui reste quand on a tout essayé…
Ces trois approches de la discrimination positive, dans le discours contemporain, se superposent volontiers, tout en demeurant analytiquement distinctes. Elles présentent le point commun de se définir par rapport au fait discriminatoire. La discrimination positive peut vouloir compenser une oppression passée dont la société contemporaine porte encore les cicatrices ; elle peut chercher à contrebalancer des pratiques d’exclusion actuelles et persistantes ; elle peut, enfin, prendre acte de l’échec du long combat destiné à démontrer l’inanité de certaines formes de « différences » entre les êtres humains, pour valoriser ou sublimer (de guerre lasse ?) la « diversité » et la « nature multiraciale » de nos sociétés.
Dans les trois cas, la discrimination positive ne prend sens qu’en fonction de discriminations dont l’ampleur, la persistance et le caractère destructeur sont clairement avérés. Les sociétés qui ont institué ce type de politiques s’y sont résignées comme on se résout à ingurgiter un remède amer mais efficace : « Pour en finir avec le racisme, affirmait un juge américain dans une formule qui a fini par acquérir la force d’un slogan, nous devons commencer par prendre la race en compte. Il n’y a pas d’autre voie. »
La discrimination positive est ce qui reste quand on a tout essayé, ou quand on sait d’avance qu’une approche exclusivement répressive ne produira ses fruits qu’à très long terme. Mais elle n’a pas vocation - sauf peut-être aux yeux de ses nouveaux zélotes français -, à supprimer le symptôme de causes que l’on n’a pas le courage de traiter.
Texte initialement publié dans Alternatives économiques, n°232, juin 2005, repris ici avec l’aimable autorisation de l’auteure et de l’éditeur.
[1] Voir La France de l’an 2000, Commissariat général au Plan, rapport au Premier ministre de la commission présidée par Alain Minc, éd. Odile Jacob et La Documentation française, 1994.
[2] Voir The Ironies of Affirmative Action, par John D. Skrentny, University of Chicago Press, 1996, pp. 31-33.
[3] A titre d’illustration, voir le manifeste publié par Le Monde du 18 octobre 2004, « Etendre la discrimination positive “socio-économique” à toutes les grandes écoles ».
[4] Formation de la police concernant les relations avec les migrants et les groupes ethniques. Directives pratiques, Conseil de l’Europe, éd. du Conseil de l’Europe, 1994.
[5] « PSA, un employeur black, blanc, beur », Liaisons sociales, octobre 2004, p. 87.
Bio et commerce équitable:
Débat : Les limites de l’alimentation éthique
Peut-on changer le monde en faisant ses courses ?
Les consommateurs se trompent s’ils pensent qu’ils aident les paysans pauvres et luttent contre le réchauffement climatique en privilégiant les produits équitables et bio. Un point de vue polémique paru dans l’hebdo britannique The Economist.
(Sources: Courrier International)
Institutions:
Les 500 parrainages, garantie démocratique
Par Frédéric ROLIN, professeur de droit public à l’université Paris-X-Nanterre.
Il y a, dans l’histoire des campagnes pour l’élection présidentielle, un «marronnier», pour reprendre le vocabulaire journalistique, c’est la question des fameuses 500 signatures, encore qualifiées de parrainages: les petits et les moyens candidats vitupèrent, protestent, lancent des appels pour que les «grands» ne les empêchent pas de faire valoir leur chance en tentant de faire pression sur les élus, pour que ces précieux parrainages ne leur soient pas accordés.
Ils soulignent souvent que d’élection en élection, la pression sur ces élus se fait plus forte, mais que pour 2007, sans doute du fait du souvenir de 2002 et de l’éparpillement des candidatures de gauche, le phénomène a franchi un véritable cap, avec des consignes clairement assumées par les partis à l’égard de leurs élus locaux.
Evidemment, la tendance à ressentir de l’empathie pour ces petits candidats est aussi instinctive que naturelle: David contre Goliath, poil à gratter contre éléphant, toutes les métaphores pourraient être employées. Pourtant, à bien y réfléchir, il semble que ce mode de sélection des candidatures comporte désormais plus d’avantages que d’inconvénients.
Pour démontrer cela, il convient d’abord de rappeler que tous les pays qui élisent leur chef de l’Etat au suffrage universel disposent d’un mécanisme de sélection des candidatures. Il repose en général sur la signature d’un certain nombre d’élus parlementaires (comme en Finlande ou encore en Irlande), ce qui constitue un mode de régulation «politique» ou une pétition d’électeurs recueillant un certain nombre de signatures (comme au Portugal, en Lituanie ou en Pologne), ce qui constitue un mode de régulation «populaire». Certains pays, enfin, optent parfois pour un système mixte qui cumule ou ouvre un choix entre les deux précédents. Une des seules exceptions, de taille il est vrai, est constituée par les Etats-Unis. Mais on constate alors que la régulation par le bipartisme s’est substituée à l’absence de règle constitutionnelle.
Autrement dit, la sélection des candidatures n’est pas considérée comme antidémocratique. Bien au contraire, elle participe à la qualité de l’élection en évitant l’éparpillement des candidatures et en recentrant les débats électoraux autour des enjeux essentiels: une élection présidentielle n’est pas une tribune politique et médiatique facilement ouverte, elle est d’abord le moment de choisir un dirigeant.
Dans ce contexte, le système français des 500 signatures n’est pas une incongruité. Il présente en revanche dans les textes une particularité qui le rend a priori critiquable: la sélection est opérée pour l’essentiel par les maires des communes rurales qui représentent plus de 30 000 des 40 000 parrains disponibles (constitués par les députés, les sénateurs, les conseillers généraux et régionaux et les maires). Or, en théorie, on ne voit pas quelle est la légitimité dont disposent ces élus locaux pour décider qui pourra ou ne pourra pas se présenter. Sans doute, ils ont été eux-mêmes élus au suffrage universel, mais les enjeux d’une élection locale sont bien loin de ceux de cette élection nationale essentielle.
On pourrait effectivement être tenté de proposer une réforme pour replacer le système français dans des logiques plus satisfaisantes et plus cohérentes.
Mais c’est précisément à ce stade qu’il convient de souligner que les critiques des petits candidats tendent à démontrer qu’en réalité le système est en train de créer sa propre régulation et sa propre réforme, sans qu’il n’y ait besoin de passer par un nouveau texte. Que disent ces critiques? Que les partis qui disposent d’élus imposent une discipline renforcée aux possibles parrains; qu’ils «assèchent» les gisements de parrainages en obtenant pour eux-mêmes bien plus que les 500 signatures minimales requises; que les parties ou les courants d’idées qui ne sont pas parvenus à obtenir une représentation démocratique locale sont défavorisés par ces agissements.
Tout cela est exact, mais loin d’être contestable, va dans le bon sens: les élus locaux sont de plus en plus les représentants des partis ou placés sous leur influence. Autrement dit, progressivement et presque naturellement, la France est en train d’opter, à l’instar d’autres pays, pour une régulation politique de la sélection des candidatures. Ce système en vaut un autre, il favorise certes les partis en place mais limite les risques de dérive plébiscitaire ou démagogique. Il concentre en outre les débats autour des programmes des partis de gouvernement, ce qui va dans le sens d’une normalisation de la démocratie française.
Pour une fois que l’évolution naturelle des pratiques permet en France d’aboutir à une véritable réforme, sans qu’il soit besoin de céder à notre manie de voter de nouveaux textes on peut le dire: assurément, il ne faut surtout pas modifier notre régime des parrainages à l’élection présidentielle.
(in Liberation,pages rebonds )
Quatre économistes et une campagne
Bruno Amable est professeur de sciences économiques à l’université Paris I Panthéon - Sorbonne.
Olivier Bouba-Olga est maître de Conférences à la faculté de Sciences économiques de l’Université de Poitiers. Il a notamment publié «Les Nouvelles Géographies du capitalisme : comprendre et maîtriser les délocalisations» (Seuil, 2006) et «L’Economie de l’entreprise» (Seuil, 2003). Il commente régulièrement l’actualité économique sur son blog.
Alexandre Delaigue est professeur agrégé d’Economie-Gestion, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan. Il contribue au site internet
Econoclaste.org (l’économie pour les nuls et les autres) et au blog d’Econoclaste.
Pierre-Yves Geoffard est directeur de recherche au CNRS (PSE) et professeur à l’Ecole d’Economie de Paris
Institutions:
La Ve République face au changement de société
Jean-Louis Quermonne
Presque cinquante ans après sa fondation, la Ve‑République est en crise. Un pouvoir présidentiel trop fort et une mauvaise coordination des pouvoirs sont en cause. Pour s’adapter à une Europe grandissante, la France sera obligée de restructurer son système institutionnel et politique en cherchant une nouvelle cohérence entre ses multiples niveaux de gouvernance.
La Ve République a-t-elle atteint le point limite de son dysfonctionnement ? La difficulté avec laquelle elle affronte le changement de société tend à le prouver. Ainsi en est-il face à une croissance économique insuffisante, à la persistance du chômage, au déséquilibre du commerce extérieur, à la stagnation du pouvoir d’achat ainsi qu’à la montée en puissance de la violence urbaine. A quoi s’ajoute la position délicate de la France dans l’Union européenne et sur la scène internationale à la suite du rejet du traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Aussi, à l’approche de l’élection présidentielle, n’est-il pas étonnant que l’on s’interroge sur la capacité du régime à décider. Or, au-delà de la conjoncture politique, une raison supplémentaire justifie cette « mise en examen ». Etablie en 1958 par un Etat souverain et centralisé, en proie à la décolonisation, la Constitution de la Ve République a de plus en plus de mal aujourd’hui à s’accommoder de la démultiplication des niveaux de décision. Elle répond mal aux sollicitations de la mondialisation comme aux exigences de la société civile. Et il n’est pas sûr qu’une simple révision constitutionnelle suffise à résoudre un problème d’ordre structurel dû à sa configuration.
Que la présidentialisation de la Ve République présente un caractère pathologique, de nombreux observateurs en conviennent (1). Son autoritarisme apparent camoufle mal sa difficulté à gouverner. Depuis 1986, trois cohabitations successives ont écorné les pouvoirs que la pratique coutumière du général de Gaulle avait conférés au chef de l’Etat. Et le fait qu’à trois reprises les gouvernements aient dû fonder leur légitimité sur le soutien de la majorité parlementaire plutôt que sur l’investiture de l’Elysée a déréglé le système. A tel point que la troisième expérience de ce dysfonctionnement, de beaucoup la plus longue, a justifié l’institution du quinquennat. Or, cette réforme, en plaçant le président en première ligne, a conduit à le fragiliser.
Dans le même temps, deux prérogatives essentielles du chef de l’Etat ont essuyé un échec. Le premier résulte de la dissolution manquée de l’Assemblée nationale prononcée en 1997 à la suite des difficultés rencontrées par le Premier ministre Alain Juppé. Plus grave fut la réponse négative apportée le 29 mai 2005 au référendum sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe.
Enfin, la légitimité du pouvoir présidentiel a été ébranlée par le traumatisme de la consultation électorale du 5 mai 2002 qui a vu s’opposer au deuxième tour de l’élection présidentielle Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac. Or, si ce choc a valu au président sortant 82,21 % des voix au tour décisif, il n’en avait recueilli que 19,88 % au premier tour (21 avril 2002). Son élection n’a donc été rendue possible que par le report sur son nom d’une grande partie des suffrages de la gauche. Cela ne l’a pas empêché, avant même de connaître le résultat des élections législatives, de former un gouvernement exclusivement orienté à droite. Le soutien d’une large majorité parlementaire apporté aux gouvernements Raffarin et Villepin ne leur a pour autant pas conféré l’autorité nécessaire pour mener à bien des réformes devenues indispensables.
Le point culminant des dysfonctionnements est apparu lors de la crise du contrat première embauche (CPE), quand le président de la République a décidé de promulguer la loi contestée, mais validée par le Conseil constitutionnel, en demandant de ne pas l’appliquer ! Ne pouvant alors exercer son arbitrage, le chef de l’Etat s’est trouvé forcé de faire appel aux présidents des commissions compétentes des deux assemblées parlementaires pour sortir le gouvernement du « guêpier ». Son prestige s’en est trouvé entamé. Dans ces circonstances, également ponctuées d’échecs aux élections régionales et européennes, est apparu le vide de nos institutions pour sanctionner cette série de faux pas. Le quinquennat plaçant le président en première ligne, celui-ci n’a pas jugé nécessaire de révoquer le Premier ministre, sauf à l’issue du référendum négatif de mai 2005. Lui-même, contrairement au précédent établi par le général de Gaulle en 1959, n’a pas cru devoir démissionner. Et le projet de révision constitutionnelle, relatif à sa responsabilité pénale et politique, élaboré à sa demande et adopté par le Conseil des ministres en 2003, n’a pas encore été soumis au Congrès (2) !
L’enchevêtrement des niveaux de décision
Mais il y a plus grave que ces contre-performances d’ordre institutionnel. Ce sont les difficultés structurelles dues à la superposition et à l’enchevêtrement des niveaux de prise de décision. L’adjonction aux collectivités communales et départementales des communautés d’agglomérations et des régions, certes justifiée mais non accompagnée d’une refonte générale de la décentralisation, a rendu très complexe la répartition des tâches entre ces diverses entités. A tel point qu’aujourd’hui la réalisation de la plupart des investissements collectifs provient de financements croisés auxquels s’ajoutent ceux de l’Etat et de la Communauté européenne. En témoignent les pancartes placardées sur de nombreux chantiers que l’on a du mal à déchiffrer. Or, si pour des raisons historiques, il est bon que subsistent à titre symbolique les 36 000 communes françaises, c’est au niveau des agglomérations que doivent être prises les décisions. De même que s’impose une simplification visant à fusionner les départements et les régions, en tant que collectivités territoriales, afin de doter ces dernières d’un budget qui, sans égaler, celui des Länder allemands, leur conférerait une véritable autonomie (3). Naturellement, pour rester de taille humaine, ces régions devraient davantage correspondre aux actuelles circonscriptions académiques ou judiciaires qu’aux espaces dessinés naguère par les géographes, mais dont l’étendue constituerait un défi pour la démocratie participative. Parallèlement, les administrations déconcentrées de l’Etat, coordonnées par les préfets, devraient demeurer en place. On imagine mal la suppression des préfectures dans la centaine de villes où elles sont implantées depuis la Révolution !
Mais, par-delà le palier étatique, a surgi depuis près d’un demi-siècle le niveau européen. Et l’articulation entre les deux n’a pas vraiment trouvé son équilibre (4). Le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe avait le mérite de clarifier entre eux la répartition des compétences, mais les non français et néerlandais l’ont mis en suspens et, en attendant, il reste difficile pour un citoyen de déchiffrer qui fait quoi. Le préjugé selon lequel l’Europe serait gouvernée par l’alliance des experts et les lobbies malmène la compréhension de la montée en puissance du Parlement européen et obscurcit le rôle d’une Commission pourtant devenue de plus en plus politique. Les gouvernements des Etats membres, en faisant d’elle le bouc émissaire de leurs carences, oublient que les directives qu’ils contestent ont été approuvées par eux en Conseil des ministres !
Il est vrai que l’interconnexion des processus de décision nationaux et européens est malaisée à organiser. Au lieu de s’éclairer, la notion de gouvernance brouille souvent les pistes. Et si la France a récemment transformé son secrétariat général pour la Coopération économique internationale (SGCI) en un secrétariat général aux Affaires européennes placé auprès du Premier ministre, elle n’a toujours pas de véritable ministre chargé des Affaires européennes. Il assurerait pourtant une meilleure coordination Paris-Bruxelles et éviterait les retards pris par la France dans la mise en œuvre des directives (5). Une réelle synergie entre les deux échelles de pouvoir et d’administration devrait faire l’objet des soins attentifs du(de la) prochain(e) président(e) de la République. La question centrale qui interpelle aujourd’hui une gouvernance à de multiples niveaux est celle de leur cohérence. Trois pistes de réflexion peuvent être balisées en se référant à trois concepts qui, par-delà une simple révision constitutionnelle, pourraient ordonner le changement.
Le premier est le concept de « polyarchie ». A savoir la pluralité des sources de commandement coordonnée aux différents niveaux territoriaux. Certes, rien n’est simple, mais la dérive présidentielle de la Ve République, en réduisant la marge d’autonomie des ministres et le pouvoir de délibération du Parlement, montre la nécessité de redonner aux différents acteurs du jeu politique un espace d’initiative qui permette de stimuler l’innovation. La séparation des pouvoirs n’est pas seulement garante de liberté, elle est aussi une ressource de bon gouvernement. D’où les projets de réforme constitutionnelle en vue de « reparlementariser » le régime. Mais quel(le) candidat(e) à l’élection présidentielle acceptera de ramener le rôle du chef de l’Etat à l’essentiel, à savoir l’arbitrage entre des forces politiques nécessairement composites ?
Une exigence de bonne gouvernance
Le deuxième concept est celui de « synergie ». Il signifie l’étroite coordination entre les acteurs politiques et administratifs situés tant à différents niveaux du processus de décision que dans divers secteurs. Il a trouvé son application à l’échelle européenne à travers la méthode communautaire. Cette dernière associe à la prise de décision l’instance supranationale que constitue la Commission européenne, le Conseil des ministres nationaux et le Parlement européen. Dans sa version la plus récente, sur la base des propositions de la Commission, elle repose sur la codécision du Conseil statuant à la majorité qualifiée et du Parlement européen se prononçant à la majorité absolue de ses membres. En France, la synergie s’exprime à travers la coordination interministérielle exercée par le Premier ministre et par la coopération entre l’Etat et les différentes collectivités territoriales. Et dans certains Etats fédéraux, comme l’Allemagne, le Canada et la Suisse, cette synergie donne naissance à ce que l’on appelle le fédéralisme coopératif (6).
Enfin, trop négligé par les Etats centralisés dont la France mais ayant toute sa place au sein de l’Union européenne, est le concept de subsidiarité. Il ne vise pas seulement à faire en sorte que les problèmes soient traités au plus près des citoyens. Mais, comme l’écrit Jacques Delors, il vise « à l’inverse, à monter plus haut dans la hiérarchie des pouvoirs, si c’est plus haut qu’on peut mieux résoudre les problèmes ». Et J. Delors de préciser que « fédéralisme ne veut pas dire disparition des Etats-nations ». Rejetant toute analogie avec les Etats-Unis d’Amérique, il retient en revanche « l’approche fédérale, qui permet de dire qui fait quoi, donc de rendre responsables ceux qui décident et qui agissent, et de bien distinguer entre les niveaux de décision (7) ». D’où l’expression qu’il propose pour identifier l’Union européenne de « fédération d’Etats-nations », intermédiaire entre la confédération d’Etats souverains et l’Etat fédéral.
Dans le cadre national, le principe de subsidiarité peut aussi servir de curseur dans les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, comme dans ses nouveaux rapports avec la société civile. Et pour ne prendre qu’un exemple il pourrait s’appliquer à l’autonomie des universités.
Ces trois concepts reflètent l’exigence de « bonne gouvernance » qui s’impose à tous les niveaux dans des sociétés de plus en plus complexes. Aussi est-il évident qu’une simple révision constitutionnelle du régime politique de la Ve République, fût-elle nécessaire, ne saurait suffire à permettre à la France de maîtriser le changement de société auquel elle est confrontée. Encore conviendra-t-il qu’elle redéfinisse les rapports de l’Etat avec les collectivités territoriales ainsi qu’avec l’Union européenne et qu’elle opère une véritable reconversion de ses relations avec la société civile. Ce qui implique un nouvel équilibre entre démocratie représentative et démocratie participative. Il faudra, pour cela, que le nouvel hôte de l’Elysée bénéficie d’un réel « état de grâce », et lance un plan d’action dont la mise en œuvre devra s’étendre au-delà d’un quinquennat !
Dans Sciences Humaines
Tout cela justifierait la convocation d’une assemblée constituante… (interdite aux énarques et aux parlementaires sortants - tant qu’à faire dans le populisme, autant être efficace
)
Euthanasie:
Voici le texte de l’appel signé par plus de 2.000 soignants(non anonymes) en faveur de l’euthanasie. (non anonymes)
“Nous, soignants, avons, en conscience, aidé médicalement des patients à mourir…
Parce que, de façon certaine, la maladie l’emportait sur nos thérapeutiques, parce que, malgré des traitements adaptés, les souffrances physiques et psychologiques rendaient la vie du patient intolérable, parce que le malade souhaitait en finir, nous, soignants, avons, en conscience, aidé médicalement des patients à mourir avec décence.
Tous les soignants ne sont pas confrontés à ce drame, mais la majorité de ceux qui assistent régulièrement leurs patients jusqu’à la mort, utilisent, dans les circonstances décrites, des substances chimiques qui précipitent une fin devenue trop cruelle, tout en sachant que cette attitude est en désaccord avec la loi actuelle.
Des améliorations ont été apportées par les textes législatifs d’avril 2005 (loi Leonetti) mais elles sont insuffisantes. Les récentes mises en examen de médecins et d’infirmières ayant aidé leurs patients à mourir prouvent que la loi est toujours aussi répressive et injuste car en décalage avec la réalité médicale.
Aussi nous demandons :
l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l’encontre des soignants mis en accusation ;
une révision de la loi dans les plus brefs délais, dépénalisant sous conditions les pratiques d’euthanasie, en s’inspirant des réformes déjà réalisées en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas ;
des moyens adaptés permettant d’accompagner les patients en fin de vie, quels que soient les lieux (domicile, hôpital, maisons de retraite) et les conditions de vie.
Il s’agit là, d’accorder à chaque personne, une singularité, une valeur absolue, qui se nomme, selon le préambule et l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : la dignité.”
(sources:nouvel obs)
Edit:
Une réflexion, à titre personnel d’un pasteur, sur l’euthanasie que j’ai trouvé très pertinente:
La bonne mort
On aimerait que ce soit plus simple. Selon le camp dans lequel on se place, on aimerait que les opposants à l’euthanasie soient d’horribles bigots revendiquant une souffrance rédemptrice ou de terrifiants médecins se prenant pour Dieu et s’acharnant thérapeutiquement sur le malade, le transformant en champs de bataille contre la mort. Ou bien, à l’opposé, on aimerait que les partisans de l’euthanasie soient d’irresponsables eugénistes, estimant que donner la mort est aussi anodin qu’administrer un vaccin, ou d’infâmes comptables, calculant le prix que le malade va coûter à sa famille et à la société… Malheureusement, les choses ne sont pas si simples. Dans chaque camp, on trouve surtout des hommes et des femmes confrontés à l’insupportable question de la souffrance et tentant de trouver une attitude acceptable face à l’inacceptable. Ceci posé, je ne jouerai pas les normands, ni la carte du « sans opinion ». Je suis, personnellement, hostile à l’euthanasie et plus encore à sa légalisation (je peux en effet être relativement hostile à quelque chose tout en étant favorable à sa légalisation)
Je suis hostile à l’euthanasie, non pas à cause du caractère sacré de la vie, et certainement pas à cause du caractère rédempteur de la souffrance (je réfute catégoriquement cette idée). Mais les plaidoyers pour la « bonne mort » sont généralement structuré en trois axes, or je suis en désaccord complet avec deux des trois.
Je suis d’accord avec le premier axe : la souffrance doit être combattue sous toutes ses formes. Mais ici, il existe une voie autre que l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie : les soins palliatifs. Une voie encore à peine explorée, une voie sans doute dispendieuse mais la vie et la dignité ont elles un prix ?
Le deuxième axe en revanche me pose problème : l’idée que la souffrance supprime (ou tout au moins diminue) la dignité humaine. Bien sûr l’idée n’est jamais exprimée aussi directement mais elle est bien présente dans « le droit à mourir dignement ». Or c’est une idée malsaine, voire dangereuse. La souffrance physique, la souffrance morale l’angoisse face à la mort ne diminuent en rien la dignité de l’individu, elles ne lui retirent rien de son caractère humain. Voilà ce qu’il est urgent d’affirmer. Et cette affirmation ne peut se limiter à un discours : il faut que tout soit mis en œuvre en termes d’accompagnement et d’éducation pour que dans notre regard et le sien, celui qui souffre reste entièrement un être humain digne de respect, digne de considération et digne d’être aimé.
Le troisième axe souvent utilisé me paraît ne pas tenir la route : le droit de chaque être humain à choisir sa mort est une illusion complète. Il est d’ailleurs assez paradoxal que dans le débat sur l ‘euthanasie, on oppose euthanasie et acharnement thérapeutique, alors qu’en fin de compte ils ressortent tous deux de la même conviction, de la même illusion que l’homme peut se rendre maître de sa mort… C’est justement cette illusion qui provoque ma très forte hostilité à une légalisation de l’euthanasie. En effet, légaliser l’euthanasie équivaudrait à dire que la souffrance rend le suicide acceptable… Message désastreux quand on sait à quel point le suicide fait des ravages. Bien sûr, une loi permettant l’euthanasie fixera un cadre strict mais le message n’en sera pas moins lancé (il l’est déjà beaucoup trop à mon goût). Et puis ce cadre, qui va le fixer ? Qui va décider à partir de quel degré de souffrance la mort devient une option acceptable ? Quel juge, quel médecin, quel dieu pourra dire « Effectivement votre cas est désespéré et insupportable, vous êtes autorisé à mourir » ou bien « non, vous n’avez pas encore atteint le seuil limite, patientez encore un peu… » ?
A mon avis une légalisation de l’euthanasie donnerait un message désastreux sur la valeur de la vie et poserait des questions insolubles : à partir de quand ? qui décide ? que faire face à l’inconscience et à la démence ?
C’est pour cela que je suis assez d’accord avec le verdict rendu par la Justice lors de l’affaire du Dr Laurence Tramois et de Chantal Chanel : c’est un verdict qui punit l’acte lui-même sans pour autant détruire la vie ni la carrière de celle qui l’a accompli, un verdict qui condamne l’euthanasie sans oublier qu’elle peut partir d’un sentiment de compassion.
Sur miettes de théo
Lettre adressée par Le défi michée aux candidats :
Monsieur, Madame,
En l’an 2000, notre pays, avec l’ensemble des Etats Membres des Nations Unies paraphait la Déclaration du Millénaire. En cela, ils déclaraient solennellement que le troisième millénaire ne serait pas celui de la faim, du VIH et de la dégradation de l’environnement. Sur la base de 8 engagements clefs, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), la communauté internationale s’engageait à réduire de moitié l’extrême pauvreté dans le monde d’ici à 2015.
LE DÉFI MICHÉE
En écho à cette initiative, le Défi Michée1 International a été créé en 2004, sous l’impulsion de l’Alliance Evangélique Mondiale (qui représente 400 millions de protestants) et d’un réseau d’environ 300 organisations humanitaires. L’objectif du Défi Michée est de mobiliser les chrétiens dans la lutte contre la pauvreté et l’injustice et d’encourager les gouvernants à respecter les engagements pris à l’ONU.
En France, le Défi Michée a été lancé par l’Alliance Evangélique Française et le Service d’Entraide et de Liaison (S.E.L., première organisation protestante française de solidarité internationale), et est soutenu par l’immense majorité des Eglises protestantes, réformées, luthériennes et évangéliques. Au niveau international, il est également membre de la plateforme Global Call to Action against Poverty (en France : Action Mondiale Contre la
Pauvreté).
L’ÉTAT DU MONDE
Si certaines régions du monde, en particulier l’Asie du Sud-Est, ont connu un fort développement économique, le bilan global de réduction de la pauvreté reste mitigé, voire même négatif en ce qui concerne une bonne partie de l’Afrique subsaharienne. Au rythme actuel, le continent africain n’atteindra les objectifs fixés en termes de réduction de la mortalité infantile qu’en 2165 ! Pire encore, selon la F.A.O., le nombre de personnes souffrant de la faim est reparti à la hausse après une baisse sensible dans les années 1990.
D’ici à 2015,l’échec des OMD signifierait la mort, faute d’accès aux soins, à une hygiène et à une alimentation de base, de 45 millions d’enfants et l’impossibilité, pour près de 100 millions d’autres, d’aller à l’école.
La France a consenti des efforts, notamment en augmentant son aide au développement et en proposant une taxe sur les billets d’avion internationaux. Cependant, elle est encore loin de tenir ses promesses. L’Aide Publique au Développement représente aujourd’hui 0.42% de notre PNB. Pour tenir ses engagements, la France devrait porter cette contribution à 0.7% d’ici à 2012 (tout en n’y incluant qu’une aide ‘réelle’ et de qualité à destination des populations les plus pauvres). Sans la détermination de celui ou celle qui sera à la tête de notre pays pour les cinq prochaines années, il sera impossible à notre
pays d’honorer ses engagements.
NOS QUESTIONS
Les élections se rapprochant, nous souhaitons connaître et faire connaître la position des divers candidats, et la vôtre en particulier, sur les questions internationales de lutte contre la
pauvreté et les injustices.
Vos réponses et celles des autres candidats seront diffusées dans les médias, notamment
protestants, afin d’aider les croyants à prendre en compte ces problématiques lorsqu’ils se
rendront aux urnes.
· Si vous êtes choisi(e) par le peuple français le 6 mai prochain, quelles sont vos propositions pour permettre à la France d’honorer ses engagements et de contribuer à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement ?
· En tant que Président(e) de la République, vous serez amené(e) à peser sur le fonctionnement des relations internationales et pourrez porter des réformes pour rééquilibrer les relations entre le Nord et le Sud de la planète.
Quelles réformes du commerce international vous semblent souhaitables ?
· Sur 42 millions de personnes touchées par le virus du Sida, 39 millions vivent dans les pays en développement. Ainsi, au Botswana 40% des adultes sont contaminés par le VIH. La production de médicaments génériques par les pays en développement est entravée notamment pour des raisons de protection de brevets.
Comment permettre aux pays en développement d’accéder aux médicaments de base à un coût acceptable ?
· L’endettement démesuré des pays les plus pauvres bloque l’avenir de millions d’hommes et de femmes dans les pays du Sud, et contribue à la mort d’un enfant toutes les 3 secondes. Les responsabilités d’une telle situation sont partagées entre nos pays créanciers et les dirigeants (actuels ou passés) des pays endettés. Mais aujourd’hui le remboursement annuel de la dette enlève plus de 300 milliards de dollars aux budgets des pays du Sud, soit plus de dix fois l’aide qu’ils reçoivent effectivement.
Quelles mesures faut-il prendre pour éviter que les dettes des pays pauvres ne soient encore cause de souffrance ?
Comment la France pourrait-elle soutenir la mise en place de règles internationales équitables pour qu’une telle situation ne se reproduise plus ?
Ces questions sont importantes à nos yeux et aux yeux du Dieu en qui nous croyons. La Bible s’en fait largement l’écho. Elle nous invite à ne pas fermer notre main au pauvre mais aussi à « ouvrir notre bouche pour défendre ceux qui ne peuvent parler, pour défendre les droits de tous ceux qui sont délaissés… les droits des malheureux et des pauvres ! » (La Bible,livre des Proverbes, chapitre 31.8-9).
Nous ne doutons pas que les questions d’extrême pauvreté soient également au coeur de vos préoccupations. C’est pourquoi nous espérons une réponse rapide de votre part.
Dans cette attente, Monsieur, nous vous prions d’agréer nos salutations respectueuses.
Patrick Guiborat Directeur Général du S.E.L.
Thierry Seewald Coordinateur du Défi Michée France
Stéphane Lauzet Secrétaire Général de l’Alliance Evangélique Française
Réponse d’Alternative libérale
Si vous êtes choisi(e) par le peuple français le 6 mai prochain, quelles sont vos propositions pour permettre à la France d’honorer ses engagements et de contribuer à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement ?
Ces objectifs ne peuvent être envisagée qu’à l’échelle internationale, et au moins européenne. Au-delà de l’approche simplement humaniste de l’éradication progressive de la grande misère, les enjeux du développement des pays les plus pauvres sont lourds : immigration, respect de l’environnement, résolution des conflits et instauration de démocraties apaisées en lieu et place de régimes corrompus et/ou sanguinaires qui constituent le terreau du terrorisme international, politiques de santé publique (lutte contre le SIDA, contre le paludisme et contre les différentes pandémies dévastatrices).
L’aide publique d’Etat à Etat a montré ses limites. En nourrissant la corruption, elle a plongé une bonne partie de l’Afrique dans un chaos inextricable. La sortie de la pauvreté passe au contraire par l’investissement privé (notamment le micro crédit), le commerce, l’existence de l’Etat de droit et le respect des Droits fondamentaux des individus, notamment la propriété privée. Nous nous ferons un devoir de favoriser les initiatives privées locales, qu’elles soient scolaires (l’élévation du niveau de compétences est essentielle sur le plan économique, démographique et sanitaire), sanitaires ou commerciales (pour amorcer la dynamique qui permet d’élever le niveau de vie moyen). L’Europe doit se mobiliser pour instaurer un Etat de droit partout où c’est possible. L’émancipation des femmes, l’accession à la propriété et l’ouverture du commerce ne peuvent qu’entraîner les pays vertueux dans la bonne direction. Nous préconisons l’ouverture de nos frontières aux produits des pays les plus pauvres et en réorientant la PAC, d’ici sa suppression, des subventions aux exportations vers l’agriculture extensive et respectueuse de l’environnement.
En tant que Président(e) de la République, vous serez amené(e) à peser sur le fonctionnement des relations internationales et pourrez porter des réformes pour rééquilibrer les relations entre le Nord et le Sud de la planète. Quelles réformes du commerce international vous semblent souhaitables ?
Nous sommes résolument favorables à la disparition des barrières protectionnistes qui limitent l’accès des pays en voie de développement à nos marchés. Leur développement nécessite une augmentation des échanges commerciaux avec le reste du monde, autant pour importer des outils et des prestations améliorant leur productivité que pour exporter leurs produits et attirer les investisseurs. Encore une fois, de tels échanges exigent l’instauration d’un cadre juridique et fiscal stable. L’Europe peut avoir un rôle à jouer dans le conseil auprès des pays demandeurs. L’Europe peut aussi jouer de son influence auprès de ses grands partenaires, notamment les Etats-Unis, pour accompagner ce processus.
Sur 42 millions de personnes touchées par le virus du Sida, 39 millions vivent dans les pays en développement. Ainsi, au Botswana 40% des adultes sont contaminés par le VIH. La production de médicaments génériques par les pays en développement est entravée notamment pour des raisons de protection de brevets. Comment permettre aux pays en développement d’accéder aux médicaments de base à un coût acceptable ?
La question des brevets est extrêmement complexe et mériterait un vrai débat de fond sur leur légitimité morale. En l’état actuel des choses, une pression d’ONG et d’associations influentes débouche régulièrement sur des accords locaux de groupes pharmaceutiques, afin que certains médicaments soient vendus à un prix bien plus accessible dans les pays les plus défavorisés. Si nous ne souhaitons pas que les Etats interviennent dans ces négociations entre parties consentantes pour une question éthique, nous sommes favorables à ce type d’aménagements négociés et espérons qu’ils se multiplieront à l’avenir. N’oublions pas que de nouveaux laboratoires sortent de plus en plus de produits génériques au fur et à mesure que les brevets tombent, voire pendant la durée de vie des brevets en s’éloignant suffisamment du produit d’origine pour rendre les plaintes contestables. La pression sur les prix est chaque année plus forte, et les pays les plus fragiles en sont les premiers bénéficiaires. Enfin, de nouvelles fondations, telles que la Bill and Melinda Foundation (dont le budget annuel dépasse celui de l’OMS !), financent maintenant la recherche dans le domaine pharmaceutique sans perspective de brevets à valeur ajoutée économique. Les bénéfices de ces tendances convergentes font progressivement leur effet.
Cela dit, les politiques de prévention n’en sont pas moins essentielles, tant contre le Sida que contre le Paludisme. Encore les gouvernants des pays frappés doivent-ils manifester une réelle volonté politique de lutter activement et en toute transparence avec les partenaires privés qui le proposent.
L’endettement démesuré des pays les plus pauvres bloque l’avenir de millions d’hommes et de femmes dans les pays du Sud, et contribue à la mort d’un enfant toutes les 3 secondes. Les responsabilités d’une telle situation sont partagées entre nos pays créanciers et les dirigeants (actuels ou passés) des pays endettés. Mais aujourd’hui le remboursement annuel de la dette enlève plus de 300 milliards de dollars aux budgets des pays du Sud, soit plus de dix fois l’aide qu’ils reçoivent effectivement.
Quelles mesures faut-il prendre pour éviter que les dettes des pays pauvres ne soient encore cause de souffrance ? Comment la France pourrait-elle soutenir la mise en place de règles internationales équitables pour qu’une telle situation ne se reproduise plus ?
Annuler ces créances est doublement dangereux. Cet acte fort léserait les créanciers légitimes, publics (contribuables) et privés. Il inciterait ensuite les pays à recommencer leurs erreurs du passé en oubliant la sanction de l’expérience. Bref, il nous apparaît plus responsable de renégocier les termes de ces dettes en présence des acteurs concernés, notamment les investisseurs. Les pays pénalisés par la charge de cette dette devraient préalablement fournir de réels efforts pour rétablir l’Etat de Droit, indispensable à toute amélioration économique, sociale et politique. En fin de compte, la prospérité est la solution ultime aux divers maux que traversent ces pays les plus pauvres. La croissance, c’est de l’emploi, de l’innovation et une augmentation des échanges extérieurs, de la confiance, des investissements motivés dans les infrastructures, les écoles, la santé…
Nous ne prônons aucune restriction dans l’accès de ces pays souverains au crédit. Encore une fois, leurs gouvernants ne sont pas moins légitimes que les nôtres dans leurs choix. Vouloir leur retirer une part de souveraineté économiques sans leur consentement contreviendrait au droit international et ne pourrait apparaître que comme une approche paternaliste de l’Occident, presque néo-colonialiste. Aux gouvernants de ces pays d’agir en responsabilité, en tenant compte des erreurs du passé plutôt qu’en les effaçant.
Réponse de la L. C. R. (c’est dommage pour le moment seuls ces deux extrêmes ont répondu)
Je ne conçois pas de lutte réelle contre la famine et le sous-développement sans opérer une remise en cause radicale du système économique et politique mondial parce que c’est celui-ci, à travers la domination impérialiste et le pillage des pays du Sud, qui est la cause principale de l’insupportable situation actuelle. Il ne s’agit pas tant d’une pétition de principes idéologique que d’un souci d’efficacité.
Première question :
Aide au développement
Je pense que la France doit effectivement honorer ses engagements. Je pense même qu’elle devrait porter sa contribution au développement à 1% du PNB. C’est strictement un problème d’arbitrage budgétaire : par exemple, l’arrêt des opérations militaires extérieures, le rapatriement des troupes françaises actuellement stationnées en Afrique et, plus généralement, la réduction drastique du budget militaire permettraient facilement de dégage r les ressources nécessaires.
Mais je voudrais apporter 3 précisions.
La première est que, pour être efficace, l’aide au développement devrait échapper à la main mise de régimes dictatoriaux et corrompus – corrompus notamment par les grandes sociétés multinationales, dont les multinationales françaises comme Total, Bouygues, Bolloré, Vivendi, etc – et être étroitement contrôlée par ses bénéficiaires (les populations concernées) par l’intermédiaire des associations et des ONG.
Ma seconde remarque est que l’aide au développement ne doit pas consister pour les grandes puissances – dont la France – à se donner bonne conscience alors qu’elles continueraient à piller allégrement les ressources naturelles et le travail bon marché - voire gratuit, comme l’utilisation du travail forcé en Birmanie sur les chantiers de Total – des pays du Sud.
Ma troisième remarque est que « l’aide au développement » la plus efficace, c’est l’annulation de la dette (voir question 4).
Deuxième question :
Commerce international
Je suis pour le démantèlement des institutions internationales qui régissent aujourd’hui le « commerce international », à commencer par l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Par leur politique de « libéralisation » des échanges, de chantage à la dette et de conditionnement des prêts à la mise en oeuvre des « plans d’ajustement structurel », ces organismes jouent, depuis plusieurs décennies, un rôle proprement criminel. Les privatisations ainsi que les restrictions budgétaires imposées ont pour double effet de brader les ressources des pays concernés aux multinationales des pays du Nord et de détruire les déjà trop faibles services publics des pays du Sud, condamnant leurs populations à la misère.
Ensuite, il faudra reconstruire un nouveau système de relations commerciales fondé sur l’échange « égal » (au lieu de l’échange inégal qui prévaut actuellement) et l’impératif d’un développement des pays du Sud prioritairement destiné à assurer la satisfaction des besoins sociaux locaux. Compte tenu de l’inégalité prévisible de l’évolution politique et sociale des pays développés, la première étape sera vraisemblablement la reconstruction d’échanges bilatéraux (par exemple de la part d’une « France socialiste ») équilibrés avec certains pays du Sud.
Troisième question
Brevets
Cette question est, avec la famine, l’une des plus scandaleuses.
Je suis totalement hostile au principe comme à l’arsenal juridique assurant la « protection des brevets » : les avancées qui permettent de soigner et de guérir doivent immédiatement tomber dans le domaine public et appartenir aux « biens communs de l’humanité », entièrement soustraits à la loi du profit.
Les pays en développement doivent pouvoir produire immédiatement - et sans payer de royalties – tous les médicaments nécessaires pour sauver leurs populations de la maladie, de la souffrance et de la mort.
Cela implique évidemment que la recherche ne soit plus soumise à l’exigence de profitabilité, donc qu’elle soit publique. Cela implique aussi l’appropriation collective (la nationalisation) sans indemnisation des grands groupes de l’industrie pharmaceutique.
Quatrième question
Dette
Effectivement, avec le pillage direct par les multinationales (évoqué plus haut), le service de la dette est le coeur du mécanisme du sous-développement. Non seulement la dette a, de fait, déjà été remboursée plusieurs fois, mais elle contraint les pays endettés à orienter toute leur économie vers la production pour l’exportation (afin de se procurer des devises), au détriment de la satisfaction des besoins les plus urgents (y compris l’alimentation) des populations locales.
La seule solution possible, à la fois humaine et rationnelle – de toute façon, la dette ne sera jamais remboursée ! – est l’annulation immédiate et sans condition de la dette.
La meilleure contribution possible de la France pour modifier la situation actuelle, c’est encore qu’elle donne l’exemple, en annulant elle-même unilatéralement la dette des pays du Sud qu’elle détient.
Le collectif Alerte a interpellé 8 candidats à l’élection présidentielle sur leurs intentions :
« éradiquer la pauvreté sera-t-il un objectif central de votre Quinquennat »?
Les réponses des candidats ici
http://www.uniopss.asso.fr/alerte/communiques_alerte/2007/Reponses_candidats.pdf
La réponse de Ségolène Royal au défi Michée (voir 3 posts plus haut)
Monsieur,
L’Ancien Testament nous dit que le prophète Michée a lancé un appel à la justice universelle et à la miséricorde.
Vous avez repris et actualisé son message à l’intention des pauvres du monde. Je partage l’engagement de votre association de solidarité, « Le Défi Michée ». La pauvreté est un scandale. La pauvreté est un facteur de désordre. Le cœur et la raison nous commandent d’agir.
J’ai signalé, si j’étais élue Présidente de la République, un certain nombre de propositions destinées à mobiliser la France contre le mal développement. Permettez-moi de vous en rappeler les grandes lignes.
Il convient de remettre en ordre une économie mondiale débridée. Elle ne laisse en effet aucune chance aux productions, agricoles en particulier, des pays les plus pauvres, face à la concurrence du nord servie par des atouts financiers et technologiques majeurs. Le bons sens et la justice recommandent de leur laisser un avantage, des préférences afin que la relation soit plus équitable et donc porteuse de développement.
A Doha, FOMC, l’Organisation Mondiale du Commerce, a reconnu aux nations les moins avancées le droit de copier ou d’importer des médicaments génériques. Mais ce droit est jusqu’ici resté théorique, en raison des conditions juridiques mises à son application. Ces obstacles doivent être levés. J’agirai, si les Français m’accordent leur confiance, pour que ces obstacles soient levés. J’agirai aussi à Paris et à Bruxelles afin que les cadres médicaux originaires de ces pays, formés en France et en Europe, soient à même d’y retourner.
Je suis donc totalement opposée aux propositions faites par un autre candidat, visant à retenir chez nous des médecins africains, asiatiques et latino-américains. J’agirai aussi, à Paris, à Bruxelles, à l’OMC, à l’OCDE, pour une éthique de responsabilité sociale et environnementale des entreprises de la « Triade », donc d’Europe, d’Amérique du nord et du Japon, présentes et actives dans les pays du sud. Il n’est pas acceptable que certaines d’entre elles surexploitent les ressources minérales et les populations des nations en développement.
J’adhère par ailleurs à l’initiative « Publiez ce que vous payez » qui vise à introduire de la transparence dans les rapports des grandes entreprises avec les dirigeants d’Etats du sud.
L’éducation, en particulier celle des jeunes filles, devra être une priorité de l’aide accordée aux pays du sud. L’amélioration de la condition des femmes, leur participation à la vie politique, le constat a pu en être fait au Cap-Vert ou en Afrique du Sud, ouvrent la voie à l’émergence économique et aux politiques de lutte contre les pandémies et le contrôle des naissances.
Tous cela suppose un préalable, la mise à plat de la dette accumulée depuis une trentaine d’années. De bonnes initiatives ont été prises à l’égard des pays pauvres très endettés (PPTE). Il convient d’éviter leur ré-endettement. Il convient aussi d’affronter le défi, plus difficile, des pays endettés à revenus moyens, non concernés par la procédure PPTE.
Tout cela exige enfin une optimisation des moyens. Ils doivent sans doute être abondes et portés à 0,7% du PNB recommandé par les Nations Unies. Mais ils doivent aussi, et peut-être surtout, être gérés autrement. Les fonds d’aide français comme européens, doivent être utilisés avec plus d’efficacité. La portée de l’investissement sur le terrain doit s’imposer au concept trop souvent privilégié « d’aide liée ». D’autre part, les sociétés civiles, en Europe comme dans les pays récepteurs, doivent être plus intimement associées. ONG, collectivités territoriales, peuvent apporter des éléments fondamentaux. Plus près des réalités, elles permettent une meilleure identification des attentes et des urgences. Porteuses d’intérêts collectifs, elles constituent un élément de clarification et de contrôle démocratique permettant de réduire la captation de l’aide par des prédateurs locaux ou extérieurs.
Voilà les orientations que, si je suis élue, je donnerai à mon équipe gouvernementale afin de construire un partenariat plus équilibré entre la France, l’Europe et les pays du sud. Voilà le fondement de ce qui pourrait constituer le contrat de co-développement que nécessitent la France l’Europe, comme les pays du sud.
Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de mes salutations les meilleures.
Ségolène ROYAL
La réponse de De Villier au Défi Michée :
Monsieur le Coordinateur National,
Vous avez souhaité me faire part de vos préoccupations concernant la pauvreté des pays du Tiers-Monde.
Comme vous je suis particulièrement sensible au développement des pays pauvres et au rôle prioritaire que doit jouer notre pays en faveur du développement des pays du sud.
A ce titre, et sur le modèle de la coopération que j’aî souhaité mettre en place entre la Vendée et divers pays tels que le Bénin, le Maroc ou encore Madagascar, je souhaite si je suis élu, la mise en place d’une politique ambitieuse de co-développement, prioritairement avec les pays francophones.
Restant attentif, je vous prie d’agréer, Monsieur le Coordinateur National, mes salutations respectueuses
Le 13 Février la CFDT a décidé de s’adresser aux cinq candidats de «gouvernement» à l’élection (Verts, PCF, PS, UDF et UMP) pour qu’ils prennent clairement position sur quatre thèmes jugés «urgents pour les Français : le travail, la cohésion sociale, l’Europe et la démocratie sociale.
. Voir ici
Les réponses et rencontres ont eu lieu et on peut trouver les comptes rendus sur leur site
Vous pouvez trouver les réponses de
Bayrou
Buffet
Royal
Sarkozy
Voynet
Près de 40 000 personnes, ont signé la pétition « Pourquoi nous consentons à l’impôt » lancée par le magazine Alternatives Economiques avec le soutien du quotidien Libération. (voir première page du topic)
Forts de ces signatures, le magazine a interpellé les candidats à l’élection présidentielle pour connaître leurs engagements en matière de progressivité de l’impôt.
Il est possible de lire les réponses des candidats sur le site du magazine
bertrand dit:Le 13 Février la CFDT a décidé de s'adresser aux cinq candidats de «gouvernement» à l'élection (Verts, PCF, PS, UDF et UMP) pour qu'ils prennent clairement position sur quatre thèmes jugés «urgents pour les Français : le travail, la cohésion sociale, l'Europe et la démocratie sociale.
Parler du travail sans aborder la question des conditions de travail, cela me surprendra toujours. Lutter contre l'augmentation massive des maladies pro, c'est à la fois un moyen de "réhabiliter" le travail et de diminuer les charges des entreprises, sans compter qu'on peut éviter à des milliers de travailleurs de se rendre malades. Si les syndicats n'en parle pas, qui en parlera ?
Faut-il légiférer sur l’euthanasie ?
PAR Ingrid Merckx
jeudi 5 avril 2007 dans Politis
Remis sur le devant de la scène par le procès de Périgueux, le droit d’aider à mourir s’invite dans la campagne présidentielle. Et divise : une nouvelle loi est-elle nécessaire ?
Selon un sondage Sofres pour le Nouvel Observateur paru le 15 mars, 87 % des Français se disent favorables à « la possibilité pour les personnes atteintes de maladies incurables de demander l’euthanasie ». Signe que les mentalités évoluent. S’il peut y avoir diverses raisons à cela, l’impact émotionnel d’affaires judiciaireas, comme celle de Vincent et Marie Humbert en 2003, y est pour beaucoup. La dernière en date, le procès de Laurence Tramois et Chantal Chanel à Périgueux, mi-mars, a remis le sujet sur le devant de la scène, en pleine campagne présidentielle. Sollicités par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADM) par l’intermédiaire d’un livre blanc intitulé Fin de vie, une nouvelle loi est indispensable, les principaux candidats ont été invités à se prononcer.
Ségolène Royal s’est dite prête à mettre en place une législation légalisant l’euthanasie « sous certaines conditions », sur le modèle d’autres pays européens. Après s’être déclaré favorable à l’euthanasie début février, Nicolas Sarkozy a fait machine arrière. « Je ne pense pas que cette question se règle par une loi », a-t-il confié à Femme actuelle le 26 mars, en renvoyant au dialogue entre le patient, la famille et le corps médical. François Bayrou, qui n’a pas tranché, s’est dit pour une évolution du texte de loi et pour la réaffirmation de la valeur de la vie. L’euthanasie reste un crime pour Jean-Marie Le Pen. Marie-George Buffet n’est pas favorable à une nouvelle loi. Dominique Voynet et Olivier Besancenot pencheraient plutôt pour la dépénalisation.
Il y a donc au moins une question de société au programme de la présidentielle. Préparant la suite, beaucoup insistent sur l’importance de déplacer le débat du terrain émotionnel à celui du droit. Derrière la question d’une nouvelle loi, une autre se dessine, en creux : si on autorise l’euthanasie entendu qu’il s’agit d’euthanasie « active » quel sera le tiers chargé de « donner sciemment la mort » ? Est-ce au personnel médical d’endosser seul cette responsabilité ?
La durée de la vie s’allonge, les techniques progressent, et 70 % de la population meurent à l’hôpital. Les soignants sont donc en première ligne dans tout ce qui a trait à la fin de vie. « En aucun cas, le médecin n’a le droit de donner délibérément la mort », a rappelé l’Ordre des médecins, le 12 mars, jugeant aussi que « la transgression de cet interdit par la loi serait une régression majeure de notre société ». Les médecins sont face à un dilemme éthique : entendre la volonté des personnes et du corps social, et respecter le serment médical, qui est de soigner et d’éviter la mort. Dans un avis rendu en janvier 2000, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a déclaré renoncer « à considérer comme un droit dont on pourrait se prévaloir la possibilité d’exiger d’un tiers qu’il mette fin à sa vie ». Parce que « la valeur de l’interdit du meurtre demeure fondatrice », il préférait envisager « l’exception d’euthanasie ». Ce dont, pour l’heure, la loi ne fait pas mention.
Le 8 mars, dans le Nouvel Observateur, 2 000 soignants ont fait un coup d’éclat en publiant un manifeste pour la dépénalisation « sous conditions » des pratiques d’euthanasie. « Parce que, de façon certaine, la maladie l’emportait sur nos thérapeutiques, parce que, malgré des traitements adaptés, les souffrances physiques et psychologiques rendaient la vie du patient intolérable, parce que le malade souhaitait en finir, nous, soignants, avons en conscience aidé médicalement des patients à mourir avec décence. » Une révélation qui rappelle celle des « 343 salopes », qui, en 1971, avaient reconnu avoir pratiqué des avortements clandestins et ouvert le débat sur la dépénalisation.
Le Manifeste des 2 000 soignants réclame, entre autres, l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l’encontre des praticiens mis en accusation et une révision de la loi, en s’inspirant des réformes réalisées en Suisse, aux Pays-Bas et en Belgique. Ils ne sont pas seuls sur cette ligne : depuis trois ans, l’association « Faut qu’on s’active » milite pour une loi Vincent Humbert dépénalisant l’euthanasie sous certaines conditions. Sa proposition de loi d’initiative citoyenne aurait déjà reçu le soutien de 300 000 signatures. Les uns et les autres mettent en évidence les limites de la loi d’avril 2005 sur la fin de vie, qui « protège les médecins “débranchant” leurs patients » mais ne règle en rien la demande de mettre fin à ses jours.
Faire échec « à la clandestinité et à l’arbitraire » était pourtant l’un des objectifs de la loi Leonetti, qui autorise le « laisser-mourir » et permet, sous certaines conditions, l’arrêt des traitements à la demande des patients. Jean Leonetti, député (UMP), estime aujourd’hui qu’une nouvelle législation « n’est pas à exclure ». Dans un texte publié par l’espace éthique de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, il a néanmoins rappelé que cette loi était le résultat d’un consensus réconciliant « les revendications de liberté de décision et de transparence des procédures de la part des malades avec le besoin de sécurité juridique des soignants ». Prolongeant la loi de mars 2002 sur les droits des malades, elle entendait surtout développer la culture des soins palliatifs en France.
C’est précisément au nom de la défense des soins palliatifs que certains s’insurgent contre le « plan médiatique » du « lobby pro-euthanasie ». En réaction au Manifeste des 2 000 soignants, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a publié un plaidoyer contre la légalisation de l’euthanasie, signé par plus de 6 600 personnes, dont des groupements de professionnels. Selon elle, le droit à « l’assistance au suicide » ne concerne pas uniquement les personnels de santé. Pas question, donc, qu’ils soient seuls à assumer ce rôle. En revanche, comme « le droit au refus de l’acharnement thérapeutique » est « au coeur de leurs préoccupations quotidiennes », ils font du respect de la loi de 2005, toujours mal appliquée deux ans après sa promulgation, un préalable à toute décision.
Leur crainte ? Qu’une légalisation de l’euthanasie mette un coup d’arrêt aux soins palliatifs ou à leur évolution en précipitant l’arrêt de traitement et en faisant intervenir dans la décision des paramètres économiques et de gestion hospitalière. « Le souhait d’en finir varie en fonction des traitements. Sensibles à l’angoisse et la pression que leur maladie exerce, les malades peuvent vouloir épargner leur entourage sans que cela corresponde à un désir profond », rappelle aussi le CCNE. Autre argument : les soins palliatifs concernent toute la population, tandis que les demandes de mettre fin à la vie ne touchent qu’un très faible nombre de patients. En Belgique, où elle a été légalisée, l’euthanasie était la cause de 0,2 % des décès en 2003, d’après une étude de l’Ined sur la fin de vie en Europe.
« L’euthanasie préfigure des fins de vie accélérées », s’alarme l’anesthésiste Édouard Ferrand, dans un entretien au Monde. Il redoute que ce débat « marginal par rapport au vrai problème de fin de vie en France » n’ait des effets « contre-productifs sur les milliers de personnes qui vont mourir mal ». L’euthanasie viendrait-elle évincer une réflexion, moins frappante mais non moins cruciale, sur la fin de vie ? Faire appliquer la loi de 2005 ou préparer une nouvelle loi serait, dès lors, une question de priorité.
Le plaidoyer contre la légalisation de l’euthanasie *
signataires:
La Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP)
La Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) qui précise qu’elle participera activement aux débats afin de souligner les risques de dérive d’une dépénalisation de l’euthanasie pour la part importante de la population que représentent les personnes âgées malades et vulnérables
La Société Française d’Anesthésie Réanimation(SFAR)
La Société Française d’Hématologie (SFH), par la voix de son Président le Pr J-Y. Cahn
Le Groupe de Réflexion sur l’Accompagnement et les Soins de Support pour les Patients en Hématologie et en Oncologie (GRASSPHO), par son Président le Pr P. Colombat
L’Association Nationale des Médecins Généralistes exerçant à l’Hôpital Local (AGHL), dont le conseil d’administration s’engage aussi à soutenir le développement de la démarche palliative dans les hôpitaux locaux
L’avis de la CCNE
La Cimade est une association œcuménique créée en 1939 pour venir en aide aux personnes déplacées et regroupées dans les camps du sud de la France. Durant la seconde guerre mondiale, elle a participé activement à la résistance contre le nazisme et au sauvetage des Juifs. Après la guerre, elle a œuvré pour la réconciliation France-Allemagne, puis pour l’indépendance et le développement des anciennes colonies, et en particulier de l’Algérie.
Historiquement liée aux mouvements de jeunesse protestants, la Cimade travaille aujourd’hui en collaboration avec d’autres organismes catholiques, orthodoxes et laïcs au service des réfugiés, des étrangers en France, et au développement solidaire des pays de l’Est et du Sud.
Elle a mené une enquête sur la circulaire du 13 juin relative à la régularisation des familles étrangères d’enfants scolarisés, qu’elle publie en PDF sous le titre De la loterie à la tromperie