Sanction contre l'instit Alain Refalo

Le point de vue de quatre “désobéisseurs”:

Les enseignants «désobéisseurs» organisent une université d’été aujourd’hui et demain à Montpellier. Loin de plier devant les sanctions - retenues de salaire, baisse d’échelon -, ces professeurs des écoles, qui refusent d’appliquer certaines réformes jugées nuisibles, vont élaborer une Charte de la résistance pédagogique. Paroles de «résistants».
Alain Refalo, 45 ans, instituteur à Colomiers (Haute-Garonne), 1 800 euros mensuels
«Je suis un objecteur de conscience pédagogique. Mon passage à la désobéissance est dû aux réformes de Xavier Darcos. Elles favorisent la compétition au détriment de la coopération. A cela se sont ajoutés le mépris et l’absence d’écoute du ministre. «Le professeur n’est pas un simple exécutant» : c’est écrit dans les programmes. C’est pour ça que je suis enseignant. Je suis rentré en résistance à la rentrée 2008 en remplaçant les deux heures d’aide personnalisée par un atelier de théâtre collectif, tout en mettant en place des dispositifs de soutien sur le temps obligatoire. Je l’ai fait savoir à mon inspecteur. Etre “désobéisseur”, c’est afficher et assumer sa résistance. C’est une démarche loyale et responsable. Les rencontres de Montpellier permettront de structurer un réseau essentiellement présent sur le Net. Les enseignants qui signeront sur Internet la charte que nous allons rédiger pourront afficher leurs positions avec moins de risques.»
Dominique Larièpe, 49 ans, enseignante à Gergy (Saône-et-Loire), 2 200 euros mensuels
«Je suis chargée de l’aide éducative dans un Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased) sur un secteur de 24 écoles (2 000 élèves) en zone rurale. Il est impossible de répondre à toutes les demandes ! Je suis entrée en résistance pédagogique en juin 2008 lors de la modification de la semaine scolaire et de l’instauration de l’aide personnalisée. C’est une aberration de stigmatiser des enfants en difficulté et de leur rajouter de l’enseignement en dehors des heures de classe. Le 17 février 2009, devant l’inspectrice et les élus de mon secteur, j’ai lu une lettre adressée à l’inspecteur d’académie où j’expliquais mon refus de collaborer au démantèlement de l’Education nationale. Un silence de plomb a suivi mes mots. Ils étaient sidérés : la petite instit d’ordinaire si soumise avait osé. Moi je pouvais enfin me regarder dans la glace. Fini de cautionner des dispositifs incohérents au regard des besoins et des rythmes chronobiologiques des enfants. Je viens à ces universités d’été pour réfléchir aux actions et aux projets à mener. Ce mouvement est une force de propositions et d’alternatives.»
Isabelle Huchard, 47 ans, directrice d’école à Saint-Christol (Hérault), 2 200 euros mensuels
«En 2008, j’ai refusé l’installation du fichier “base élèves”. Il recensait des données nominatives (nationalité, profession des parents, étapes de la scolarité) connectées à un fichier national d’une durée de vie de trente-cinq ans. C’est contraire à la charte des droits de l’enfant de l’ONU signée par la France. Je l’ai annoncé en conseil d’école aux parents d’élèves. Ces derniers ont transmis un courrier à l’inspecteur d’académie demandant que je ne remplisse pas ces données. Sa réaction a été violente. Il m’a été reproché d’inciter les parents à se mettre hors-la-loi. C’est la raison pour laquelle l’administration veut me retirer mon statut de directrice demain à Montpellier. Les évaluations en CE1 et CM2 sont aussi en contradiction avec le respect du droit des enfants. Je ne veux pas casser l’école publique. J’ai envie que les parents d’élèves et les citoyens travaillent avec nous pour la transformer. Elle n’appartient pas aux enseignants, ni aux parents, ni au ministre.»
Bastien Cazals, 33 ans, directeur et professeur des écoles à Saint-Jean-de-Védas (Hérault), 1 750 euros mensuels
«Depuis mon entrée en 2002 dans l’enseignement, j’ai vu une accumulation de réformes dont la cohérence m’est apparue insupportable à la rentrée 2008. Outre la logique budgétaire, l’Etat français renonce progressivement à l’éducation de pans entiers de notre population enfantine (les enfants handicapés et en difficultés scolaires, la petite enfance). Il s’apprête à consacrer l’inégalité des écoles sur le territoire et à organiser leur mise en concurrence : la suppression de la carte scolaire, la publication des résultats aux évaluations nationales et le financement public de l’enseignement privé constituent un cocktail redoutable d’armes de destruction massive de notre école publique. Après avoir songé à démissionner, j’ai écrit à Nicolas Sarkozy le 25 novembre 2008. La publication de ce texte a déclenché des sanctions administratives. Aujourd’hui, nous voulons provoquer un grand débat public dans lequel les organisations syndicales et politiques s’impliquent, un premier pas vers des Etats généraux de l’Education.»


http://www.liberation.fr/education/0101587025-etre-desobeisseur-c-est-une-demarche-loyale

Et nouvelle décision d’un juge contre une sanction disciplinaire prise contre Cazals : son déplacement d’office suite à sa “désobéissance”. Il semblerait que les mesures de l’administration soient assez fortement illégales. L’administration centrale tenterait-elle de désobéir?

“Par une ordonnance de référé du 21 décembre 2009, le juge des référés du Tribunal Administratif de Marseille a décidé de suspendre la sanction de déplacement d’office prise par l’Inspecteur d’Académie le 22 septembre 2009, à la suite du conseil de discipline qui s’est tenu le 17 septembre 2009 et qui avait proposé cette sanction.
Le juge des référés a considéré que la procédure inique qui s’est déroulée devant le conseil de discipline était irrégulière, notamment au regard de la partialité de son président, l’Inspecteur d’Académie, qui n’a pas hésité à prendre parti publiquement sur la manière de servir d’Erwan REDON, mais aussi du point de vue des membres du conseil de discipline qui n’ont pas respecté les règles du vote de la proposition de sanction (la majorité des membres présents n’ayant pas voté pour la sanction de déplacement d’office) et les exigences de motivation de l’avis ( impossibilité de déterminer parmi les faits reprochés à Erwan REDON, ceux de nature à justifier la proposition de sanction).

Le juge des référés a enjoint à l’administration de réintégrer Erwan REDON au sein de l’école élémentaire des Convalescents (Marseille 1er arrondissement) dans un délai de un mois à compter de la notification de cette ordonnance.
Cette décision est un encouragement à toutes celles et ceux qui luttent pour que les enfants retrouvent leur place dans un système éducatif qui en a effacé les sujets au profit de « machines élèves ».
Pour ces enfants, les luttes se poursuivent quotidiennement, contre leur fichage dans la Base-Elèves (base-enfant !), contre la mise en boîte évaluatrice, contre une aide spécialisée au rabais avec l’aide personnalisée, contre une pédagogie d’état qui ne dit pas son nom, pour le respect de leur droit à l’espace et au temps nécessaires pour se construire.
Cette décision rappelle par ailleurs aux instances paritaires, que le droit s’applique pour touTEs, au delà des intérêts bien compris entre syndicats et ministère de l’éducation ou de ses potentats locaux.
Les personnels de l’éducation nationale et toutes celles et ceux attachés à un service public d’éducation continueront à se battre contre l’archaïsme des commissions disciplinaires, contre la hiérarchie de l’éducation nationale.
Contact :
Maitre Sémeriva : 06 64 85 98 74
Erwan Redon : 06 32 70 91 89
http://education-resistance-autoritarisme.org
ordonnance de référé consultable sur ce site. (format pdf)”