[Tzaar]
Comme promis dans un autre fil de discussion, que je n’ai pas retrouvé, je reviens un million d’années plus tard pour parler un peu de TZAAR.
N’imaginez surtout pas que je vais pondre un guide stratégique complet et structuré : j’en serais tout à fait incapable, étant loin d’être un excellent joueur (je me fais systématiquement plier par les meilleurs joueurs sur boiteajeux). On va dire que ce sont des idées générales et d’humbles conseils jetés un peu en vrac.
Première remarque : tous les conseils ci-dessous peuvent évidemment être complètement inapplicables dans certaines situations particulières, et heureusement : il faut savoir s’adapter. Le jeu n’aurait aucun intérêt sinon !
Deuxième remarque : le jeu ne prend toute sa saveur que joué avec une répartition aléatoire. La répartition symétrique est, de mon point de vue, assez ennuyeuse, parce qu’on y perd toute la saveur du début de partie. Quand bien même certaines (très rares) situations de départ semblent un peu plus fortement défavorables à l’un des deux joueurs, je recommande vivement de jouer de cette façon. Gagner avec une position de départ difficile est une joie immense, et une occasion de frimer qu’il ne faudrait pas laisser passer.
Quelques “évidences” pour commencer.
Avantage aux noirs.
Le joueur blanc, bien que débutant la partie, n’a qu’un seul mouvement et ne peut donc pas faire d’empilement au premier tour. Cela rend sa position naturellement défavorable, ce dont ce petit guide devrait facilement vous convaincre. Pour le dire clairement : les noirs sont avantagés à TZAAR. Ce n’est pas plus un problème ici que dans toutes les autres situations similaires dans les jeux abstraits en noir et blanc : c’est un fait à prendre en compte, ni plus ni moins.
Les conditions de victoire. Ou plutôt de défaite.
Il y a quatre façons de gagner la partie. Plus exactement, il y a quatre façons de la perdre, et c’est ainsi que je vais formuler les choses.
1a. En n’ayant plus de Tzaars.
1b. En n’ayant plus de Tzarras.
1c. En n’ayant plus de Totts.
2. En n’étant pas en mesure de faire une prise pour son premier coup.
Une chose presque évidente : en aucun cas, il ne faut dissocier ces contraintes. C’est en mettant la pression sur plusieurs, voire sur toutes, que l’on va amener l’adversaire à l’une d’entre elles.
Deux mouvements par tour, corrélés mais dissociés
À chaque tour, on a deux mouvements. C’est sans doute encore une évidence, mais si ces deux mouvements doivent raisonnablement être coordonnés et pensés ensemble, ils n’ont aucune raison pour autant de faire intervenir la même pièce, ni de se situer dans la même zone du plateau. Une erreur de débutant assez fréquente est de faire systématiquement les deux mouvements avec la même pièce. C’est évidemment une option, mais seulement une option.
Chaque mouvement que l’on fait doit idéalement nous éloigner de l’une des quatre conditions de défaite, et doit idéalement rapprocher l’adversaire de l’une d’entre elles.
Or, le premier mouvement est nécessairement une prise : il permet donc automatiquement d’avancer l’adversaire vers 1a, 1b ou 1c, mais, comme on va le voir juste après, il nous rapproche nous-même nécessairement de 2.
Proies et prédateurs
Ce principe est certainement le plus important de TZAAR.
Chaque pièce du jeu est à la fois une proie et un prédateur pour toutes les pièces adverses de niveau inférieur ou égal. La condition de défaite 2 impose donc d’avoir systématiquement une proie à portée de l’un de ses prédateurs au début de son tour. En conséquence, chaque coup qui nous affaiblit en tant que prédateur ou réduit le nombre de proies disponibles est, en première approximation, un mauvais coup. On peut aussi pousser la métaphore en parlant de “d’extinction” pour désigner les conditions de défaite 1a, 1b et 1c.
Multiplication des piles : un peu de calcul pour se convaincre
Chaque prise fait disparaître une de nos proies (et donc nous rapproche de 2 en rapprochant l’adversaire de 1a, 1b ou 1c, comme annoncé).
Chaque empilement réduit le nombre de proies disponibles pour l’adversaire (une pile, même seulement de hauteur 2, est une proie beaucoup plus difficile pour lui) ET augmente notre capacité de prédation ET, bien entendu, augmente le niveau de protection du type de pièce empilé.
L’empilement est donc un coup (très) fort, tandis que la prise est un coup neutre, voire faible. En conséquence, et sauf exception (généralement en toute fin de partie), un tour normal de jeu DOIT consister en un mouvement de prise, suivi d’un mouvement d’empilement.
Poussons ce raisonnement un peu plus loin : pendant l’essentiel de la partie, il y a en général beaucoup plus de pièces de hauteur 1 que de piles de hauteur 2 ou plus sur le plateau. Autrement dit, une simple pile de hauteur 2 est déjà une pièce forte, imprenable par la grande majorité des pièces adverses jusqu’aux 2/3 de la partie environ, et elle-même susceptible de les prendre presque toutes.
Prenons un exemple très éclairant : lors des deux premiers tours de jeu, en respectant l’alternance prise-empilement, on peut créer, soit une pile de 3 (en effectuant deux empilements avec les mêmes pièces), soit deux piles de 2. Dans le premier cas, on a transformé trois pièces faibles en une pièce forte. Dans le second cas, on a transformé quatre pièces faibles en deux pièces fortes. Le calcul est formel : la seconde option est bien plus avantageuse !
En extrapolant cet exemple, on peut dire qu’il vaut mieux, en général, multiplier les petites et moyennes piles que d’en créer une seule très grosse, et plus globalement qu’il est préférable de créer de nouvelles piles plutôt que de renforcer celles qu’on a déjà… jusqu’à la limite imposée par 1a ou 1b, voire 1c, car il faut bien protéger ses pièces menacées d’extinction, et que les piles de hauteur 2 n’y suffisent pas longtemps.
Il faut choisir avec soin le type de pièce sur laquelle on vient s’empiler. Les Totts sont évidemment les victimes toutes désignées, du fait de leur nombre conséquent, mais il faut bien entendu savoir faire avec ce qu’on a sous la main en cas de besoin.
Dans l’optique de se tenir éloigné des extinctions, il est sage de créer rapidement une ou deux piles de chacun des trois types de pièces. À ce propos, ne négligez pas trop longtemps les Totts : leur nombre a tendance à fondre plus vite que ce qu’on s’imagine a priori (voir, ci-dessous, la section pression à l’apéro). Les parties qui durent un peu se perdent très fréquemment aux conditions 1c ou 2.
Double prise d’une pile de 2 : mauvaise idée en général
Autre remarque autour de la même idée : est-il bien rentable d’aller prendre cette pile de hauteur 2 adverse qui nous tend les bras ? On pourrait en effet penser que l’enchaînement de la prise d’une pièce de hauteur 1 et d’une pile de hauteur 2 dans le même tour est rentable, mais il ne l’est pas en général. Encore une fois, en jouant ainsi, on réduit deux fois notre vivier de proies sans augmenter nos capacités de prédation. Sauf cas particulier (par exemple, menace directe d’extinction d’un type de pièce adverse), c’est donc en général un mauvais coup.
Par contre, et c’est très probablement une évidence, pouvoir prendre dès le premier coup une pile de hauteur 2 ou plus adverse PUIS enchaîner sur un empilement ressemble à un excellent tour… à condition de prendre garde à sa mobilité (voir la partie à ce sujet).
Évolution de la hauteur des piles en cours de partie
À mesure que fleurissent les piles de hauteur 2, il devient rentable de créer des piles de 3 difficilement prenables et prédatrices… et ainsi de suite. Bref, il est raisonnable que la taille de quelques piles augmente progressivement au fil de la partie. On va ainsi se retrouver avec divers types de pièces autour du plateau : peu de piles fortes (hauteur 4+, pièces essentiellement agressives), quelques piles petites (hauteur 2 ou 3, essentiellement défensives), et pas mal de pièces de hauteur 1 (chair à canon). Ce schéma est bien sûr trop simpliste, mais c’est malgré tout une bonne approximation.
Restons groupés. Ou pas.
Multiplier les petites piles a tout de même un défaut non négligeable : chacune d’entre elles reste vulnérable à une plus grosse pile adverse. Que faire ?
Première idée : si nécessaire, il est toujours possible d’empiler deux piles. J’ai vraiment besoin d’une pièce très forte ? Deux piles de 2 deviennent un un clin d’œil une pile de 4, à condition bien sûr d’être à portée l’une de l’autre. En généralisant l’idée, on en tire le principe que garder à proximité les unes des autres des petites et moyennes piles permet, au besoin, de les rassembler pour en faire une grosse, transformant le terrible prédateur adverse en une proie apeurée, potentiellement sans solution de repli. À l’inverse, pour menacer efficacement un groupe de piles adverses, il est préférable de s’avancer avec une pile de hauteur au moins 2 de plus que toutes les piles adverses présentes dans le coin (plus généralement, une pile de hauteur au moins égale à la somme de la hauteur des deux plus grandes piles menacées), et/ou de couper les trajectoires qui permettraient à l’adversaire de rassembler ses forces.
Deuxième idée : au contraire, éparpillons nos petites piles un peu partout sur le plateau. Une grosse pile adverse parviendra peut-être à nous en prendre une, mais si les autres sont loin, est-ce si grave ?
Finalement, s’il n’y a pas de solution miracle, il faut garder à l’esprit que regrouper ou éparpiller ses piles relève d’un choix stratégique qui doit être guidé par l’observation du terrain… et que l’un n’empêche pas l’autre.
Ajoutons que ces principes reposent sur des notions d’éloignement et de proximité qui sont, dans ce jeu, extrêmement fluctuantes, comme on va le voir. Ils mènent par ailleurs directement à certaines réflexions du paragraphe suivant.
Mettre la pression en apéritif
Pour mettre la pression maximale sur l’adversaire, il est raisonnable, au début de la partie, d’attaquer de façon ciblée toujours le même type de pièce, pour rapprocher au plus vite l’adversaire de 1a, 1b ou 1c.
Le plus sensé semble être d’attaquer les Tzaars, qui ne sont que 6, mais ce sont aussi les pièces que l’adversaire va défendre le mieux et le plus vite. Il peut au contraire sembler stupide d’attaquer les Totts, qui sont très nombreux, mais ce sont aussi les pièces que l’adversaire va lui même préférentiellement dépenser pour faire ses propres empilements. Si l’on prend un Tott par tour pendant que l’adversaire en utilise un par tour pour y empiler une autre pièce, cela lui fait deux Totts de moins à chaque tour. Dans ces conditions leur nombre peut fondre très vite. Les Tzarras représentent évidemment une situation intermédiaire entre les deux : ils ne sont pas si nombreux, mais on peut se permettre d’en utiliser un de temps en temps pour un empilement.
Finalement, il peut être tout aussi sensé de cibler les trois types de pièces.
Le type de pièce à attaquer en priorité peut être guidé par l’observation directe du plateau de jeu. Dans une répartition aléatoire, il est notamment très fréquent que l’adversaire ait ses Tzaars ou Tzarras assez regroupés. Prenons un exemple pour illustrer : mon adversaire a quatre Tzaars très proches les uns des autres, et deux isolés. Je peux décider d’attaquer tout de suite les deux isolés, et de faire mes premières piles à proximité de ceux qui sont regroupés. La mise sous pression est instantanée. En défense, mon adversaire aura tout intérêt à immédiatement faire une pile avec le Tzaar isolé que je n’aurai pas pris au premier tour pour le protéger. Inutile de préciser qu’il faut, à l’inverse, être très attentif à une situation similaire qui pourrait de produire dans l’autre sens… Une situation particulièrement défavorable est celle ou l’on a 5 ou 6 Tzaars très regroupés. Ce n’est pas rédhibitoire, mais il faudra concentrer ses efforts sur cette zone du plateau dès le début de la partie. Une idée généralement efficace dans ce cas est de faire un pseudo-sacrifice (voir la section correspondante) : pour mettre à distance la pile attaquante adverse si elle fait la double prise, ou pour se ménager une pile qui pourra s’échapper dans le cas inverse.
Dernière remarque : si on attaque systématiquement un type de pièce, l’adversaire va naturellement créer une ou plusieurs piles pour en assurer la protection. Cela ne rend pas inutile de poursuivre l’attaque. N’avoir plus qu’une seule pièce d’un type donné expose aux menaces directes de prise par une éventuelle pile plus grosse, et interdit d’en empiler une autre dessus. C’est donc une contrainte forte à imposer à son adversaire.
Mobilités
Après l’aspect proie-prédateur, la deuxième idée centrale de TZAAR est celle de mobilité. Ce paragraphe (peu satisfaisant, je n’ai pas réussi à faire mieux) est un fourre-tout : on ne peut pas forcément tirer tout de suite de grands enseignements généraux de ce qu’il contient, mais tout est utile à relever.
La géométrie du plateau et la vitesse des pièces
Une pièce qui peut faire deux mouvements à son tour (une prise puis un second mouvement) pourra être dite “rapide”, une pièce qui ne peut en faire qu’un seul (parce qu’elle ne voit que des pièces de sa couleur), “lente”. On pourra moduler ces notions : une pièce qui dispose de beaucoup de choix de doubles mouvements et d’enchaînement de doubles mouvements pourra être qualifiée de “très rapide”, une pièce noyée au milieu de pièces de même couleur dans toutes les directions sera dite “très lente”, voire “embourbée”.
À mesure que la partie avance, le plateau se vide. Les déplacements sont de plus en plus contraints, et traversent de plus en plus de cases du plateau.
De ce fait, la géométrie du plateau est très difficile à lire de façon intuitive. Deux points a priori très éloignés peuvent parfois être reliés très rapidement, éventuellement avec un rebond, si beaucoup d’espaces les séparent. Le trou central dans le plateau, idée de génie, complique encore plus cette lecture, comme on va le revoir juste après. Il faut donc être sur le qui-vive, car il est très facile de ne pas voir un double mouvement (traversant deux fois le plateau dans toute sa longueur, par exemple).
De toutes les positions, il y a trois directions de déplacement (haut-bas, NE-SO, NO-SE) mais pas le même nombre de points accessibles. Depuis un coin, il y a 11 positions accessibles a priori. Depuis un bord 16, depuis un angle du trou 17, depuis les autres 13, 15, 18, 20 selon les cas (jeu : faites un bestiaire des points du plateau en fonction du nombre de positions accessibles). La conclusion est que les coins sont des zones à faibles options de déplacement, les autres positions étant assez disparates de ce point de vue. Surtout, là encore, à part pour les coins, cette classification n’est pas intuitive et la géométrie du jeu est une nouvelle fois difficile à lire.
Garder la mobilité des grosses piles
Au fur et à mesure de la partie, on se retrouve très schématiquement, comme annoncé plus haut, avec des pièces offensives (piles de hauteur 3+ ou 4+), des pièces défensives (piles de hauteur 2) et de la piétaille. Il est absolument essentiel de conserver une bonne capacité de mouvement à ses pièces agressives. Une grosse pile ne menace personne si elle est coincée au milieu de pièces de sa couleur. Pire : on n’aura pas d’autre choix que de renforcer cette pile, de façon généralement peu utile. Et comme on l’a vu, il est le plus souvent préférable de multiplier les piles que de renforcer celles qu’on a déjà. En clair, il est essentiel de garder une forte mobilité de ses grosses piles.
Une grosse pile embourbée au milieu de sa couleur ne menace plus rien du tout et perd sa capacité de mouvement. Or, ce sont nos pièces offensives qui nous assurent de rester à distance de la condition 2. Inversement, amener les grosses piles adverses dans des zones densément peuplées de leur propre couleur est un coup stratégiquement intéressant. En renversant de nouveau les points de vue, si un adversaire qui semble vous laisser une bonne prise facile, peut-être faut-il se méfier : où ma pile va-t-elle se retrouver une fois cette prise effectuée ? Serait un piège ? En rétrorenversant de nouveau les points de vue, exposer à une prise en deux rebonds une pile un peu grande (3 ou 4) peut devenir un coup très vilain pour l’adversaire si sa grosse pile trop gourmande devient de ce fait inutilisable.
Effacement
Un coup intéressant, à la fois défensif et offensif, est ce que j’appelle “l’effacement”. Imaginons qu’une grosse pile menace une des vôtres, plus petite, en ligne directe. Quitte à devoir la bouger pour éviter la prise, on peut souvent le faire de façon vilaine, en enlevant par ses deux mouvements deux pièces de la ligne en question. Idéalement, on empêche complètement la pile adverse de s’approcher des nôtres.
Se placer à l’interface
La vitesse de déplacement dans une zone (notion très floue, donc, du fait de la géométrie contre-intuitive du plateau) n’est pas la même pour les deux joueurs. Une pièce est rapide si elle est entourée de pièces adverses, et lente si elle est entourée de pièces de sa couleur. Dit autrement, une pièce est d’autant plus rapide (pour moi) qu’elle est entourée de pièces lentes (pour l’autre). Une de mes piles au milieu de pièces de hauteur 1 adverses est donc une pièce rapide entourée de pièces lentes. Comme elle est imprenable, il s’agit donc d’un super-prédateur : c’est le loup dans la bergerie.
Cette médaille a son revers : une pile entourée de pièces adverses ne pourra plus grandir, ce qui est parfois utile, voire nécessaire. Finalement, notamment en début de partie, le bon placement de ses grosses piles se situe en général à l’interface entre un amas important de ses propres pièces et de celles de l’adversaire, pour garder un vaste choix de prise, tout en se réservant une zone de grossissement à portée de main.
Si, en plus, cette zone adverse densément peuplée contient beaucoup de pièces du même type (par exemple, plein de Tzaars) et que c’est (coïncidence ?) précisément ce type de pièce que l’on pilonne en début de partie, c’est tout bénéfice.
Je connais ce sentiment de solitude et d’isolement
Une pièce qui ne peut plus bouger du tout sera dite “isolée”.
Une pièce isolée n’est plus menaçante pour l’adversaire. Isoler une grosse pile adverse est donc souvent un bon coup. Mais attention : une pièce isolée assure aussi que son type ne pourra plus être menacé d’extinction. On peut donc isoler volontairement une de ses propres pièces pour se protéger définitivement de 1a, 1b ou 1c. Le plus facile est bien sûr de le faire dans un coin. L’idéal est d’isoler une pièce de hauteur 1, à défaut une très petite pile.
Le risque d’isolement d’une pièce ne dépend pas que du nombre de directions vides autour d’elle, mais aussi du nombre de pièces présentes dans les directions non vides. Une pièce qui n’a qu’une seule direction non vide, mais avec beaucoup de pièces dessus, est encore assez loin de l’isolement a priori. Une pièce qui voit encore du monde dans trois directions, mais où chacune de ces directions ne comporte qu’une seule pièce, en est très proche.
On peut enfin isoler sans isoler, en bouchant une direction avec une pile trop haute pour être prise.
Sacrifices, pseudo-sacrifices, fourchettes
Tout jeu en noir et blanc comme TZAAR propose sa propre version du scarifice : je t’offre un peu pour gagner plus ensuite. Tous les principes ont déjà été énoncés ci-dessus, il s’agit donc d’un simple catalogue de rappels.
Offrir une petite pile en deux mouvements : l’adversaire peut être tenté par la double prise, ce qui est rarement un bon coup. Il s’agit évidemment d’un piège un peu grossier, partant du principe que l’adversaire n’a pas les bases du jeu, ce qu’il ne faut jamais faire : j’appelle donc cela un “pseudo-sacrifice”. On pourra donc tourner les choses de la façon suivante : laisser une petite pile à portée de prise en deux mouvements est un coup a priori tout à fait sensé. Bien entendu, offrir une pile 4+, même en deux mouvements, coûte un peu trop cher pour qu’on se permette de le faire sans de solides arguments.
Offrir une pile en un mouvement pour attirer l’adversaire dans une zone où sa pile plus grosse va s’embourber (entourée de pièces à sa couleur, donc subitement très lente). À l’inverse, si l’adversaire laisse vivre notre pile dans une zone à sa couleur, il nous laisse, comme vu plus haut, un super-prédateur.
Fourchettes offensives : menacer de prise directe deux piles adverses en même temps par une pile plus grosse. Peu de choses à dire là-dessus, c’est assez évident.
Fourchettes défensives : plus subtile est la fourchette défensive. Si l’on se trouve acculé avec deux piles menacées et qu’on ne peut pas sauver les deux, on peut peut-être répliquer de la façon suivante : on ne défend pas directement nos piles (parfois, on ne les bouge pas du tout !), mais par des mouvements autour de celles-ci, on s’arrange pour que la prise de l’une des deux piles oblige à renoncer définitivement ou presque à l’autre. Tu prends celle-ci ? OK, mais tu n’as plus aucun chemin pour menacer celle-là. C’est encore mieux si la pile adverse est directement menacée d’embourbement ou d’isolement.
Quelques petites choses pour conclure
Ce dernier paragraphe est un peu fourre-tout aussi…
La mort aux trousses, ou ce qu’il ne faut absolument pas faire
95% des joueurs de TZAAR sur boiteajeux jouent selon le stéréotype suivant : les noirs créent une seule très grosse pile, qui pourchasse à travers tout le plateau une unique très grosse pile blanche. J’espère que la lecture de ce petit guide vous permet de comprendre que cette stratégie est très mauvaise des deux côtés. Si vous en rencontrez un, un jour, faites des petites piles de 2 dans tous les coins. Votre adversaire aboutira à la condition 2 à toute vitesse.
“Pat”, ou la prise de contrôle à distance
Je reprends ce terme d’échecs pour la situation suivante, mais il s’agit ici d’une position offensive. La menace directe d’une pile adverse (ce qu’on appellerait un “échec” aux échecs) n’est pas toujours la meilleure option. Il vaut souvent mieux rester un peu à distance, mais en bloquant tout mouvement de la pile en question : quoiqu’elle fasse, elle se met en position de prise directe. On a donc cloué une pièce adverse par la menace indirecte. La géométrie hexagonale du plateau se prête très bien à ce genre de taquinerie.
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Plus généralement, TZAAR est un jeu de patience. Se ruer sur une menace directe est rarement la meilleure idée. Il faut accepter que ce qui semble plié en deux coups en prendra en fait dix si les deux adversaires jouent très bien. Une offensive brutale sur un type de pièce permet très rarement de conclure vite, sauf erreur grossière. Un type de pièce peut tomber à un seul élément vivant très rapidement… et la partie sera perdue sur une autre condition, que la situation aura permis patiemment de ménager. Bref, méfiez-vous des évidences.
Casse-têtes et escape games
Les fins de partie de TZAAR un peu tendues ressemblent souvent à un casse-tête : quel est LE mouvement qui va me permettre de survivre un coup de plus, s’il existe. C’est en général dans ces cas-là qu’on voit le génie de Burm, dans l’imbrication phénoménale des quatre conditions de défaite. Les plus belles parties se perdent en général sur la condition la plus inattendue.
Voilà, je pense que j’ai à peu près tout dit, je n’ai rien gardé dans les manches. Amusez-vous bien à découvrir ce jeu sublime !
Merci pour ça. Bon, il va falloir que je redonne une chance à Tzaar auquel je ne comprends rien et qui ne m’a jamais amusé. De plus, je n’aime pas beaucoup en général les jeux à lecture initiale forcée.
Je vais repotasser les règles, te lire et on s’organise quelque chose.
Coïncidence ? Justement – après des années d’inactivité – quelqu’un a également posté un article stratégique sur TZAAR sur BGG.
https://boardgamegeek.com/thread/3132155/strategy-tactic-and-some-tips-play-tzaar-better
Merci, Grolapinos !
Étonnant, en effet !
OK, je le “connais”. ivyed seer est un des joueurs qui me bat systématiquement sur boiteajeux
J’ai très légèrement modifié la structure de mon texte et mis des titres plus explicites (parce que se faire plaisir avec des titres rigolos, ça n’aide pas le lecteur )
Ouai, ben il faut que tu la modifies encore ! J’ai joué une partie hier soir après avoir relu tes conseils… j’ai perdu !
Moi, j’aime bien les titres rigolos , le clin d’oeil à Voulzy par exemple…
Voilà un sujet sur lequel j’aurais été ravi de contribuer… si j’avais fait plus qu’une seule et malheureuse partie dans ma vie
En attendant que l’occasion se présente peut être de rectifier ça, je salue donc simplement l’initiative sans rien avoir à ajouter de pertinent. ^^
Le Zeptien dit :Ouai, ben il faut que tu la modifies encore ! J'ai joué une partie hier soir après avoir relu tes conseils... j'ai perdu !
Ah oui y'a des trucs que j'ai pas dits. Par exemple, faut avoir lu les règles
MasterMindM dit :Voilà un sujet sur lequel j'aurais été ravi de contribuer... si j'avais fait plus qu'une seule et malheureuse partie dans ma vie
En attendant que l'occasion se présente peut être de rectifier ça, je salue donc simplement l'initiative sans rien avoir à ajouter de pertinent. ^^
grolapinos dit :Le Zeptien dit :Ouai, ben il faut que tu la modifies encore ! J'ai joué une partie hier soir après avoir relu tes conseils... j'ai perdu !Ah oui y'a des trucs que j'ai pas dits. Par exemple, faut avoir lu les règles
Oh mais dites donc, c'est qu'il a de l'humour en plus !
J'ai Tzaar depuis sa sortie moi Monsieur... par contre j'y joue mal, j'ai le droit non ?
Total respect.
EDIT : ah mince j’ai fait une faute d’accord et à cause de ta citation elle reste visible
C’est corrigé. A toi de corriger la mienne… tu la vois ?
À ?
Bon. Les doués de vision qui n’ont pas appris à voir sont aveugles à bien des choses.
Grace à grolapinos et son guide, j’ai relu les règles + sa prose et j’ai lancé une partie sur Baj (je n’ai pas le jeu en dur). Et oui, je commence à percevoir quelques unes des possibilités qu’ouvre ce jeu et comme très souvent avec Kris Burm, ça sent le génie…
Je joue comme une quiche je pense mais là n’est pas l’important: je commence “à voir” et ma marge de progression est du coup, énorme…
Merci grolap!
grolapinos dit :À ?
Dans ton message du 14, tu me cites... et on voit "il faut que tu la modifie..." (sans s).
Et merci palferso !
Juste un merci à grolapinos et tous ceux qui fournissent des analyses et des discussions stratégiques. C’est ce que j’apprécie ici sûrement le plus.
Alors… J’ai conclu 3 parties sur Baj et découvre un tout nouveau jeu (mes premières et dernières parties remontaient à 2014!!!). J’ai gagné les 3 face à des joueurs qui à mon avis n’avaient pas lu les réflexions stratégiques de grolapinos…
Ce qui est rigolo, c’est que je n’ai quasiment exclusivement joué qu’avec des piles de 2 max (une seule fois en 3 parties je suis monté à 4 avec 2 piles de 2 mais c’était pour inciter mon adversaire à un coup forcé pour le sortir d’une zone où je ne voulais plus le voir roder; de fait, un peu plus tard, je le laisserai bouffer ma pile de 4 pour les mêmes raisons en couleur ce qui me permettra par ailleurs de travailler tranquillement sur d’autres aspects). Et faire mumuse avec les piles de 2 autour d’une grosse pile chasseuse est vraiment rigolo. Le jeu dans ses déplacements actifs et passifs est vraiment ultra malin. J’y retrouve un peu le terrain mouvant de Zertz.
Sinon, je gagnerai une fois à la condition 2, une fois aux Totts et une fois aux Tzarras. J’ai toujours gagné avec moins de pièces au total que mon adversaire et au moins une ou deux de mes pièces à 1 (cet aspect ne m’effraie absolument pas vu que j’ai l’habitude de Zertz où on ne peut espérer gagner avec régularité sans se placer sur chaque partie à l’extrême limite de ce qui sépare une victoire d’une défaite).
Ai-je déjà dit merci à grolapinos??? Bon, au cas où: merci grolapinos!