Traduire des jeux, un métier.

Pit0780 dit :
Perso, je serai prêt à mettre 2€ de plus pour un jeu traduit professionnellement.

Alors, déjà, on va tordre le cou à une idée reçue : une traduction pro, c'est pas aussi cher qu'on peut le penser. Pour un jeu contenant un volume de texte moyen, c'est quelques centaines d'euros. Donc avant de payer 2 euros de plus par boîte pour couvrir les frais de traduction dans une langue donnée, ça voudrait dire qu'on parle d'un jeu tiré à très très peu d'exemplaires... Quel que soit le tirage, le coût de la traduction est évidemment fixe.

J’en ai parlé plus haut, c’était maladroit de ma part de mettre de 2€ j’ai indiqué ce chiffre sans faire le moindre calcul. 
Et oui, naturellement la traduction a un coût fixe.

Sylvano dit :On est quelques-uns de la même espèce à traîner par ici...

Sans compter les "conjoints de"... ;)

Chakado dit :
Voir par exemple ce documentaire passionnant sur Youtube, sur l'adaptation audiovisuelle, qui ne parle pas uniquement de doublage mais bien de pure technique de traduction.
https://youtu.be/ZcrS8pZsNKA

 

Ouh qu'elle est intéressante cette vidéo ! 
 

Il est difficile de juger d’une traduction sans connaître le texte source.

Mais personnellement je trouve qu’il y a une qualité globale très moyenne de la rédaction des règles de jeux. Nous avons parfois des règles qui frisent le charabia alors qu’une expression claire est possible.

Certains éditeurs ne me semblent pas considérer la qualité de la regle come un sujet important et ne mettent visiblement pas la pression à l’auteur et / ou au traducteur et certain auteurs devraient sérieusement se relire (certaines erreurs ne pouvant pas être « de traduction »).

D’autres éditeurs font un travail superbe en forçant une forme standard et une clarté exemplaire. Je pense principalement à Days of Wonder.

Et pour moi, le travail « d’édition littéraire » doit s’appliquer à la regle de jeu, avec relecture et correction voire reformulation et il en est de même de la traduction.

Pour moi ce n’est pas l’auteur qui doit être tenu pour responsable de la règle finale, c’est l’éditeur. L’auteur son métier c’est de créer et équilibrer, etc. Écrire une règle c’est une compétance particulière que l’auteur peut avoir, ou pas. Surtout que sa langue maternelle n’est pas forcément celle de l’éditeur qui va éditer le jeu et donc pas forcément celle de la VO du jeu. Un auteur peut créer un jeu génial et être dyslexique/disorthographique, etc.

Traduction dans une langue courante (anglais, espagnol…)  0,08€/signe.
Même pour une règle qui ferait 10  000 signes, ça ferait 800€.
C’est dérisoire.

Actuellement le poste le plus élevé c’est la vente, 40%.
Sans parler du marketing et de la distribution (le rôle de distributeur comme Asmodée, Iello…)
Bref, vendre le jeu, c’est de l’ordre de la moitié du prix.

La production en Chine, on ne parle pas des conditions des ouvrières…

0.08€ pour de la trad technique, c’est vraiment pas cher. Je pense n’avoir jamais travaillé pour ce tarif (après, ça date, faudrait que je vérifie).
Mais si on prend 800€ (10.000 signes, c’est déjà de la belle règle), pour un tirage à 3000 exemplaires, ça fait un peu moins de 0.30c par boite. Entre le prix de fab et le prix de vente public, le coef est d’environ x7. Donc on arrive bien sur un peix de vente public plus élevé de 2€. Après, ça passe, je pense que cette augmentation est tout à fait acceptable, surtout que pour un succès, il n’y a pas besoin de repayer, donc, si le jeu se vend à 10.000 exemplaires, le coût est sacrément amorti (mais je pense que ça se passe très bien pour la plupart des éditeurs établis).
Mais il y a aussi la problématique de l’auteur, souvent sous-payé aussi, donc, ces parties-là sont très souvent oubliés dans la rémunération finale.
Mais oui, pour la traduction, se passer de ça par rapport au résultat obtenu, ça parait idiot

prunelles dit :Pour moi ce n'est pas l'auteur qui doit être tenu pour responsable de la règle finale, c'est l'éditeur. L'auteur son métier c'est de créer et équilibrer, etc. Écrire une règle c'est une compétance particulière que l'auteur peut avoir, ou pas. Surtout que sa langue maternelle n'est pas forcément celle de l'éditeur qui va éditer le jeu et donc pas forcément celle de la VO du jeu. Un auteur peut créer un jeu génial et être dyslexique/disorthographique, etc.

Assez d'accord sur la responsabilité de l'éditeur pour la traduction.
Cela dit, c'est aussi partagé sur l'équilibrage. Un éditeur doit vérifier et potentiellement ajuster l'équilibrage (d'un point de vue mathématiques, ajouter ou retirer un point par ci par là). Notamment pour un éditeur qui a de l'expérience. Être auteur de jeux n'est pas forcément synonyme de matheux, alors qu'un éditeur peut embaucher des gens qui ont ces capacités.

Et les bénévoles d’associations pour présenter les jeux dans les salons? 
Certains en ont relaté l’expérience, avec des personnes qui présentent le jeu, sans le connaître bien.

Et le statut d’auteur qui n’existe pas.
Quelques millionnaires parmi les auteurs et les autres galèrent, financièrement et juridiquement.

Les ouvrières chinoises qui travaillent dans des conditions indignes. Un syndicat chinois a réussi à faire une enquête le montrant.

​​​​​​Bienvenue dans le monde du jeu.

jmguiche dit :Il est difficile de juger d’une traduction sans connaître le texte source.

Mais personnellement je trouve qu’il y a une qualité globale très moyenne de la rédaction des règles de jeux. Nous avons parfois des règles qui frisent le charabia alors qu’une expression claire est possible.

Certains éditeurs ne me semblent pas considérer la qualité de la regle come un sujet important et ne mettent visiblement pas la pression à l’auteur et / ou au traducteur et certain auteurs devraient sérieusement se relire (certaines erreurs ne pouvant pas être « de traduction »).

L'auteur ne doit surtout pas rédiger la règle finale, pour plein de raisons : généralement ce n'est pas son métier, ensuite, il connaît son jeu par coeur et ne va pas forcément ordonner les idées dans le bon ordre pour une approche de rédaction de corpus de règles, il va probablement éluder certains points qui sont certains cas particuliers, etc. Il vaut mieux qu'un rédacteur chevronné reprenne la chose avec l'auteur qui donne ses "rules as intended" de façon à ce que ce soit couché sur papier correctement pour produire une règle complète et claire.

Une règle est une doc technique, pas de la littérature, il faut donc être très précis sur les termes, garder une nomenclature stricte et ne pas se laisser aller au "ben ils comprendront bien même si c'est pas écrit".
Pour moi, une règle de jeu est un algorithme qu'on déroule, il faut donc tout indiquer au bon endroit et uniquement au bon endroit.

loïc dit :0.08€ pour de la trad technique, c'est vraiment pas cher. Je pense n'avoir jamais travaillé pour ce tarif (après, ça date, faudrait que je vérifie).
Mais si on prend 800€ (10.000 signes, c'est déjà de la belle règle), pour un tirage à 3000 exemplaires, ça fait un peu moins de 0.30c par boite. Entre le prix de fab et le prix de vente public, le coef est d'environ x7. Donc on arrive bien sur un peix de vente public plus élevé de 2€.

La question est : la trad d'une règle de jeu est-elle à 100% une traduction technique ? Eh ben, ça dépend du jeu, honnêtement. Il y a très souvent du fluf et du texte narratif/d'ambiance/thématique. Plus ou moins, certes, mais ça se limite rarement à une suite de consignes strictement techniques. C'est bien ce qui peut faire que traduire une règle est probablement un des exercices de traduction parmi les plus délicats. Il te faut une précision absolue, comprendre parfaitement le fonctionnement du jeu que tu traduis pour faire les bons choix (et savoir, le cas échéant, reformuler ou expliciter pour éclaircir des points), mais aussi avoir une fibre littéraire et un peu de culture générale pour le reste.
Par ailleurs, ton exemple, tu le soulignes toi-même, est assez extrême. Le jeu moyen est souvent en-dessous de ce calibre et un tirage de 3000 boîtes, ce n'est pas non plus énorme. Donc pour moi le prix d'amortissement de la trad est en général bien moindre, à mon avis.

Pikaraph dit :
jmguiche dit :Il est difficile de juger d’une traduction sans connaître le texte source.

Mais personnellement je trouve qu’il y a une qualité globale très moyenne de la rédaction des règles de jeux. Nous avons parfois des règles qui frisent le charabia alors qu’une expression claire est possible.

Certains éditeurs ne me semblent pas considérer la qualité de la regle come un sujet important et ne mettent visiblement pas la pression à l’auteur et / ou au traducteur et certain auteurs devraient sérieusement se relire (certaines erreurs ne pouvant pas être « de traduction »).

L'auteur ne doit surtout pas rédiger la règle finale, pour plein de raisons : généralement ce n'est pas son métier, ensuite, il connaît son jeu par coeur et ne va pas forcément ordonner les idées dans le bon ordre pour une approche de rédaction de corpus de règles, il va probablement éluder certains points qui sont certains cas particuliers, etc. Il vaut mieux qu'un rédacteur chevronné reprenne la chose avec l'auteur qui donne ses "rules as intended" de façon à ce que ce soit couché sur papier correctement pour produire une règle complète et claire.

Une règle est une doc technique, pas de la littérature, il faut donc être très précis sur les termes, garder une nomenclature stricte et ne pas se laisser aller au "ben ils comprendront bien même si c'est pas écrit".
Pour moi, une règle de jeu est un algorithme qu'on déroule, il faut donc tout indiquer au bon endroit et uniquement au bon endroit.

Je suis bien d’accord avec ça.
Je l’ai d’ailleurs écrit sur tt y’a quelques temps je ne sais où...

Moui…
Après, yapluka payer une somme décente aux  traducteur et relecteur.

Cela n’empêchera toutefois pas d’avoir encore quelques erreurs, dans la règle ou sur les composants de jeu.

Je lis pas mal de polars, généralement des gros tirages comme Harlan Coben ou Camilla Läckberg, chez des gros éditeurs qui ont les moyens de faire proprement le boulot.
Il y reste toujours trois ou quatre fautes, malgré tout.

Je peux donc comprendre que dans un jeu comme Wingspan (on parle des erreurs sur ce jeu en ce moment), sur la multitude de cartes avec des tournures techniques, il y en ait une dizaine qui ne soient pas tout à fait correctes. On est loin d’un Burgle bros (auquel on peut toutefois jouer sans problème si on a un peu de bon sens) et j’ai l’impression d’un travail qui a été fait très sérieusement malgré tout.

Finalement, trois ou quatre fautes dans un bouquin de 500 pages, et qui n’empêchent pas la compréhension du livre, on peut considérer que ce n’est rien, mais je me demande ce que les plus virulents concernant certaines erreurs dans les jeux en disent.

Sylvano dit :
loïc dit :0.08€ pour de la trad technique, c'est vraiment pas cher. Je pense n'avoir jamais travaillé pour ce tarif (après, ça date, faudrait que je vérifie).
Mais si on prend 800€ (10.000 signes, c'est déjà de la belle règle), pour un tirage à 3000 exemplaires, ça fait un peu moins de 0.30c par boite. Entre le prix de fab et le prix de vente public, le coef est d'environ x7. Donc on arrive bien sur un peix de vente public plus élevé de 2€.

La question est : la trad d'une règle de jeu est-elle à 100% une traduction technique ? Eh ben, ça dépend du jeu, honnêtement. Il y a très souvent du fluf et du texte narratif/d'ambiance/thématique. Plus ou moins, certes, mais ça se milite rarement à une suite de consignes strictement techniques. C'est bien ce qui peut faire que traduire une règle est probablement un des exercices de traduction parmi les plus délicats. Il te faut une précision absolue, comprendre parfaitement le fonctionnement du jeu que tu traduis pour faire les bons choix (et savoir, le cas échéant, reformuler ou expliciter pour éclaircir des points), mais aussi avoir un fibre littéraire et un peu de culture générale pour le reste.
Par ailleurs, ton exemple, tu le soulignes toi-même, est assez extrême. Le jeu moyen est souvent en-dessous de ce calibre et un tirage de 3000 boîtes, ce n'est pas non plus énorme. Donc pour moi le prix d'amortissement de la trad est en général bien moindre, à mon avis.

Ça dépend aussi beaucoup de ce que tu entends par "technique". À mon sens, c'est technique quand ce n'est pas du vocabulaire de tous les jours, mais un vocabulaire d'un domaine très spécifique. Les vocabulaires liés à la magie, aux équipements et armes médiévaux ne sont pas des vocabulaires que l'on rencontre tous les jours, sauf dans la littérature fantastique et les jeux de société ou vidéos, et un traducteur spécialisé fournira un travail sur ces sujets différent de celui d'un traducteur généraliste (par sa qualité, ou par sa vitesse d'execution, si le spécialiste n'a pas besoin de chercher la traduction d'un mot car il le connait, il ira bien plus vite).

Je pense que c’est technique aussi quand, même avec des mots simples et connus, il faut que la phrase ait exactement le sens qu’il faut pour que la bonne règle soit correctement appliquée, et quand tu n’as que la règle et pas la boîte de jeu pour faire ça, ça ne doit pas toujours être facile.

Proute dit :
Je peux donc comprendre que dans un jeu comme Wingspan (on parle des erreurs sur ce jeu en ce moment), sur la multitude de cartes avec des tournures techniques, il y en ait une dizaine qui ne soient pas tout à fait correctes. On est loin d'un Burgle bros (auquel on peut toutefois jouer sans problème si on a un peu de bon sens) et j'ai l'impression d'un travail qui a été fait très sérieusement malgré tout.

Finalement, trois ou quatre fautes dans un bouquin de 500 pages, et qui n'empêchent pas la compréhension du livre, on peut considérer que ce n'est rien, mais je me demande ce que les plus virulents concernant certaines erreurs dans les jeux en disent.

Eh ben, justement, pour moi, ce n'est pas du tout comparable. Une coquille dans un bouquin, tu la repères direct et tu la compenses : ça ne met normalement pas en péril la compréhension du texte. Une bourde de traduction dans un jeu, ça peut être mineur, bien entendu, mais ça peut être aussi très gênant. Pour prendre l'exemple de Wingspan, tu as quelques erreurs sans importance dans la VF, par contre d'autres sont assez pénalisantes en termes de gameplay : "repeat" traduit avec un faux sens, par exemple. Et ça, franchement, non seulement c'est dommageable, mais en plus pas tellement pardonnable, parce que ça indique que le traducteur n'a pas complètement soupesé/réfléchi aux implications du mot clé (pour l'endroit où s'effectue la ponte éventuelle des oeufs, la possibilité ou non de changer un oiseau d'habitat, etc.). Ne parlons pas du copier/coller malheureux entre enterrer une carte "de la pioche" ou "de sa main", qui change aussi beaucoup la puissance de l'oiseau en question. Tu parles d'une multitude de cartes, certes, mais avec quand même pas mal d'effets récurrents, donc pas un volume de traduction si conséquent au final. Et s'il y a bien un type de jeu qui exige une traduction et une relecture hyper pointilleuses, c'est bien les jeux de cartes avec combos, mots-clés, etc. où le wording, la précision des textes et la cohérence de l'ensemble sont cruciaux, puisque au coeur de leur gameplay et de leur équilibrage.

Je remonte ceci, car j’ai eu l’occasion récemment de parler de mon métier (et des problématiques abordées ici) à Geeklette. L’interview est là, pour ceux que ça intéresse :
https://www.geeklette.fr/2020/10/quand-la-traduction-se-professionnalise-interview-antoine-prono-transludis/