[Desperados of Dice Town][Dice Town][Ghost Stories][Mr. Jack]
Comme c’est mon deuxième article sur Tric Trac et que je ne l’avais pas fait la première fois, je vais me présenter un petit peu plus. Alors, de mon vrai nom Pierre Lechevalier, je suis illustrateur spécialisé dans le jeu de société et je signe sous le nom de Pierô ou Pierô La lune. J’ai illustré une grosse trentaine de jeux et extensions dont les plus connus sont Mr. Jack, Ghost stories et Dice Town.
Mis à part pour Mr. Jack dont les crayonnés ont été fait à la main sur du vrai papier d’arbre, je bosse à 100% en numérique sur une tablette graphique et sous Painter. Depuis trois ans, je travaille à l’atelier Gottferdom dans le sud de la France qui est un endroit où s’enferment des dessinateurs de BD (mais pas que, la preuve) et des scénaristes pendant de longues heures et à peu près 7 jours sur 7 et c’est là aussi que se trouve la rédaction du « Lanfeust Mag » des éditions Soleil/Delcourt (C’est aussi pour ça que, si vous le lisez, vous découvrirez un papier mensuel sur le coup de cœur du mois en jeux de soc signé par un certain Pierô).
En dehors du taff, je joue, beaucoup et je me jette d’avions en marche avec un sac à dos.
Aujourd’hui (ou dans bientôt de pas longtemps), sort un nouveau Dice Town. Oui oui, un nouveau Dice Town ! Pas une extension ! Un nouveau jeu dans l’univers de Dice Town. Du coup, hop !! Ca donne l’occasion de faire un petit article sur la conception de l’univers graphique du jeu et ça va me permettre de faire un petit retour sur ce bon vieux Dice Town qui date de 2008 (quand même !!) et c’est chouette car je n’avais jamais eu l’occasion de le faire depuis.
Alors, je vais être obligé de parler un peu de « Dice Town » avant d’aborder le sujet « Desperados » pour la simple et bonne raison qu’il fallait que je colle au style graphique du jeu original. Le problème ? Ben le jeu date de 2008 et, mine de rien, ben ça a forcément un petit peu vieilli ! (Beaucoup ? J’en entends qui disent beaucoup ? Montrez vous !)
Ce n’est pas la première fois que je remettais les pieds à Dice Town. En 2010 sortait l’extension et de fait, il fallait que les illus’ soient vraiment dans la veine du jeu d’origine. Pour m’y contraindre à l’époque, je m’étais forcé à faire une couv’ qui était le prolongement de la boite d’origine. Idée qui m’a fait rire au départ mais qui aura été une galère sans nom et que personne n’aura vu au final (si vous voyez les deux boites côte à côte dans votre boutique préférée, c’est un signe que j’y étais juste avant vousJ)
Alors ne me faîtes pas dire ce que je ne pense pas… Ou du moins, pas vraiment. J’assume encore assez bien Dice Town ! Evidemment, en tant que gribouilleux, on aimerait toujours tout refaire après quelques années… Mais je pense qu’on avait trouvé le bon « ton » pour ce jeu qui s’adresse à un public assez familial et qui est « fun » avant tout. Mais c’est vrai que, quand Hicham m’annonce « Desperados » comme un « spin off », je lui demande dans quelle mesure on peut changer ou faire évoluer le style. « Pas trop quand même » aura été la réponse… Oui, Hicham n’est pas toujours loquace.
Comme Monsieur Phal vous l’a expliqué dans son article, dans ce jeu, vous êtes à la tête d’un gang que vous allez devoir sortir de prison. Il y a 4 gangs composés de 5 membres. Normalement, je commence par la couv’ du jeu mais là, ça n’était pas pratique car je devais trouver des têtes avant tout pour savoir qui je dessinerai dessus.
C’est là que le premier problème s’est posé. Les cartes « despérados » sont doubles faces. « Emprisonné » et « libéré ». Ma première idée était de faire des portraits assez serrés sur le personnage et le changement d’une face à l’autre serait dans l’expression, la couleur et le fond. Un choix paresseux ?.. HmmmMMm… Je ne vais pas m’étendre ici mais pour résumer, je me suis fait repéré et ça n’a pas convaincu. Cependant, ça n’était pas « que » de la paresse car j’y voyais un bon moyen de faire des portraits plus précis, plus ressemblants… Moins de costumes, moins de décors…
(Pour ceux qui le connaissent, c’est Christophe Arleston (le scénariste de Lanfeust de Troy) qui m’a servi de Modèle
Du coup, on est partis dans l’idée de faire des plans américains et de varier la pause et l’expression du personnage d’une face à l’autre tout en gardant une base commune bien visible pour que les joueurs s’y retrouvent.
Chaque membre de gang devait être identifié par une icône qui lui était propre. Du coup, il fallait trouver un « patern » commun aux quatre gangs qui posait un double problème. Les icônes devaient s’identifier très facilement sur un dé et devaient aussi rappeler à tout moment à quel perso (et donc, sa valeur) l’icône se rattache. Du coup, nous ne pouvions pas faire un simple combo « couteau-pistolet-fusil à canon scié- double colts et winchester » car sur le dé, elles auraient été trop « proches » en petit.
Alors voilà, on est parti sur un petit malin fourbe, une grosse brutasse, d’un truand au couteau, de la demoiselle et du boss. On voulait faire un gang que de filles mais ça marchait pas trop et le gang indien ne marchait pas du tout avec les icônes des dés.
Il fallait aussi que les gangs aient une identité bien marquée et qu’elle se voit visuellement. Du coup, autant en prison on a gardé le même décor et le même cadrage, autant on a fait quatre décors aux couleurs bien différentes pour la version libérée. Bon, après, prenez en compte que bon… Ben, dans le far west… Ben… Y a des cailloux… Des déserts… Des broussailles… Pis des déserts… fin… Heureusement, on a eu l’idée du saloon !
Je ne sais pas bien faire court… Mais je sais reconnaître quand ça risque de faire vraiment très très long. Donc je vais vous épargner la prise de tête absolument horrible de la maquette de la version « emprisonné ». Clous, pas clous (oui oui, c’est censé être des clous). Maquette en bois, en fer ? Dans quel sens on tourne ? Une petite vingtaine de versions ont vu le jour…
Les cartes actions, il n’y a pas grand chose à dire. L’idée était de garder l’esprit des cartes du General store du jeu d’origine. Les plus observateurs verront le recyclage honteux de mon fond « saloon » des premières cartes ainsi qu’un bout du plateau. On verra aussi le mineur, le maire de la ville, le shériff… Bref, autant de petits clins d’œil au jeu original que j’aurais eu plaisir à retrouver.
Je me permets juste de vous montrer le dos de carte… C’est ce qu’on a fait en dernier. J’aurais la bonne foi et l’objectivité de dire que nous étions vachement en retard et que bien évidemment, je n’y étais pour rien… En plus de la fatigue, on saturait pas mal et il faut reconnaître qu’on séchait un peu. Du coup, voilà, il y a eu cette première étape… Epurée j’ai envie de dire… Puis, celle ci ou il y avait une touche… « En plus »… Pis cette dernière pour laquelle je m’étais vraiment arraché… Que je trouvais parfaite… Le refus m’a beaucoup beaucoup peiné.
Bon bon… Là, on avoisine les trois pages… On peux pas dire que je sache faire conscis. Mais puis je vraiment vous laisser sans parler de la couv’. Parce que la couv’, c’est important quand même ! Alors, il y a eu peu de propositions de faite pour celui là. On s’était bien brieffé au tel avec Hicham et on voulait éviter qu’elle soit trop proche de Dice Town d’origine. Le jeu est un peu plus « action » aussi. Du coup, une proposition à la Sergio Leone et une vraiment orientée « Gun fight ». Mais dans le thème du western, il y a « bang !» et je pense que cette dernière se rapprochait plus de ce mécanisme.
On est partis donc sur la version très western Spaghetti qui marchait bien vu qu’un des gangs, celui en imperméable est une hommage très direct au début d’il était une fois dans l’ouest.
Le dessin est vite tombé au propre et mis à part un personnage qui penchait dangereusement du côté où il allait tomber, on est vite partis sur un rough couleurs. Et là encore, c’est allé très vite… Deux questions se sont posées : « nuages? » (j’aime bien faire les nuages) et « quelle couleur pour le perso en avant plan ? ».
Voilà mes propositions à Hicham et ses réponses (il me corrigera peut être J) :
Moi : « les nuages, c’est cool, c’est gracieux, pis comme ça, c’est un hommage à cette magnifique couv’ que je t’ai fait pour River Dragons »
Hicham : « Pierô, les nuages, c’est pour pas mettre de soleil donc pas mettre d’ombres portées… Les ombres portées c’est gracieux… »
Moi : « Pour le perso au premier plan, Il faut hiérarchiser les plans dans une image, donc mettre un bel aplat bleu sombre sur le perso du premier plan sans travailler les dégradés. Cela permettra une meilleure lecture du fond et un meilleur impact pour l’image. »
Hicham : « … Oui, clairement, dans la hiérarchie de l’image, c’est pas faux. »
Moi : « Sérieux ? C’est vrai ? »
Hicham : « Non, fais ton taff. »
Bah, on peut pas me reprocher d’avoir essayé !
Ecrire ce petit article me replonge un peu dans le travail que j’ai fait et dans l’ambiance dans laquelle on était… Et y a pas à tortiller… Je me dois de remercier Hicham pour sa patience sans limite. Il a eu le gribouilleux le plus guigneux de la planète. Une tablette graphique qui rend l’âme, un ordi qui décide de tirer sa révérence… Le tout en plein bouclage, c’était somptueux.
Pour ceux qui ont eu la flemme de lire cet article (je les comprends) mais qui ont eu le courage d’aller jusqu’en bas de la page (pour lire les commentaires :))… Je me suis amusé à faire une petite vidéo pour vous montrer en détail comment je travaillais. Comme je ne pouvais le faire sur des illus’ déjà faîtes et que c’était samedi matin, je me suis fait plaisir. Je suis partis de zéro et je me suis fait la tronche à Phal. La vidéo est accélérée en x8. Je ne l’ai pas montée, il y a juste 2 coupures “clopes/café” que je vous ai coupé parce que ça fait déjà 13 min
► Pour voir la vidéo dans la TT Tv, cliquez ici !
Bon, Phal, c’est facile à dessiner… C’est de la barbe et de la méchanceté dans le regard… Voilà le résultat final.
Voili voilou… J’espère que la lecture de cet article vous aura plu… Si vous êtes allés jusque là, bravo ! Si vous voulez suivre mes humeurs et les dessins en cours, allez cliquer sur “j’aime” sur ma page pro Facebook… Promis, je vous y épargne les photos de mon fils et de parachute !
« Desperados of Dice Town »
Un jeu de Bruno Cathala, Ludovic Maublanc
Illustré par Piérô La lune
Publié chez Matagot
2 à 4 joueurs
à partir de 8 ans
Langue des règles: France
Durée: 25 minutes
Prix: 20 €