Tunisie libérée ...

jmguiche dit:Je trouve que cette histoire n'a rien de réjouissant.
Certe un tyran assez peu fréquentable s'est fait virer, mais il me semble très probable que la "démocratie" qui va suivre sera assez "islamiste".

Allez... dans 10 ans au plus ?


Je suis un optimiste indécrottable.

Je comprends tes craintes ... et les partage en partie. Combien de peuples se sont fourvoyés pensant saisir leur liberté en renversant un tyran !

Pour autant je serais tenté de prendre ta remarque à rebours. Et si l'exemple tunisien donnait des idées aux opposants iraniens ? Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que la Révolution tunisienne n'est pas une bonne nouvelle pour l'islamiste Ahmadinejad et la dictature des mollahs.
Fred. dit:Pour autant je serais tenté de prendre ta remarque à rebours. Et si l'exemple tunisien donnait des idées aux opposants iraniens ? Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que la Révolution tunisienne n'est pas une bonne nouvelle pour l'islamiste Ahmadinejad et la dictature des mollahs.


Dans mes bras, Fred... Dis-moi, tu as lu Persepolis, toi aussi?

Mon impression à moi est que l'esprit révolutionnaire se propage lentement mais sûrement, depuis Cromwell et la révolution anglaise, jusqu'aux derniers événements en Tunisie. La mondialisation de l'information et de l'économie accélère le processus de manière exponentielle. Le truc, c'est que la démocratie et les libertés, ça ne peut pas être imposé par un pouvoir extérieur: ça doit être voulu et conquis par le peuple que ça concerne.

Il ne faut pas y voir nécessairement un mouvement revendicatif organisé mais plutôt une tendance, je dirais presque que c'est le "sens de l'histoire". Quand je lis les remarques de certains, j'ai l'impression de voir un grand patron qui se prépare à discuter avec les représentants syndicaux...
Sherinford dit:Mon impression à moi est que l'esprit révolutionnaire se propage lentement mais sûrement, depuis Cromwell et la révolution anglaise, jusqu'aux derniers événements en Tunisie. La mondialisation de l'information et de l'économie accélère le processus de manière exponentielle. Le truc, c'est que la démocratie et les libertés, ça ne peut pas être imposé par un pouvoir extérieur: ça doit être voulu et conquis par le peuple que ça concerne.
Il ne faut pas y voir nécessairement un mouvement revendicatif organisé mais plutôt une tendance, je dirais presque que c'est le "sens de l'histoire". Quand je lis les remarques de certains, j'ai l'impression de voir un grand patron qui se prépare à discuter avec les représentants syndicaux...


Autant je suis d'accord avec toi là dessus (le "sens de l'histoire"), autant je ne comprends pas pourquoi tu arrête là ta démarche! L'analyse précise des libertés/lois/cause/effets en jeu en Tunisie me parait être très interressante, et là réduire à un "c'est le sens de l'histoire" sans chercher à y regarder de plus prêt me parait se bloquer soi-même toute évolution possible.

La croyance en un idéal révolutionnaire profondément humain ("c'est voulu par le peuple","ras le bol général" "désir de liberté", "révolte contre le dictateur") ne doit pas empécher la simple analyse des faits, actes et situations particulière, si? (d'ou mes questions sur la situation exacte en tunisie, et j'en profite pour remercier l'éclairage d'Haykel)

Le pain est une arme

Batteran dit:La croyance en un idéal révolutionnaire profondément humain ("c'est voulu par le peuple","ras le bol général" "désir de liberté", "révolte contre le dictateur") ne doit pas empécher la simple analyse des faits, actes et situations particulière, si?


Il me semble toujours dangereux de vouloir donner un sens à ce genre d'événements qui sont par nature chaotiques. En tentant de les rationnaliser, on en réduit aussi la portée, je crois.

Une foule ne se résume pas à la somme de ses parties. C'est à la fois quelque chose de plus grand et de beaucoup moins cohérent, dans le sens rationnel du terme... Parmi tous les individus qui ont participé à cette révolte, oserais-tu affirmer que leurs volontés étaient convergentes, au-delà du simple désir de virer Ben Ali?

Ce qui est intéressant, c'est moins d'essayer de voir les raisons qui ont menés à cette révolution que de voir qui va la récupérer et comment.

Intéressant billet de Jean-François Bayart sur son blog de Mediapart :

Indécences franco-tunisiennes
17 Janvier 2011 Par Jean-François Bayart
Trois ans après avoir intitulé une chronique «Obscénité franco-tchadienne» (1), je me vois obligé d’en titrer une autre «Indécences franco-tunisiennes», tant le bilan de l’hyper-président se situe décidément aux antipodes des promesses de l’hyper-candidat en faveur de la démocratie urbi et orbi et relève de la pornographie diplomatique. Certes, Nicolas Sarkozy n’a été que le dernier en date des chefs d’Etat français à prodiguer un soutien inconditionnel au régime de Ben Ali. Il ne fut pas le seul à avoir la berlue quand il voyait «progresser l’espace des libertés» en Tunisie, et son prédécesseur, Jacques Chirac, avait tenu des propos tout aussi scandaleux. Quant à François Mitterrand, il n’avait pas montré plus de réticence à l’encontre de la restauration autoritaire dans laquelle n’avait pas tardé à s’engager l’homme du «Changement», deux ans après sa prise du pouvoir, le 7 novembre 1987, qu’à l’égard des processus similaires qui avaient prévalu en Afrique subsaharienne dans le sillage du grand mouvement de revendication démocratique de 1989-1990 ou qu’à celui de l’écrasement du Front islamique du salut par l’armée, en Algérie, en 1992.
Pourtant, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a pulvérisé les records de l’insanité et de la cécité politiques. A tout seigneur tout honneur, la palme de l’incompétence et de l’Hénormité revient sans doute à Michèle Alliot-Marie qui, ministre des Affaires étrangères, et à deux reprises, n’a su que proposer le «savoir-faire» français en matière de maintien de l’ordre, alors que les morts se comptaient déjà par dizaines. Drôle de conception de la diplomatie, singulière idée de la démocratie! Le propos était d’autant plus surréaliste que «MAM», ancienne ministre de la Défense, puis de l’Intérieur, est mieux placée que quiconque pour savoir que la Place Beauvau a développé une coopération policière de grande ampleur avec la Tunisie de Ben Ali, depuis vingt-trois ans, avec les résultats que l’on voit. La France a vendu à celui-ci des moyens techniques surdimensionnés qui lui permettaient d’écouter deux fois l’ensemble de ses sujets. Elle lui a envoyé des officiers de liaison et des agents du SCTIP qui ont pu observer de près la manière dont le régime surveillait, emprisonnait, battait, torturait et condamnait à la mort sociale les opposants (et leur famille).
Aussi faut-il prendre au mot la déclaration pontifiante du ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, le 11 janvier, rappelant qu’«avant de juger un gouvernement étranger» il fallait «bien connaître la situation». La «situation», les autorités françaises la «connaissaient» fort bien, de l’intérieur, pour en être parties prenantes (et trébuchantes puisque cette coopération policière charriait son lot de contrats). Il leur était aussi loisible de lire les travaux de science politique que les chercheurs d’un CNRS dont elles sont promptes à railler l’improductivité avaient publiés: par exemple Le Syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali de Michel Camau et Vincent Geisser (Presses de Sciences Po, 2003), ou La Force de l’obéissance. Economie politique de la répression en Tunisie de Béatrice Hibou (La Découverte, 2006). Même la désespérance sociale de la jeunesse, à l’origine du soulèvement, était parfaitement documentée grâce aux remarquables analyses de Samy Elbaz (2). Et la fragilité de la réussite économique de la Tunisie avait bel et bien été annoncée dès la fin des années 1990 (3). Il n’y avait pas un pan du régime de Ben Ali qui restait ignoré.
Simplement, la plupart des politiques, des hauts fonctionnaires, des journalistes et des intellectuels français ont préféré prendre pour argent comptant son discours de légitimation et se persuader qu’il était un rempart nécessaire contre l’islamisme, l’ultime défenseur des droits de la femme, un «miracle», un havre de «stabilité» et d’«ouverture» à l’Occident. Nonobstant les évidences. La répression du parti islamique le plus modéré du monde arabe, Ennahda (Renaissance), a fait de la Tunisie l’une des principales pourvoyeuses de djihadistes convertis à la cause de Ben Laden et n’a pas empêché l’attentat contre la synagogue de Djerba en 2002, que le régime avait pitoyablement essayé de travestir en banal accident, à la grande fureur de l’Allemagne dont plusieurs ressortissants avaient péri dans l’explosion.
Le statut juridique des femmes est peut-être meilleur en Tunisie qu’au Maroc ou en Algérie, mais ces dernières n’y ont toujours pas les mêmes droits de succession que les hommes: la rente bourguibienne en la matière est depuis longtemps épuisée. Le «miracle économique» était pour l’essentiel un trompe l’œil, et l’aisance des classes moyennes reposait sur un surendettement toxique. Enfin, l’effondrement subit de Ben Ali et les violences auxquelles il donne lieu nous rappellent de quoi était faite cette «stabilité» et confirme que les eaux dormantes sont les plus dangereuses. A laisser trop longtemps fermée la cocotte minute, elle explose, et le spectre de la guerre civile guette maintenant le mythique «pays du jasmin». La triste vérité est que les élites françaises, toutes professions confondues, se sont lourdement compromises et ont entraîné l’Union européenne dans leur illusion, voire leur veulerie (je mettrai à part Frédéric Mitterrand qui jusqu’au bout a soutenu Ben Ali, mais qui a des circonstances atténuantes s’il est vrai qu’il est citoyen tunisien: il était à la merci de la police du régime!)
L’exercice d’auto-justification et de rétro-clairvoyance auquel se livrent les uns et les autres depuis quelques jours n’en est que plus comique, la médaille d’or devant cette fois-ci être attribuée à l’amiral Jacques Lanxade, ambassadeur de France à Tunis de 1995 à 1999, dont la langue de bois était d’ébène lorsqu’il était en fonction, et qui assure aujourd’hui sans rire que «cette révolution était inéluctable», que «la dérive autoritaire de ce régime le condamnait» et qu’il en avait averti Paris «dès 1999» (4). Les connaisseurs apprécieront à leur juste valeur ce plaidoyer pro domo –et rendront hommage à Yves Aubin de la Messuzière, en poste de 2002 à 2005, qui, de pair avec son équipe, en particulier son premier conseiller, Jean-Pierre Filiu, et son conseiller culturel, Jean Hannoyer, mit en œuvre une diplomatie aussi professionnelle que lucide et courageuse, étant enfin l’ambassadeur de France près la Tunisie, et non l’inverse.
Désormais, Nicolas Sarkozy entend se tenir aux côtés du peuple tunisien dans sa marche vers la démocratie. Mieux vaut tard que jamais. Sauf que le soutien de la France aux démocrates équivaut au baiser de la mort, si l’on en juge par la séquence tchadienne de 2007-2008 (5). Sauf aussi que les erreurs d’hier ne prédisposent pas à la sagacité du lendemain. Jusqu’à preuve du contraire, il est moins question, à Tunis, de «transition démocratique» ou de «révolution politique», comme on l’entend dire, que de reproduction ou de restauration autoritaire. Bien sûr, c’est un vaste et remarquable mouvement social qui a ébranlé le régime, et l’on ne saluera jamais suffisamment le courage dont ont fait preuve les manifestants. Ces derniers, au demeurant, reprenaient le flambeau des protestataires des années précédentes qui avaient déjà exprimé leur colère, notamment à Gafsa, en 2008 et 2009, et à Benguerdane, en 2010, au péril de leur liberté, voire de leur vie.
Néanmoins, Ben Ali a été chassé vendredi par une révolution de palais plutôt que par la foule: soit par les hiérarques du parti unique, qui se sont débarrassés de leur fondé de pouvoir avant que celui-ci ne les entraîne dans sa chute ; soit par l’armée, dont l’un des chefs d’état-major, Rachid Ammar, venait d’être renvoyé, qui désapprouvait le bain de sang et qui n’était sans doute pas fâchée de prendre sa revanche sur la police. La Tunis de janvier 2011 fait plus penser à la Bucarest de décembre 1989 qu’à une situation réellement révolutionnaire. La chute a été trop rapide pour être honnête.
Le risque est donc grand de voir le régime se refermer comme une huître à la première occasion venue, comme il l’avait déjà fait après le «Changement» du 7 novembre 1987, ou à l’instar de la République algérienne après les émeutes d’octobre 1988 et l’intermède démocratique auquel avait mis fin l’armée à la suite de la victoire électorale du Front islamique du salut.
Quatre considérations le font redouter.
En premier lieu, le parti islamique Ennahda est sans doute la seule force politique organisée, disposant d’une véritable base sociale, en dépit de la terrible répression qu’il a subie et de l’exil de ses principaux leaders. S’il menace d’arriver au pouvoir, l’opinion tunisienne peut être tentée de se réfugier à nouveau derrière une dictature protectrice qui sans nul doute bénéficiera du soutien de l’Occident.
En deuxième lieu, ceux que l’on nomme les « démocrates », quelle que soit la détermination de certains d’entre eux, n’ont précisément pas hésité à cautionner l’écrasement policier de la mouvance islamique entre 1989 et 1994, leur libéralisme s’arrêtant là où commençait le militantisme d’Ennahda. Leur capacité à démocratiser le pays est sujette à caution et supposerait de toute manière qu’ils surmontent leurs divisions picrocholines (6).
En troisième lieu, le régime Ben Ali ne reposait pas seulement sur la coercition, mais aussi –comme l’a démontré Béatrice Hibou– sur de multiples transactions, en particulier économiques, qui forgeaient un consensus, en même temps qu’elles garantissaient le contrôle politique et social de la population. Le crédit bancaire a été un rouage central de cette économie politique et morale du «pacte de sécurité» que l’Etat avait octroyé à la société –une économie politique dont rien ne dit que le renversement de la «Famille» suffira à la mettre à bas. La dénonciation de la «corruption» d’une «mafia» prédatrice ne peut tenir lieu d’analyse et participe d’un certain infantilisme.
Enfin, le régime Ben Ali s’inscrit dans une longue tradition de réformisme étatique et autoritaire que le beylicat, province ottomane, avait héritée des Tanzimat, qu’il a consacrée avec le Pacte fondamental de 1857 –dit justement, en arabe, «Pacte de sécurité» (Ahd al-amar)– sous-jacent à la Constitution de 1861, que le Protectorat français a recomposée au service de ses intérêts impériaux, et dont le Néo-Destour a été l’apothéose nationaliste. Ben Ali n’a fait que prolonger cette tradition en la mettant au goût du jour, celui d’un néo-libéralisme de façade et d’un Partenariat euroméditerranéen de complaisance.
La crise politique actuelle intervient à la confluence de ces différents facteurs. Les tenants d’un pouvoir autoritaire –que l’on aimerait pouvoir qualifier de « sortant », mais il serait prématuré de ne voir dans les milices du RCD que de simples «nostalgiques» tant peut-être l’avenir leur appartient encore– cherchent précisément à faire regretter aux Tunisiens ce fameux «pacte de sécurité» en enclenchant une stratégie de la tension pour redonner au «consensus» sa légitimité. Le pari n’est pas aussi insensé qu’il y paraît. En effet, l’opposition «démocrate», voire islamiste, n’est pas étrangère à cette mythologie politique. La «tunisianité» dont chacun se gargarise, de part et d’autre de la mer Méditerranée, n’est que l’expression idéologique de cette culture politique du pacte réformiste autoritaire (7). Dans un très bel essai, Hélé Béji avait décrypté dès 1982 le «désenchantement national» et expliqué comment «l’instance qui m’a libérée est bien celle qui me domine aujourd’hui», en un «dédale monstrueux» 8. Force est de reconnaître que la Tunisie reste un havre du nationalisme arabe, nonobstant sa légendaire «ouverture». L’ennemi qu’elle devra vaincre pour se démocratiser, avant même l’«amitié» intéressée et bornée de la France et de l’Union européenne, est son propre orgueil identitaire. Un orgueil que flatte son aura, trop vite décernée, d’avoir couvé la première révolution dans le monde arabe.

(1) Jean-François Bayart, «Obscénité franco-tchadienne», Le Monde, 12 février 2008.
(2) Samy Elbaz, « Quand le régime du “changement” prône la “stabilité” : mots et trajectoire de “développement” en Tunisie », Revue Tiers monde, 4 (200), 2009, pp. 821-835.
(3) Béatrice Hibou, «Les marges de manœuvre d’un “bon élève” économique : la Tunisie de Ben Ali», Les Etudes du CERI, 60, décembre 1999.
(4) Journal du Dimanche, 15 janvier 2011, p.
(5) Jean-François Bayart, «L’hypo-politique africaine d’un hyperprésident», Savoir-agir, 5, septembre 2008, pp. 164-165.
(6) Pour une critique (de l’intérieur) de l’opposition « démocrate », voir Sadri Khiari, Tunisie : le délitement de la cité. Coercition, consentement, résistance, Paris, Karthala, 2003.
(7) Sadri Khiari, Tunisie : le délitement de la cité, op. cit., et Béatrice Hibou, La Force l’obéissance, op. cit., chapitres 8 et 9.
(8) Hélé Béji, Désenchantement national. Essai sur la décolonisation, Paris, François Maspero, 1982, p. 14.

El comandante dit:Intéressant billet de Jean-François Bayart sur son blog de Mediapart :

Il est pire que moi dans le genre ! Bien pire.
:lol:

Il écrit des trucs, si c'était du Zemmour tout le monde crierait au racisme, si c'était du Le Pen personne ne serait étonné !

:arrow:Force est de reconnaître que la Tunisie reste un havre du nationalisme arabe,
:arrow:son propre orgueil identitaire.
:arrow:le parti islamique Ennahda est sans doute la seule force politique organisée, disposant d'une véritable base sociale,

C'est violent !

Pour le coup, dans ce que tu cites, je ne vois pas matière à scandale.

Bah… Je pense seulement aux réactions si c est moi qui avait écrit ça.
:lol:

Je ne voulais pas te froisser.

Dire “attention, danger, incertitude” dans une telle situation me semble une trivialité.

Voici une comparaison - qui vaut ce qu’elle vaut - pour (peut-être) mieux m’exprimer :

Devant les inégalités de salaire homme-femme, imaginons des troubles sociaux. Et quelqu’un dirait : “attention, danger : vous courrez un risque d’avoir également un nivellement par le bas des salaires des hommes. On a déjà vu ça, c’est l’alignement par le bas sur le smic (pression du chômage)”.

Je concède que c’est quelque peu tiré par les cheveux mais l’idée est en substance.



Par contre, j’ai été choqué du rapprochement entre la situation tunisienne et la situation afghane (avec l’agitation du chiffon rouge associé). C’était d’ailleurs uniquement là-dessus que j’avais initialement réagi.

El comandante dit:


:lol:

Tu n'as pas lu les pages précédentes !

Quand je dis "moi", en fait, c'est n'importe qui, c'est vrai, qui aurait pris une volée de bois vert en tenant ces propos, pas forcément moi.
Cassiel dit:Je ne voulais pas te froisser.
Dire "attention, danger, incertitude" dans une telle situation me semble une trivialité.
Voici une comparaison - qui vaut ce qu'elle vaut - pour (peut-être) mieux m'exprimer :
Devant les inégalités de salaire homme-femme, imaginons des troubles sociaux. Et quelqu'un dirait : "attention, danger : vous courrez un risque d'avoir également un nivellement par le bas des salaires des hommes. On a déjà vu ça, c'est l'alignement par le bas sur le smic (pression du chômage)".
Je concède que c'est quelque peu tiré par les cheveux mais l'idée est en substance.
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Par contre, j'ai été choqué du rapprochement entre la situation tunisienne et la situation afghane (avec l'agitation du chiffon rouge associé). C'était d'ailleurs uniquement là-dessus que j'avais initialement réagi.


Ce que je disais, c'est que la société afghane, avant l'invasion russe, était tout a fait différente de ce qu'elle est aujourd'hui.
Bien évidement, ce que je dis n'a pas valeur de preuve, c'est simplement le témoignage d'un type qui a passé pas mal d'année là bas pour faire son doctorat.
Il nous avait montré des photos d'exterieur, avec des afghanes, étudiantes, dans la rue, habillées à l'occidentale (jupe sous le genou certes) mais sans foulard sur la tête et rigolant avec leurs copains.

C'était ça Kaboul à l'époque.

Ca n'a rien de choquant !

Et le but de ce souvenir est là simplement pour rappeler que rien, jamais, n'est acquis.
Sherinford dit:
Fred. dit:Pour autant je serais tenté de prendre ta remarque à rebours. Et si l'exemple tunisien donnait des idées aux opposants iraniens ? Je ne sais pas pourquoi, mais je pense que la Révolution tunisienne n'est pas une bonne nouvelle pour l'islamiste Ahmadinejad et la dictature des mollahs.

Dans mes bras, Fred... Dis-moi, tu as lu Persepolis, toi aussi?
Mon impression à moi est que l'esprit révolutionnaire se propage lentement mais sûrement, depuis Cromwell et la révolution anglaise, jusqu'aux derniers événements en Tunisie. La mondialisation de l'information et de l'économie accélère le processus de manière exponentielle. Le truc, c'est que la démocratie et les libertés, ça ne peut pas être imposé par un pouvoir extérieur: ça doit être voulu et conquis par le peuple que ça concerne.
Il ne faut pas y voir nécessairement un mouvement revendicatif organisé mais plutôt une tendance, je dirais presque que c'est le "sens de l'histoire". Quand je lis les remarques de certains, j'ai l'impression de voir un grand patron qui se prépare à discuter avec les représentants syndicaux...


Je n'ai pas lu Persepolis, mais je vais bientôt voir le film. Tout ceux qu'ils l'ont vu ont adoré.

Je suis à 1000 % d'accord avec toi sur la propagation de l'esprit révolutionnaire aidé en cela par les progrès de la communication qui ne s'embarrassent plus des frontières géographiques, et cela malgré quelques convultions liées à quelques résistances.

L'histoire te donne raison .... et tu auras encore plus raison demain.

C est très bien Persepolis.
La bd, le film, je ne l ai pas vu.

Mais cela ne va pas dans un sens très optimiste dans la logique de la chute des tyrans via révolution.

« La Tunisie a rejoint le modèle historique général »
Interview d’Emmanuel Todd
Que vous inspire la chute du régime Ben Ali ?
Notre livre montrait que, contrairement au discours dominant d’un islam considéré comme incompatible avec la modernité, le monde musulman connaissait un phénomène rapide de modernisation éducative et démographique. De vastes régions musulmanes ont vu leur taux de fécondité tomber entre 2 et 2,3 enfants par femme (le taux de la France ou des Etats-Unis étant de 2 enfants par femme). Une évolution déterminante, car l’histoire montre la concomitance de trois phénomènes : alphabétisation, baisse de la fécondité et révolution. L’Iran, par exemple, a fait sa révolution de 1979 au moment où son taux d’alphabétisation atteignait celui des Français du Bassin parisien en 1789. Or, pour Youssef Courbage et moi-même, dans ce modèle, la Tunisie représentait une bizarrerie. Son taux de fécondité y est le plus faible du monde arabe (2 enfants par femme, en 2005) et l’alphabétisation y est quasiment achevée : pour la période 2000-2004, 94,3% des 15-24 ans savent lire et écrire (97,9% pour les garçons et 90,6% pour les filles). Dès lors, la longévité d’un régime autoritaire semblait alimenter les théories qui prétendent que le monde arabe serait incapable de se moderniser. La raison que nous avions trouvée, c’était le niveau élevé d’endogamie qui, en Tunisie, était nettement supérieur à 30% au milieu des années 90, alors que l’Iran, l’Algérie et le Maroc étaient à 25% et la Turquie à 15%. Or, il y a un rapport entre endogamie et structure politique: l’étanchéité du groupe familial entraîne la fermeture des groupes sociaux sur eux-mêmes et la rigidité des institutions.
Que s’est-il passé ?
L’hypothèse de l’endogamie était probablement la bonne, mais elle doit être nuancée par une analyse fine des données dont nous disposons. «L’enquête tunisienne sur la santé de la mère et de l’enfant de 1996» (1) marque une chute du taux des mariages entre cousins germains : 36% pour les couples mariés depuis plus de trente ans, 20,5% pour les unions célébrées durant les quatre années précédant l’enquête. On peut supposer que la tendance s’est poursuivie. Autrement dit, l’hypothèque de l’endogamie a été levée, permettant à la baisse de la fécondité et à l’alphabétisation de jouer pleinement leur rôle. Avec cette révolution, la Tunisie a rejoint le modèle historique général et quelles que soient les difficultés à venir (et il y en aura, bien sûr), l’idée d’un retour en arrière est difficilement concevable.
Vous avez rappelé l’exemple de la révolution iranienne qui, devenue islamiste, s’en est prise aux femmes. La Tunisie ne court-elle pas le même risque ?
Dans la France au XIXe siècle comme en Iran aujourd’hui et dans la Tunisie de demain, la stabilisation démocratique pose des problèmes de transition. Pour l’heure, les islamistes semblent hors-jeu en Tunisie, mais il serait absurde de se crisper si certains d’entre eux devaient intégrer le processus démocratique. N’oublions pas que l’émergence des démocraties anglo-saxonnes a été associée à un concept religieux - en l’espèce, le protestantisme. De nos jours, au cœur de l’Europe moderne, la CDU allemande est explicitement chrétienne. Quant aux pays musulmans, on observe que la Turquie démocratisée est dirigée par des islamistes modérés proeuropéens, qui s’accommodent fort bien de la hausse de l’alphabétisation et de la baisse de la fécondité - à la grande surprise des laïcs français, mais non des Anglo-Saxons. Quant au statut de la femme, il était partie prenante d’un système familial patrilinéaire qui exige que le fils succède au père. Mais, lorsque le taux de fécondité tombe à 2 enfants par femme, nombreux sont les pères qui n’ont pas de garçon et c’est tout le système qui s’effondre. En réalité, dans de tels pays, et malgré la focalisation sur le port du foulard, le discours islamiste d’abaissement des femmes ne mord plus sur la réalité.
La Tunisie va-t-elle devenir le laboratoire du monde arabe ?
Peut-être la Tunisie va-t-elle faire passer le monde arabe de l’autre côté du miroir et rendre caduc le sempiternel discours sur l’incapacité structurelle des pays arabes à devenir des démocraties. Plusieurs éléments plaident en ce sens : la démographie, l’éducation, la présence massive de la culture française et l’absence de pétrole - à partir du moment où il y a du pétrole, le régime rentier peut échapper à sa population. Regardons deux pays sur la liste des mutations à venir : en Syrie, le taux d’alphabétisation est encore plus élevé qu’en Tunisie (95,2%), mais l’endogamie reste très forte, en particulier dans les zones sunnites. En revanche, en Egypte, l’alphabétisation a pris du retard (73,2%), mais l’endogamie, déjà pas très élevée, est en chute libre. Il est probable que les dirigeants de ces deux pays regardent ce qui se passe en Tunisie avec beaucoup d’attention…

Merci. excellente lecture des structures sociales profondes de Todd, comme toujours. Son livre “Après la démocratie” sur les évolutions occidentales est, sur un autre sujet, incontournable. Et très abordable.

Yep…

Pour ceux qui suivent l’actu. il est en train de se passer le même genre d’évènements en Egypte…

Ils ont même bloquer Twitter !!

http://mashable.com/2011/01/25/twitter- … -in-egypt/

http://reflets.info/une-revolution-en-marche-en-egypte/

Ca bouge en Iran … :D

Ca bouge chez notre ami Khadafi …

C’est bon tout ça. :D

Quand on relit l’article de Todd et sa conclusion en date de mi-janvier…

Regardons deux pays sur la liste des mutations à venir : en Syrie, le taux d’alphabétisation est encore plus élevé qu’en Tunisie (95,2%), mais l’endogamie reste très forte, en particulier dans les zones sunnites. En revanche, en Egypte, l’alphabétisation a pris du retard (73,2%), mais l’endogamie, déjà pas très élevée, est en chute libre. Il est probable que les dirigeants de ces deux pays regardent ce qui se passe en Tunisie avec beaucoup d’attention…


…plutôt pas mal. :china: