Un plateau étrangement désert, aux confins du royaume, au-dessus duquel flottent de mystérieux îlots de roche, suspendus dans l’air cristallin. Et soudain, là, se distinguent les premiers bâtiments, construits par les colons nous ayant précédé, afin de préparer le terrain. Voici une terre neuve, un monde à bâtir, afin de combler les volontés du Roi Eternel pour… qui… que… heu… c’est vrai ça, au fait, pourquoi on est là ?
Au commencement, il n'y avait rien (Jours 1 et 2)
Ou presque, puisque seuls quelques bâtiments indispensables ont déjà été construits. De quoi faire quelques actions où nous poserons nos ouvriers pour engranger des points, marquer des objectifs, ou encore acquérir quelques cartes. Bref, de quoi démarrer sur ces terres vierges, avec juste le nécessaire que le Roi Éternel a jugé bon de nous mettre en place. Nous voilà donc à débarquer sur cette Terra Ludica pouvant accueillir de 2 à 6 colons, à nous approprier qui une petite ferme, qui une petite mine, qui quelques stères de bois...
Les grands espaces aussi vierges que mon signe astrologique.
Et très vite des lois, que d'aucuns appellent règles, viennent rythmer nos vies. Nos petites journées se voient donc régies par des récoltes de ressources, qui seront soit envoyées sur le continent, de quoi confirmer notre installation avec succès (des points de victoire) ou améliorer notre renommée, soit utilisées pour construire de nouveaux bâtiments. C'est là que se révèlent les pouvoirs mystiques de la Charterstone. Il suffit d'aller se recueillir auprès de la pierre, et par la magie de l'esprit du Jamey Stegmaier, des caisses laissées de nos bâtiments construits surgissent moult nouveautés. De nouveaux plans de bâtiments, tout d'abord, histoire de transformer des trucs en machins, des sous ou des points de victoire ; mais également des assistants, d'autres envoyés du continent, sous forme de cartes, venus ici nous permettre de rentabiliser telle ou telle action, enrichissant notre grand recueil de règles et histoires autocollantes, rendant chaque fois notre aventure plus multiple, passionnante, unique.
Seul petit bémol ? Il nous faut parfois prendre quelques minutes pour tergiverser sur les nouvelles règles, pas forcément toujours d'une clarté brillante, afin de nous assurer les avoir bien comprises. Mais cet écueil est, heureusement, indiqué au début du livret. Il faut prendre quelques minutes pour modifier son schéma de pensée.
Notre livret de règles, aux éléments autocollés de diverses cartes, recelant encore quelques mystères.
Et alors que notre village commence doucement à sortir de terre, la journée touche à sa fin. Nos pions d'influence, nous permettant d'agir sur notre Nouveau Monde, sont en effet bien limités, et presque, pour le moment, impossible à récupérer une fois utilisés dans nos actions de la journée. Nous partons de presque rien, alors pensez bien, bâtir un monde, c'est épuisant ! Après deux jours d'efforts, nous trouvons tout de même la force de nommer nos quartiers, à l'encre indélébile. Chaque jour, acte après acte, ce monde est un peu plus nôtre. En fin de journée, nous collectons les trésors récoltés, fruits de notre dur labeur. Nous marquons nos succès, améliorons nos capacités, afin de conserver, d'un jour sur l'autre, plus d'or, de ressources, de connaissances... Nous apprenons même de nouveaux métiers, rentabilisant mieux nos futurs jours grâce à une spécialisation dans telle ressource, une bonification de tel échange, une amélioration de telle action, personnelle à chaque joueur.
Le quartier de Flying Pumpkins, proche d'un autocollant mal collé qui rend notre plateau encore plus unique.
Le Roi a ses raisons (Jours 3 et 4)
En ce troisième jour, le Roi revient à nous. Maintenant que nous avons pu commencer à nous installer, ce dernier va nous demander de remplir quelques menus objectifs. Rien qui ne modifie vraiment nos habitudes, il nous faut construire des bâtiments ou envoyer des ressources au Roi. A la fin de la journée, il ne restera qu'à gratter l'argenterie mystérieuse du Roi, et choisir quelles seront les conséquences de nos actes, en fonction de notre résolution positive ou non de l'objectif royal. Le roi, alors fâché ou heureux d'avoir vu sa requête exécutée ou non, nous enverra de nouvelles règles, de nouveaux bonus ou de nouvelles restrictions.
Une fois un bâtiment construit, il lâche une caisse (en haut à gauche)
Combinés à notre développement personnel (nouveaux bâtiments, nouvelles caisses ouvertes avec la Charterstone), voilà que notre village se garnit de divers choix d'utilisations de ressources. Déjà des stratégies, des chemins vers la réussite et l'approbation royale commencent à se dessiner. Des stratégies que l'on crée tantôt juste pour soit, tantôt pour tous. De cruels dilemmes se posent parfois à nous : vaut-il mieux courir aux points de victoire, et écourter notre journée, ou prendre le temps de développer le village, qui est encore à ses balbutiements de terrassement, au risque de voir une stratégie plus lente nous faire manquer le coche ce jour-ci ? Et après tout, est-ce si grave ? Une journée où notre mérite commerçant ne l'emporte pas est une journée qui nous permettra de mieux nous préparer à la suite. Toute défaite se compense en nous équipant mieux afin de démarrer le lendemain avec plus de matériel que notre voisin, trop occupé à se pavaner dans sa gloire.
Wilmonce et toutes ses casquettes.
C'est alors qu'un moyen, bien qu'encore à ses prémices, apparait afin de nous faire lutter, amis constructeurs, contre les coureurs de points. Notre village de meeples ouvriers et de cartes assistant se peuple désormais également de complices. Ces ouvriers particuliers agissent en douce dans notre quartier, se glissant partout où il faut, bonifiant leurs actions par des bonus variés. Notre village personnel s'est alors retrouvé infesté de chats rapportant ronrons et points de victoire, ainsi que d'une armée de chefs cuistots, dont la tambouille roborative participe à la récupération de jetons d'influence. Outil principal de résolution des grosses actions les plus juteuses, les jetons d'influence récupérés nous permettent de rallonger le nombre d'actions entreprises par jour. Ainsi, nous avons plus de temps pour nous développer, maintenant que nous avons une plus grande maîtrise de notre environnement, et de notre village, à qui nous avons enfin offert un nom.
Mais cette maîtrise serait-elle éphémère, simple impression qui se révélerait vite voile d'illusion masquant de plus grands périls ? En effet, des dangers recouvrent peu à peu à notre village, s'insinuant entre les rues, menaçant notre santé, la salubrité de nos bâtiments, ou encore la bonne tenue de nos ressources. Nous ne savons pas encore de quoi il retourne, mais cela fait froid dans le dos. D'autant qu'il nous est devenu impossible de fuir : le roi, dont nous commençons à découvrir les terribles secrets entourant son immortalité, a jeté sur notre village un sort. Nous sommes enfermés par une barrière invisible, nous empêchant de repartir, tel un Dôme de Stephen King, les aliens en moins (spoil à mort).
Élévation et Mécanisation (Jour 5, 6, 7...)
Bien des choses nous restent encore à explorer.
Nous n'avons encore eu l'occasion d'accueillir de troisième colon, voir de quatrième ou plus encore, dans notre jeune village. Sauront-ils bien s'acclimater ?
Nous n'avons pas non plus essayé la légion d'automates que nous a livré le roi. Ils somnolent dans un hangar, attendant d'être sortis de leur sommeil de fer. Comment pourvoiront-ils au bien-être des quartiers les moins développés ?
Quelques pages de notre livre de règles restent encore vierges. Quelles embûches impossibles ou élévations stratégiques couvriront bientôt ces insondables béances de mystères ?
Quand et comment se déclenchent les kubenbois de danger pastels ?
Quels assistants, amis, ou complices, bâtiments possibles et caisses à notre disposition sont encore à découvrir ?
Que nous réservent les nouveaux caprices du roi, comme sur la discrimination d'hauteur de nos meeples ? Que nous cache-t-il sur le secret de l'immortalité ? Cela a-t-il un rapport avec les îles volantes et la modularité qu'elles vont nous apporter ?
Jesse et James captureront-ils Pikachu ?
Florilège de questions qui restent encore en suspend, et que nous allons, pour sûr, étudier de près lors de nos prochains jours de jeu (du moins presque toutes). Et il se pourrait bien que l'un de ces jours soit retransmis prochainement en TTTV. Quoiqu'il en soit, notre village a planté en quelques jours des bases solides. Il s'apprête maintenant à s'élever, dans l'expérience étrange et plaisante du kubipoussage évolutif.
Journal Intime
Charterstone s’annonce comme un jeu de gestion Legacy… très bien ! Vérifions le bien fondé de cette assertion :
- Jeu de gestion, il l’est ! Agréable qui plus est, que ce soit dans ses mécanismes allant crescendo (les premières parties sont toutes simples mais permettent de se consacrer à la lecture attentive de nos découvertes) tout autant que dans son matériel et ses illustrations pour qui aime les jeux de ce type.
- Jeu Legacy, il l’est tout autant ! Les parties s’enchaînent et le plateau se recouvre d’autocollants, des cartes sont grattées, des boites sont ouvertes et découvrent du nouveau matériel, de nouvelles règles en même temps que l’histoire se dévoile et se construit. Chaque joueur a sa petite boite à lui, gardant l’héritage, dans son contenu comme dans son extérieur, de son histoire personnel avec le jeu.
Tout ceci donne un sentiment très agréable, « ludique » de fait, d’en même temps, jouer, gérer, et décider du destin de notre quartier, de notre village tout en découvrant la proposition, l’histoire et l’univers dans lesquels Jamey Stegmaier nous emporte.
Alors soit, un peu « à l’ancienne », viennent percer quelques pensées qui nous font dire que tout aurait pu être fait autrement : les autocollants auraient pu être des jetons dont on garde l’emplacement sur un plan pour « enregistrer » la fin de partie. Les cartes à gratter auraient pu être recto verso, ou dédoublées, pour, à la fin de l’Histoire, repartir à zéro et recommencer une partie à moindre coût (économique et écologie)… Bref, il aurait pu en être autrement, et le prix moins élevé et la rejouabilité plus grande... C'est tout-à-fait vrai ! Mais le plaisir de la surprise et surtout de l'implication dans la partie en auraient aussi été autrement. Cela me fait penser aux Kinders : Sans l’aspect définitif de l’ouverture accompagnée de la petite excitation de la surprise... aurait-on acheté le chocolat ? ou le jouet en plastique ?
L'aventure de Charterstone est unique parce qu'elle a été voulue comme telle, et justement pas autrement ! La proposition de Stegmaier et de Matagot pour les joueurs qui y sont sensibles et voudront en goûter les plaisirs a clairement le mérite d'exister. Pour ceux qui ne "mangent pas de ce plateau-là", réjouissez-vous, il y a plein d'autres jeux de gestion extra, sans Legacy... ou d'autre Legacy sans gestion... ou d'autres activités sans jeux ! Allez, je vous laisse, j'ai des pâtisseries à la citrouille que mes chats finissent d'emballer avant de les envoyer au Roi !
Cet article a été écrit à quatre mains par Monsieur Guillaume et Winzenschtark
Aucun autocollant n'a été maltraité pour la réalisation de cet article,
à l'exception de celui du tableau des besoins, pour lequel Monsieur Guillaume s'excuse avec un sourire coquin.