Valencia est la réédition de Strasbourg par Stefan Feld dans la City Collection de Queen Games, étonnamment illustré par The Mico (étonnamment car c’est je pense leur première collaboration et le style ne correspond pas vraiment au style assez lisse auquel nous a habitué QG).
Le jeu devrait sortir en décembre en Allemagne, je ne sais pas ce qu’il en est en France.
Les règles de Valencia sont disponibles en ligne depuis peu, et comme j’ai un petit faible pour Strasbourg, j’ai souhaité constater les évolutions d’un jeu à l’autre et vous en faire partager mes conclusions, mais avant tout autant en profiter pour vous présenter le jeu.
Note : j’indique entre parenthèses et en italique l’élément correspondant dans Strasbourg.
But du jeu
Contrairement à la plupart des Feld, ici pas de salade de points (cela contribue d’ailleurs à son originalité au sein de l’œuvre du Monsieur).
L’objectif pour les joueurs sera de placer leurs pions dans la ville, ceux-ci rapporteront des points en fin de partie, avec des bonus s’ils sont adjacents à des fontaines (bâtiments) ou à des palmiers (églises).

On va aussi essayer de remplir des objectifs sélectionnés en début de partie, sachant qu’on perd des points si on n’a pas pu les remplir.
Comment ça se joue
Le jeu se joue en 5 manches, chaque manche est constituée de 2 étapes :
- Préparation des mises
- Mises et application des effets
Préparation des mises
Chaque joueur commence la partie avec les mêmes 24 cartes de mise de valeur de 1 à 6. Chaque joueur mélange ses cartes au début de la partie.
La préparation des mises se fait en simultanée. Chaque joueur pioche des cartes jusqu’à ce qu’il soit satisfait de ce qu’il a en main. Une fois piochée, une carte ne peut pas être remise dans le paquet.
Ensuite, chaque joueur va faire des tas de 1 à X cartes. 1 tas = 1 mise pour la phase suivante. La valeur de chaque mise correspond à la somme des valeurs des cartes du tas.
Mises et application des effets
Chaque manche va voir se succéder 7 actions de A à G selon la réglette de la manche en cours (on ne mise pas sur H et I).

Pour chaque action, en commençant par le premier joueur, chaque joueur va pouvoir miser un des tas qu’il a préparé à l’étape précédente, ou passer. Ce ne sont pas des enchères, dans la mesure où on ne fait qu’un tour de table, il ne sera pas possible de surenchérir.
Ensuite, le joueur qui aura misé le plus haut pourra faire l’action. Selon l’action, la 2ème mise pourra également faire une action plus faible. Et même parfois la 3ème.
Les joueurs éligibles font l’action, et on enchaîne ainsi pour chacune des actions (j’y reviendrai).
En fin de manche, toutes les cartes qui avaient été misées sont défaussées. Les joueurs n’ont que les 24 cartes de mise du départ : quand il n’y en a plus, il n’est plus possible de miser. Il va donc falloir faire en sorte de tenir sur la durée, tout en s’assurant les actions qui nous sont le plus utile (notamment pour remplir nos objectifs). Sachant qu’il y a 5 manches et 24 cartes, vous aurez calculé qu’un joueur peut miser en moyenne 4,8 cartes par manche. C’est peu, c’est tendu, et j’aime beaucoup cet aspect !
On fait ça 5 fois, et la partie est finie, on procède au décompte final.
Les actions
La plupart des actions vont permettre de poser des pions au conseil (en dégageant l’éventuel pion qui occupe déjà la place). À chaque fin de manche, 1 pion au conseil rapporte 1 PV, celui qui en a le plus peut gagner un privilège (je ne détaillerai pas davantage, ce n’est pas essentiel).

Par simplification, quand je dirais “le premier”, il s’agira du joueur qui aura joué la plus haute mise, et ainsi de suite.
A = le premier peut placer son pion sur la case noblesse, le second sur la case clergé du conseil. À ce stade, pas d’autre effet, mais on y reviendra.
B / D / F = ces actions correspondent toujours à l’une des 3 guildes.
Le premier va pouvoir : placer son pion au conseil sur la guilde correspondante, prendre une marchandise correspondante, et placer un pion sur une case vide de la guilde dans la ville en payant le coup de la case.
Ex : si c’est la guilde des tisserands :
-
je place mon pion sur le siège du conseil des tisserands

-
je prends une marchandise tissu

-
je place mon pion sur une maison rouge libre de mon choix en payant son coût (ici 4 pièces)

Le deuxième va faire la même chose, sauf qu’il ne se placera pas au conseil.
Le troisième aura le choix entre placer un pion dans la ville, ou prendre une marchandise.
À noter qu’on ne pourra miser que 3 fois sur chaque guilde tout au long de la partie ! Il ne faut donc pas se rater par rapport à ses objectifs s’ils sont liés à une guilde spécifique.
C / E = marchand
Le premier peut vendre autant de marchandises qu’il le souhaite. Chaque type de marchandise a une valeur (plus une marchandise est chère, plus les emplacements correspondant dans la ville le sont également). C’est le seul moyen de gagner de l’argent pendant la partie !
G = déplacer un pion
Alors ça c’est une nouveauté de Valencia qui remplace une 3ème action marchand dans Strasbourg.
Le joueur qui remporte la mise peut déplacer un de ses pions vers une case vide adjacente de la ville sans rien avoir à payer. Et ça, ça va changer beaucoup de choses ! J’y reviendrai quand je comparerai les 2 versions.
H = planter un palmier (construire une église)
On ne mise pas sur cette action, c’est le joueur dont le pion se trouve sur la case clergé du conseil qui va l’accomplir.
Il place un palmier sur un des buissons. En fin de partie, les pions adjacent à un palmier rapportent 1 PV supplémentaire chacun.
I = construire une fontaine (un bâtiment)
Idem, ici c’est le joueur qui a un pion sur la noblesse qui va la réaliser.
Il pose la fontaine de la manche courante sur l’un des emplacements de la ville.
En fin de partie, les pions adjacents orthogonalement à une fontaine rapporte les PV de la fontaine.
Nouveauté : les fontaines ont des effets qui s’appliquent lorsqu’on pose un pion à côté !
Fin de partie
En cours de partie, on aura gagné des PV selon nos pions posés au conseil.
On y ajoute :
- 1 PV par pion en ville
- 1 PV par pion adjacent à un palmier (église)
- X PV par pion adjacent orthogonalement à une fontaine (bâtiment) selon la valeur en PV de la fontaine
- X PV par objectif réalisé, -X PV par objectif non réalisé
- (1 PV par privilège restant)
Qu’est-ce qui change ?
Graphismes
Commençons par l’éléphant au milieu de la pièce : graphiquement, c’est le grand écart.
Strasbourg était très austère, Valencia est plus… disons… vivant. On adhère ou pas au style de The Mico.

Je trouve néanmoins qu’on y perd un peu en visibilité sur le plateau. Peut-être une question d’habitude.
Mais les couleurs des différentes guildes me semblaient tout de même plus facilement identifiables :

Plateau modulaire
Valencia propose un plateau modulaire à constituer en début de partie.

Dans Strasbourg, toutes les cases d’une même guilde sont adjacentes, ce ne sera plus le cas de Valencia.
Je n’ai pas assez d’expérience pour évaluer l’intérêt de ce changement, ni quelles seront ses conséquences. Je mets néanmoins une pièce sur le fait que ça ne va pas avoir tellement d’incidence sur la fameuse “rejouabilité”, même si on voudrait nous le faire croire.
L’action G : déplacer un pion
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour quelqu’un qui connaît Strasbourg ça veut dire beaucoup.
Cette action G, qui remplace la 3ème action marchand, permet de déplacer un pion dans la ville vers une case libre adjacente sans en payer le coût.
Clairement cela va beaucoup faciliter le jeu !
Strasbourg est très tendu sur les objectifs : s’il faut placer 3 pions sur des cases d’une certaine guilde, il ne faut rater aucune des enchères pour cette guilde, et avoir les finances adéquates.
Dans Valencia, ce sera plus facile, puisqu’il sera toujours possible, en remportant cette enchère, de déplacer un pion déjà posé. Potentiellement, on pourra même le déplacer d’une case peu chère (guilde des oranges (?) (bretzel) vers une guilde plus chère (céramique (armure)).
Nouveaux objectifs
Valencia ajoute 10 nouvelles cartes objectifs aux 25 déjà présentes dans Strasbourg.
Ce qui me pose problème, c’est que certains objectifs rapportent des PV selon certaines conditions, et non s’ils sont accomplis. Il n’est donc tout simplement pas possible de les rater et de perdre des PV ! Cela va tout de même beaucoup faciliter le choix des objectifs en début de partie. Dans Strasbourg, il faut bien choisir et prendre des risques pour éviter les malus. Dans Valencia, il y a des objectifs où il n’y a même pas de question à se poser : autant le garder puisque dans tous les cas je vais marquer quelques PV bonus !
Quelques exemples :


Pour moi, ces nouveaux objectifs amènent certes des choses intéressantes, mais malheureusement ils dénaturent le cœur du jeu.
À noter que dans Strasbourg, rater un objectif te fait perdre 3 PV. Dans Valencia, tu perds maintenant les PV que tu aurais pu gagner avec la carte. Pourquoi se risquerait-on à sélectionner les objectifs les plus compliqués quand à côté de ça tu as ces nouveaux objectifs très simples à réaliser et sans contrepartie ?
Variante : cartes de mises avancées
Le jeu propose une variante avec des cartes de mises avancées numérotées de 0 à 7 à utiliser à la place des cartes de base.
La plupart de ces cartes ont des effets qui s’appliquent en fonction des autres cartes jouées.
Exemples :
- Le 0 vaut +2 pour chaque 6 joué par un autre joueur lors de cette mise
- Les 1 permettent de gagner 1 ou 2 pièces lorsqu’ils sont misés
- Si je joue les 2 cartes de valeur 2 lors d’une même mise, elles valent 6 plutôt que 4
- Le 7 vaut 5 si quelqu’un a misé un 0
Ce module peut accentuer le “mind game” mais je crains aussi qu’il n’amène du chaos dans un jeu qui n’en a pas besoin car il est déjà assez tendu en l’état.
Mode 2 joueurs
Le jeu d’origine n’est pas prévu pour 2 joueurs (c’est 3 minimum). Valencia propose une face du plateau dédiée au jeu à 2. Malgré tout, cela se joue avec un 3ème joueur fictif. Les parties à 3 étant clairement moins bonnes qu’à 4 ou 5, car moins tendues, ce n’est pas ce mode 2 joueurs qui va en faire un meilleur jeu à 2 ! (surtout que plusieurs joueurs ont déjà proposé des variantes pour 2 joueurs sur BGG à base de joueur fictif)
Je suis un peu déçu par cette proposition dont j’espérais beaucoup.
Divers changements
- Au milieu du plateau, il y a un grand espace pour une fontaine qui offre 8 espaces d’adjacence (contre 4 pour les autres).
- Il y a 10 fontaines, contre 5 bâtiments dans Strasbourg : donc on pourra avoir des parties avec davantage de fontaine à faible valeur (réduisant l’importance de s’y positionner). Cela me paraît assez anecdotique.
- Certaines fontaines ont des effets qui s’activent lorsqu’on pose un pion adjacent : vendre une marchandise, reprendre une carte de mise, déplacer un palmier… Pourquoi pas !
Bilan
Finalement, cette nouvelle édition ne va pas révolutionner le jeu pour ceux qui connaissent déjà Strasbourg.
J’ai l’impression qu’il va surtout assouplir le jeu d’origine : possibilité de déplacer ses pions pour faciliter la réalisation de certains objectifs, nouveaux objectifs qu’on ne peut pas échouer, pouvoir sur certaines fontaines… Personnellement je pense que c’est un peu dommage, mais ça ne va pas non plus avoir un impact énorme sur le jeu.
En conclusion, je dirais :
- Je ne connais pas Strasbourg mais tu m’as trop donné envie de le découvrir : partez sur l’une ou l’autre version mais seulement si vous pouvez y jouer à 4 ou 5 joueurs (mais il est probable qu’il soit plus facile de se procurer Valencia)
- Je possède Strasbourg et je l’apprécie en l’état : je ne vois pas trop l’intérêt de changer de version (surtout que la nouvelle boîte sera bien plus volumineuse)
- Je connais Strasbourg et je déteste ce jeu : ce n’est pas cette nouvelle édition qui va y changer quoi que ce soit !

